Cour d'appel de Paris, 30 janvier 2007, n° 06/00566

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 30 janv. 2007, n° 06/00566
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 06/00566
Décision précédente : Autorité de la concurrence, 14 décembre 2005, N° 05-D-69

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

1re Chambre – Section H

ARRET DU 30 JANVIER 2007

(n° 6 , 18 pages)

Numéro d’inscription au répertoire O : 06/00566

Décision déférée à la Cour : n° 05-D-69 rendue le 15 décembre 2005 par le Conseil de la Concurrence

DEMANDERESSES

S.A. LE FOLL TP

XXX

représentée par la SCP GAULTIER-KISTNER, avoués associés

assistée de Maître Aldric BONIFACE, N au barreau de Rouen plaidant pour la SCP BONIFACE ET ASSOCIES, avocats associés

SA P ILE DE FRANCE NORMANDIE

XXX

XXX

XXX

représentée par Maître François TEYTAUD, avoué,

assistée de Maître Loraine DONNEDIEU de VABRES-TRANIE, N au barreau de Paris

Société RAMERY BTP (anciennement dénommée SA BUQUET)

GRUMESNIL

XXX

représentée par la SCP REGNIER-BEQUET, avoué associés

assistée de Maître Philippe DUBOS, N au barreau de Rouen plaidant pour la SCP DUBOS, avocats associés

Société C CONSTRUCTION

XXX

XXX

représentée par la SPC TAZE-BERNARD ET BELFAYOL-BROQUET, avoués associés

assistée de Maître Philippe FOIRIEN, N au barreau de Paris

EN PRESENCE DE :

— M. E DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE

XXX

XXX

représenté par Monsieur F G, muni d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 Novembre 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame H I,

Monsieur Christian REMENIERAS, Conseiller

Madame Agnès MOUILLARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU

lors du prononcé : M. J K

MINISTERE PUBLIC :

L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. L M, N O, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par Madame H I, Présidente

— signé par Madame H I, Présidente et par M. J K, greffier présent lors du prononcé.

* * *

Par lettre du 12 janvier 1998, enregistrée le13 janvier 1998 sous le numéro 1118, E de l’économie a saisi le Conseil d’un rapport relatif aux « pratiques anticoncurrentielles relevées dans le secteur des travaux publics en Seine Maritime ». E a à nouveau saisi le Conseil par lettre du 13 janvier 1999, saisine enregistrée sous le numéro F 1118, d’un rapport daté du 26 août 1998 relatif à « la situation de la concurrence dans le secteur des enrobés en Seine Maritime » en expliquant que « les éléments recueillis au cours de cette enquête complètent et actualisent » le précédent dossier. Les deux dossiers ont été joints le 24 novembre 2004 par décision du rapporteur O.

Le 16 juin 1994, des agents de la direction de la concurrence avaient procédé à des visites domiciliaires et à des saisies de pièces en vertu d’ une ordonnance rendue le 2 juin 1994 par le président du tribunal de grande instance de Rouen et d’une ordonnance rendue le 8 juin 1998 par le tribunal de grande instance de Dieppe à la suite d’une demande d’enquête du 14 mars 1994 « relative au secteur des travaux routiers en Seine-Maritime et plus particulièrement de fourniture d’enrobés bitumineux et réalisations de voiries » formulée par E de l’économie.

Suivant délibération du 11 juillet 2001 prise au visa de ces deux saisines, la Commission permanente du Conseil a demandé au juge d’instruction du tribunal de grande instance de Rouen la communication des procès-verbaux et rapports d’enquête présentant un lien direct avec les faits dont le Conseil était saisi. C’est dans ces conditions que ce magistrat a transmis le 7 juillet 2002 une série de procès-verbaux et d’annexes extraits de la procédure pénale en cours. Le rapporteur O ayant sollicité ensuite, le 12 janvier 2005, la copie d’autres pièces, le juge d’instruction a alors invité le rapporteur à consulter à son cabinet « les pièces de l’information ayant un lien direct avec les faits dont est saisi le Conseil », formalité qui a été accomplie le 2 février 2005.

Deux griefs ont ensuite été notifiés le 28 février 2005 à plusieurs entreprises de travaux publics, dont C CONSTRUCTION, P Q, LE FOLL TRAVAUX PUBLICS et BUQUET désormais dénommée RAMERY, consistant :

— « s’agissant du marché de l’épandage des enrobés bitumineux sur les routes de première et de deuxième catégorie dans le département de la Seine -Maritime, de s’être concertées de façon continue depuis courant 1988 jusqu’à courant 1998, afin de: – limiter l’accès au marché,- se le répartir et,- fixer un niveau artificiellement élevé des prix, ( …. ) cette concertation ayant eu pour objet et pour effet de limiter l’intensité de la concurrence entre les entreprises, de faire obstacle à la libre fixation des prix et de tromper le conseil O de la Seine -Maritime et l’Etat, acheteurs publics, quant à la réalité et à l’étendue de la concurrence s’exerçant entre les entreprises soumissionnaires » ;

— « s’agissant du marché pertinent que détermine l’appel d’offres du département de la Seine -Maritime d’octobre 1997 afin de limiter l’accès au marché, se le répartir et fixer un niveau artificiellement élevé des prix, ( …. ) cette concertation ayant eu pour objet et pour effet de limiter l’intensité de la concurrence entre les entreprises, de faire obstacle à la libre fixation des prix et de tromper le conseil O de la Seine -Maritime, acheteur public, quant à la réalité et à l’étendue de la concurrence s’exerçant entre les entreprises soumissionnaires » ;

Par décision du 15 décembre 2005, enregistrée sous le numéro 05-D-69, le Conseil a adopté la décision suivante :

Article 1er : Pour mémoire.

Article 2: Il est établi que les sociétés […] P Q, LE FOLL TRAVAUX PUBLICS, C CONSTRUCTION […] ont enfreint les dispositions de l’article L.420-1 du Code de commerce en participant du 14 mars 1991 à courant 1998 à une entente complexe et continue portant sur le marché de l’épandage des enrobés bitumineux sur les routes de première et deuxième catégorie dans le département de la Seine -Maritime.

Article 3 : Pour mémoire.

Article 4: Il est établi que la société d’exploitation BUQUET a enfreint les dispositions de l’article L.420-1 du Code de commerce à l’occasion de l’appel d’offres du conseil O de Seine -Maritime d’octobre 1997.

Article 5 : Pour mémoire.

Article 6 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes […] :

— à la société P Q une sanction de 21.000.000 euros ;

— à la société LE FOLL TRAVAUX PUBLICS une sanction de 2.900.000 euros ;

— à la société C CONSTRUCTION une sanction de 6.500.000 euros ;

— à la société d’exploitation BUQUET une sanction de 60.000 euros ;"

***

LA COUR :

Vu les recours en annulation et subsidiairement en réformation déposés au greffe de la cour, respectivement :

— le 12 janvier 2006 par la société C CONSTRUCTION, ci-après C,

— le 16 janvier 2006 par la société LE FOLL TRAVAUX PUBLICS , ci-après LE FOLL,

— le 18 janvier 2006 par la société P ILE DE FRANCE NORMANDIE, ci-après P Q,

— le 18 janvier 2006 par la société BUQUET ;

Vu le mémoire déposé le 16 février 2006 par la société LE FOLL à l’appui de son recours, soutenu par ses conclusions en réponse déposé le 25 octobre 2006, par lequel elle demande à la cour :

— à titre principal :

* de dire et juger que la saisine du Conseil de la concurrence ne pouvait porter que sur des faits antérieurs au 13 janvier 1995, en l’absence d’actes suspensifs ou interruptifs de la prescription et d’annuler en conséquence la décision déférée en ce qu’elle s’est fondée sur des faits remontant jusqu’au 14 mars 1991,

* de constater qu’elle a été privée de la possibilité d’exercer le recours qui lui était ouvert par les dispositions de l’article L. 450 – 4 du Code de commerce,

* d’annuler en conséquence la notification de griefs et la décision entreprise pour violation du principe du contradictoire et des droits de la défense,

* d’ordonner la consultation écrite ou l’audition de M. X, juge d’instruction au tribunal de grande instance de Y, afin de préciser les conditions dans lesquelles M. Z, rapporteur au Conseil de la concurrence a eu accès au dossier d’instruction numéro 1/99/1 le 2 février 2005,

* d’annuler en conséquence la décision du Conseil en ce qu’elle serait fondée sur des pièces communiquées dans des conditions illicites,

— à titre subsidiaire :

* de désigner un expert afin de donner un avis sur les prix moyens normaux qui auraient dû être pratiqués pour la réalisation des marchés de l’épandage des enrobés bitumineux sur les routes de première et deuxième catégories de la Seine-Maritime entre 1995 et 2000,ou

à défaut de faire droit à cette demande, de surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans le cadre de la saisine numéro 30243/06 à la requête de M. A,

* de réformer la décision du Conseil en ce qu’elle a prononcé à son encontre une sanction totalement disproportionnée à l’importance du dommage causé à l’économie et à sa situation,

* de la réduire à une somme n’excédant pas 300.000 euros, correspondant à trois années d’exercice moyen bénéficiaire ;

Vu le mémoire déposé le 16 février 2006 par la société C à l’appui de son recours, soutenu par son mémoire en réponse déposé le 30 octobre 2006, par lequel elle prie la cour :

— de constater que la durée manifestement déraisonnable de la procédure a irrémédiablement compromis l’exercice des droits de la défense de la société C et de prononcer en conséquence la nullité de la décision du Conseil de la concurrence,

— de constater que la procédure suivie devant le Conseil a été conduite en violation des dispositions de l’article 6.1de la Convention Européenne de Sauvegarde Des Droits de l’Homme et des Libertés, de l’article 14 du Pacte International relatif aux Droits civils et politiques, de la Décision numéro 89 260 du 28 juillet 1989 du Conseil Constitutionnel, les articles 11 et 321 ' 1 du Code pénal,

— en tout état de cause et pour les mêmes raisons dire que doivent être écartées des débats les pièces obtenues de la juridiction d’instruction dans les conditions d’illégalité manifeste décrites et démontrées ci-dessus,

— de dire et juger l’action prescrite,

— très subsidiairement, de ramener le montant de la sanction infligée à la société C à de plus justes proportions en réduisant significativement le montant;

Vu les conclusions déposées le 20 février 2006 à la société P Q, soutenues par ses conclusions en réplique déposées le 30 octobre 2006, aux termes desquelles elle demande à la cour :

— à titre principal, de prononcer l’annulation de la décision du Conseil en ce que :

* les droits de la défense ont été irrémédiablement compromis en raison de l’absence dans les observations du Conseil de la mention de la composition de la Commission permanente permettant de s’assurer qu’il n’y a pas eu atteinte au principe d’impartialité édicté par l’article 6.1 de la CEDH et en ce que le Conseil a ajouté à sa décision, en violation du principe de l’égalité des armes édicté par les mêmes dispositions,

* la prescription est acquise en l’absence d’actes interruptifs de prescription au sens de l’article L. 462-7 du Code de commerce,

* les pièces de la procédure pénale qui lui sont opposées ont été versées dans les dossiers devant le Conseil de la concurrence sur la base de l’article L 463-5 du Code de commerce, texte non conforme aux dispositions des articles 6.1 et 6.3de la CEDH et, en toute hypothèse, en violation des conditions prévues à l’article L. 463-5 du Code de commerce,

* les faits visés dans les pièces C 2 ( perquisition pénale Beugnet du 7 avril 1999) et 3 (perquisition administrative COCHERY BOURDIN CHAUSSE en date du 16 juin 1994) sont prescrits,

* que les faits visés dans les pièces pénales 109 (perquisition administrative en date du 2 juin 1994) et 1( perquisition administrative COCHERY BOURDIN CHAUSSE en date du 16 juin 1994) sont partiellement prescrits,

— à titre subsidiaire, de réformer la décision du Conseil en ce que :

* la méthode de calcul en valeur relative de la sanction qui lui a été infligée est contraire à l’article L. 464-2 alinéa 3 du Code de commerce,

* cette sanction est disproportionnée au regard des critères fixés par L.464-2 du Code de commerce,

* de réduire de façon substantielle le montant de la sanction,

— de condamner E chargé de l’économie au paiement d’une somme de 7.625 euros au titre de l’article 700 nouveau Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

Vu le mémoire déposé le 27 octobre 2006 par la société RAMERY BTP, anciennement dénommée BUQUET, aux termes duquel elle demande à la cour :

— à titre principal, de prononcer l’annulation de la décision déférée en raison de la prescription,

— à titre subsidiaire, de constater que, victime de l’entente, elle n’a jamais été attributaire en nom d’un marché de travaux publics en Seine-Maritime en 1998,

— de dire et juger que l’imputation d’une soumission de couverture pour 1998 ne repose sur aucun élément objectif, que BUQUET a soumissionné dans le cadre d’un groupement BUQUET / B et que B n’a jamais été ni inquiétée ni interrogée,

— de dire et juger que l’intervention de BUQUET par sa soumission a joué un rôle déterminant dans la baisse du coût des enrobés sur les marchés en 1998,

— de dire et juger que la conclusion d’un marché en sous-traitance pour 4.950 KFrs en 1998 ne caractérise nullement une entente,

— de la décharger en conséquence de toute condamnation ;

Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence du 26 juin 2006 ;

Vu les observations écrites du Ministre chargé de l’économie, en date du 26 juin 2006, tendant au rejet des recours;

Vu les observations écrites du ministère public, mises à la disposition des parties à l’audience ;

Ouï à l’audience publique du 14 novembre 2006, en leurs observations orales, les conseils des requérantes ainsi que le représentant du Ministre chargé de l’économie et le ministère public, les requérantes ayant été ayant été en mesure de répliquer et ayant eu la parole en dernier ;

SUR CE :

I – Sur les moyens d’annulation de la décision déférée :

Sur la prescription :

Considérant que l’entreprise LE FOLL prétend que, compte tenu de la date de la première saisine, le Conseil aurait dû exclure les faits antérieurs au 13 janvier 1995 en l’absence d’actes interruptifs ou suspensifs de la prescription et que la décision déférée est en conséquence entachée de nullité ;

Que C et P Q soutiennent, pour leur part, que les faits d’entente dénoncés, qui ne revêtent pas un caractère continu, constituent des infractions instantanées réitérées concernant des marchés distincts et que, dès lors, chaque saisine doit être examinée séparément au regard du problème de la prescription, ce qui ne permet pas de retenir comme point de départ de la prescription la date à laquelle elles ont pris fin, à la fin de l’année 1998 ; qu’en outre, le fait que le Conseil soit saisi in rem n’implique nullement qu’il se soit pour autant en l’espèce valablement saisi des faits d’entente visés pour la période postérieure à la saisine du 13 janvier 1998 pour laquelle n’est pas intervenue une saisine complémentaire ; qu’en conséquence, la seconde saisine du 13 janvier 1999 n’a pu interrompre la prescription, acquise le 13 janvier 2001, des faits visés par la saisine précédente ;

Que la société RAMERY se borne, de son côté, à « prendre acte des exceptions de prescription soulevées par certains recours » ;

Considérant que l’article L 462-7 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2004-1173 du 4 novembre 2004 applicable en l’espèce, disposait : « Le Conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de 3 ans s’il n’a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction. » ;

Considérant, tout d’abord, le Conseil a justement retenu que le premier acte tendant à la recherche, la constatation ou la sanction des faits dont il a été saisi était constitué par la demande d’enquête du Ministre de l’économie du 14 mars 1994 et que, dès lors, le point de départ des pratiques non prescrites visées dans le grief n° 1 de la notification devait être reporté au 14 mars 1991 ;

Considérant, ensuite, que le Conseil, qui est saisi in rem de l’ensemble des faits et pratiques affectant le fonctionnement d’un marché et n’est pas lié par les demandes et les qualifications de la partie saisissante, peut, sans avoir à se saisir d’office, retenir les pratiques révélées par les investigations auxquelles il a procédé à la suite de sa saisine, qui, quoique non visées expressément dans celle-ci, ont le même objet ou le même effet ; qu’il peut également retenir, parmi ces pratiques, celles qui se sont poursuivies après sa saisine;

Considérant que le premier grief notifié vise une concertation de façon continue jusqu’à courant 1998 sur le marché de l’épandage des enrobés bitumineux sur les routes de première et de deuxième catégories dans le département de la Seine -Maritime ; que le Conseil, par des constatations qui n’ont pas été critiquées par les requérantes, a relevé qu’il ressortait de l’enquête que le dernier marché faisant partie de l’accord O de répartition des tonnages avait été passé le 28 octobre 1997, qu’il avait été exécuté en 1998 et que la rupture de l’entente était intervenue en 1999, à l’occasion de la conclusion de nouveaux appels d’offres ;

Considérant que la décision déférée a ainsi exactement fixé au 1er janvier 1999 au plus tôt, le point de départ de la prescription des pratiques dont il était saisi et que la seconde saisine, enregistrée le 13 janvier 1999, qui, portant sur les mêmes pratiques à partir d’un rapport du 26 août 1998, a interrompu la prescription ;

Considérant qu’il est constant qu’alors que l’instruction du dossier se poursuivait, le Conseil a pris ensuite le 11 juillet 2001 une délibération intitulée « Demande de communication de pièces à une juridiction d’instruction ou de jugement »,dont la teneur était la suivante : « Demande à M. D, juge d’instruction près le tribunal de grande instance de Rouen, de bien vouloir communiquer en copie au Conseil de la concurrence les procès-verbaux ou rapports d’enquête, ou les parties de ceux-ci, ayant un lien direct avec les faits dont le Conseil est saisi. Délibéré sur le rapport oral de M. Komiha, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, Vice-Présidente, et M. Jenny, Vice-Président. » ;

Que la délibération, qui mentionne « Le rapporteur et la rapporteure générale adjointe entendue », après avoir constaté qu’un juge d’instruction du tribunal de grande instance de Rouen avait précédemment demandé à consulter l’ensemble des éléments détenus par le Conseil afin d’obtenir communication des éléments utiles à la procédure, relevait que "dans le cadre de l’instruction au Conseil des saisines […], il est nécessaire d’examiner les éléments recueillis par ailleurs par le magistrat instructeur, dés lors qu’ils sont susceptibles de se rapporter directement aux pratiques soumises à l’examen du Conseil" ;

Considérant que les requérantes soutiennent également que cette délibération n’a pas pu interrompre la prescription dès lors, d’une part, qu’elle était prise en application des dispositions de l’article L.463 – 5 du Code de commerce qui, violant le principe d’impartialité en vertu duquel les autorités d’instruction et de décision doivent être séparées, est incompatible avec l’article 6 – 1 de la Convention Européenne de Droits de l’Homme et, d’autre part, qu’elle viole le principe d’impartialité consacré par cette Convention en raison de la présence du rapporteur au délibéré ;

Considérant que l’article L.463-5 du Code de commerce dispose : « Les juridictions d’instruction et de jugement peuvent communiquer au Conseil de la concurrence, sur sa demande, les procès-verbaux ou rapports d’enquête ayant un lien direct avec les faits dont le Conseil est saisi. » ;

Considérant que le Conseil a exactement relevé que, dès lors qu’il se bornait à transmettre une demande émanant du rapporteur qui sollicitait, au regard du déroulement de l’instruction, des pièces du dossier en cours d’instruction et alors, de surcroît, que le magistrat instructeur avait déjà de son côté obtenu la communication d’éléments détenus par le Conseil, la demande de communication de pièces critiquée, effectuée en application de ces dispositions, ne constitue pas une décision par laquelle il aurait été conduit, dans des conditions incompatibles avec les exigences inhérentes au droit à un procès équitable, à formuler une accusation ou encore à préjuger de l’affaire au fond ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la délibération du Conseil a, à la suite de la seconde saisine, régulièrement interrompu la prescription ;

Que tel est également le cas de la transmission des pièces demandées qui a été opérée le 7 juillet 2002 par le juge d’instruction, cet acte pris par ce magistrat en application de l’article L.463-5 tendant, comme la délibération du Conseil, à la recherche, à la constatation et à la sanction des faits dont le Conseil était saisi ;

Considérant que les griefs ayant été notifiés le 28 février 2005, avant l’expiration du délai de 3 ans, c’est à juste titre que la décision dont appel a retenu que les pratiques poursuivies n’étaient pas prescrites ;

Que dès lors, les moyens seront rejetés, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur le caractère interruptif des actes accomplis dans le cadre de la procédure pénale ;

Sur la seconde demande de communication de pièces auprès du juge d’instruction :

Considérant que, par lettre du 12 janvier 2005, le rapporteur O du Conseil a demandé au juge d’instruction la copie des pièces suivantes :

1°) " la ou les éventuelles auditions de M. D.[…]la cote D 427 […]le soit-transmis par lequel la DDI a transmis à la DGCCRF les chiffres qui ont permis l’élaboration des tableaux annexés à la cote D 432 […]des rapports de synthèse récents émanant de la DGCCRF, s’il en a été établi […] postérieurement à la cote D 540" ;

2°) des « pièces établies postérieurement à la cote D 540 et susceptibles de permettre la poursuite et la clôture des investigations du rapporteur » ;

Que le juge d’instruction lui a répondu par une télécopie du 21 janvier 2005 ainsi rédigée :

« En réponse à votre courrier du 12 janvier 2005, je vous invite à consulter, à mon cabinet, les pièces de mon information ayant un lien direct avec les faits dont est saisi le Conseil de la concurrence, selon les dispositions des articles L. 463-5 et L.463-6 du Code de commerce. Cette consultation pourrait avoir lieu le 2 février 2005 et être menée par les rapporteurs que vous avez désignés ( … ). » ;

Que le rapporteur, qui s’est déplacé à son cabinet le 2 février 2005, a signé un procès-verbal de déplacement et de réception de pièces ainsi rédigé :

«  Vu la lettre du 12 janvier 2005 du rapporteur O de la concurrence, Vu le fax du 21 janvier 2005 du juge d’instruction de Rouen, Le mercredi 2 février 2005, à 10 h 00, nous, Gildas Z, rapporteur auprès du Conseil de la concurrence […]nous sommes rendu au cabinet de M. Jean-Claude X, vice-président chargé de l’instruction […].Nous y avons rencontré M. X et avons consulté le dossier d’instruction référencé sous le numéro […].Ce magistrat nous a remis, à notre demande, copies de documents relatifs aux faits dont est saisi le Conseil de la concurrence. […]." ;

Considérant que les sociétés C, P Q et LE FOLL soutiennent que la procédure conduite devant le Conseil doit être annulée, car faite en violation du principe de l’égalité des armes, en violation des dispositions de l’article L.463-5 du Code de commerce et du secret de l’instruction, dès lors que :

— la seconde demande du 12 janvier 2005 n’émanait pas du Conseil, mais du rapporteur O et que la communication, qui a porté sur des rapports de synthèse de la DGCCRF ainsi que des rapports d’études, ne s’est pas limitée à des procès-verbaux et rapports d’enquête en lien direct avec les faits dont le Conseil était saisi,

— la mise en oeuvre de l’article L.463-5 du Code de commerce par l’un des rapporteurs le 2 février 2005, qui ne s’est pas fait communiquer les pièces en cause par le magistrat instructeur mais a consulté seul le dossier d’instruction et a procédé seul à une sélection des pièces, essentiellement à charge, qui l’intéressaient, est irrégulière ;

Mais considérant que l’intervention critiquée du rapporteur O qui, en soi, n’était pas susceptible de faire grief aux requérantes, faisait seulement suite à la transmission de pièces du magistrat instructeur du 7 juillet 2002 qui avait été demandée par le Conseil dans sa délibération du 11 juillet 2001 ;

Qu’au surplus, aucune disposition n’interdit au rapporteur O de mettre en oeuvre, au nom du Conseil, les dispositions de l’article L.463-5 du Code de commerce ;

Considérant que, concernant la nature des pièces demandées au juge d’instruction et les conditions de leur remise au rapporteur, c’est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes, que le Conseil a relevé que les documents extraits de la procédure pénale sont, conformément aux exigences de l’article L.463-5 du Code de commerce, soit

des procès-verbaux, soit des rapports d’enquête, soit encore des pièces nécessaires à l’exploitation de ces procès-verbaux ou de ces rapports, comme les pièces qui sont mises en exergue par la société P Q ( document C 2, rapports de synthèse cotés D 594 et D 432 ) ;

Considérant que, concernant le respect du principe de l’égalité des armes, c’est également par des motifs pertinents, que la cour fait siens, que la décision déférée retient que la communication de certaines pièces du dossier d’instruction, obtenue conformément aux dispositions de l’article L 463-5 du Code de commerce, n’a de toute façon pas fait grief aux requérantes, qui n’avaient acquis la qualité de partie qu’à compter de la notification des griefs, en observant, notamment, que les griefs retenus par le rapporteur sont fondés sur des pièces dont il a été dressé un inventaire, qui ont été citées, versées au dossier, proposées à la consultation et soumises à la contradiction des requérantes, qui disposaient alors de la faculté de produire tous des éléments à décharge ;

Considérant que P Q soutient, enfin, que les faits visés dans certaines pièces pénales, qui couvraient une période antérieure au 14 mars 1991, étaient soit partiellement prescrits ( « pièce pénale 109 », perquisition administrative en date du 2 juin 1994 et « pièce pénale 1 », perquisitions en date du 16 juin 1994 ) soit totalement prescrits (« pièce C 2 », perquisition pénale en date du 7 avril 1999 « pièce 3 », perquisition administrative en date du 16 juin 1994), le Conseil de la concurrence n’ayant pas répondu à ses griefs sur ce point ;

Considérant que le document « C2 » porte la mention « 88/89/90 » ainsi que le cumul des tonnages mis en oeuvre par le conseil O en 1988 et 1989 et le tonnage prévu pour 1990 et que le « document 3 », intitulé « Seine-Maritime 1990 », fait, à cette date, le point sur les attributaires des marchés d’enrobés; que le « document 109 » retrace l’ensemble des tonnages mis en oeuvre pour les années 1988, 1989, 1990 et 1991 et prévoit l’activité de l’année 1992 et qu’il en va de même que du « document 1 », qui indique, pour les années 1988 à 1993, les parts des entreprises intervenantes ;

Considérant que le Conseil a estimé que les faits dont il était saisi étaient constitutifs d’une pratique continue de répartition des marchés qui s’est manifestée

( paragraphe 175 de la décision) par l’application d’une clé de répartition des tonnages de l’occasion des appels d’offres de l’État de 1987 ' 1988, 1991 et 1994 et du conseil O de 1988, 1992 et 1997, par l’exécution de ces marchés, des systèmes de compensation auxquels ces répartitions ont donné lieu, ainsi que par « des actions tendant à empêcher l’intrusion de francs-tireurs » ;

Que le Conseil a cependant observé ensuite que le comportement des entreprises, au cours de la période d’exécution des marchés de l’État en 1987 ' 1988 et du Conseil O en 1988, qui est couvert par la prescription et, comme tel, non susceptible de donner lieu à l’application de sanctions, traduit néanmoins le souci, dès cette époque, de tenir entre elles une comptabilité de leurs dettes et de leurs créances par rapport à la clé de répartition décidée en commun ;

Que la décision critiquée relève, enfin, que « les constatations effectuées à cet égard permettent d’éclairer et de mettre en perspective les pratiques similaires, non prescrites, relatives aux marchés de l’Etat de 1991 et 1994 et du conseil O de 1992 et 1997 » et, avant de conclure (paragraphe 215) que les pratiques poursuivies caractérisaient une entente complexe et continue du 14 mars 1991 au 31 décembre 1998 et que le Conseil précise que « le premier grief ne peut être fondé que pour la période du 14 mars 1991 au 31 décembre 1998,les pratiques antérieures étant évoquées que pour éclairer le contexte O dans lequel se situent les faits examinés » ;

Considérant que la décision déférée qui, afin d’apporter un éclairage aux pratiques non prescrites s’est ainsi bornée à faire référence à des faits prescrits, sans les qualifier ni les inclure dans les poursuites, n’encourt dès lors aucun reproche de ce chef ;

Que les moyens, inopérants, seront rejetés ;

Sur l’absence au dossier des ordonnances autorisant les opérations de visite et de saisie menées en 1994 :

Considérant que la société LE FOLL expose que l’absence dans le dossier du Conseil de l’ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance de Rouen du 2 juin 1994, dite « ordonnance principale », ainsi que de l’ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance de Dieppe du 8 juin 1994 concernant la société LALITTE, dite ordonnance « secondaire », l’a privée du recours qui lui était ouvert en vertu des dispositions de l’article L.450-4 du Code de commerce et que cette violation du principe du contradictoire et des droits de la défense, qui emporte la nullité de la notification des griefs, doit conduire à l’annulation de la décision du Conseil ; qu’elle précise que si l’ordonnance « principale », qu’elle n’était pas tenue de conserver, lui a bien été notifiée, cette décision ne lui a toutefois fait grief qu’à compter de la notification des griefs, le 25 février 2005, étant alors mise en cause à la suite de pièces saisies chez des tiers, la société LALITTE à Dieppe et la société COCHERY à Rouen ;

Considérant que l’article L. 450-4 dernier alinéa du Code de commerce dispose:

« Le déroulement des opérations de visite ou saisie peut faire l’objet d’un recours auprès du juge les ayant autorisées dans un délai de deux mois qui court, pour les personnes occupant les lieux où ces opérations se sont déroulées, à compter de la notification de l’ordonnance les ayant autorisées et, pour les autres personnes mises en cause ultérieurement au moyen de pièces saisies au cours de ces opérations, à compter de la date à laquelle elles ont eu connaissance de l’existence de ces opérations et au plus tard à compter de la notification des griefs prévue à l’article L. 463-2.Le juge se prononce sur ce recours par voie d’une ordonnance, qui n’est susceptible que d’un pourvoi en cassation selon les règles prévues au Code de procédure pénale. Ce pourvoi n’est pas suspensif. »;

Considérant que s’il est exact que l’ordonnance du président du tribunal de grande instance de Rouen qui autorisait des visites domiciliaires et des saisies dans les locaux des entreprises mises en cause dans le cadre de la présente procédure, dont la société LE FOLL,

ne figurait pas au dossier au stade de la notification des griefs et qu’une copie n’a été demandée par les rapporteurs qu’ensuite, force est toutefois de constater que cette décision lui avait été régulièrement notifiée à l’occasion de la visite qui s’est déroulée dans ses locaux le 16 juin 1994 et qu’une copie certifiée conforme lui avait été remise à cette occasion ;

Considérant que la requérante ne peut non plus sérieusement soutenir que, compte tenu de la durée de la prescription en matière commerciale, elle aurait été en droit de ne pas conserver cette ordonnance plus de 10 ans, dès lors que l’ordonnance visait « une demande d’enquête de la Direction générale de la concurrence relative au secteur des travaux routiers en Seine-Maritime et plus particulièrement de fourniture d’enrobés bitumineux et réalisation de voiries » et que, dans ces conditions, elle était pleinement informée, dès 1994, de l’existence d’une procédure portant sur une entente à laquelle elle participait depuis plusieurs années et qui s’est d’ailleurs poursuivie jusqu’en 1999 ;

Qu’au demeurant, la société LE FOL, qui, dès la notification des griefs, a pris connaissance des procès-verbaux de visite et de saisie, disposait de la faculté de demander elle même au greffier du tribunal de grande instance de Rouen, une copie de l’ordonnance en question et d’exercer aussitôt, le cas échéant, le recours prévu à l’article L. 450-4 dernier alinéa du Code de commerce ;

Considérant que, concernant l’ordonnance « secondaire » du 8 juin 1994, qui ne figurait pas non plus au dossier et qui a ensuite été communiquée dans les mêmes conditions que l’ordonnance « principale », le Conseil a justement observé que cette décision, qui se bornait en réalité à désigner les enquêteurs et les officiers de police judiciaire compétents pour procéder aux opérations de visite et de saisie dans les locaux situés hors du ressort du président du tribunal de grande instance de Rouen qui avait initialement autorisé ces opérations, n’était, de toute façon, pas susceptible, en cas de recours, de donner lieu à un nouveau contrôle du bien fondé de la demande initiale d’autorisation de visite et de saisie ;

Que le moyen, sans fondement, sera écarté ;

Sur les délais :

Considérant que la société C invoque la nullité de la procédure suivie devant le Conseil en raison de la violation de l’article 6.1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme résultant de la durée déraisonnable de la procédure qui a fait obstacle à l’exercice normal des droits de la défense ;

Considérant que le délai raisonnable prescrit par la Convention doit s’apprécier au regard de l’ampleur et de la complexité de la procédure ; que la sanction qui s’attache à la violation de l’obligation de se prononcer dans un délai raisonnable n’est pas l’annulation de la procédure mais la réparation du préjudice résultant éventuellement du

délai subi, sous réserve toutefois que la conduite de la procédure n’ait pas irrémédiablement privé les entreprises mises en cause des moyens de se défendre, de telles circonstances devant être appréciées concrètement ;

Considérant que la complexité et l’ampleur de la présente procédure, qui concerne des pratiques continues mises en oeuvre de 1991 à 1999 par une douzaine d’entreprises à l’occasion de l’attribution de marchés publics qui ont fait l’objet de multiples appels d’offre, apparaissent à l’évidence ;

Qu’au surplus, la requérante, qui n’a pas sérieusement contesté la matérialité et l’imputabilité des pratiques poursuivies, se contente d’invoquer le départ ou le décès de certains de ses salariés ou, de manière vague, la destruction « d’archives inutiles », circonstances qui ne suffisent pas à démontrer en l’espèce une atteinte aux droits de la défense ;

Que, dans ces conditions, le moyen ne peut qu’être rejeté ;

Sur les observations du Conseil de la concurrence :

Considérant que la société P Q avance que les droits de la défense ont été irrémédiablement compromis en raison de l’absence, dans les observations du Conseil présentées à la cour, de la mention de la composition de la Commission permanente réunie le 19 juin 2006 qui les a adoptées permettant de s’assurer qu’aucun membre de cette commission n’avait fait partie auparavant de la formation qui a rendu la décision déférée et qu’il n’y a pas eu de ce fait une violation du principe d’impartialité édicté par l’article 6-1 de la CEDH ; que cette requérante prétend également que, dans ses observations, le Conseil ajoute à sa décision en avançant un nouvel élément à charge ne figurant pas dans sa décision qui est ainsi libellé : « le fait que le document C2 ait été saisi en 1999 est un indice de la permanence de l’accord qu’il révèle, même longtemps après sa rédaction » ;

Mais considérant que les observations déposées le 26 juin 2006 précisent qu’elles sont présentées par le Conseil réuni en Commission permanente, ce dont il résulte, conformément à l’article L 463-3, alinéa 1er , du Code de commerce, que le conseil était composé du président et des trois vice-présidents ;

Considérant que la faculté offerte au Conseil de la concurrence par l’article 9, alinéa 1er du décret du 19 octobre 1987, de présenter, dans la procédure du recours contre ses décisions, des observations écrites qui seront portées à la connaissance des parties, ne porte pas atteinte aux droits de l’entreprise poursuivie à un procès équitable, dès lors que cette dernière dispose de la faculté de répliquer par écrit et oralement à ces observations, étant du reste observé que cette disposition a précisément pour objet de permettre au Conseil d’apporter à la cour les éclaircissements qu’appellent les moyens et arguments articulés par les parties au soutien de leurs recours, en se référant aux besoins à des éléments qui n’auraient pas été mentionnés dans la décision; que le principe d’impartialité ne fait pas obstacle, par ailleurs, à ce qu’un membre de la formation qui a rendu la décision déférée participe à l’élaboration des observations présentées à la cour ;

Que le moyen sera rejeté ;

II -Sur les pratiques imputables à la société RAMERY :

Considérant que cette requérante, qui souligne que son action a contribué dès 1999 à la cessation des pratiques poursuivies et qui n’a pas participé à l’entente, qu’elle a au contraire fait échouer, fait valoir qu’elle doit être déchargée de toute condamnation; qu’elle reproche plus particulièrement au Conseil d’avoir retenu la remise d’une offre « BUQUET-B » qui aurait été une « offre de couverture », alors, d’une part, que la société B n’a, pas été poursuivie et que le dossier pénal ne fait pas état d’une telle offre et, d’autre part, qu’une unique sous-traitance en 1998 ne peut suffire à caractériser la participation à une entente ;

Mais considérant que le Conseil a relevé que les entreprises « majors », parties à l’entente, ont, dans un premier temps, fait financer par une société qu’elles cogéraient les actions contentieuses de plusieurs associations prétendues de défense de l’environnement à l’encontre de la société BUQUET, afin de l’empêcher de construire une centrale d’enrobés lui permettant de concourir aux appels d’offres en Seine-Maritime ; qu’en raison de l’échec de ces actions, les entreprises membres de l’entente ont alors organisé une réunion en septembre 1997 afin d’intégrer la société BUQUET et que celle-ci a pris part au système de répartition du marché à l’occasion de l’appel d’offres du conseil O d’octobre 1997, par le biais de son association à l’un des groupements en qualité de sous-traitant, les données chiffrées transmises par le conseil O montrant, par ailleurs, que la clef de répartition a été rigoureusement appliquée jusqu’en 1998; que le système a pris fin au cours de l’année 1999 en raison de la pression exercée par les placements en détention provisoire alors en cours et de la « trahison » de la société BUQUET, un an seulement après son intégration à l’entente ;

Que, sur la base de ces constatations, qui n’ont été remises en cause par la requérante ni devant le Conseil, où elle a seulement invoqué un « état de nécessité », ni devant la cour, le Conseil a exactement conclu que sa participation à l’entente était établie par le dépôt d’une offre qui, dans le contexte de la réunion de septembre 1997 et de sa présentation en qualité de sous-traitante de l’un des groupements ne pouvait en effet être qu’une offre de couverture ;

Que, dans ces conditions, le Conseil ayant justifié sa décision, le moyen n’est pas fondé ;

III -Sur les moyens de réformation des sanctions :

Considérant que la société C demande à la cour de réduire significativement le montant de la sanction qui lui a été infligée dans la mesure où, d’une part, le Conseil a confondu l’évaluation du dommage à l’économie et le préjudice dont le maître d’ouvrage pourrait éventuellement se prévaloir et, d’autre part, où il n’a pas correctement apprécié sa situation particulière, tenant, notamment à sa taille et à la faiblesse de ses moyens :

Considérant que l’entreprise LE FOLL prétend, pour sa part, que la sanction qui lui a été infligée est inéquitable en ce que alors que l’enquête initiale concernait 15 entreprises, des sanctions n’ont été prononcées qu’à l’encontre de 6 entreprises, que cette sanction est disproportionnée en ce que le Conseil n’a pas correctement apprécié le dommage à l’économie, appréciation qui relève d’une expertise et, enfin,que le Conseil n’a pas correctement apprécié sa taille et sa situation financière ;

Considérant que P Q fait valoir que la méthode de calcul de la sanction est contraire à l’article L.464-2 du Code de commerce en ce qu’elle a fixé le montant des sanctions pécuniaires, contrairement au principe de proportionnalité, en valeur relative, en fonction d’un pourcentage du chiffre d’affaires et que la sanction est disproportionnée dès lors :

* que délai de la procédure suivie devant le Conseil est déraisonnable, ce qui a une incidence sur la solution du litige, puisqu’elle a, entre temps, absorbé les entreprises contrevenantes ;

* qu’il n’est pas prouvé que les pratiques auxquelles elle a participé visaient à assurer des prix supérieurs à ceux qui auraient résulté du libre jeu de la concurrence ;

* compte tenu de l’absence de tromperie de l’acheteur public et que le conseil O de Seine-Maritime n’a pris aucune mesure de nature à favoriser le jeu de la concurrence et n’a mis en oeuvre aucun des mécanismes de contrôle des marchés publics ;

* que le montant du surcoût payé par l’acheteur public n’ a pas été correctement apprécié par la décision critiquée ;

Considérant qu’aux termes de l’article L.462-2 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 qui était applicable en l’espèce, dispose :

« Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie et à la situation de l’entreprise ou de l’organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 25 % du chiffre d’affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos. » ;

Considérant, concernant en premier lieu la gravité des pratiques, que le Conseil après avoir justement rappelé que la tromperie de l’acheteur public érigée en système perturbe le secteur où elle est pratiquée et porte une atteinte grave à l’ordre public économique, a relevé que les pratiques concertées entre les entreprises concernées visaient non seulement à la répartition de l’ensemble des lots des marchés du département et de l’Etat dans le secteur de la construction des routes de première et de deuxième catégories en Seine-Maritime mais également à leur assurer des prix supérieurs à ceux qui auraient résulté du libre jeu de la concurrence ;

Considérant que, dans la rubrique intitulée « Faits constatés:4.L’évolution des prix pratiqués » ( paragraphes 74 à 79 ), le Conseil avait préalablement constaté, à partir des

études de prix menées par les enquêteurs de la DGCCRF sur commission rogatoire du juge d’instruction une baisse des prix moyens payés par le département de la Seine-Maritime et en effectuant la comparaison qui s’imposait avec l’indice « TP 09 », indicateur officiel des coûts de fourniture et de mise en oeuvre des enrobés bitumineux", qui avait pourtant augmenté, une baisse des prix moyens à compter de 1999 ; que cette baisse devait être rapprochée des déclarations, intégralement citées de responsables d’entreprises mises en cause faisant très explicitement état, selon le cas, de prix « jusqu’en 1998, de 20 à 30 % trop chers » et après la fin de l’entente d’une remise « d’offres à la baisse » ;

Que, pour caractériser les pratiques d’entente, le Conseil avait également démontré dans des développements qui n’ont pas été critiqués par les requérantes ( Existence d’une pratique continue, paragraphe 173 ; Preuve des pratiques: b. Les indices apportés par les études chiffrées, paragraphe 184 ; c. Les pratiques retenues, paragraphe 222 ) les conditions dans lesquelles le système frauduleux avait pris fin au cours de l’année 1999, avec ses incidences immédiates sur les prix, et que l’évolution de la courbe des prix prouvait que l’entente avait également pour objet et pour effet la fixation d’un niveau artificiellement élevé des prix ;

Considérant que, concernant en deuxième lieu le dommage à l’économie, c’est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le Conseil a jugé que ce dommage découlait, notamment, de ce que la pratique avait duré au moins 8 ans et à des prix nettement supérieurs à ceux résultant du libre jeu de la concurrence, en observant, de surcroît, que le fait, pour des entreprises, d’être désignées titulaires de ces marchés induit en leur faveur un avantage concurrentiel pour l’obtention d’autres marchés ;

Que, contrairement à ce que soutient la société C, la décision entreprise ne confond pas le dommage à l’économie et le dommage souffert par le maître d’ouvrage, auquel le Conseil a seulement consacré, dans le paragraphe sur le dommage à l’économie, des développements particuliers dont les requérantes ne démontrent pas le manque de pertinence ;

Considérant que, concernant en dernier lieu les éléments individuellement retenus pour la fixation de la sanction, c’est encore par des appréciations pertinentes que la cour fait siennes, que le Conseil a décidé :

— qu’en ce qui concerne la société LE FOLL, cette entreprise a été depuis le 14 mars 1991 l’une des parties à l’entente continue poursuivie , que son chiffre d’affaires pour la France, au titre de l’année 2004, était de 58.442.069 euros et qu’au regard des éléments généraux et particuliers qui avaient été exposés une sanction de 2.900.000 euros devait lui être infligée ;

— que s’agissant de la société C, celle-ci avait également été partie à cette entente, que son chiffre d’affaires s’était élevé pour la France et au titre de l’année 2004, à 131.859 634 euros et que, compte-tenu des éléments généraux et particuliers développés antérieurement, la sanction devait être fixée à 6.500.000 euros;

— que concernant enfin P Q, cette société, qui ayant décidé d’ absorber ses deux filiales le 1er janvier 2002, les entreprises Dieppedalle et Devaux, répondait ainsi des pratiques reprochées à ces dernières, ce qu’elle n’avait pas contesté; qu’elle avait, venant

aux droits des sociétés absorbées, été l’une des parties à cette entente, que son chiffre d’affaires s’est élevé pour la France et au titre de l’année 2004 à 424.711.416 euros et qu’au regard des éléments généraux et particuliers visés par la décision entreprise, une sanction de 21.000.000 euros devait être prononcée ;

Considérant, enfin, que l’ancienneté des faits et la durée de la procédure ne constituent pas un moyen de réduction de la sanction ;

Considérant qu’en l’état de l’ensemble des éléments d’appréciation généraux et individuels ci-dessus indiqués, les sanctions pécuniaires respectivement infligées aux requérantes sont proportionnées à la gravité des fais reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie et à la situation des entreprises sanctionnées au regard, notamment de leur comportement et de leurs facultés contributives ;

Considérant que les recours seront rejetés et, qu’en conséquence, il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

Rejette les recours,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Condamne les sociétés C CONSTRUCTION, P ILE DE FRANCE NORMANDIE, RAMERY BTP et LE FOLL TRAVAUX PUBLICS aux dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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Cour d'appel de Paris, 30 janvier 2007, n° 06/00566