Cour d'appel de Nancy, 5ème chambre, 18 octobre 2017, n° 16/01949

  • Communication de documents ou accès aux informations·
  • Caractère vraisemblable de l'atteinte aux droits·
  • Mesures provisoires ou conservatoires·
  • Trouble manifestement illicite·
  • Atteinte au nom commercial·
  • Atteinte au nom de domaine·
  • Usage à titre d'enseigne·
  • Concurrence parasitaire·
  • Interdiction provisoire·
  • Atteinte à l'enseigne

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, 5e ch., 18 oct. 2017, n° 16/01949
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 16/01949
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nancy, 20 juin 2016, N° 16/00129
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Nancy, 21 juin 2016, 2016/00129
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : L'ENTRECÔTE ; L'ENTRECOTE ; L'ENTRECOTE RESTAURANTS
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 4124984 ; 1561935 ; 1604993 ; 3043334 ; 4090091 ; 4124975
Classification internationale des marques : CL35 ; CL42 ; CL43
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Référence INPI : M20170414
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE NANCY ARRÊT N° /17 DU 18 octobre 2017

CINQUIÈME CHAMBRE COMMERCIALE

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/01949 Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé du Président du Tribunal de Grande Instance de NANCY, R.G. n° 16/00129, en date du 21 juin 2016,

APPELANTE : SARL L’ENTRECOTE STANISLAS, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social […] 54000 NANCY inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Nancy sous le numéro 813 722 196 représentée par Me Joëlle FONTAINE de l’AARPI MILLOT-LOGIER FONTAINE, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE : SAS E GESTION TAJPA, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié […] 31000 TOULOUSE, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de TOULOUSE sous le numéro 533 538 898 représentée par Me Alexandra CHAMPY, avocat au barreau de NANCY plaidant par Me Michel A substitué par Me Marie L, avocats au barreau de PARIS.

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 905 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 06 septembre 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de Chambre chargée du rapport et Monsieur C S, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de Chambre, Monsieur Claude SOIN, Conseiller, Monsieur Yannick BRISQUET Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL;

À l’issue des débats, la Présidente a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2017, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; signé par Mme Isabelle DIEPENBROEK Présidente et par M. Ali Adjal, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES En 1959, M. Paul G de Saurs ouvrait le premier restaurant 'L’Entrecôte’ à Paris. L’enseigne était par la suite développée en province par son fils.

La société Entrecôte Gestion Tajpa exploite les restaurants à l’enseigne 'L’Entrecôte’ de Bordeaux, Toulouse, Lyon, Montpellier et Nantes.

Elle est titulaire de plusieurs marques françaises comportant le terme 'L’Entrecôte’ déposées en classe 43 (service de restauration).

Elle est titulaire de la marque française verbale L’Entrecôte n°14 4 124 984, déposée le 10 octobre 2014 ainsi que des marques françaises suivantes :

- n° 1561935, déposée le 8 mars 1979,
- n° 1604993, déposée le 22 mai 1989,
- n° 3043334, déposée le 27 juillet 2000,
- n° 14 4 090 091, déposée le 12 mai 2014,
- n° 14 4 124 975, déposée le 10 octobre 2014.

La société Entrecôte Gestion Tajpa est également titulaire du nom de domaine entrecote.fr réservé depuis le 10 avril 2000 et exploité pour présenter ses restaurants et de droits privatifs sur le nom commercial et l’enseigne «L’Entrecôte» depuis 1966.

La SARL L’Entrecôte Stanislas exploite depuis le 1er décembre 2015 un restaurant à l’enseigne 'L'E Stanislas à Nancy.

Prétendant que la SARL L’Entrecôte Stanislas utiliserait sa marque mais aurait aussi repris son concept et qu’une atteinte serait portée à ses droits antérieurs, la société Entrecôte Gestion Tajpa l’a fait citer en référé devant le président du tribunal de grande instance de Nancy, au visa des articles L.716-6 et R.716-1 du code de la propriété intellectuelle aux fins de lui voir interdire, sous astreinte, d’exploiter

directement ou indirectement la dénomination 'L’Entrecôte’ ou tout autre signe identique ou similaire à ses marques, à son nom commercial ou à son nom de domaine, pour des produits identiques ou similaires, interdire l’usage des termes 'sauce maison top secrète ou fameuse saucé, ordonner la communication de tous documents relatifs à l’utilisation de la marque l’entrecôte Stanislas ainsi qu’à lui payer différents montants à titre provisionnel.

Par ordonnance en date 21 juin 2016, le juge des référés a accueilli partiellement cette demande et a :

- interdit à la société L’Entrecôte Stanislas toute utilisation directement ou indirectement par toute personne physique ou morale et sous quelque forme que ce soit de la dénomination «L’Entrecôte» ou de tout autre signe identique ou similaire pour des produits identiques ou similaires à ceux des marques n° 1561935, 1604993, 3043334, 144090091, 144124975 et 144124984 dont la société Entrecôte Gestion Tajpa est titulaire et à ses nom commercial et enseigne «L’Entrecôte», à son nom de domaine entrecote.fr ou pour toute activité identique ou similaire à celle développée par cette dernière à quelque titre que ce soit et sur tout support, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée passé un délai de 30 jours à compter de la signification de la présente ordonnance et pendant une durée de deux mois,
- ordonné à la société L’Entrecôte Stanislas la communication à la société Entrecôte Gestion Tajpa de tout document relatif à l’usage de la dénomination L’E Stanislas auprès des fournisseurs et à la promotion du restaurant L’Entrecôte Stanislas auprès du public, ainsi que le chiffre d’affaires relatif au restaurant L’Entrecôte Stanislas et à la marge sur coût variable, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance,
- dit que le contentieux de l’astreinte sera soumis au juge des référés,
- condamné la société L’Entrecôte Stanislas à payer à la société Entrecôte Gestion Tajpa la somme de 5000 euros à titre de provision à valoir sur le préjudice résultant de la contrefaçon des marques L’Entrecôte,
- condamné la société L’Entrecôte Stanislas à payer à la société Entrecôte Gestion Tajpa la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge a relevé que selon constat d’huissier du 14 décembre 2015, la SARL L’Entrecôte Stanislas proposait un menu unique composé d’une salade verte aux noix, d’un faux-filet de bœuf accompagné de sa sauce maison top secrète et de frites maison et

qu’elle exploitait deux pages Facebook pour présenter son activité de restauration identique à celle de la société Entrecôte Gestion Tajpa, que de surcroît dans un article paru dans le quotidien l’Est républicain le 11 décembre 2015, le gérant de la SARL L’Entrecôte Stanislas indiquait avoir repris un concept inventé dans les années 1950 par le Chef G de Saure, qu’enfin les signes 'Entrecôte Stanislas apparaissent similaires tant sur le plan visuel que phonique aux marques dont est titulaire la société Entrecôte Gestion Tajpa et en a déduit qu’il existait un risque certain de confusion pour la clientèle au regard de la notoriété et de l’antériorité des marques de la société Entrecôte Gestion Tajpa, risque confirmé par les commentaires laissés par les clients sur les pages Facebook du restaurant et en a déduit que la vraisemblance de la contrefaçon était établie.

La SARL L’Entrecôte Stanislas a interjeté appel de cette ordonnance le 5 juillet 2016.

Par conclusions du 24 janvier 2017, elle en demande la réformation en toutes ses dispositions et conclut au débouté de la société Entrecôte Gestion Tajpa, au rejet de son appel incident et sollicite sa condamnation au paiement d’une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que le premier juge a pris en compte des actes susceptibles de relever de la qualification de concurrence déloyale qui ne peuvent être poursuivis en vertu de l’article L.716-6 précité et pour le surplus, considère qu’aucune vraisemblance de contrefaçon, laquelle suppose un risque de confusion, n’est caractérisée en raison de l’absence de caractère distinctif de la marque.

Elle fait valoir que le seul point commun est l’usage du terme descriptif et générique 'l’entrecôte', qui désigne le produit commercialisé, alors que les marques déposées par l’intimée sont complexes et utilisent les couleurs jaunes et noires, qu’il n’y a ni reproduction à l’identique ni similitude en l’absence de marque suffisamment distinctive pour être protégée et relève que de nombreux restaurants de France utilisent le terme 'entrecôte’ dans leur dénomination.

Elle ajoute que le risque de confusion se mesure à l’aune de la notoriété. Or la marque dont est titulaire la société Entrecôte Gestion Tajpa ne serait pas aussi notoire qu’elle le prétend, soulignant que l’intimée n’exploite aucun restaurant dans la région Grand Est, le premier restaurant étant situé à 400 km et que la remarque d’un internaute 'on dirait les mêmes qu’à Paris’ ne permet pas de caractériser une confusion puisque la société Entrecôte Gestion Tajpa n’exploite pas de restaurant à Paris.

Subsidiairement, elle conteste l’existence d’un préjudice pour ces mêmes motifs.

Elle estime enfin que le président ne pouvait ordonner la communication de documents notamment comptables, cette possibilité n’étant prévue qu’en cas de saisie par l’article L. 716-16 du code de la propriété intellectuelle.

Enfin dès réception de la mise en demeure délivrée par l’intimée, elle a pris les mesures nécessaires pour éviter tout risque de confusion en modifiant sa carte et en indiquant sur ses pages Facebook qu’elle était étrangère aux restaurants 'L’Entrecôte'. Elle estime que la procédure initiée par la société Entrecôte Gestion Tajpa est manifestement abusive.

Par conclusions transmises le 7 octobre 2016, la société Entrecôte Gestion Tajpa demande à la cour de confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a :

— fixé à la somme de 5.000 euros le montant de la provision due par la société

L’E Stanislas au titre de la contrefaçon,
- rejeté la demande de provision de la société Entrecôte Gestion Tajpa au titre de l’atteinte à ses nom commercial, enseigne et nom de domaine,
- rejeté sans motivation les demandes d’interdiction et de provision de la société Entrecôte Gestion Tajpa au titre de la concurrence parasitaire,
- et statuant à nouveau, de :

- dire et juger que la société L’Entrecôte Stanislas est irrecevable en ses demandes formées pour la première fois en appel sur l’incompétence du juge des référés pour statuer sur les actes de concurrence déloyale au vu de l’article 74 du code de procédure civile et sur la demande de procédure abusive ;

- dire et juger que la société L’Entrecôte Stanislas est mal fondée en ses entières demandes, fins et conclusions ;

- interdire à la société L’Entrecôte Stanislas l’usage des termes «sauce maison top secrète» ou «fameuse sauce» qui font référence à la fameuse sauce secrète de la société Entrecôte Gestion Tajpa ;

— condamner la société L’Entrecôte Stanislas à payer à la société Entrecôte Gestion Tajpa la somme de 12 500 euros à titre d’indemnité provisionnelle complémentaire au titre du préjudice moral en réparation des actes de contrefaçon de marque ;

- condamner la société L’Entrecôte Stanislas à payer à la société Entrecôte Gestion Tajpa une redevance de 5 % de son chiffres d’affaires à titre d’indemnité provisionnelle complémentaire au titre du préjudice économique en réparation des actes en contrefaçon de marques sur le fondement de l’article L.716-14, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle ;

- condamner la société L’Entrecôte Stanislas à payer à la société Entrecôte Gestion Tajpa la somme de 10 000 euros à titre d’indemnité provisionnelle en réparation de l’atteinte à son nom commercial, son enseigne et son nom de domaine ;

- condamner la société L’Entrecôte Stanislas à payer à la société Entrecôte Gestion Tajpa la somme de 10 000 euros à titre d’indemnité provisionnelle en réparation du préjudice lié aux actes de concurrence parasitaire.

Pour le surplus,

— liquider les astreintes prononcées par l’ordonnance de référé du Président du tribunal de grande instance de Nancy du 21 juin 2016 à hauteur de 39 000 euros ;

- condamner la société L’Entrecôte Stanislas à verser la somme complémentaire de 10 000 euros à la société Entrecôte Gestion Tajpa au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle considère que la vraisemblance de la contrefaçon est suffisamment démontrée, l’appelante utilisant, dans la vie des affaires, le signe 'entrecôte Stanislas’ qui est fortement similaire aux marques de la société Entrecôte Gestion Tajpa et qui désigne un service de restauration, puisqu’il s’agit de la dénomination commerciale de son restaurant.

Elle estime que le risque de confusion est réel dès lors que visuellement la dénomination reprend à l’identique et en position d’attaque l’intégralité de l’élément verbal distinctif des marques de l’intimée, l’adjonction du nom 'Stanislas’ qui renvoie à une localisation géographique n’étant pas distinctive. En outre, conceptuellement, les signes évoquent le même morceau de viande.

Le risque de confusion est renforcé par les déclarations du gérant faites à la presse qui se réfèrent expressément au concept du

restaurant au menu unique et par l’ancienneté et la notoriété des restaurants 'l’Entrecôte’ qui sont, au niveau national, de véritables institutions ainsi que par le fait que la société Entrecôte Gestion Tajpa est titulaire d’une série de marques dans lesquelles figurent le signe 'l’entrecôte'.

L’intimée fait valoir que le juge des référés n’a pas compétence pour apprécier la validité de la marque alléguée, laquelle s’apprécie au jour de son dépôt, mais qu’il doit seulement vérifier qu’il n’existe pas de nullité manifeste rendant peu vraisemblable l’atteinte aux droits protégés. Elle relève que toutes les marques qu’elle a déposées pour désigner des services de restauration sont composées de l’élément verbal 'l’entrecôte', lequel, s’il désigne une pièce de viande, n’est pas pour autant un terme générique pour désigner un restaurant.

Le fait que la société Entrecôte Gestion Tajpa n’exploite pas de restaurant en Lorraine est sans emport, en vertu du principe de territorialité. Il n’est par ailleurs pas démontré que cette marque aurait été utilisée par d’autres restaurants avant son dépôt. Subsidiairement, le caractère distinctif du signe a été acquis par l’usage et la notoriété des marques 'l’entrecôte'.

L’ordonnance devra également être confirmée en ce qu’elle a fait interdiction à l’appelante d’utiliser la dénomination 'l’entrecôte’ en faisant référence au nom commercial, à l’enseigne et au nom de domaine appartenant à la société la société Entrecôte Gestion Tajpa cette mesure étant destinée, conformément à l’article 809 du code de procédure civile, à faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de ces actes de concurrence déloyale.

L’intimée demande à la cour de dire que la SARL L’Entrecôte Stanislas est irrecevable à soulever l’incompétence du juge des référés pour connaître des actes de concurrence déloyale et des actes parasitaires qui lui sont reprochés, dans la mesure où d’une part, il s’agit d’une demande nouvelle en cause d’appel et où d’autre part, elle ne désigne pas le juge qui serait compétent.

En tout état de cause, cette exception est mal fondée dès lors que le juge des référés compétent pour les actes de contrefaçon de marque est également compétent pour connaître des actes de concurrence déloyale connexes conformément à l’article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle, la demande étant de surcroît fondée sur les articles 809 du code de procédure civile et 1240 du code civil.

L’ordonnance devra donc être confirmée en ce qui concerne les mesures d’interdiction et de communication ordonnées, ces dernières étant fondées sur l’article L.716-7-1 du code de la propriété intellectuelle, elle sera en revanche infirmée en ce qu’elle a limité à 5 000 euros

la provision allouée et en ce qu’elle a rejeté sans motivation les demandes au titre de la concurrence déloyale et des agissements parasitaires. L’intimée indique qu’elle ne peut chiffrer précisément son préjudice en l’absence des éléments relatifs au chiffre d’affaires réalisés par la SARL L’Entrecôte Stanislas.

Elle considère enfin que, par l’effet dévolutif de l’appel, la cour a compétence pour liquider l’astreinte ordonnée par le juge des référés qui s’est réservé la liquidation.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 8 mars 2017.

MOTIFS

Par conclusions du 13 mars 2017, l’appelante demande que soit écartées les conclusions de l’intimée notifiées le 7 mars 2017, veille de la clôture, ainsi que les pièces complémentaires y annexées n° 3.1 bis, 3.15 bis, 3.19, 5.1, 5.3, 5.4.

Il convient de constater que, le 25 janvier 2017, les parties ont été dûment avisées, conformément à l’article 761 du code de procédure civile, du renvoi de l’affaire à l’audience du 8 mars 2017 pour le prononcé de l’ordonnance de clôture.

Les conclusions et pièces notifiées tardivement par l’intimée, le 7 mars 2017, veille du prononcé de l’ordonnance de clôture, doivent par conséquent être écartées des débats, dès lors qu’elles ont été déposées en méconnaissance du principe du contradictoire, l’appelante n’ayant en effet pas été mise en mesure d’y répondre.

Sur la contrefaçon de marque

Conformément à l’article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle, le juge des référés saisi en matière de contrefaçon de marque ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente.

Le juge des référés n’a pas le pouvoir d’apprécier la validité de la marque ou la régularité du dépôt, sauf à constater l’existence d’éléments de nature à accréditer une nullité manifeste qui rendrait peu vraisemblable la contrefaçon alléguée.

En l’espèce, c’est vainement que la société L’Entrecôte Stanislas invoque l’absence de caractère distinctif de la marque au motif que le

terme 'entrecôte serait un nom commun désignant un produit commercialisé par l’intimée, alors que, si ce terme désigne en effet communément une pièce de boucherie, il n’a pas pour autant vocation à désigner de manière générique un service de restauration.

Le caractère distinctif de la marque n’apparaît dans ces conditions pas sérieusement contestable.

De la même manière, l’appelante ne démontre pas que la marque 'l’entrecôte aurait été utilisé par d’autres restaurants antérieurement à son dépôt par la société Entrecôte Gestion Tajpa.

Ainsi que l’a exactement relevé le premier juge, il existe en l’espèce une similitude tant sur le plan visuel que phonétique entre les marques dont est titulaire la société Entrecôte Gestion Tajpa, dans lesquelles l’élément verbal commun à toutes est prépondérant, et la dénomination commerciale de l’appelante, le terme 'entrecôte’ étant en effet repris à l’identique pour désigner un service de restauration. L’adjonction du nom 'Stanislas, qui fait référence au nom de la rue dans laquelle est situé le restaurant ainsi qu’à la proximité de la place du même nom est insuffisant à écarter toute similitude dès lors que l’élément dominant dans la dénomination du restaurant est le terme Entrecôte.

C’est également à bon droit que le premier juge a considéré que le risque de confusion dans l’esprit du public constitué en l’espèce par la clientèle habituelle des restaurants était suffisamment caractérisé, au regard de l’ancienneté et de la notoriété de la marque, que l’appelante peut difficilement contester alors que dans la presse locale, elle indiquait expressément s’être inspirée du concept de menu unique autour d’une pièce de viande créé dans les années 1950 par le chef G de Saurs, faisant fureur à Nantes, Bordeaux, Toulouse, Marseille, Paris et même New York.

L’argument tiré du fait que la société Entrecôte Gestion Tajpa n’exploite aucun restaurant dans la région Grand Est est sans emport au regard du principe de territorialité, en vertu duquel la marque est protégée sur tout le territoire national.

Le risque de confusion subsiste, quand bien même l’appelante proposerait-elle désormais une carte plus variée, dès lors qu’il résulte de ses propres pièces qu’elle continue à proposer un menu composé d’une salade verte aux noix, d’un faux-filet de bœuf accompagné de sa sauce maison et de pommes allumettes maison, similaire à celui qui a fait la renommée de la marque.

La vraisemblance de la contrefaçon et de l’atteinte aux droits de la société Entrecôte Gestion Tajpa étant suffisamment caractérisée,

l’ordonnance entreprise doit donc être confirmée en ce qu’elle a fait interdiction à la société L’Entrecôte Stanislas d’utiliser directement ou indirectement par toute personne physique ou morale et sous quelque forme que ce soit la dénomination « L’Entrecôte » ou tout autre signe identique ou similaire pour des produits identiques ou similaires à ceux des marques dont la société Entrecôte Gestion Tajpa est titulaire.

La décision entreprise sera également confirmée en ce qu’elle a alloué à la société Entrecôte Gestion Tajpa une provision de 5 000 euros à valoir sur le préjudice moral résultant de l’atteinte portée à son droit de propriété intellectuelle, la contrefaçon induisant nécessairement un tel préjudice.

En revanche, la demande formée au titre du préjudice économique, qui n’est étayée par aucun élément de preuve suffisamment probant sera rejetée, ce préjudice étant sérieusement contestable.

Sur les actes de concurrence déloyale et agissements parasitaires

L’appelante soutient que le juge des référés n’avait pas compétence en vertu de l’article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle pour ordonner des mesures destinées à mettre fin à des actes relevant de la concurrence déloyale ou parasitaire.

Il convient de relever que, contrairement à ce qui est soutenu par l’intimée, la société L’Entrecôte Stanislas ne soulève pas une exception d’incompétence, aucune demande en ce sens ne figurant dans le dispositif des conclusions, mais soulève un moyen de défense tiré des pouvoirs attribués par ce texte au juge des référés. Les moyens nouveaux sont recevables en cause d’appel.

Si les pouvoirs dévolus au juge des référés en vertu de l’article L. 716- 6 du code de la propriété intellectuelle ne concernent que l’action en contrefaçon, le titulaire d’une marque renommée peut toutefois invoquer également les dispositions de l’article 809 du code de procédure civile en vue de faire cesser un trouble manifestement illicite ou de prévenir un dommage imminent que lui causerait une atteinte à sa marque, résultant notamment d’actes de concurrence déloyale ou d’agissements parasitaires.

En l’espèce, en première instance comme à hauteur de cour, la société Entrecôte Gestion Tajpa fonde sa demande à ce titre sur les dispositions des articles 809 du code de procédure civile et 1382, ancien, du code civil désormais 1240.

Elle invoque au titre de la concurrence déloyale, l’atteinte portée à son nom commercial ainsi qu’à son nom de domaine et au titre de la

concurrence parasitaire, la référence faite à sa fameuse sauce secrète'.

L’atteinte portée au nom commercial et à l’enseigne de l’intimée ainsi qu’au nom de domaine entrecote.fr est caractérisée par l’utilisation par la société L’Entrecôte Stanislas de la dénomination 'l’Entrecôte', notamment sur ses pages 'Facebook'. Une telle atteinte caractérise un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser. Les interdictions prononcées par le premier juge devront par conséquent être confirmées.

Le préjudice allégué dont il n’est pas démontré qu’il soit distinct de celui résultant des actes contrefaisants est sérieusement contestable. C’est donc à bon droit que le juge des référés a rejeté la demande de provision de ce chef.

S’agissant de la demande d’interdiction de l’usage des mentions 'sauce maison top secrète’ ou 'fameuse sauce’ par référence à la fameuse sauce secrète de la société Entrecôte Gestion Tajpa, l’appelante indique utiliser désormais les termes 'sauce maison', ce dont elle justifie par une photographie du menu affiché (pièce n°25).

L’existence d’un trouble manifestement illicite s’appréciant à la date à laquelle le juge statue, il convient de constater que la société Entrecôte Gestion Tajpa ne démontre pas que la société L’Entrecôte Stanislas persisterait à utiliser les mentions critiquées. Ses demandes au titre des agissements parasitaires seront donc rejetées.

Sur la demande de communication de documents comptables

La possibilité pour le juge des référés, saisi en matière de contrefaçon, d’ordonner, le cas échéant sous astreinte, la communication de documents devant permettre une évaluation du préjudice, est expressément prévue par l’article L.716-7-1 du code de la propriété intellectuelle. La société L’Entrecôte Stanislas n’invoquant aucun empêchement légitime susceptible de faire obstacle à une telle mesure, l’ordonnance entreprise sera donc confirmée de ce chef.

Sur la liquidation de l’astreinte

Les parties ont été invitées par la cour, lors des débats, à s’expliquer sur la recevabilité de cette demande formée à hauteur de cour, en l’absence de toute demande formée devant le premier juge. La société Entrecôte Gestion Tajpa a maintenu l’argumentation développée dans ses conclusions aux termes de laquelle la cour aurait le pouvoir de se prononcer sur cette demande en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, dès lors que le premier juge s’est réservé le contentieux de l’astreinte.

La référence faite par l’appelante à un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 20 octobre 2015, pourvoi n° 14- 10.725 n’est pas pertinente dès lors qu’en l’espèce, le conseil de prud’hommes avait été saisi d’une demande de liquidation de l’astreinte fixée par le bureau de conciliation, demande sur laquelle il avait omis de statuer.

L’effet dévolutif de l’appel qui a pour effet d’attribuer à la cour la connaissance du litige soumis au juge de première instance ne peut avoir pour effet de soumettre au juge du second degré une demande de liquidation d’astreinte qui n’a pas été présentée au juge de première instance quand bien même ce dernier se serait-il réservé le contentieux de la liquidation de l’astreinte, sauf à faire échec au principe du double degré de juridiction.

La demande sera donc déclarée irrecevable.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive, les dépens et les frais irrépétibles

La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société L’Entrecôte Stanislas est recevable en appel, s’agissant d’une demande reconventionnelle. Cette demande est toutefois mal fondée puisque la demande de la société Entrecôte Gestion Tajpa est partiellement accueillie. L’appelante en sera donc déboutée.

La société L’Entrecôte Stanislas, qui succombe en son appel, supportera la charge des dépens d’appel et ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Il sera en revanche alloué à la société Entrecôte Gestion Tajpa une indemnité de procédure de 2 000 euros sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant, par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ECARTE des débats les conclusions notifiées par Me Champy le 7 mars 2017, ainsi que les pièces complémentaires y annexées n° 3.1 bis, 3.15 bis, 3.19, 5.1, 5.3, 5.4 ; CONFIRME l’ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Nancy en date du 21 juin 2016 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉCLARE la demande de liquidation de l’astreinte irrecevable comme nouvelle en cause d’appel ;

DÉCLARE la demande de dommages et intérêts de la société L’Entrecôte Stanislas recevable mais mal fondée ;

DÉBOUTE la société L’Entrecôte Stanislas de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE la SARL L’Entrecôte Stanislas aux entiers dépens d’appel, avec distraction au profit de Me Alexandra Champy conformément à l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à la SAS Entrecôte Gestion Tajpa une indemnité de procédure d’un montant de 2 000 € (deux milles euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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Cour d'appel de Nancy, 5ème chambre, 18 octobre 2017, n° 16/01949