Cour d'appel de Paris, 30 octobre 2013

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 30 oct. 2013
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Marseille, 27 janvier 1994, N° 86-1243

Texte intégral

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5-7

ARRET DU 30 OCTOBRE 2013

(n° 61, 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 2012/12026

Décision déférée à la Cour :

— L’ordonnance du Juge des libertés du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 28 janvier 1994, ayant autorisé des visites et saisies sur le fondement de l’article 48 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, devenu article L 450-4 du Code de commerce ;

DEMANDERESSES AU RECOURS :

— La société CEMEX FRANCE GESTION, S.A.S.

(venant aux droits de l’ancienne société BETON DE FRANCE)

prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : XXX

élisant domicile au Cabinet de Maître P TEYTAUD,

XXX

assistée de :

— Maître P TEYTAUD,

avocat au barreau de PARIS

XXX

— Maître Loraine DONNEDIEU DE VABRES TRANIE,

avocate au barreau de PARIS

JEANTET ASSOCIES AARPI

XXX

— La société CEMEX BETONS SUD-EST , S.A.S. (venant aux droits de l’ancienne SOCIETE BRIGNOLAISE DE BETON ET D’AGGLOMERES)

prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : XXX

élisant domicile au Cabinet de Maître P TEYTAUD,

XXX

assistée de :

— Maître P TEYTAUD,

avocat au barreau de PARIS

XXX

— Maître Loraine DONNEDIEU DE VABRES TRANIE,

avocate au barreau de PARIS

JEANTET ASSOCIES AARPI

XXX

— La société X, S.A.S.

prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : XXX

élisant domicile au cabinet de la SCP FISSELIER & ASSOCIES

XXX

assistée de :

— la SCP FISSELIER & ASSOCIES

avocats associés au barreau de Paris

XXX

— Maître Claude LAZARUS,

avocat au barreau de PARIS

Cabinet BIRD & BIRD

XXX

XXX

DÉFENDEUR AU RECOURS :

— M. H DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DU COMMERCE EXTÉRIEUR

D.G.C.C.R.F.

XXX

XXX

représenté à l’audience par M. K L, Directeur fonctionnel, muni d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

— M. Z COUJARD, Président de chambre

— M. Michel CHALACHIN, Conseiller

— Mme Z N, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : M. Q R-S

MINISTÈRE PUBLIC :

L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. P VAISSETTE, substitut général, qui a fait connaître son avis.

* * * * * *

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 09 octobre 2013, les avocats des appelants, le représentant du Ministre de l’Economie et M. le représentant du Ministere Public ;

Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 30 octobre 2013 pour prononcé en audience publique, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 462 du Code de procédure pénale.

* * * * * *

Avons rendu l’arret ci-après :

Vu l’ordonnance en date du 28 janvier 1994, rendue par Raymond Espel, premier vice-président près le tribunal de grande instance de Marseille, délégué par le président de ce tribunal, qui a :

' autorisé I J, chef de service régional à Marseille, chef de la brigade interrégionale d’enquêtes Provence-Alpes-Côte d’Azur, Languedoc-Roussillon et Corse à faire procéder à l’ensemble des visites domiciliaires et saisies de tous documents nécessaires à l’établissement de la preuve de pratiques anticoncurrentielles entrant dans le champ de celles prohibées par les points 1.2.3. et 4 de l’article 7 et par l’article 8.1de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986, dans le marché du béton prêt à l’emploi dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, dans les locaux de douze entreprises et organismes professionnels, à savoir :

XXX

XXX

XXX

XXX

— Société UNIMIX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

— Société Méditerranéenne de Béton (SMB)

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

— Société Béton de France

XXX

13 Aix-en-Provence

— Traverse de la Michèle

XXX

XXX

84 Saint-Saturnin-les-Avignon

— Société B C

8, rue Sainte-Barbe

XXX

— Union Régionale des Industries de Carrières et Matériaux de Construction

Provence – Alpes Côte d’Azur-Corse (UNICEM) et Syndicat Régional du Béton Prêt à l’Emploi

XXX

XXX

— Société Superbéton

XXX

XXX

— Société Bétons Chantiers du Var

XXX

XXX

— Société Express Béton

XXX

Draguignan

— Société Béton Chantiers Prêt

XXX

XXX

— Société XXX

XXX

610, rue Grand-Gígognan

XXX

' désigné pour assister aux opérations de visite et de saisie dans les lieux situés dans son ressort, et le tenir informé de leur déroulement, les officiers de police judiciaire

XXX, pour le XXX

— Z A, inspecteur au SRPJ de Marseille, pour l’UNICEF et le SRPBPE,

— D E, inspecteur divisionnaire au SRPJ de Marseille , pour BETON CHANTIER MARSEILLE,

— O-U V, inspecteur au SRPJ de Marseille, pour BETON DE FRANCE,

— F G, inspecteur principal au SRPJ de Marseille, pour B C,

' donné pour les autres lieux, commission rogatoire aux Présidents des Tribunaux de Grande

instance d’Aix en Provence (13), Avignon (84), Toulon et Draguignan (83), qui exerceraient, chacun pour ce qui le concerne, le contrôle sur les opérations de visite et de saisie, et désigneraient à cette fin les officiers de police judiciaire territorialement compétents

' précisé que les entreprises pourraient le saisir dans un délai de six mois à compter de la date des visites, le saisir par vois de requête de toute contestation relative au déroulement des opérations et à l’adéquation des pièces saisies au champ de son autorisation et dans un délai de cinq jours francs à compter de la signification de son ordonnance, se pourvoir en cassation contre elle

' dit que l’ordonnance serait caduque faute d’exécution avant le 28 février 1994.

Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 3 octobre 1995, qui a cassé cette ordonnance, seulement en ce qu’elle avait fixé un délai de six mois pour la présentation des requêtes en contestation de la régularité des opérations de visite

Vu l’ordonnance rendue le 16 octobre 1996 par le premier juge, qui a déclaré irrecevable le recours en annulation des opérations de visite, formé par diverses sociétés, dont la société Colas Midi Méditerranée

Vu la décision rendue le 30 octobre 1996 par le Conseil de la concurrence, qui a prononcé des sanctions pécuniaires à l’encontre de quatorze entreprises, dont la société Colas Midi Méditerranée, venue aux droits de la société O-P

Vu l’arrêt rendu le 21 novembre 1997 par la cour d’appel de Paris, qui a sursis à statuer jusqu’à ce qu’il soit justifié d’une décision judiciaire irrévocable sur la régularité des opérations de visite domiciliaire et de saisie effectuées dans les locaux de la société Garnier Pisan

Vu l’arrêt rendu le 15 juin 1999 par le cour de cassation qui a cassé l’ordonnance susvisée du 16 octobre 1996, et renvoyé les parties devant le tribunal de grande instance de Toulon

Vu l’arrêt rendu le 16 novembre 2004 par la cour d’appel de Paris, qui a renvoyé au Conseil de la concurrence l’examen des griefs notifiés aux parties

Vu l’arrêt rendu le 31 janvier 2006 par la Cour de cassation qui, au visa des articles L 464-8 du code de commerce, 561 et 562 du code de procédure civile, a cassé l’arrêt susvisé du 16 novembre 2004, motif pris de ce que la cour d’appel aurait dû statuer en fait et en droit sur la demande des parties

Vu l’arrêt rendu le 16 juin 2009 par la cour d’appel de Paris, saisie, à la fois comme cour de renvoi sur l’annulation de la décision du 30 octobre 1996 (Conseil de la concurrence) et en nullité des ordonnances rendues le 15 juin 1989 par le président du tribunal de grande instance de Draguignan, et le 19 juin 1989 par le président du tribunal de grande instance de Marseille, qui avaient autorisé les visites domiciliaires et les saisies, et qui a notamment :

— annulé la décision du Conseil de la concurrence du 30 octobre 1996, motif pris de la présence de son rapporteur général au délibéré du Conseil

— rejeté le recours contre l’autorisation de visite domiciliaire et de saisie du 15 juin 1989 rendue par le président du tribunal de grande instance de Draguignan

— déclaré irrecevables les contestations des opérations de visite et de saisie intervenues le 6 juillet 1989 dans les locaux de la société Garnier Pisan

— dit que les sociétés Colas Midi méditerranée et O-P ont enfreint les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986

— infligé à la société Colas Méditerranée deux amendes de 350 000 € et 45 000 €

Vu l’arrêt rendu le 21 juin 2011 par la Cour de cassation qui a cassé et annulé l’arrêt susvisé du 16 juin 2009, motif pris que l’examen par la même formation, d’une part, de l’existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles autorisant les visites domiciliaires et les saisies, et d’autre part, du bien fondé des griefs retenus et de la sanction prononcée au titre de ces pratiques est de nature à faire naître un doute raisonnable sur l’impartialité de la juridiction, sans distinction quant à la décision prise

Vu le recours n°2012/12026 formé le 11 juin 2012 par la société CEMEX FRANCE GESTION venant aux droits de la société BETONS DE FRANCE, contre l’ordonnance susvisée du 28 janvier 1994

Vu le recours enregistré au greffe de la cour, le 2 juillet 2012, formé par la société X

Vu les saisines de la cour sur renvoi après cassation, enregistrées au greffe le 11 juin 2012, sur le fondement des articles 1032 et 1033 du code de procédure civile et L 464-8 et R 464-10 du code de commerce après renvoi de cassation, par les sociétés CEMEX FRANCE GESTION et CEMEX BETONS SUD-EST

Vu l’ordonnance du 3 juillet 2012 par laquelle le premier président de cette cour a disjoint et séparé la procédures portant sur la décision n°97-D-39 du Conseil de la concurrence du 17 juin 1997 et celle concernant l’ordonnance susvisée du 28 janvier 1994

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe de la cour le 23 avril 2013 et développées oralement à l’audience par lesquelles la société CEMEX FRANCE GESTION, au visa de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, de l’article 48 de l’ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986, devenu article L 450-4 du code de commerce, demande voir

— annuler l’ordonnance du 28 janvier 1994,

— constater la nullité de tous actes prenant appui sur cette ordonnance

— ordonner la restitution de l’ensemble des documents saisis sur le fondement de ladite ordonnance,

— interdire à toute personne ou autorité autre que leur propriétaire d’en faire usage, en original ou en copie

— condamner H chargé de l’économie à payer la somme de 8 000€ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe de la cour le 23 avril 2013 et développées oralement à l’audience par lesquelles la société CEMEX BETONS SUD-EST, au visa de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, de l’article 48 de l’ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986, devenu article L 450-4 du code de commerce, demande voir

— annuler l’ordonnance du 28 janvier 1994,

— constater la nullité de tous actes prenant appui sur cette ordonnance

— ordonner la restitution de l’ensemble des documents saisis sur le fondement de ladite ordonnance,

— interdire à toute personne ou autorité autre que leur propriétaire d’en faire usage, en original ou en copie

— condamner H chargé de l’économie à payer la somme de 8 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe de la cour le 3 octobre 2013 et développées oralement à l’audience par lesquelles la société X, au visa de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, de l’article 48 de l’ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986, devenu article L 450-4 du code de commerce, demande voir

— annuler l’ordonnance du 28 janvier 1994,

— ordonner la restitution de l’ensemble des documents saisis sur le fondement de ladite ordonnance,

— condamner H chargé de l’économie à payer la somme de 30 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Vu les mémoires en réponse, tous enregistrés au greffe de la cour le 26 juillet 2013 et développé oralement à l’audience par lesquels H de l’économie et des finances, conclut, au visa de l’article L.470-5 du code de commerce

— à l’irrecevabilité du recours de la société CEMEX BETONS SUD-EST

— au rejet des deux autres recours et à la régularité de l’ordonnance

Vu les conclusions du ministère public

MOTIFS :

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il convient, en application de l’article 367 du code de procédure civile, et compte tenu du lien existant entre elles, de joindre les instances enregistrées sous les numéros 12/12026, 12/12067 et 12/12077 qui concernent trois recours contre la même ordonnance.

Afin de permettre aux personnes ayant fait l’objet de visites domiciliaires d’obtenir un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de ces visites ainsi que des mesures prises sur leur fondement – contrôle jusque-là inexistant – l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, a instauré un régime transitoire prévoyant, notamment, que si l’autorisation de visite et saisie avait fait l’objet d’un pourvoi en cassation ayant donné lieu à un arrêt de rejet de la Cour de cassation, les parties pourraient exercer un recours en contestation de l’autorisation devant la cour d’appel de Paris saisie dans le cadre de l’article L. 464-8 du code de commerce, ce qui est le cas de l’espèce ;

Sur la recevabilité de l’action de la société CEMEX BETONS SUD-EST

La société CEMEX BETONS SUD-EST se trouve aux droits de la société BRIGNOLAISE DE BETON ET D’AGGLOMÈRES.

Dans son mémoire, H de l’économie et des finances considère que seules les personnes visées par l’ordonnance ayant autorisé la saisie sont recevables à former le recours ouvert à l’article 5 IV de l’ordonnance n°2008-1161 du 13 novembre 2008.

Il est constant que la société BRIGNOLAISE DE BETON ET D’AGGLOMÈRES, aux droits de laquelle se trouve CEMEX BETONS SUD-EST n’était pas visée par l’ordonnance déférée.

La société requérante réplique que l’ordonnance déférée étant inconventionnelle, toutes les personnes y ayant intérêt, même tierces, sont recevables en leur recours contre elle.

Elle affirme que des poursuites ont été engagées contre elle du fait des pièces saisies au cours des visites domiciliaires effectuées notamment dans les locaux de la société UNIMIX et qu’elle a intérêt à agir.

Il résulte en effet de la décision n°97-D-39 du Conseil de la concurrence en date du 17 juin 1997 qui se fonde, pour l’essentiel, sur les opérations de visite domiciliaire et de saisie effectuées sur le fondement de l’ordonnance déférée, et qui a prononcé une amende de 300 000 € à l’encontre de la société Brignolaide de Béton et d’Agglomérés (SBBA) que cette ordonnance lui a causé un grief.

En conséquence, le moyen d’irrecevabilité sera rejeté.

Sur l’inconventionalité de l’ordonnance n°2008-1161 du 13 novembre 2008.

Sur l’impartialité du juge

Les sociétés CEMEX FRANCE GESTION et X invoquent l’inconventionnalité des mesures transitoires prévues par l’article 5 IV alinéa 2 de l’ordonnance n°2008-1161 du 13 novembre 2008, en ce qu’intervenant après un arrêt de rejet partiel du pourvoi contre l’ordonnance déférée, et alors qu’une décision de condamnation au fond est déjà intervenue, elles ne peuvent plus offrir les garanties d’un juge impartial,

H de l’économie et des finances réplique que les deux premiers moyens tirés de l’inconventionnalité des dispositions transitoires de l’ordonnance n°2008/1161 du 13 novembre 2008 sont irrecevables, dès lors qu’ils seront examinés par cette cour avec le fond le l’affaire lors de son audience des 20 et 21 juin 2013 ainsi qu’en a décidé la cour lors de l’audience du 18 octobre 2012,

Mais on ne saurait interdire à une partie de développer les moyens qu’elle juge utiles à sa cause, fût-ce après qu’elle s’est engagée à ne les développer que dans le cadre de l’autre versant de la procédure disjointe.

Cependant, dès lors qu’une décision déjà prise par une autre formation ne s’impose pas au juge, il appartient à celui-ci d’apprécier en toute indépendance les faits dont il est saisi, quelques soient les conséquences prévisibles de l’annulation demandée sur le sort du dossier jugé par ailleurs, sauf à remettre en cause l’effet rétroactif des annulations et le principe du double degré de juridiction, notamment en matière criminelle.

Il importe peu, au surplus, que l’annulation de l’autorisation querellée soit susceptible d’entraîner des conséquences rétroactives sur les sanctions déjà prises, dès lors que ces contentieux sont examinés par des formations de jugement différentes, excluant tout conflit d’intérêts, alors qu’aucun juge composant la cour n’a eu à connaître précédemment des faits qui sont soumis à son examen.

Ce moyen sera donc rejeté.

Sur le délai raisonnable

Les sociétés requérantes considèrent que le recours ouvert par l’article 5 IV alinéa 2 ne satisfait pas à l’exigence du délai raisonnable,

Si chacun a droit à un procès équitable, lequel exige que l’on soit jugé dans un délai raisonnable, ce délai doit s’apprécier au regard de la complexité de l’affaire, des diligences des autorités compétentes et du comportement du requérant .

D’autre part, la durée excessive de la procédure ne peut donner lieu qu’à une indemnisation sans pouvoir en aucun cas entraîner sa nullité.

Le délai particulièrement long – de quinze années – qui s’est écoulé entre le 7 février 1994, jour de la perquisition et la date de la requête, s’explique, non pas par la complexité de l’affaire, mais par l’évolution progressive de la jurisprudence qui, à chaque étape de la procédure, a accordé aux parties les garanties nouvelles qu’elles réclamaient : recours effectif, juge impartial, mesures transitoires à effet rétroactif, permettant la mise en 'uvre de dispositions plus protectrices.

Le caractère rétroactif de l’annulation sollicitée est, par ailleurs, susceptible d’entraîner, s’il y est fait droit, l’annulation des sanctions prises par le Conseil de la concurrence, devenu Autorité de la concurrence, de sorte que ce délai n’est pas de nature à entraîner des conséquences irrémédiables pour les sociétés requérantes, lesquelles ne sollicitent d’ailleurs pas l’allocation de dommages et intérêts.

Il résulte donc de l’enchaînement des procédures successives ayant conduit à la présente décision, qu’aucun manquement de l’État à son devoir de protection juridictionnelle n’est établi et que le délai écoulé n’a pas entraîné une atteinte personnelle, effective et irrémédiable aux parties requérantes dont le comportement paradoxal doit être, par ailleurs souligné : les sociétés CEMEX FRANCE GESTION et X ayant obtenu, à force de ténacité, le bénéfice de mesures transitoires leur permettant d’exercer, enfin, et rétroactivement, un recours effectif contre la décision d’autorisation de visite domiciliaire, et utilisant paradoxalement ce succès pour réfuter l’examen tant désiré de la décision déférée.

Ce moyen sera donc rejeté

Sur les mérites de l’ordonnance déférée

Les sociétés requérantes considèrent que l’exercice par la cour d’un contrôle juridictionnel effectif de l’ordonnance en fait et en droit, est impossible en l’absence de l’intégralité des pièces présentées le 27 janvier au président du tribunal de grande instance qui a rendu la décision ; que le juge n’a pas davantage procédé à un contrôle personnel des pièces qui lui ont été présentées compte tenu de leur nombre et du temps pris pour la rédaction de son ordonnance,

L’administration lui répond que le moyen tiré de la non communication des pièces présentées par l’administration au juge est irrecevable comme présenté pour la première fois en appel, alors qu’un premier recours avait été engagé devant la cour de cassation et un second devant cette cour sur renvoi après cassation ; au demeurant, que les procès-verbaux en question avaient été joints au rapport administratif d’enquête du 25 juillet 1994 et versé au dossier ouvert aux parties, alors que la partie appelante évoque dans ses conclusions des documents qu’elle prétend manquants,

Mais aucun texte n’interdit la formulation de moyens nouveaux pour la première fois en appel, et en l’espèce, après cassation, les parties pouvaient même présenter des demandes nouvelles.

En fait, les parties requérantes font grief à l’administration de n’avoir pas communiqué les annexes (5 et 33) des pièces dont elles ont demandé et obtenu la communication. Elles réfutent, d’autre part, la communication de photocopies et considèrent que de faux documents ont été communiqués, notamment une « réunion de table », en réalité reconstituée après coup et un faux procès-verbal manuscrit faisant imparfaitement doublon avec un procès-verbal dactylographié.

C’est pourtant à juste titre que H des finances fait observer que dans sa précédente saisine de la cour, la société X était, comme le premier juge, en possession de l’ensemble des pièces annexées à la requête.

Par ailleurs, les documents remis le 3 juillet 1993 par M. Y, salarié licencié et dénonciateur des faits, que les sociétés requérantes considèrent comme frauduleux, n’ont pas été versés au dossier soumis à l’examen du juge.

Quant aux documents intitulés réunion de table PACA, il n’est pas démontré que M. Y les ait présentés comme ses notes originales, alors que le procès-verbal du 5 juillet 1993 mentionne, au contraire, la remise de copies de ses notes manuscrites, prises lors des réunions de répartition de marché entre le 7 janvier et le 15 avril 1993.

Preuve n’est, par ailleurs pas davantage démontrée que les cahiers à spirale contestés par les requérants aient été réalisés après coup.

Enfin chacun des deux procès-verbaux du 5 juillet 1993 est régulièrement signé des enquêteurs et des déclarants, cependant que les différences qui les affectent sont minimes et ne révèlent aucune divergence dans les déclarations qui y sont rapportées, s’agissant de l’inventaire des documents communiqués et de l’indication des lieux où d’autres documents pourraient être utilement cherchés, qui ne figurent que dans la version dactylographiée, ou encore de la précision, dans la marge du procès-verbal manuscrit, du nombre de mots et lignes rayés, qui du reste en atteste de plus fort l’authenticité. Ainsi, chacun de ces procès-verbaux est valable et le procès-verbal dactylographié qui ne se présente pas comme une copie certifiée du premier, n’est qu’une simple mise en forme du procès-verbal manuscrit.

Les sociétés CEMEX FRANCE GESTION et CEMEX BETON affirment également que l’administration a trompé le juge en lui dissimulant 30 procès-verbaux de l’enquête préalable,

Mais si le comportement de l’administration doit être exempt de déloyauté, laquelle n’est pas établie, aucun texte ne lui imposait de communiquer la totalité des documents dont elle disposait et il lui suffisait de communiquer ceux qui pouvaient constituer des éléments en faveur de l’existence d’indices de la violation de l’article 7 de l’ordonnance de l’ordonnance du 1er décembre 1986 devenu l’article L. 420- 1 du code de commerce, au soutien de sa requête en autorisation de visites domiciliaires et de saisies, alors qu’il n’est pas établi qu’elle ait caché des éléments à décharge.

Enfin, s’agissant des vérifications personnelles du juge, les motifs et le dispositif de l’ordonnance déférée sont réputés avoir été établis par celui qui l’a rendue et signée et l’absence de contrôle effectif ne saurait se déduire du fait que l’ordonnance a été rendue le même jour que le dépôt de la requête, alors qu’aucun délai minimum n’est prescrit par les textes à ce sujet

En fait, il résulte de l’ordonnance critiquée, de la requête et des documents y annexés, tels que visés dans le corps de la décision qui fait foi jusqu’à preuve contraire, et contenus dans le dossier transmis par le tribunal de grande instance de Marseille que le premier juge a disposé d’éléments lui permettant, à juste titre, de considérer notamment que des dysfonctionnements intervenaient dans le marché du béton prêt à l’emploi dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, que l’UNICEM et le SRBPE apparaissaient avoir exercé des pressions sur les maires des communes de Gignac-la-Berthe, d’Ollioulles, d’Orange, de Joncquerettes, que les sociétés requérantes, notamment, ont fait des interventions sur les loueurs de camions et des fournisseurs de matières premières (procès-verbal des 25, 28 octobre et 5 novembre 1993), de nature à limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises, qu’elles avaient fixé en commun leurs prix de vente, et apparaissaient avoir procédé à des baisses sélectives dans des zones où exerçaient des fabricants de béton indépendants SNBT (procès-verbaux des 5 juillet et 15 novembre 1993) afin de les éliminer.

Ainsi, les présomptions de fraude son-elles établies, qui ont légitimé l’autorisation donnée par le juge de la liberté et de la détention de Marseille.

Sur les opérations de visite domiciliaire et de saisie

La contestation de ces opérations étant fondée sur la nullité de l’ordonnance, laquelle a été rejetée, ces opérations seront donc déclarées régulières.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 12/12026, 12/12067 et 12/12077,

Rejette le moyen d’irrecevabilité du recours de la société CEMEX BETONS SUD-EST,

Déboute les sociétés CEMEX FRANCE GESTION, X et CEMEX BETONS SUD-EST de leur recours contre l’ordonnance du 6 juillet 1994 et contre les opérations de visite domiciliaire et de saisie qui en sont résultées

Confirme l’ordonnance rendue le 6 juillet 1994 par M Espel, premier vice-président du tribunal de grande instance de Marseille

Rejette toute autre demande.

Condamne les sociétés CEMEX BETONS SUD-EST, CEMEX FRANCE GESTION et X aux dépens.

LE GREFFIER,

Q R-S

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT,

Z COUJARD

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Cour d'appel de Paris, 30 octobre 2013