Cour d'appel de Paris, 5 juillet 2012, n° 10/20391

  • Sociétés·
  • Agent commercial·
  • Faute grave·
  • Agence·
  • Contrats·
  • Tribunaux de commerce·
  • Commission·
  • Rupture·
  • Demande·
  • Information

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, 5 juill. 2012, n° 10/20391
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 10/20391
Décision précédente : Tribunal de commerce de Créteil, 20 septembre 2010, N° 2009F00100

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 05 JUILLET 2012

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/20391

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Septembre 2010 -Tribunal de Commerce de CRETEIL – RG n° 2009F00100

APPELANTE

SAS C&I représentée par son Président en exercice venant aux droits de la SAS IBA

Ayant son siège social

XXX

XXX

XXX

Représentée par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, Me Véronique DE LA TAILLE, avocats au barreau de PARIS, toque : K0148

Assistée de Me Frédéric A, avocat au barreau de PARIS, toque K 167

INTIMÉE

SARL GEORGET agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

Ayant son siège social

XXX

XXX

Représentée par la SCP RIBAUT, Me Vincent RIBAUT, avocats au barreau de PARIS, toque : L0051

Assistée de Me Brigitte MAYETON, avocat au barreau de NANTES, plaidant pour AVOXA, toque :C 52

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Mai 2012, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Colette PERRIN, Présidente, et Madame D E, Conseillère chargée d’instruire l’affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame D E, Conseillère

Madame Irène LUC, Conseillère désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d’appel de Paris en vertu de l’article R 312-3 du code de l’organisation judiciaire pour compléter la chambre.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE

Dans le cadre de la cession d’un portefeuille de cartes, la société Georget a exercé pour le compte de la société IBA un mandat de représentation aux termes d’un contrat à durée indéterminée, à compter du 2 janvier 2007.

La société IBA a été reprise par les actionnaires du groupe Cadum en septembre 2007 pour être par la suite absorbée par la société C&I en date du 31 décembre 2008.

Les relations commerciales entre les agents commerciaux et le nouvel actionnaire se sont dégradées.

La société IBA a, par lettre recommandée en date du 9 septembre 2008, notifié à la société Georget la résiliation de son contrat d’agent commercial, avec effet immédiat, indiquant : 'nous ne pouvons que'… 'considérer que vous avez décidé de cesser votre mission ce dont nous prenons acte', position contestée par la société Georget dès le 25 septembre 2008.

Par acte d’huissier en date du 9 janvier 2009, la société Georget a fait assigner la société IBA par devant le tribunal de Commerce de Créteil aux fins de voir dire et juger que la rupture est imputable au mandant et ainsi voir condamner la société C&I venant aux droits de la société IBA à lui payer des indemnités de cessation de contrat et pour non respect du préavis légal.

Le tribunal de commerce de Créteil a, par un premier jugement en date du 29 septembre 2009, débouté la société IBA de sa demande de sursis à statuer et fait injonction à la société IBA de conclure au fond.

A l’audience du 4 mai 2010, seule la société Georget s’est présentée, déclarant avoir reçu une demande de renvoi de la part de société IBA à laquelle elle s’opposait. Après que l’affaire a été mise en délibéré, la société IBA, représentée par un nouvel avocat, a sollicité la réouverture des débats, demande renouvelée par lettre en date du 7 mai 2010.

Par jugement rendu le 21 septembre 2010, assorti de l’exécution provisoire sous réserve de la fourniture par la société Georget d’une caution bancaire, le tribunal de commerce de Créteil a :

— dit qu’il n’y avait pas lieu à réouverture des débats,

— condamné la société C&I, venant aux droits de la société IBA, à payer à la société Georget les sommes de

*68.000,00 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2008,

*10.166,00 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2008,

*6.739,74 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 Janvier 2009,

— débouté la société C&I, venant aux droits de la société IBA, de toutes ses demandes, notamment de nomination d’un expert judiciaire,

— débouté la société Georget de sa demande de communication des éléments de facturation avec astreinte,

— dit que les intérêts porteront eux-mêmes intérêts pourvu que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière,

— condamné la société C&I, venant aux droits de la société IBA, à payer à la société Georget la somme de 2.500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté la société Georget du surplus de sa demande et débouté la société C&I, venant aux droits de la société IBA, de sa demande formée de chef,

Vu l’appel interjeté en date du 19 octobre 2009 par la société C&I,

Vu les dernières conclusions signifiées en date du 21 février 2011 par la société C&I par lesquelles elle demande à la Cour de :

A titre principal,

— prononcer l’annulation du jugement du 21 septembre 2010 rendu par le Tribunal de Commerce de Créteil,

— dire et juger que la société Georget a commis plusieurs fautes graves dans l’exécution du contrat d’agence commerciale,

— dire et juger que le contrat d’agence commerciale a été résilié aux torts exclusifs de la société Georget,

— condamner la société Georget au paiement de la somme de 55.615 euros au titre du préjudice subi.

A titre subsidiaire :

— infirmer en tous points le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Créteil le 21 septembre 2010,

— dire et juger que la société Georget a commis plusieurs fautes graves dans l’exécution du contrat d’agence commerciale,

— dire et juger que le contrat d’agence commerciale a été résilié aux torts exclusifs de la société Georget,

— condamner la société Georget au paiement de la somme de 55.615 euros au titre du préjudice subi.

En tout état de cause,

— condamner la société Georget aux frais irrépétibles à hauteur de 5000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société C&I estime, sur le fondement sur l’article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, que le jugement de première instance doit être annulé en ce sens qu’il n’a pas été équitable, le principe du contradictoire n’ayant pas été respecté pour des raisons de mauvaise organisation interne à la juridiction consulaire de Créteil. De plus, elle soutient que la composition même du tribunal permet un doute légitime quant à son impartialité puisque la société C&I, dans les quatre litiges qui l’ont opposée à ses anciens agents commerciaux a été jugée par le même tribunal et en partie par les mêmes magistrats.

Sur le fond, la société C&I considère que des fautes graves sont imputables à la société Georget en ce sens que ses résultats devenaient très faibles, ce qui démontrait qu’elle avait cessé toute démarche commerciale, qu’elle a manqué à son obligation d’information et qu’elle a violé une clause légale de non concurrence en concluant au moins un contrat d’agence avec des sociétés concurrentes et qu’elle n’a donc droit à aucune indemnité.

Elle soutient, à titre reconventionnel que les fautes commises par la société Georget lui ont causé un préjudice qui doit être réparé par le paiement de dommages-intérêts.

Vu les dernières conclusions signifiées le 23 juin 2011 par la société Georget par lesquelles elle demande à la Cour de :

— confirmer la décision du tribunal de commerce de Créteil dans toutes ses dispositions excepté sur la demande de communication des éléments de facturation en provenance du secteur contractuel qui a été rejetée à tort par les premiers juges.

Y rajoutant,

— ordonner à l’appelante de communiquer tous les éléments de facturation portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 janvier 2009 sous astreinte de 250€ par jour de retard,

— débouter l’appelante de toutes ses demandes, fins et prétentions,

— condamner l’appelante à payer la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure de civile.

La société Georget soutient d’abord que le principe du contradictoire a bien été respecté en première instance et que les difficultés dont fait part la société C&I sont dues à un défaut de diligence de sa part. Elle ajoute que l’impartialité du tribunal ne peut être mise en cause car la société IBA ayant été assignée par une dizaine d’agences commerciales sur les mêmes fondements, le nombre de juges composant la juridiction commerciale ne permettant pas de mettre en place des compositions différentes pour chaque affaire.

Au fond, la société Georget estime que la lettre de rupture n’était pas motivée et qu’elle n’a commis aucune faute grave.

Elle conteste avoir refusé de donner des informations, avoir violé une obligation de non concurrence et affirme que la rupture pour faute grave relève en fait d’une stratégie de groupe puisque la société Georget a toujours eu des relations commerciales très satisfaisantes avec la société IBA jusqu’au jour du rapprochement avec le groupe Cadum.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l’annulation du jugement demandée par la société C&I

La société C&I soutient qu’elle n’a pas bénéficié d’un procès équitable devant le tribunal de commerce de Créteil.

Il résulte des pièces du dossier et des explications des deux parties que la procédure, initiée le 9 janvier 2009 par la SARL Georget, a fait l’objet de nombreux renvois pour permettre aux parties d’échanger leurs conclusions et leurs pièces ainsi que d’un jugement sur incident, en date du 29 septembre 2009, déboutant la société IBA (aujourd’hui C&I)de ses demandes de communication de pièces et de sursis à statuer et lui faisant injonction de conclure sur le fond pour l’audience du 3 novembre 2009.

La société IBA a conclu pour cette date, la société Georget a conclu pour le 15 décembre 2009 et l’affaire a été renvoyée pour conclusions en réplique de la société IBA à l’audience du 23 février 2010, à laquelle aucune conclusion n’a été déposée en son nom.

A cette date, Maître B C, mandataire de la société IBA a informé les parties et le tribunal qu’un nouvel avocat, Maître A, se constituait pour la société IBA, raison pour laquelle l’affaire a une nouvelle fois été renvoyée, par courrier du 2 mars 2010, à l’audience du 4 mai 2010, l’affaire étant alors fixée pour être plaidée.

Le nouvel avocat de la société IBA disposait donc d’un délai raisonnable, de plus de deux mois pour communiquer de nouvelles pièces, produire de nouvelles conclusions et mettre l’affaire en état d’être plaidée.

Or, par télécopie officielle du 3 mai 2010 à 20 H 14, Maître A indiquait qu’il serait présent à l’audience du 4 mai 2010 pour s’opposer à toute plaidoirie en précisant 'je travaille actuellement de nouvelles conclusions que je remettrai demain au tribunal'.

Pourtant, il s’est présenté avec retard à l’audience du 4 mai 2010, alors que l’affaire avait déjà été appelée et mise en délibéré au 21 septembre 2010. Cet empêchement a été reconnu, dû semble-t-il au retard d’un taxi.

Le conseil de la société IBA a alors adressé au juge rapporteur du tribunal de commerce de Créteil un courrier demandant la réouverture des débats.

Le jugement dont appel est intervenu le 21 septembre 2010, rejetant la demande de réouverture des débats et statuant au fond sur les demandes de la société Georget.

Le rejet de la demande de réouverture des débats est motivée de la manière suivante :

'Attendu que par lettre adressée au tribunal le 7 mai 2010 la société C&I demande la réouverture des débats faisant valoir qu’à la suite des errements d’un taxi elle est arrivée en retard à l’audience.

Attendu que par lettre officielle du 3 mai 2010 adressée au conseil de la société Georget, la société Iba déclarait que l’affaire n’était pas en l’état et demandait un renvoi, qu’en tout état de cause elle s’opposerait à toute plaidoirie.

Attendu que la société Georget, demandeur, a déclaré s’opposer à tout renvoi.

Attendu que dans cette instance un premier jugement sur incident a débouté la société Iba de toutes les demandes de communication qu’elle avait formulé, que la société Georget considérait que ces demandes étaient essentiellement dilatoires, que le tribunal a fait sommation à la société Iba de conclure sur le fond à l’audience collégiale du 3 novembre 2009, ce qui a été fait.

Attendu que la société Georget a répondu le 15 décembre 2009, que la société Iba n’a pas conclu à l’audience du 23 février 2010 où l’affaire a été renvoyée devant le juge rapporteur qui avait connu.

Attendu que la société Iba fait état de nouvelles pièces.

Mais attendu que la société Iba n’a pas cru devoir adresser ces pièces au tribunal pour lui permettre d’en apprécier la pertinence, qu’il n’y a donc pas de motif sérieux pour ordonner la réouverture des débats.'

Force est de constater que ces motifs sont pertinents et ne démontrent nullement un quelconque non respect de l’équité par le tribunal de commerce de Créteil, seul le défaut de diligences de la société C&I et de son conseil étant à l’origine de la situation dont elle se plaint.

Elle a disposé d’un délai de quatre mois et demi pour répliquer aux conclusions de la société Georget du 15 décembre 2009, ce qui est plus que suffisant même avec un changement d’avocat qui, au demeurant, est intervenu dès la mi-février 2010, l’absence de conclusions dans un tel délai ne pouvant être considérée que comme dilatoire par la juridiction saisie du litige.

Comme l’a justement souligné le tribunal, elle n’a pas cru devoir adresser les nouvelles pièces dont elle faisait état au tribunal pour lui permettre d’en apprécier la pertinence. Il convient d’ajouter, qu’il aurait été judicieux de produire de nouvelles conclusions pour inciter les premiers juges, au regard de leur intérêt pour la solution du litige, à envisager la réouverture des débats et le renvoi de l’affaire à une audience ultérieure, ce que la société Iba s’est bien gardée de faire, renforçant l’impression du caractère dilatoire de la demande.

Par ailleurs, sachant que le conseil de la société Georget s’opposait à la demande de renvoi, il appartenait au conseil de la société C&I d’être à l’heure pour l’audience ou, à tout le moins, de prévenir le mandataire de la société, qui était présent au tribunal de Créteil, ou le greffe de son retard, ce qu’il n’a pas fait.

L’affaire a donc été plaidée et mise en délibéré à l’audience du 4 mai 2010, en l’absence de la société C&I et/ou de son conseil, dans le respect du calendrier de procédure et du contradictoire et l’organisation des audiences du tribunal de commerce de Créteil n’a rien à voir avec l’empêchement de la société C&I qui est uniquement imputable au défaut de diligence de son conseil.

Il convient de préciser que la date du 21 septembre 2010 apparaissant sur le calendrier des audiences Infogreffe n’était pas une nouvelle date d’audience qui aurait brusquement 'disparu', comme le soutient l’appelante, mais tout simplement la date de délibéré du jugement dont appel.

La société C&I, en reprochant au conseil de son adversaire de ne pas avoir accepté le renvoi de l’affaire, mélange manifestement la confraternité qui ne concerne que les rapports entre les conseils des parties et un procès équitable qui ne fait pas de doute en l’espèce.

Par ailleurs, la société C&I ne saurait reprocher au tribunal de commerce de Créteil son impartialité au motif que ce sont les mêmes juges qui ont statué dans les procédures dans lesquelles elle a été attraite par une dizaine d’agents commerciaux devant ledit tribunal, Monsieur Z étant membre du tribunal dans l’ensemble des instances et Monsieur de Montille présidant le tribunal dans deux de ces instances.

En effet, le nombre de juges composant la juridiction consulaire de Créteil est limité et ne permettait en aucun cas d’affecter des juges différents pour chaque affaire, le tribunal devant connaître de toutes les affaires qui sont de son ressort.

D’ailleurs, ce sont les contrats d’agence rédigés par la société IBA elle-même qui stipulent la compétence du tribunal de commerce de Créteil, de sorte que l’appelante ne saurait se plaindre d’être jugée , dans tous les dossiers la concernant par la même juridiction.

En outre, rien ne permet, dans le déroulement de l’instance ou dans la rédaction des jugements, d’affirmer, comme le fait la société C&I, que le jugement rendu au profit de la société Georget aurait nécessairement été influencé par les autres instances. Au demeurant, la société C&I n’explicite pas en quoi les juges composant la juridiction commerciale de Créteil auraient fait preuve d’impartialité.

Pour l’ensemble de ces motifs, la demande d’annulation du jugement présentée par la société C&I doit être rejetée.

Sur la rupture du contrat d’agent commercial et ses conséquences

Il convient de rappeler qu’en application de l’article L 134-11 du code de commerce, chacune des parties peut mettre fin au contrat d’agent commercial à durée indéterminée moyennant un préavis, d’une durée d’un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes, sauf dispositions contractuelles prévoyant un délai plus long, ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d’une faute grave de l’une des parties ou la survenance d’un cas de force majeure.

L’article L 134-12 du code de commerce dispose, qu’en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Cependant, aux termes de l’article L 134-13 du même code, cette réparation n’est pas due si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial.

La faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel.

La société C&I reproche à la société Georget 'des résultats désastreux pour le premier semestre 2008, ne pouvant résulter que de la cessation de toute démarche commerciale, son refus, exprimé par sa lettre du 19 juin 2008, de donner l’information circonstanciée qui lui était demandée, ayant simplement renvoyé la société IBA à la consultation d’un logiciel permettant des saisies d’informations lapidaires et la violation de son obligation de non concurrence’ et d’avoir ainsi 'manifestement rendu impossible le maintien du lien contractuel'.

Il convient de rappeler que, contrairement aux affirmations de la société Georget, il importe peu que la lettre de rupture fasse ou non référence aux fautes graves reprochées à l’agent commercial et le fait que la lettre qui lui a été adressée par la société IBA le 9 septembre 2008 indique simplement que l’agence 'ne satisfait pas aux conditions d’exercice du mandat’ ne la prive pas de la possibilité d’invoquer des fautes graves à l’encontre de la société Georget à condition qu’elle en rapporte la preuve.

Cependant en l’espèce, force est de constater que la société C&I ne prouve pas que la société Georget aurait gravement manqué à ses obligations contractuelles.

Elle ne saurait en effet sérieusement arguer d’une baisse significative des commissions en 2008, de l’ordre de 60 %, qui 'traduiraient la cessation de toute démarche commerciale’ de la part de l’agent commercial.

Elle compare en effet le chiffre des commissions directes de 2007, soit 3.906,76 € au chiffre de 2008, soit 1.583, 69 € alors qu’il a été mis fin au contrat d’agence le 9 septembre 2008, de sorte qu’il n’est pas possible de comparer une période de 12 mois et une période de 8 mois, la baisse étant en réalité de l’ordre de 35 %, ce qui n’est pas significatif surtout sur des chiffres de commissions aussi faibles, étant précisé qu’en 2006, avec le prédécesseur de la société Geroget, il était déjà très faible, s’établissant à 1.762,30 €.

Par ailleurs, la société C&I ne fait pas état du chiffre des commissions indirectes, concernant l’activité déployée auprès de la grande distribution, alors que les commissions directes sont depuis toujours plus faibles que les commissions indirectes. Ainsi en 2007, les commissions directes représentaient 11 % du total des commissions contre 6 % en 2008.

Enfin, le client Système U qui était travaillé en direct jusqu’en 2007 pour un total de commissions de 2. 841,38 €, est passé en entrepôt en 2008.

En outre, la société C&I n’a jamais émis un quelconque grief à l’encontre de l’agent commercial avant la rupture du contrat.

La société C&I fait également état d’une violation par la société Georget de son obligation d’information, dans la mesure où celle-ci aurait répondu à son courrier de demande d’information du 4 juin 2008 portant 'sur l’évolution et le suivi de l’assortiment par magasin (Distribution numérique régionale par enseigne et codes produits)' et 'une performance mensuelle du chiffre d’affaires par magasin et par enseigne avec explication des retards et plans d’actions', par une lettre du 19 juin 2008 la renvoyant à la consultation d’un logiciel permettant des saisies d’informations lapidaires.

Pourtant, par son courrier du 20 juin 2008, la société Georget a fait une réponse circonstanciée, en indiquant :

'… nous n’avons aucune directive commerciale depuis la reprise d’IBA par la société Cadum et vous trouvez comme meilleur moyen de communication un courrier envoyé en AR.

Notre rendez-vous du 18 janvier dernier avait pour objet une présentation de nos deux sociétés. Vous nous avez fait comprendre à l’issu de cet entretien que, pour des raisons de nouvelle politique commerciale, notre partenariat ainsi que celui des autres agents précédemment convoqués était susceptible d’être remis en question.

Depuis, plus aucune nouvelle, si ce n’est ce courrier recommandé du 4 juin dernier nous intimant de vous faire parvenir diverses informations qui, me semble-t-il, sont déjà en votre possession.

Nous fonctionnons, comme l’ensemble de nos collègues, par relevés trimestriels, traités par le biais de C-Agent, logiciel dont s’est muni une partie de la profession, sur la demande d’IBA. Toutes les informations que nous pouvons vous fournir sont donc contenues dans cet outil.

Nous avons la possibilité d’obtenir certaines statistiques d’enseignes telles que Galec, mais vous êtes censés, tout comme vos prédécesseurs s’en acquittaient, nous fournir le reste des informations statistiques des autres enseignes.

Vous nous demandez également des explications sur des retards et les plans d’Actions, alors qu’aucune information sur les nombreuses ruptures du 1er semestre ne nous ai parvenue, le plus dommageable étant d’être prévenus par nos clients(à l’instar des magasins U qui ne reçoivent pas la totalité de la gamme telle que le Sanaga pêche Notamment).

Concernant les Plans d’Actions, nous sommes forcés de constater qu’aucun plan promotionnel n’a été mis en place durant le 1er semestre et apparemment aucun n’est prévu sur le 3e trimestre.

Votre demande d’Action du 18 juin dernier nous demandant de visiter l’ensemble des enseignes Carrefour et Auchan sous 2 jours fait montre du décalage et de l’irréalisme de vos demandes.

Nous ne comprenons manifestement pas l’ensemble de vos intentions et votre soudain empressement après 5 mois de silence le plus complet.

Sachez que nous souhaitons malgré cela continuer à défendre et à travailler vos produits avec toute la rigueur et l’intégrité qui nous est reconnue. Nous sommes toujours prêts à étudier et mettre les moyens en oeuvre pour une meilleure collaboration, mais refusons d’accepter ce climat de haute tension que vous proposez désormais ….'

Il ne peut certainement pas être déduit des termes de cette lettre que la société Georget aurait violé son obligation d’information et la société C&I ne peut décemment se prévaloir d’une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat d’agence alors qu’elle a attendu près de trois après la réception de cette lettre pour 'considérer que vous avez décidé de cesser votre mission ce dont nous prenons acte', position contestée par la société Georget dès le 25 septembre 2008.

La société C&I reproche enfin à la société Georget la violation de la clause de non concurrence figurant à l’article 7 du contrat d’agence.

Elle se fonde sur deux attestations établies, d’une part par l’ancien directeur d’IBA, Monsieur X, d’autre part par le directeur commercial de la société C&I, faisant état de relations contractuelles, notamment entre la société Georget et un de ses concurrents, la société Novamex et sur le procès-verbal de constat de Maître Y, huissier de justice en Avignon qui, selon elle, établirait avec certitude la collaboration de cette dernière avec ce concurrent Novamex.

Il apparaît cependant que le constat d’huissier du 22 septembre 2010 ne fait qu’indiquer que 'le contrat liant la société Magdis à la société Novamex a été racheté par la société Magdis à la société Eurl Rollet 83, rue de l’Esquirau à XXX".

Or, d’une part il n’est pas démontré que la société Magdis et la société Georget constituent une seule et même société, d’autre part l’appelante ne justifie pas que son ex-agent commercial ait, durant la vie du contrat, représenté ou commercialisé des produits concurrents de ceux de la société IBA.

En effet, la société Georget n’a jamais représenté les produits Cadum, qui sont des produits d’hygiène, mais uniquement les produits IBA, constitués de déodorants d’intérieurs et de produits spécialistes frigo et la société Novamex ne distribue pas des produits concurrents de ceux représentés au nom de la société IBA par l’agent commercial.

Quant aux deux attestations, elles ne sauraient être prises en considération, s’agissant de preuves que la société C&I s’est constituée à elle-même.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société C&I n’a pas rapporté la preuve de fautes graves imputables à la société Georget et justifiant qu’elle soit privée de l’indemnité de rupture à laquelle elle a droit.

Surabondamment, la société Georget relève à juste titre que la société IBA a, au cours de l’année 2008, rompu pour faute grave les contrats de tous les agents commerciaux composant sa force de vente et parallèlement lancé le recrutement d’une force de vente salariée, la rupture des contrats d’agence, avec une concomitance et une similitude des courriers adressés, relevant manifestement d’une stratégie du groupe et non d’un comportement fautif des agents.

***

L’indemnité de rupture due à l’agent commercial doit réparer le préjudice résultant de la perte pour l’avenir des revenus tirés de l’exploitation de la clientèle commune.

En l’espèce, le tribunal s’est à bon droit référé aux commissions versées pour l’année 2007 et pour les deux premiers trimestres 2008, dès lors que le contrat d’agence n’a débuté que le 2 janvier 2007, soit un total de 60.103,04 € pour 18 mois, soit une moyenne de 40.068,69€ par an.

Compte tenu de la durée des relations commerciales, soit moins de deux ans, de l’acquisition par la société Georget de la carte IBA auprès de l’ancien agent commercial pour un montant de 60.741 € et des circonstances de la rupture, il est légitime d’allouer à la société Georget l’indemnité de rupture qu’elle réclame à hauteur du montant qui lui a été alloué par les premiers juges, soit 68.000 €, représentant environ 18 mois de commissions brutes .

Le jugement doit également être confirmé en ce qu’il a alloué à l’intimée une somme de 10.166 € au titre de l’indemnité de préavis équivalente à trois mois de commissions, en application des dispositions de l’article L 134-11 alinéa 3 du code de commerce.

En application de l’article L 134-7 du code de commerce, le mandant a l’obligation de commissionner son agent commercial sur l’ensemble des sommes encaissées depuis la cessation du contrat.

Dès lors, la société Georget demande justement la communication sous astreinte de 250 € par jour de retard des éléments de facturation concernant les ventes directes et indirectes réalisées sur le secteur contractuel de l’agent du 1er janvier 2008 au 31 janvier 2009, en vertu de l’article 3 alinéa 1er du décret du 23 décembre 1958.

La somme de 6.739,74 € d’ores et déjà allouée par le tribunal doit rester acquise à la société Georget à titre de provision sur les montants qui lui restent dus par la société C&I au titre des commissions de retour sur échantillonnages.

Compte tenu des motifs énoncés ci-dessus, la société C&I ne peut être que déboutée de sa demande en dommages et intérêts.

L’équité commande d’allouer à la société Georget une indemnité de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

REJETTE la demande d’annulation du jugement présentée par la société C&I,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la communication des éléments de facturation sur la période du 1er janvier 2008 au 31 janvier 2009,

Statuant à nouveau sur ce point,

ORDONNE à la société C&I de communiquer à la société Georget, sous astreinte de 250€ par jour de retard à compter du 15e jour suivant la notification du présent arrêt, des éléments de facturation concernant les ventes directes et indirectes réalisées sur le secteur contractuel de l’agent du 1er janvier 2008 au 31 janvier 2009,

DEBOUTE les parties de leurs plus amples demandes,

CONDAMNE la société C&I à payer à la société Georget une indemnité de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société C&I aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

E. DAMAREY C. PERRIN

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 5 juillet 2012, n° 10/20391