Cour d'appel d'Orléans, 11 juin 2020, 19/017251

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Orléans, c1, 11 juin 2020, n° 19/01725
Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro(s) : 19/017251
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Orléans, 17 avril 2019
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042025168
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 11/06/2020

la SCP SCPA FRANCOIS TARDIVON

Me Estelle GARNIER

ARRÊT du : 11 JUIN 2020

No : 110 – 20

No RG 19/01725 – No Portalis

DBVN-V-B7D-F55T

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d’ORLEANS en date du 18 Avril 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265244605374810

SAS IGOL CENTRE

Prise en la personne de son représentant légal actuellement en exercice domicilié en cette qualité audit siège […]

[…]

Ayant pour avocat Me François TARDIVON, membre de la SCP SCPA FRANCOIS TARDIVON, avocat au barreau d’ORLEANS

D’UNE PART

INTIMÉS : – Timbre fiscal dématérialisé No: 1265238473213581

Madame L… G… épouse K… S…

née le […] à LONGJUMEAU (91160)

[…]

[…]

Ayant pour avocat Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d’ORLEANS

Maître B… O…

Pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur E… M… K… S… (liquidation judiciaire clôturée le 28 novembre 2018, avant l’introduction de l’instance d’appel), dont le siège social est situé […] , immatriculé au RCS d’ORLEANS sous le no501 845 085.

[…]

[…]

défaillant

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 13 Mai 2019

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 19 mars 2020

COMPOSITION DE LA COUR

L’audience du 09 avril 2020 n’a pu tenir compte tenu de l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi no2020-290 du 23 mars 2020. En application des dispositions de l’article 8 de l’ordonnance no2020-304 du 25 mars 2020 et après information des parties par le président de la chambre, la cour statue sans audience au vu des conclusions et des pièces transmises, après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel D’ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la Cour composée de:

Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt de défaut le 11 JUIN 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Selon acte sous seing privé du 28 mai 2015, la SAS Igol Centre (Igol) a conclu avec M. K… S… un accord commercial de partenariat aux termes duquel ladite société a accordé à son client garagiste automobile un crédit d’un montant de 32000 euros, remboursable sur 60 mois avec intérêts au taux nominal de 4 % l’an par compensation avec les ristournes consenties sur les lubrifiants achetés M. K… S… qui, en contrepartie de cette avance sur ristounes, s’est engagé à s’approvisionner régulièrement auprès de la société Igol, en lui achetant au minimum 1005 litres de lubrifiants par an pendant la durée du contrat, soit au moins 5025 litres au total.

Par acte sous seing privé du même jour, Mme L… G… s’est portée caution solidaire des engagements souscrits par son époux, pour une durée de cinq ans, dans la limite d’un montant de 41314,50euros couvrant le principal, les intérêts, les pénalités et autre accessoires.

Le 17 août 2016, le tribunal de commerce d’Orléans a ouvert à l’égard de M. K… S… une procédure de redressement judiciaire qui a été convertie le 10 mai 2017 en liquidation judiciaire.

Par jugement du 28 novembre 2018, le tribunal a clôturé la liquidation judiciaire de M. K… S… pour insuffisance d’actif.

La société Igol a déclaré au passif du redressement judiciaire de M. K… S… une créance de 61810,76euros qui, après contestation partielle du mandataire judiciaire, a été définitivement admise, à titre chirographaire, pour une somme totale de 37168,94euros, par décisions du juge-commissaire en date des 27 septembre et 22 novembre 2017.

Par courrier recommandé du 30 juin 2017, réceptionné le 1er juillet suivant, la société Igol a vainement mis en demeure Mme G… de lui régler la somme de 41314,50euros en sa qualité de caution, puis l’a fait assigner en paiement devant le tribunal de commerce d’Orléans par acte du 5 février 2018.

Par jugement du 18 avril 2019, en retenant que le cautionnement donné par Mme G… était de nature commerciale, que l’action de la société Igol a été introduite dans le délai de forclusion de l’article L. 311-37 ancien du code de la consommation applicable à la cause mais que ladite société ne prouvait se prévaloir de cet engagement, disproportionné aux biens et revenus de la caution, le tribunal a :

— rejeté l’exception d’incompétence soulevée par Mme G…

— dit l’action de la SAS Igol Centre recevable, non forclose et mal fondée

— débouté la SAS Igol Centre de ses demandes au titre de la disproportion

— débouté Mme G… de ses demandes envers Maître O…

— condamné à la SAS Igol Centre à payer à Mme G… la somme de 1000euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

— condamné la SAS Igol Centre aux entiers dépens

La société Igol a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 13 mai 2019, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause, hormis celui par lequel le tribunal de commerce s’est déclaré matériellement compétent pour connaître de ses demandes.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 17 mars 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses moyens, la société Igol demande à la cour de :

— réformer la décision entreprise en ce qu’elle a jugé manifestement disproportionné l’engagement de Madame G… épouse K… S…

Statuant à nouveau, dire et juger que cet engagement n’est nullement excessif et condamner Madame L… G… à lui payer la somme de 41314,50 euros en sa qualité de caution solidaire de Monsieur K… S…, avec intérêts de droit à compter du 30 juin 2017, date de la mise en demeure

— ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil

— confirmer le jugement entrepris pour le surplus

— condamner Madame L… G… épouse K… S… à lui payer la somme de 4000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

— la condamner également aux entiers dépens de première instance et d’appel

Au soutien de son appel, la société Igol commence par indiquer qu’en sa qualité de conjoint collaborateur, Mme G… avait un intérêt personnel dans l’affaire commerciale à l’occasion de laquelle elle s’est engagée, ce dont elle déduit que son cautionnement est de nature commerciale.

Soulignant qu’elle n’a fourni aucun service à l’intimée, qui ne saurait être considérée comme un consommateur alors que son engagement est commercial, la société Igol soutient ensuite que son action, qui n’est soumise ni au délai biennal de prescription de l’article L. 218-2 du code de la consommation, ni au délai biennal de forclusion de l’article R. 312-35 du même code, mais relève de la prescription quinquennale de droit commun, dont le cours a été interrompu le 4 octobre 2016 par sa déclaration de créance au passif de M. K… S…, est recevable.

Sur le fond, l’appelante fait valoir que contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges en omettant certains éléments factuels, le cautionnement de Mme G… ne peut être considéré comme manifestement disproportionné à ses revenus et à ses biens alors que la caution, mariée sous le régime de la communauté légale, disposait avec son époux, lors de la souscription de l’engagement litigieux, d’un patrimoine immobilier d’une valeur nette de 70000 euros, auquel il convient d’ajouter la valeur du fonds de commerce de son époux, acquis 90000 euros en 2008, les revenus que percevait la SCI propriétaire des murs du garage, à laquelle elle était associée, ainsi que les revenus que M. K… S… tirait de son activité.

La société assure enfin avoir satisfait à son obligation d’information envers la caution.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 mars 2020, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l’exposé détaillé de ses moyens, Mme G… demande à la cour de :

— déclarer l’appel de la société Igol Centre mal fondé et le rejeter,

— faire droit à son appel incident,

— infirmer le jugement du tribunal de commerce d’Orléans du 18 avril 2019 en ce que critiqué par elle,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

— déclarer l’action de la société Igol Centre forclose ou subsidiairement prescrite

Subsidiairement,

— confirmer le jugement du tribunal de commerce d’Orléans du 18 avril 2019 en ce qu’il a déclaré l’action de la SAS Igol Centre mal fondée et rejeté les demandes de ladite société

Très subsidiairement,

— déclarer la société Igol Centre déchue de tout droit à intérêt et dire et juger que les paiements effectués s’imputeront en priorité sur le capital prêté

En tout état de cause,

— débouter la société Igol Centre de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires

Ajoutant à la décision entreprise,

— condamner la société Igol Centre à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens d’appel, y compris ceux liés à la mise en cause de Maître O… ès qualités

— accorder à Maître Estelle Garnier le droit prévu à l’article 699 du code de procédure civile

Mme G… explique qu’elle n’occupait au garage automobile de son époux qu’une fonction subalterne consistant à accueillir les clients et commander les pièces, qu’elle n’effectuait aucune tâche comptable et que ni sa qualité de conjoint collaborateur non rémunéré, ni sa qualité d’associée au sein de la SCI propriétaire de l’immeuble dans lequel son époux exploitait son fonds de commerce ne peuvent suffire à lui conférer un intérêt personnel dans l’entreprise de son époux. Elle en déduit qu’elle a contracté avec la société Igol, non pas en qualité de commerçant, mais en qualité de consommateur, et que l’action en paiement engagée à son encontre doit donc être déclarée irrecevable comme «prescrite» en application de l’article R. 312-35 du code de la consommation, dès lors que l’appelante, qui l’a fait assigner le 5 février 2018, ne démontre pas que le premier incident de paiement non régularisé serait postérieur au 5 février 2016.

Subsidiairement, Mme G… soutient que les premiers juges ont justement retenu que l’engagement litigieux était manifestement disproportionné à ses biens et revenus et ajoute, à titre infiniment subsidiaire, que la société Igol qui ne justifie pas avoir satisfait à son obligation d’information à son égard devra en toute hypothèse être déchue de tout droit à intérêts.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 19 mars 2020, pour l’affaire être plaidée à l’audience du 9 avril 2020.

Compte tenu de l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi no 2020-290 du 23 mars 2020, l’audience du 9 avril 2020 n’a pu être tenue mais, conformément aux dispositions de l’article 8 de l’ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020, les parties ont été avisées par un courrier qui leur a été adressé le 1er avril 2020 que la cour envisageait que la procédure se déroule sans audience et, sans opposition de leur part, mais au contraire avec l’accord exprès des parties représentées, donné par courriers électroniques dès le 31 mars 2020, l’affaire a été mise en délibéré au 11 juin 2020.

SUR CE, LA COUR :

La cour observe à titre liminaire qu’à la date à laquelle la société Igol a régularisé sa déclaration d’appel et intimé Maître O… en sa prétendue qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de M. K… S… , la procédure de liquidation judiciaire était clôturée pour insuffisance d’actif depuis plusieurs mois, en sorte que le mandataire n’avait plus qualité pour représenter M. K… S….

Sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion ou de la prescription

La cour observe que Mme G… soutient que l’action en paiement de la société Igol serait prescrite en application de l’article R. 312-35 du code de la consommation qui instaure, non pas un délai de prescription, mais un délai de forclusion.

Etant si besoin rappelé que la prescription biennale de l’article L. 218-2 du code de la consommation ne peut être opposée par la caution au créancier professionnel qui ne lui a fourni aucun service (v. par ex. Civ. 1, 11 décembre 2019, no 18-16.147), l’article R. 312-35 du même code, dont se prévaut Mme G…, instaure quant à lui une règle de forclusion biennale qui s’applique aux actions en paiement diligentées à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur ayant souscrit un crédit à la consommation au sens du chapitre II du titre I du livre troisième du code de la consommation.

L’accord commercial de partenariat conclu entre la société Igol et M. K… S… constitue une opération de crédit mais, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, il s’agit d’une opération de crédit conclue à l’occasion et pour les besoins de l’activité professionnelle de M. K… S… , qui ne relève pas des règles applicables au crédit à la consommation, et notamment de l’ancien article L. 311-37 du code de la consommation, devenu l’article R. 312-35 du même code.

En toute hypothèse Mme G… ne peut opposer à la société Igol les exceptions purement personnelles au débiteur principal. Dès lors que l’action en paiement formée à son encontre est fondée sur le contrat de cautionnement conclu entre elle-même et la société commerciale Igol, cette action est soumise à la prescription quinquennale commune de l’article L. 110-4 du code de commerce.

L’engagement litigieux étant en date du 28 mai 2015, l’action en paiement introduite le 5 février 2018 est assurément recevable. C’est donc à raison que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir soulevée par la caution.

Sur la disproportion manifeste de l’engagement de caution

Selon l’article L. 341-4 du code de la consommation, devenu l’article L. 332-1 du même code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Au sens de ces dispositions, qui bénéficient tant aux cautions profanes qu’aux cautions averties, la disproportion s’apprécie à la date de conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l’engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution, en prenant en considération son endettement global, y compris celui résultant d’autres engagements de caution, dès lors que le créancier avait ou pouvait avoir connaissance de cet endettement.

C’est à la caution qui se prévaut des dispositions de l’article L. 332-1 de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle invoque.

Le code de la consommation n’impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement mais, s’il le fait, il est en droit de se fier aux renseignements communiqués par la caution, sauf existence d’anomalies apparentes.

Le créancier peut en outre démontrer que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où il l’a appelée en paiement.

En l’espèce, Mme G… s’est portée caution solidaire des engagements souscrits par son époux à l’égard de la société Igol, dans la limite d’une somme totale de 41314,50euros, et il est acquis aux débats que les époux G… K… S… , mariés sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts, avaient deux enfants à charge à l’époque de la souscription de l’engagement litigieux.

La disproportion manifeste de l’engagement de la caution commune en biens, comme Mme G…, s’apprécie par rapport aux biens et revenus de celle-ci, sans distinction et sans qu’il y ait lieu de tenir compte du consentement exprès du conjoint donné à l’article 1415 du code civil, qui détermine seulement le gage du créancier, de sorte que doivent être pris en considération tant les biens propres de la caution que les biens communs, incluant les revenus de son époux (v. par ex. Com. 6 juin 2018, no 16-26.182). La disproportion manifeste de l’engagement de Mme G… doit donc être appréciée à l’aune du patrimoine du ménage.

La société Igol verse aux débats deux fiches de renseignements que Mme G… ne conteste pas avoir signées, l’une établie à l’occasion d’un précédent concours financier, le 21 février 2013, l’autre établie le 28 avril 2015, au nom de M. K… S… , et dont il n’est communiqué que le recto.

Sur la fiche renseignée le 21 février 2013, produite dans son intégralité (recto et verso), Mme G… a déclaré être conjointe collaboratrice de son époux garagiste, ne percevoir aucune rémunération et être propriétaire, avec son époux commun en biens, d’une maison d’habitation évaluée à 150000euros, acquise au moyen d’une prêt souscrit auprès du CIC dont le montant restant à rembourser s’élevait à 130000euros.

Au regard de cette fiche, les premiers juges ont considéré que la valeur nette du patrimoine des époux G… K… S… devait être évaluée à 20000 euros.

Pour soutenir que cette analyse est erronée, l’appelante fait valoir que dans le questionnaire renseigné le 23 avril 2015, Mme G… a fait état, à titre de patrimoine, des bâtiments dans lesquels était exploité le garage automobile de son mari, estimés à une valeur de 190000 euros, ramenée à une valeur nette de 70000 euros déduction faite de «tout crédit ou garantie».

Mme G…, qui ne dénie pas sa signature sur ce questionnaire renseigné au nom de son époux, explique que cet immeuble à usage professionnel était la propriété d’une SCI dans laquelle elle était co-associée, à parts égales, avec son époux, que cette SCI, dénommée S…, avait souscrit un emprunt pour financer l’acquisition de cet immeuble, et qu’elle s’était, comme son époux, portée caution solidaire des engagements souscrits par cette SCI à hauteur de 180000euros.

Nonobstant les observations de l’intimée, la société Igol ne produit qu’une copie incomplète de ce questionnaire de 2015 renseigné au nom de M. K… S… . L’appelante ne communique en effet que le recto de ce document pourtant établi, sur le même modèle que celui de 2013, sur une page recto verso.

Alors que le verso du questionnaire utilisé par la société Igol était destiné à renseigner le «détail de la situation patrimoniale de la caution», et que l’on voit sur l’exemplaire de 2013 que, parmi ces détails, il était demandé à la caution de renseigner, pour chaque actif patrimonial, le montant des encours de prêt et garanties, la société Igol ne peut opposer à Mme G… les informations qui figurent sur le questionnaire de 2015 produit de manière, sinon tronquée, en tous cas assurément incomplète.

Dans ce document de 2015, la valeur de l’immeuble de la SCI est estimée à 190000euros et ramenée, on l’a dit, à une valeur «nette de tout crédit ou garantie» de 70000 euros.

Mme G… produit en pièce 10 le contrat de prêt souscrit par la SCI S… pour financer l’acquisition de cet immeuble. Il en résulte que l’immeuble a été acquis en septembre 2007 au prix de 160000 euros, et financé au moyen d’un prêt souscrit auprès de la Banque CIC à hauteur de 150000 euros, sur lequel l’encours à la date de l’engagement de caution querellé s’élevait à 92279,75 euros. La valeur nette de 70000euros indiquée sur la fiche de renseignements du 23 avril 2015 apparaît donc cohérente, et la seule circonstance que la SCI ait elle aussi été placée en liquidation judiciaire, le 15 février 2018, est sans emport sur la valeur de ses actifs en mai 2015, et partant sur la valeur des parts de la SCI lors de l’engagement de caution de Mme G…, que rien ne permet donc de fixer à une valeur inférieure à 70000 euros.

Dès lors que la société Igol ne s’est pas renseignée ou ne produit pas le document sur lequel elle avait demandé à Mme G… de la renseigner sur le montant de ses encours de cautionnement antérieurs à l’engagement litigieux, l’intimée peut lui opposer l’engagement de caution qu’elle avait donné en septembre 2007 au CIC en garantie des engagements souscrits par la SCI, à hauteur de 180000 euros. Compte tenu du caractère accessoire du cautionnement et de l’encours du prêt CIC garanti par Mme G… au 28 mai 2015, Mme G… peut donc opposer à la société Igol un encours de cautionnement antérieur de 92279,75 euros.

Le patrimoine mobilier des époux G… K… S… n’était pas constitué des seules parts de la SCI S…, mais également du fonds de commerce exploité par M. K… S… , présumé acquêt de communauté dès lors que l’intimée ne conteste pas qu’il a été acquis par M. G… K… en 2008, après leur mariage. La valeur de ce fonds de commerce est estimée au bilan clos au 30 septembre 2014, aussi bien qu’au bilan de l’exercice suivant, à 57260 euros, droit au bail compris.

Il est par ailleurs établi qu’au moment de la souscription du cautionnement litigieux, alors que la société Igol n’avait sollicité aucun renseignement sur les revenus de la caution et ceux de son époux, Mme G… n’avait toujours aucun revenu, que l’activité de M. K… S… ne générait plus que de maigres bénéfices (3599 euros sur l’exercice clos au 30 septembre 2014) et que les revenus de ce dernier, qui se sont élevés en 2014 à 11407 euros en ce compris les loyers réglés par la SCI, ne pouvaient lui permettre de faire face aux charges courantes d’un ménage comprenant deux enfants et devant supporter, même à ne retenir que le seul prêt immobilier déclaré en 2013 par la caution, des mensualités de remboursement d’emprunt de 755 euros.

Si un cautionnement n’est a priori pas manifestement disproportionné lorsqu’il est d’un montant inférieur au patrimoine de la caution, encore faut-il que ce cautionnement ne prive pas la caution, si elle était appelée, de tous ses moyens de subsistance.

En l’espèce, si le patrimoine mobilier et immobilier du ménage pouvait être évalué à 147260 euros (valeur nette maison d’habitation + parts sociales + fonds de commerce), ce patrimoine était constitué pour plus de 85 % de la valeur du fonds de commerce et des parts de la SCI propriétaire de l’immeuble dans lequel M. K… S… exerçait l’activité de garagiste dont la famille tirait exclusivement ses revenus.

Dans pareilles circonstances, en se portant caution au bénéfice de la société Igol à hauteur de 41314,50 euros, alors qu’elle avait déjà un encours de cautionnement de 92279,75 euros, qu’elle n’avait aucun revenu ni aucun patrimoine propre, que hormis une maison d’habitation d’une valeur nette de 20000euros, les biens de la communauté pouvant répondre de la garantie donnée étaient nécessaires à l’activité de son époux, lequel tirait de cette activité des revenus qui, déjà à cette époque, ne pouvaient lui permettre de faire face aux besoins de la famille, il apparaît que Mme G… a consenti à l’appelante une garantie qui absorbait toutes les ressources du ménage et dont elle ne pouvait se libérer sans perdre et faire perdre à son époux ainsi qu’à leurs deux enfants tous moyens de subsistance.

C’est à raison, dans pareilles circonstances, que les premiers juges ont retenu que le cautionnement de Mme G… était, lorsqu’il a été donné, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Dès lors qu’elle ne justifie ni même n’allègue qu’au moment où elle a appelé la caution, le patrimoine de cette dernière lui permettait de faire face à son obligation, la société Igol, qui ne peut se prévaloir du cautionnement conclu avec Mme G…, sera déboutée, par confirmation du jugement entrepris, de l’intégralité de ses prétentions.

Sur les demandes accessoires

La société Igol, qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l’instance et régler à Mme G…, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de ses frais irrépétibles, une indemnité de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME en tous ses chefs critiqués la décision entreprise,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société Igol Centre à payer à Mme L… G… épouse K… S… la somme de 2000euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Igol Centre aux dépens,

ACCORDE à Maître Estelle Garnier le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

ACCORDE aux avocats de la cause, hormis, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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