Cour d'appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, 10 mars 2021, n° 20/00973

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 4e ch. com., 10 mars 2021, n° 20/00973
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 20/00973
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nîmes, 24 février 2020, N° 2019F489
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

N° RG 20/00973

N° Portalis DBVH-V-B7E-HV4X

JNG-NT

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

25 février 2020

RG:2019F489

Y

C/

X

MINISTÈRE PUBLIC

Grosse délivrée

le 10/03/2021

à Me VAJOU

à Me GOUIN

+ notification à M. Y

+ copies à

Me X

Directeur des Finances Publiques d’Ardèche

Ministère Public

COUR D’APPEL DE NÎMES

4e CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 10 MARS 2021

APPELANT :

Monsieur B Y

né le […] à EPINAL

[…]

30760 SAINT-X-DE-PEYROLAS

Représenté par Me D-François GIUDICELLI de la SELARL CABINET GIUDICELLI, Plaidant, avocat au barreau D’AVIGNON

Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Maître D X, Mandataire Judiciaire auprès de la Cour d’Appel de NIMES, pris en sa qualité de Liquidateur Judiciaire de la SAS TRANSAC LANGUEDOC PROVENCE, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de NIMES du 20 Mars 2018.

[…]

[…]

Représenté par Me Stéphane GOUIN de la SCP LOBIER & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

MINISTÈRE PUBLIC

Représenté par Madame la procureure générale près la Cour d’appel de NIMES

[…]

[…]

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,

Monsieur Jean-Noël GAGNAUX, Conseiller,

Mme Corinne STRUNK, Conseillère,

GREFFIÈRE :

Mme Nathalie TAUVERON, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

MINISTÈRE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

DÉBATS :

à l’audience publique du 21 Janvier 2021, où l’affaire a été mise en délibéré au 03 Mars 2021 prorogé au 10 Mars 2021

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 10 Mars 2021, par mise à disposition au greffe de la Cour.

Vu l’appel interjeté le 16 mars 2020 par M. B Y à l’encontre du jugement rendu le par le tribunal de commerce de Nîmes dans l’instance n° 2019F 489.

Vu les dernières conclusions déposées le 15 juillet 2020 par l’appelant M. B Y et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions déposées le 30 juillet 2020 par Maître D X es qualités intimé et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu l’ordonnance du 16 juin 2020 de clôture de procédure à effet différé au 14 janvier 2021.

Vu les conclusions du parquet général du 16 décembre 2020 notifiées le même jour aux parties constituées.

* * *

EXPOSÉ :

La S.a.s Transac Languedoc Provence, créée le 15 avril 2014 , exerçait l’activité d’intermédiaire de commerce, marchand de biens et promotion immobilière , son président étant M. B Y en détenant 60 % et son épouse 40 %, pour un capital social de 100 € .

Par jugement du 24 janvier 2018, le tribunal de commerce de Nîmes a placé la société en redressement judiciaire et désigné en qualité de mandataire judiciaire Maître D X.

Par jugement du 20 mars 2018, le tribunal de commerce de Nîmes a prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire et désigné en qualité de liquidateur judiciaire Maître D X.

Le 14/03/2019, Maître D X, es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.a.s Transac Languedoc Provence a fait assigner M. B Y devant le tribunal de commerce de Nîmes au visa de l’article L.651-2 du code de commerce en demandant sa condamnation à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actif soit la somme principale de 273.199,49 euros et le prononcé d’ une mesure de faillite personnelle pour une durée de quinze ans.

Par requête du 7 janvier 2019, le Procureur de la République a sollicité du président de la juridiction que Monsieur Y soit entendu aux fins de voir prononcer à son encontre une mesure de faillite personnelle pour une durée de 10 ans et une condamnation au comblement intégral de l’insuffisance d’actif.

Le juge commissaire le la liquidation judiciaire de la Sas Transac Languedoc Provence s’est dit favorable à ces demandes .

Le tribunal de commerce de Nîmes a jugé le 25 février 2020 :

'Le ministère public entendu en ses réquisitions,

Vu le rapport du juge commissaire,

Vu les articles L.651-2, et suivants du code de commerce ;

Constatant que Monsieur Y B a commis des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la S.a.s Transac Languedoc Provence ;

Condamne Monsieur Y B époux de Mme F G domicilié […] 30760 Saint-X-de-Peyrolas à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actifs de la S.a.s Transac Languedoc Provence ,

A ce titre, le condamne au paiement de la somme de 289.389,14 € (…) ainsi qu’aux entiers dépens.

En outre

Vu l’article L. 653-4 et 655- 5 du code de Commerce,prononce à son encontre une mesure de faillite personnelle pendant une durée de dix ans,

Dit qu’en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 et suivants du code du commerce, cette sanction fera l’objet d’une inscription au Fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce

Pour le surplus,

Déboute les parties de leurs demandes, fins et conclusions.

Condamne M. B Y à payer et à porter à Maître D X es qualité de Liquidateur. Judiciaire de S.a.s Transac Languedoc Provence la somme de 3.000€ (…) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.

Condamne Monsieur Y B aux dépens (…)

M. B Y – appelant- demande à la Cour au dispositif de ses dernières écritures :

' Vu l’article L651-2 du Code de commerce,

Vu les articles L653-1, L653-3, L653-4, L653-8 et L653-11 du Code de commerce,

Statuant sur l’appel formé par M. B Y , à l’encontre du jugement rendu le 25 février 2020 par le tribunal de commerce de Nîmes,

Le déclarant recevable et bien fondé, Y faisant droit,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

… [ ensemble du dispositif du jugement ]

— (…) Et statuant à nouveau,

Débouter Maître D X ès qualités de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions

plus amples ou contraires et de tout appel incident.

Condamner la S.a.s Transac Languedoc Provence à payer à Monsieur B Y la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Fixer cette somme au passif de la liquidation judiciaire de la S.a.s Transac Languedoc Provence

Condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Fixer cette somme au passif de la liquidation judiciaire de la S.a.s Transac Languedoc Provence'

L’appelant fait essentiellement valoir :

' qu’il est constant que la faute de gestion contribuant à l’insuffisance d’actif est avérée lorsque :

— d’une part, le dirigeant ne déclare pas la cessation des paiements dans les 45 jours comme l’impose l’article L640-4 du Code de Commerce,

— d’autre part, le dirigeant poursuit en conscience une activité déficitaire dans un intérêt personnel,

encore , le dirigeant utilise les biens de l’entreprise à des fins contraires à ses intérêts et s’abstient de tenir une comptabilité régulière et complète'

— sur le caractère tardif de la déclaration de cessation des paiements , que le liquidateur ' sous-entend ' qu’il ' n’aurait jamais pris les mesures qui s’imposaient à lui pour rétablir l’équilibre financier

de sa société ou du moins en limiter le passif', ce qui ne serait pas sérieux

— que ' lorsque la situation est obérée’ il sait prendre les mesures qui s’imposent et notamment solliciter l’ouverture d’une procédure collective.' ( rappel par lui du précédent de la direction antérieurement par les époux Y d’une société S.a.r.l Bvo Constructions placée en liquidation judiciaire et clôturée pour insuffisance d’actif ).

— que cette ' allégation fallacieuse’ est sans fondement , pour l’accuser ensuite d’avoir poursuivi une activité déficitaire dans un intérêt personnel

— que la seule accusation est que la créance auprès de l’URSSAF était ancienne et qu’aucune cotisation sociale n’aurait été payée depuis le 1 er trimestre.

— qu’ensuite, Maître D X soutient qu’il aurait aurait utilisé les biens de la société à des fins contraires à ses intérêts et aurait méconnu des règles importantes notamment en matière de législation fiscale , en créant le 31 octobre 2016 avec un tiers une société N & B Transactions ' dans le seul but de transférer l’activité de (…) au détriment de ses créanciers et en connaissance de sa situation irrémédiablement compromise.'

— qu’il n’avait pas personnellement de cette création à faire état plus de deux ans avant la présente procédure collective, et que l’identité d’activité et de siège social ' ne saurait suffire à démontrer quoi que ce soit.'

— que les propos en ce sens de Monsieur H I en 2018 émane d’un salarié en conflit avec la société pour un rappel de salaire de 2.485 € en 2016

— qu’il ' ne saurait être reproché à Monsieur B Y de s’être abstenu de faire état de la constitution de la S.a.s N & B Transactions étant donné qu’il n’en avait nullement l’obligation et que rien ne vient démontrer qu’il s’en serait effectivement abstenu.'

— que pour ' tromper la vigilance de la Cour ' Maître D X sous-entend qu’il ne serait pas ' à son premier coup d’essai étant donné qu’une précédente société créée par ce dernier aurait déjà été clôturée pour insuffisance d’actif' mais ' se garde bien de donner le montant du passif subsistant après les opérations de liquidation judiciaire ' de cette précédente société, la S.a.r.l Bvo Constructions.

— qu’il lui est reproché enfin de ne pas avoir tenu de comptabilité complète et régulière laquelle aurait donné lieu à un redressement fiscal de 29.206 € et de s’être abstenu ' de remettre aux organes de la procédure collective les éléments comptables afférents à la société sans toutefois le démontrer' alors qu’il a tout remis ' les éléments comptables en sa possession eu égard à l’activité restreinte enregistrée par la société'

— que ' si par extraordinaire, la Cour ne devait pas être convaincu par l’argumentation de Monsieur B Y, celui-ci gardera à l’esprit que l’appelant aurait uniquement fait preuve d’un manque de rigueur en matière de comptabilité'

— que ' ce manquement ne saurait à lui seul justifier tant une sanction civile pécuniaire', ( le paiement de l’insuffisance d’actif,) et ' une sanction civile non pécuniaire’ (la prononciation d’une faillite personnelle pour une durée de 10 ans)

' Qu’en effet, il vient d’être démontré que Monsieur B Y exerce d’une part, les fonctions de dirigeant dans une autre société laquelle s’avère en bonne santé financière et que d’autre part, dans le cadre de la clôture pour insuffisance de la société BVO CONSTRUCTION, le liquidateur judiciaire n’a nullement reproché à l’appelant une quelconque faute de gestion.'

Maître D X – intimé - es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.a.s Transac Languedoc Provence demande à la Cour au dispositif de ses dernières écritures :

'Vu l’article L 651-2 du Code de commerce

Débouter M. B Y de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions afférents à sa condamnation en responsabilité pour insuffisance d’actif de la Société Transac Languedoc Provence

En conséquence,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 25 Février 2020 qui a condamné M. B Y à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actif de la Société Transac Languedoc Provence ,soit la somme de 289.389,14 € sauf à préciser que cette condamnation doit être effectuée au profit de Maître D X es qualité de Liquidateur Judiciaire de la Société Transac Languedoc Provence .

Vu les articles L 653-1, L 653-4, L 653-5 et L 653-11 du Code de commerce

Débouter M. B Y de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions

afférents à sa faillite personnelle d’une durée de 10 ans.

En conséquence,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 25 Février 2020 qui a prononcé une faillite personnelle d’une durée de 10 ans contre M. B Y .

Vu l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner M. B Y à porter et payer à Maître D X es qualité de liquidateur judiciaire de la société S.a.s Transac Languedoc Provence la somme de 3.000 €.Le condamner aux entiers dépens.'

Le liquidateur fait essentiellement valoir :

' – que le 20 Octobre 2017 l’Urssaf a assigné en redressement judiciaire et par jugement du 24 Janvier 2018, le tribunal de commerce a ouvert une procédure en reportant d’emblée la date de cessation des paiements au 31 Juillet 2016 , avant prononcé de la liquidation judiciaire le 20 Mars 2018

— que le dirigeant n’a jamais saisi la juridiction d’une déclaration de cessation des paiements, fixée au 31 Juillet 2016 lors de l’ouverture de la procédure collective, alors qu’il connait par expérience antérieure alors récente ce type de problème et ses obligations

— que la procédure de vérification fiscale a mis en évidence l’ absence de comptabilité sur les exercices 2015, 2016 et 2017, ainsi qu’il résulte des documents à remettre au liquidateur établie au contradictoire de M. B Y le 29 mars 2018

— que le 31 octobre 2016, M. Y a créé une nouvelle société au même objet et a déclaré lors du prononcé de la liquidation judiciaire que la S.a.s Transac Languedoc Provence n’avait plus d’activité depuis un an

— qu’il n’a personnellement appris ce transfert d’activité vers cette nouvelle société que sur dénonciation d’un ancien salarié

— que la date de la cessation des paiements figure de façon définitive en 2018 dans le jugement déclaratif – 31 Juillet 2016 – et l’absence de déclaration de la cessation des paiements dans le délai de 45 jours est en soi une faute de gestion, en ce qu’elle constitue un manquement du dirigeant à ses obligations légales

(Cass. Com. 2 Nov. 2016 n°15-10.015).

— que la procédure collective est intervenue no nsur déclaration de cessation des paiements mais sur assignation de l’URSSAF le 20 Octobre 2017 , les cotisations sociales n’ont plus été payées à compter du 1er Trimestre 2016 et jusqu’au jugement déclaratif pour une créance de 47.598,07 € qui sera ensuite portée à 59.570 €

— que la faute de gestion contribuant à l’insuffisance d’actif est également avérée lorsque le chef d’entreprise poursuit en conscience une activité déficitaire dans un intérêt personnel

— que non seulement la société était de longue date en cessation des paiements, mais de surcroît déficitaire

de longue date

— qu’il y a bien détournement d’actif car le 31 Octobre 2016 le dirigeant a créé avec Monsieur J K N & B Transactions , constituée trois mois seulement avant l’état de cessation des paiements avec le même siège social et la même activité (pièces 1, 2, 5, 12 et 13).

— qu’il n’y a aucune logique entrepreneuriale à constituer une nouvelle société ayant la même activité et le même siège qu’une société existante

— que Maître X, es qualités, a été contraint de faire intervenir l’AGS pour une condamnation prud’hommale du 15 Septembre 2017 de 4.795,08 € pour défaut de paiement des salaires de Madame Z sur les mois d’Octobre, Novembre et Décembre 2016, indépendamment par ailleurs de la saisine du Conseil des Prud’Hommes par Monsieur H I pour un rappel de salaire de 2.485 € pour 2016

— que M. B Y était président des deux sociétés et a fait disparaitre l’intégralité des actifs de la S.a.s Transac Languedoc contraignant l’huissier de justice à dresser un procès-verbal de carence

— qu’il a transféré le principal client de la société (le constructeur ESQUISS) à sa nouvelle société avant de cesser toute activité de la société en liquidation , ce qui pourrait constituer un délit de banqueroute par détournement d’actif (Cass.Crim 17 Janv. 2018 n°16-87.135).

— que constitue surtout une faute de gestion ayant contribué à l’ insuffisance d’actif, au visa notamment des articles L 123-12 et suivants du Code de commerce, l’absence de comptabilité régulière ou une comptabilité incomplète, qui empêche notamment une juste vision financière de la société

— que la procédure de vérification fiscale de S.a.s Transac Languedoc Provence pour la période du 1er Janvier 2015 au 31 Décembre 2017 a mis en évidence l’absence de comptabilité

— que la mauvaise foi de M. B Y est manifeste, car il n’a remis aucun élément comptable à Maître X, qui a par télécopie du 29 Mars 2018 interrogé en vain le cabinet d’expertise comptable SLEJKO

— que le dirigeant n’a pas davantage communiqué d’éléments comptables à l’ administration fiscale et l’ inspecteur des finances publiques a dressé le 28 Février 2018, un procès-verbal contradictoire de défaut de présentation de comptabilité

— que la situation ainsi créée a été origine d’une taxation d’office pour l’impôt sur les sociétés 2016 et la TVA de Mars à Décembre 2017 , avec des sanctions lourdes

— que le passif de la société est de 289.389,14 € pour un actif inexistant, soit une insuffisance d’actif de 289.389,14 €

— que le retard dans la déclaration de cessation des paiements, l’absence de toute comptabilité pour gérer , le transfert des actifs et de l’activité du dirigeant à une société parasite a exclu toute alternative à la liquidation judiciaire

— que M. B Y a commis des faits sanctionnés par les articles L.653-1, L. 653-2, L. 653-4, L. 653-5 et L. 653-11 du Code de commerce car il est établi le détournement de l’actif social, le défaut de coopération du dirigeant avec les organes de la procédure collective

et I’absence totale de comptabilité sur les exercices 2015, 2016 et 2017.

Le Procureur Général en ses conclusions du 16 décembre 2020 concluant à la confirmation expose :

' Attendu qu’il y a lieu prononcer la confirmation par la Cour de la décision entreprise au vu des motifs pertinents des premiers juges, en ce que le comportement de l’appelant a caractérisé un ou plusieurs manquements prévus par l’ article L653-5 du code de commerce;

Que le requérant, fort d’une précédente procédure, n’a pas déclaré dans les 45 jours la cessation des paiements ;

Que l’absence de comptabilité, admise, sur plusieurs années caractérise le fait de 'ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation’ au moment où ils étaient nécessaires et imposées ;

Que le fait même que l’appelant ait poursuivi son activité jusqu’à son assignation par un créancier alors même qu’il avait conscience de la situation obérée de son entreprise établit la poursuite d’une activité déficitaire ;

Qu’au terme de l’article L.653-5 du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l’ article L.653-1 contre laquelle a été relevé l’un des faits ci-aprés:…"; que tel est bien le cas en l’espèce.

PAR CES MOTIFS :

Conclue à la confirmation par la Cour de la décision entreprise au vu des motifs pertinents des premiers juges.'

MOTIVATION :

Préliminaire

Il convient éliminer de rappeler les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile qui disposent notamment que

'Les conclusions d’appel (…) doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions(…).

Il faut souligner ici qu’il a été repris dans l’exposé des faits et des moyens des parties la quasi intégralité de l’argumentation de l’appelant , qui ne produit au soutien de son argumentation qu’une seule pièce : un extrait K bis de la S.a.s Transac Languedoc Provence.

Sur les fautes de gestion reprochées

L’Article L651-2 Code de Commerce ( Modifié par la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 – art. 146 ) dispose en son alinéa 1.

' Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois,en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée.'

1 / l’absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours et la poursuite d’une activité déficitaire

Le tribunal a retenu cette absence comme une faute de gestion.

M. B Y, en appel comme en première instance, énonce exclusivement qu’il aurait su faire face a ses responsabilités et procéder à une déclaration de cessation des paiements dans le passé pour une précédente société, liquidée avec clôture pour insuffisance d’actif.

Il ne dit mot par contre sur le fait qu’il n’a jamais procédé à une déclaration de cessation des paiements et que la procédure a été ouverte sur assignation URSSAF du 20 Octobre 2017.

Le délai de 45 jours est très largement dépassé puisque le 24 Janvier 2018 le tribunal de commerce a ouvert la procédure en reportant d’emblée au maximum légal de 18 mois la date de cessation des paiements au 31 Juillet 2016.

L’absence de déclaration de la cessation des paiements dans le délai de 45 jours est en soi une faute de gestion, en ce qu’elle constitue un manquement du dirigeant à ses obligations légales

Non seulement la société était de longue date en cessation des paiements, mais elle a aussi poursuivi une activité déficitaire : indépendamment de la dette URSSAF Malakoff, Mederic Retraite Agirc a déclaré une créance pour 32.793 € avec des impayés à compter de 2015 et 24.947,79 € exigibles au 24 Janvier 2018 alors que le pôle recouvrement spécialisé des finances publiques a déclaré une créance le 15 mars 2018 pour pour 142.382 € au titres d’impôts et cotisations impayés en 2015, 2016 et 2017

Entre la date de cessation des paiements et le prononcé du redressement judiciaire, le passif social et fiscal courant s’est accentué de plus de 93.903 € en raison des créances URSSAF 37.914 €, MALAKOFF 34.526 € , services fiscaux 13.890 €, AGS 7.572,04 €.

En outre, Maître X ès qualités a dû faire intervenir l’AGS en l’état d’une condamnation prud’homale du 15 septembre 2017 de 4.795 € pour défaut de paiement des salaires de Madame Z sur les mois d’octobre, novembre et décembre 2016 outre diverses indemnités : il a fait face aussi à une saisine du conseil des prud’hommes par un M. H I pour un rappel de salaire de 2.485 € pour la période du 14 juillet au 30 septembre 2016.

Il ne s’agit pas d’une ' simple négligence’ 'dans la gestion de la société' puisque la société avait cessé son activité un an auparavant et que le dirigeant avait décidé de consacrer tous ses efforts à une nouvelle société constituée par lui en concurrence de la S.a.s Transac Languedoc Provence .

Il y avait donc bien non seulement retard de déclaration de la cessation de paiement, mais d’un retard volontaire avec poursuite d’une activité déficitaire, ce qui a contribué à l’insuffisance d’actif .

Le tribunal à juste titre considéré qu’il s’agissait en ne déclarant par la cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours prévus à l’article L6 31 ' 4 du code de commerce d’une faute qu’il a qualifiée de ' faute manifeste de gestion'.

2/sur la faute résultant d’une comptabilité incomplète et irrégulière

M. B Y semble vouloir accréditer l’idée d’une simple négligence mais il est constant qu’ il s’agit pas d’une simple irrégularité ou caractère incomplet, mais de l’absence complète de comptabilité sur plusieurs années.

La preuve est rapportée de cette situation par la procédure de vérification fiscale qui a constaté pour une société créée en avril 2014 l’ absence de comptabilité sur les exercices 2015, 2016 et 2017 et les déclarations correspondantes dont la TVA.

Il s’agit d’une faute contraire aux obligations comptables des articles 123-23 et suivants du code de commerce et des obligations fiscales , qui sont essentielles pour un dirigeant d’une société commerciale, d’autant que l’absence de tels documents ne permet pas une véritable gestion de la société faute d’indicateurs de situation.

Il ne s’agit pas là encore d’une ' simple négligence’ 'dans la gestion de la société’ puisque cette situation excluait toute perspective de redressement de la société et a contribué à l’insuffisance d’actif par un redressement d’office et des pénalités fiscales.

Au-delà des constatations de l’administration fiscale, Maître D X es qualités a adressé le 24 janvier 2018 à M. B Y une liste de documents à rassembler pour le 1er février 2018, selon convocation impérative à peine d’information du procureur de la république. Il devait être, pour la comptabilité, remis des bilans 2015 à 2017. Monsieur Y s’est engagé par écrit à cette remise de la comptabilité mais n’y a pas donné suite. Ceci démontre l’absence de comptabilité antérieurement à l’ouverture de la liquidation judiciaire.

Cette faute ressort également du contrôle fiscal puisque le 28 février 2018 l’inspecteur des finances procédant au contrôle fiscal a établi un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité qui a été signé par M. B Y , qui a reconnu en avoir reçu l’original ' en main propre ' le 28 février 2018 : le document porte la mention ' aucune pièce justificative et comptable pour 2016 et 2017, pas de journaux auxiliaires, grand livre, balance générale pour 2015 2016 2017".

Cette faute a contribué à l’insuffisance d’actif : elle a été origine d’une taxation d’office pour l’impôt sur les sociétés 2016 et la TVA de Mars à Décembre 2017 , avec des sanctions lourdes : la procédure de vérification fiscale de S.a.s Transac Languedoc Provence pour la période du 1er Janvier 2015 au 31 Décembre 2017 a mis en évidence l’absence de comptabilité sur les exercices 2015, 2016 et 2017 ( défaut de présentation de comptabilité, défaut de présentation de pièces, documents ou justificatifs comptables pour les exercices 2016 et 2017, absence des journaux auxiliaires, grand livres, balances générales pour les années 2015, 2016 et 2017, absence de facture pour les ventes de véhicules à des particuliers ).

3/ sur le transfert d’activité à la nouvelle société de M. B Y

Le Tribunal a retenu qu’il existait un transfert d’activité constitutif d’un délit de banqueroute et constituant une nouvelle faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif par la création d’une société parallèle similaire N et B Transaction le 31 octobre 2016, et qui aurait induit le transfert du principal client .

Sur ce dernier point la faute de gestion n’est pas justifiée par la seule déclaration d’un ex- salarié en procès avec la S.a.s Transac Languedoc Provence, alors qu’il n’est pas suffisamment justifié du transfert du principal client.

Il n’y a pas lieu de retenir cette faute en l’état et le jugement sera réformé en sa motivation sur ce seul point, étant remarqué que les autres fautes caractérisées suffisent à justifier en son principe et ses conséquences sur l’insuffisance d’actif la responsabilité de Monsieur Y.

Sur l’insuffisance d’actif

L’insuffisance d’actif est, à défaut de tout actif, à hauteur même du passif , soit 289.389,14 € .

Sur la proportionnalité de la sanction financière

M. B Y est appelant sur ce point et ne formule aucune argumentation, ni justification de sa situation financière actuelle.

Il revendique seulement que sa nouvelle société , dont il est le dirigeant, ' s’avère en bonne santé financière'.

La gravité et la pluralité des fautes retenues à son encontre, le désintérêt manifeste porté à la société dont il était le dirigeant, qu’il n’a pas cherché à redresser, préférant consacrer son énergie à sa nouvelle structure justifient sa condamnation au comblement intégral de l’insuffisance d’actif.

Sur la demande en faillite personnelle

Le tribunal a retenu qu’il ressort des dispositions des articles L653-1, L653-2, L653-3, L653-4, L653-5 et

L653-11 du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant qui a fait des biens ou du crédit de l’entreprise visée par la procédure un usage contraire à l’intérêt de celle-ci pour favoriser une personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement, qui a détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif de la personne morale, qui s’est abstenu volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ou encore qui n’a pas tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables .

En l’espèce, seule l’absence de comptabilité est établie.

Sur le quantum de la sanction , il est opposé notamment à l’appelant tant par Maître D X que le ministère public d’avoir successivement été à l’origine de deux procédures collectives de redressement judiciaire qui ont été converties en liquidation judiciaire en moins de 10 ans et qui se sont terminées par une insuffisance d’actif.

Au vu de l’ensemble de ces éléments la durée de la faillite personnelle sera réduite à 8 ans.

Sur les frais et dépens

M. B A qui succombe sur son appel sera condamné aux entiers dépens et à payer à Maître D X es qualités de la liquidation judiciaire de la S.a.s Transac Languedoc Provence la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf sur la durée de la faillite personnelle et sauf à ajouter que la condamnation au au paiement de la somme de 289.389,14 € au titre du comblement intégral de l’insuffisance d’actif intervient au profit de Maître D X es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.a.s Transac Languedoc Provence,

Et statuant à nouveau du chef de la durée de la faillite personnelle,

Prononce à l’ encontre de Monsieur A une mesure de faillite personnelle pendant une durée de 8 ans,

Déboute M. B A de l’ensemble de ses prétentions

Condamne M. B A à payer à Maître D X es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.a.s Transac Languedoc Provence la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile , et aux entiers dépens .

Dit qu’en application de l’article R653-3 alinéa 2 du code du commerce, la présente décision sera signifiée à Monsieur Y dans les 15 jours de sa date à la diligence du greffe de la cour d’appel.

Dit qu’une copie de la présente décision sera adressée à Me X es qualités, au ministère public, au directeur départemental des Finances Publiques de l’Ardèche, conformément aux dispositions de l’article R.621-7 du code de commerce,

Dit qu’une copie de la présente décision sera transmise dans les huit jours de son prononcé au greffier du tribunal de commerce de Nîmes pour l’accomplissement des mesures de publicité prévues aux articles R621-8 et R.123-124 du code du commerce.

La minute du présent arrêt a été signée par Madame Christine Codol Présidente et par Madame Nathalie Tauveron, greffière présente lors de son prononcé.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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Cour d'appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, 10 mars 2021, n° 20/00973