Cour d'appel de Paris, 21 octobre 2015, n° 13/08861

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 21 oct. 2015, n° 13/08861
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/08861
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 25 avril 2013, N° 2012077603

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2015

(n° , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/08861

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Avril 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS -Affaires contentieuses 15e chambre – RG n° 2012077603

APPELANTE :

SNC L’OREAL PRODUITS DE LUXE FRANCE

N° SIRET : B 314 428 186 (PARIS)

ayant son siège 29, rue du Faubourg AE Honoré

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me G H, avocat au barreau de PARIS, toque : A0738

INTIMÉES :

Société D J AG

Société anonyme de droit Suisse,

immatriculée auprès du Canton de Zug sous le XXX,

ayant son siège XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Vincent FAUCHOUX de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221

SAS SOCIETE D SC

immatriculée auprès du RCS de Paris sous le n°775 658 859

ayant son siège XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Vincent FAUCHOUX de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221

Société D CREATION AC

Société anonyme de droit Suisse,

immatriculée auprès du Canton de Genève sous le XXX

ayant son siège XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Vincent FAUCHOUX de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221

Société B J S.A.

Société anonyme de droit suisse

immatriculée auprès du Canton de Fribourg sous le numéro CH-217.0.131.096-3,

ayant son siège XXX

VILLARS-SUR-GLANE SUISSE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Vincent FAUCHOUX de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221

Société B J DISTRIBUTION

immatriculée auprès du canton de Fribourg sous le numéro CH 217.1.001.754-1,

ayant son siège XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

ayant pour avocat plaidant Me Vincent FAUCHOUX de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 Septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre

Madame Q R, Conseillère, rédacteur

Mme U V W, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Q R dans les conditions prévues par l’article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente et par Monsieur Vincent BREANT, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

A compter du mois de novembre 2011, la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE, filiale de la division des produits de luxe du groupe L’OREAL, qui exploite les P AD AE Z, a fait diffuser une campagne publicitaire pour le parfum OPIUM.

Par courrier du 9 décembre 2011, le président de la société D J SA a écrit au président du groupe ARTEMIS pour lui faire part de son trouble à la vue de la nouvelle campagne publicitaire pour le parfum Opium, estimant que la panthère figurant dans le film publicitaire rappelait fortement l’univers D, et se disant confiant que toutes les mesures nécessaires seraient prises « pour faire oublier ce malencontreux épisode ».

Par courrier du 19 décembre 2011, le président de la société D J SA a de nouveau écrit au président du groupe ARTEMIS pour se plaindre de la campagne média pour le parfum Opium, invoquant que la présentation de la panthère en gros plan, « comme l’élément essentiel de la campagne Opium, exactement à la manière des campagnes publicitaires ou iconographies de D » constitue « un acte de concurrence déloyale et/où de parasitisme de nature à justifier une action judiciaire. »

Par courrier du 21 décembre 2011, adressé au président de la société D J SA, le directeur général de L’ORÉAL DIVISION DES PRODUITS DE LUXE écrivait « Dans notre film, le félin est le gardien de l’élixir interdit, il est une métaphore du danger à braver, du risque que fait prendre l’addiction au parfum, il est le symbole du précieux et synonyme YSL (motif léopard). Toutefois, il n’est qu’accessoire, les éléments principaux étant le produit et l’actrice Emily Blunt… » et terminait son courrier en indiquant « Nous vous précisons que notre vague actuelle de diffusion prendra fin avec les fêtes. Dans un souci d’apaisement, nous sommes bien évidemment disposés à reprendre cette discussion au mois de janvier si vous le souhaitez. »

Par courrier du 10 janvier 2012, le conseil des sociétés D mettait en demeure la société L’ORÉAL de confirmer l’arrêt définitif de la diffusion de la campagne publicitaire litigieuse.

Par courrier du 17 janvier 2012, le conseil de la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE répondait au conseil des sociétés D « … la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE récuse formellement le grief de parasitisme formulé par le groupe D… il est évident que l’utilisation d’un félin dans le domaine publicitaire est courante, et partagée par de nombreuses marques y compris dans le secteur du luxe, et un tel élément n’est susceptible d’aucune appropriation par quiconque… de longue date, le groupe L’ORÉAL a exploité l’image du félin en publicité. Enfin, le léopard fait partie de l’univers AD AE-Z depuis des décennies et notamment de l’univers Opium… Dans ces conditions, la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE me charge de vous informer que si la vague de diffusion prévue au moment des fêtes de fin d’année est bien terminée en l’état comme l’avait annoncé M. X par courrier du 21 décembre 2011, mes clients n’entendent déférer à aucune mise en demeure quelle qu’elle soit, et se considèrent entièrement libres d’exploiter à nouveau la publicité en question selon les modalités qui lui paraîtront adéquates. »

Par courrier du 20 janvier 2012, le conseil des sociétés D indiquait que ses clientes réservaient tous leurs droits en cas de nouvelle diffusion des vidéos et des visuels publicitaires en cause.

Aux mois de février et mars 2012, la maison D diffusait, sur internet puis à la télévision, un film publicitaire dénommé L’ODYSSÉE DE D.

Au mois de décembre 2012, le film publicitaire pour le parfum Opium était à nouveau diffusé sur les chaînes françaises de télévision, ainsi que sur la page « Youtube » dédiée aux P AD AE-Z.

Par acte du 11 décembre 2012, la SA de droit suisse D J AG, propriétaire des marques exploitées par la Maison D, la SAS SOCIÉTÉ D SC, en charge de la commercialisation et de la promotion des produits D sur le territoire français, la SA de droit suisse D T AC, titulaire de l’intégralité des droits de propriété intellectuelle exploités par la Maison D, B J DISTRIBUTION ont assigné à bref délai la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE, devant le tribunal de commerce de Paris, sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil, en lui reprochant des actes de parasitisme consistant a avoir repris les codes visuels de la Maison de joaillerie D et en demandant l’interdiction de la diffusion des publicités pour le parfum Opium.

La SA de droit suisse B J SA, qui distribue et organise par l’intermédiaire de sa succursale B J DISTRIBUTION la promotion des produits D en Europe, est intervenue volontairement dans l’intérêt de sa succursale B J DISTRIBUTION.

Par jugement du 26 avril 2013, le tribunal de commerce de Paris a :

Donné acte à la société B J de son intervention volontaire dans l’intérêt de sa succursale la société B J DISTRIBUTION

Condamné la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE à payer à la société D la somme de 1 000 000 € en réparation des différents chefs de préjudice résultant des faits constitutifs de parasitisme commercial ;

Condamné la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE à payer aux sociétés D J AG, SOCIÉTÉ D, D T AC et B J la somme de 50 000 € chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné l’exécution provisoire nonobstant appel et sans caution ;

Débouté les parties de leurs autres demandes ;

Condamné la SNC L’OREAL PRODUITS DE LUXE France aux dépens.

Par déclaration d’appel du 30 avril 2013, la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 18 juin 2015, par lesquelles la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE demande à la Cour de :

I. Sur l’appel principal de la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE :

A titre préliminaire :

Au visa de l’article 117 du Code de Procédure Civile,

Annuler l’assignation introductive d’instance du 11 décembre 2012en ce qu’elle a été délivrée par la « société » B INTERNATIONALE DISTRIBUTION,

Sur le fond,

Au visa de l’article 1382 du Code Civil, le principe de liberté de commerce et d’industrie et l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau :

Débouter les sociétés D J AG, D SC, D T AC et B J SA de l’ensemble de leurs demandes,

Ordonner en conséquence le remboursement de l’ensemble des sommes versées au titre de l’exécution provisoire ;

À titre reconventionnel,

Condamner solidairement les sociétés D J AG, D SC, D T AC ET B J SA à payer à la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE la somme de 130 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile

II. Sur l’appel incident des sociétés D J AG, D SC, D T AC ET B J SA :

Au visa des articles 908 et 954 du Code de Procédure Civile ;

Déclarer les sociétés D J AG, D SC, D T AC ET B J SA irrecevables à solliciter à titre incident la publication de l’arrêt à intervenir ;

Subsidiairement,

Les déclarer mal fondées en leurs appels incidents ;

Les en débouter.

En toutes hypothèses

Condamner les sociétés D J AG, D SC, D T AC ET B J SA en tous les frais et dépens, dont distraction au profit de G H, dans les conditions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 5 juin 2015, par lesquelles les sociétés D J, SOCIÉTÉ D SC, D T AC et B J SA (les sociétés D) demandent à la cour de :

Aux visa des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme et 1382 du Code Civil,

Confirmer le jugement du 26 avril 2013 en ce qu’il a :

Jugé recevable l’intervention volontaire de la société B J pour le compte de sa succursale B J DISTRIBUTION et débouté la société L’ORÉAL de sa demande de nullité de l’assignation ;

Jugé que la reprise par L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE dans un film publicitaire pour le parfum Opium et dans ses déclinaisons d’une panthère tachetée vivante, comme l’élément central de cette communication, dans un environnement chromatique rouge et or, avec des renvois explicites et insistants à l’univers joaillier (collier et bague), en assimilant le parfum présenté à un joyau gardé par une panthère, et d’un visuel publicitaire imitant une affiche utilisée par la Maison D, constituent des actes de parasitisme ;

Condamné la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE à verser une somme globale d’un million d’euros (1.000.000 €) au titre des actes de parasitisme ;

Condamné la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE à payer la somme de 50 000 € à chacune des sociétés D J, SOCIÉTÉ D SC, D T AC et B J en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Réformer pour le surplus et statuant à nouveau :

Faire interdiction à la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE de diffuser les quatre versions du film publicitaire et du visuel publicitaire litigieux sous astreinte de vingt mille euros (20.000 €) par infraction constatée, ce dans un délai de quatre jours à compter de la signification de la décision à intervenir ;

Juger que la somme de 1.000.000 € devra être répartie à parts égales entre les sociétés D J, SOCIÉTÉ D SC, D T AC ET B J, soit la somme de 250.000 € chacune;

Ordonner la publication du communiqué suivant aux frais de la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE, d’une part dans cinq revues au choix des sociétés D J, SOCIÉTÉ D SC, D T AC ET B J à concurrence de sept mille euros hors taxes (7.000 € HT) par insertion, d’autre part sur la page d’accueil des sites accessibles via les url www.youtube.com/yslparfums et www.yslparfums.fr, pendant une période ininterrompue de trente (30) jours, et dans tous les cas, sous astreinte de 5.000 € par jour de retard et par site internet et/ou revue concernée, passé un délai de quinze (15) jours à compter de la signification de la décision à intervenir :

« par arrêt du xx xxxxx 20xx la cour d’appel de Paris a jugé que la société l’Oréal produits de luxe France a commis des actes de parasitisme au détriment de la maison D:

en reprenant dans un film publicitaire pour le parfum opium une panthère tachetée vivante comme élément central de cette communication, dans un environnement chromatique rouge et or, avec des renvois explicites et insistants à l’univers joaillier et en assimilant le parfum présenté à un objet précieux gardé par une panthère ;

en utilisant un visuel publicitaire imitant une affiche de D ».

Condamner la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE à payer la somme de trente mille euros (30.000€) à chacune des sociétés D J, SOCIÉTÉ D SC, D T AC ET B J en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais supportés en cause d’appel et à supporter les dépens de l’instance ;

Débouter la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE de l’intégralité de ses demandes fins et prétentions.

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR

Sur l’assignation délivrée à la requête de B J DISTRIBUTION :

Considérant que la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE expose que l’assignation délivrée à la requête de B J DISTRIBUTION, qui est une succursale et n’a ni personnalité morale ni capacité à agir en justice, est atteinte d’une nullité de fond ; que néanmoins l’appelante a pris acte devant les premiers juges de l’intervention volontaire de la société B J SA ;

Considérant que les sociétés D répondent que les mentions présentes sur la première page de l’assignation précisaient clairement l’identité de la personne morale à laquelle la succursale était rattachée « B J DISTRIBUTION, succursale de B J SA » ; que l’identité de la seule personne morale existante apparaissait donc bien sur la première page de l’assignation ;

Mais considérant que la nullité affectant le défaut de capacité de la succursale B J DISTRIBUTION constitue une nullité de fond à son encontre mais n’affecte pas la validité de l’assignation, délivrée à la requête de trois autres sociétés, dans son ensemble ; que la société B J SA, à laquelle B J DISTRIBUTION est rattachée, est intervenue volontairement à l’instance ; que l’assignation introductive d’instance du 11 décembre 2012 ne peut être annulée ;

Sur le parasitisme :

Considérant que la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE expose que les intimées, sont conscientes de ne pouvoir revendiquer de monopole sur l’utilisation d’un félin, comme sur celle de couleurs et de bijoux puisqu’elles n’invoquent pas d’atteinte à un quelconque droit de propriété intellectuelle ; que les intimées ont également exclut la concurrence déloyale comme fondement à leur action, afin d’éviter d’avoir à faire la preuve d’un acte déloyal et d’un risque de confusion, reconnaissant ainsi qu’aucun risque de confusion ne résulte de la diffusion des visuels et films publicitaires en cause ; que, cependant, sur le seul fondement du parasitisme, le jugement a accordé aux sociétés D la constitution d’un monopole, l’usage de la panthère vivante en publicité, qui dépasse ce que les intimées auraient pu obtenir sur le terrain du droit d’auteur accordant ainsi à la théorie du parasitisme une fonction de substitut de la propriété intellectuelle ;

Considérant que la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE fait valoir que la condamnation pour parasitisme prononcée par le tribunal de commerce est incompatible avec les libertés fondamentales du commerce et de l’industrie et la liberté d’expression, dont l’expression publicitaire, protégée par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est une des composantes ; que la liberté fondamentale du commerce et de l’industrie s’oppose à la reconstitution d’un monopole ou d’une exclusivité sur le fondement d’une simple action en responsabilité extra-contractuelle, alors qu’une telle protection serait refusée par le droit d’auteur ou par tout autre droit de propriété intellectuelle ; que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la liberté d’expression, en ce compris la liberté d’expression publicitaire, ne peut être limitée que par un texte spécial, respectant les principes de prévisibilité et de proportionnalité, sous réserve du cas particulier du dénigrement ; que l’article 1382 du Code Civil, dont les dispositions sont générales, ne peut limiter la liberté d’expression que dans les cas spécifiés par la loi ;

Considérant que l’appelante soutient que pour être caractérisé, le parasitisme nécessite à tout le moins la réunion des 3 éléments suivants : une valeur économique individualisée résultant d’un savoir-faire ou d’investissements, c’est la condition préalable, la copie, la captation, l’appropriation « injustifiée » de cette valeur économique, c’est l’acte positif fautif, pour s’immiscer dans le sillage d’autrui et une intention, une volonté caractérisée de piller les efforts d’autrui, c’est l’élément intentionnel ;

Considérant que la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE expose que les éléments dont l’exclusivité est revendiquée par les sociétés D, la panthère, le rouge, le noir et l’or, ne caractérisent pas une « valeur économique individualisée » susceptible d’être parasitée, non seulement parce qu’ils sont inappropriables par nature, mais parce qu’ils ne sont pas exploités sous forme de combinaison spécifique et individualisée ; que la condition préalable fait défaut en l’espèce ;

Considérant que l’appelante fait valoir que les éléments dont l’exclusivité est revendiquée sont inappropriables par nature ; que l'« identité visuelle » revendiquée, mais non définie, par les intimées ne correspond à aucune entité spécifique ni concrète, mais relève du domaine des idées et des concepts, par nature insusceptibles d’appropriation ; que la panthère vivante appartient à un fond commun des animaux, dont l’utilisation en tant qu’élément d’une campagne publicitaire est libre et relève d’un simple thème publicitaire de libre parcours, la panthère tachetée vivante, encore appelée « léopard » étant d’utilisation commune et usuelle en publicité ; que le recours à une panthère tachetée vivante évoluant dans un univers de luxe qui tranche avec son environnement sauvage habituel, n’est ni le fruit d’investissements intellectuels et financiers des sociétés D, ni caractéristique d’une valeur économique susceptible d’être parasitée, la panthère apprivoisée comme animal domestique étant, depuis le début des années 1920, communément associée au luxe, à l’excentricité et au « glamour »; que l’utilisation de couleurs rouge, noir et or et la représentation d’un mannequin paré de bijoux relèvent tout autant d’éléments insusceptibles d’appropriation ; que toutes les publicités OPIUM présentent depuis toujours des femmes portant des bijoux , l’association des bijoux et de la féminité est une symbolique qu’un acteur du marché ne saurait s’approprier ; que le rouge, le noir et l’or sont les couleurs du flacon de parfum OPIUM de la Maison AE Z depuis le lancement du produit en 1977 ;

Considérant que l’appelante fait valoir également que les éléments en cause ne caractérisent pas un code visuel spécifique et individualisé ; que la Maison D n’a jamais associé la panthère vivante à ses P et a cessé pendant plus de sept ans la commercialisation de son parfum « panthère », qui n’a été reprise qu’en mars 2014 ; que les représentations de panthères vivantes par D ne sont ni continues ni stables, les intimées ayant utilisé plusieurs modèles de panthères pour leur communication, mais seulement de manière sporadique et isolée ; que les intimées ne rapporte ni la preuve que la panthère tachetée vivante se verrait conférer un rôle de gardien dans leur communication, ni celle des investissements, intellectuels et/ou financiers, réalisés pour conférer à la panthère vivante tachetée un rôle de gardien ; que la panthère vivante ne saurait, auprès du public et à l’époque des faits, être « l’ADN de la communication de D » en l’absence d’une utilisation généralisée sur l’ensemble de ses supports de communication ; que les couleurs or et rouge ne se retrouvent pas spécifiquement chez D ; qu’aucun support de communication ne contient la combinaison d’éléments prétendument parasitée, soit une « combinaison esthétique incluant une panthère vivante dans un rôle de gardien de l’objet promu, évoluant dans un univers de luxe urbain et un environnement chromatique rouge et or avec des renvois insistants à l’univers de la joaillerie » ;

Considérant que la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE soutient qu’il n’existe pas de copie et/ou d’immixtion injustifiée dans le sillage de la Maison D par le film publicitaire réalisé pour le parfum OPIUM ; que les couleurs rouge, noir et or, le léopard et les bijoux sont inspirés des propres univers et codes de communication d’AD AE Z et du parfum OPIUM; que le léopard et les couleurs, rouge, noir et or sont exploités de manière totalement différente par les deux marques ; que le mode de présentation adopté pour le flacon de parfum OPIUM, qui consiste à le placer au sommet d’une pyramide dorée, est destiné à le mettre en valeur, à la manière d’un précieux trésor et pas spécialement d’un bijou ; que M. E F, qui est particulièrement réputé comme photographe publicitaire pour le compte des plus grands noms du luxe et plus spécialement de P, avait déjà collaboré avec le groupe L’ORÉAL pour ses campagnes publicitaires bien avant la publicité litigieuse ; que l’élément matériel, un « acte positif fautif » de copie, de captation, d’appropriation « injustifiée » fait défaut en l’espèce ; que les similitudes qui existent entre certains éléments de communication revendiqués par D, la panthère vivante, le rouge, le noir et l’or, et le film publicitaire pour OPIUM ne résultent pas d’un acte positif fautif et encore moins d’une « copie servile ou quasi servile » de la part de la société L’ORÉAL qui, en toute bonne foi s’est inspirée du propre univers d’AD AE Z et a puisé dans le patrimoine créatif de la Maison AE Z, a fait une exploitation différente de ces éléments, résultant d’investissements intellectuels et financiers importants, dont il se dégage une impression d’ensemble spécifique ;

Considérant que l’appelante conteste l’existence d’une rupture radicale avec les précédentes campagne publicitaires pour le parfum OPIUM et ses codes de communication « transgressifs », dès lors qu’on y retrouve encore et toujours une femme-égérie sous l’emprise de son parfum, prête à affronter tous les dangers pour assouvir son désir et qu’il existe une constante dans le choix des couleurs et l’omniprésence des bijoux ;

Considérant que la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE expose que, contrairement à l’action en concurrence déloyale, qui ne requiert pas la démonstration d’un élément intentionnel, l’action parasitaire suppose la preuve d’une intention, d’une volonté de détourner la notoriété ou les investissements d’autrui ; qu’elle démontre avoir développé et financé son propre processus créatif, que l’importance du budget consacré à la T et à la production de la campagne litigieuse, 3 millions d’euros hors achat d’espace, établit l’absence de recherche déloyale d’économies ; que les intimées ne caractérisent pas l’élément intentionnel ;

Considérant que les sociétés D exposent que la société L’ORÉAL a commis des actes de parasitisme en se plaçant dans le sillage de la Maison D et en captant indûment à son profit ses investissements publicitaires ; que l’identité visuelle de la Maison D mise en 'uvre notamment dans sa communication repose depuis plus de 40 ans sur une panthère tachetée vivante évoluant dans un univers de luxe citadin et sur les couleurs rouge et or ; que la panthère tachetée vivante de type « Pardus » et les couleurs rouge et or sont devenus les codes emblématiques de la Maison D, le thème, spectaculaire, de la panthère tachetée vivante étant exploité depuis si longtemps par la Maison D que cet animal incarne aujourd’hui cette Maison ; que cet animal emblématique occupe depuis plusieurs années le rôle de gardien de l’esprit de la Maison et de ses créations joaillières, les couleurs rouge et or ont été utilisées depuis plusieurs décennies par la Maison D, pour ses catalogues, ses écrins, ses packagings et sa communication ; que ces codes esthétiques constituent l’ « ADN » de la Maison D et permettent au public du monde entier de reconnaître instantanément ses campagnes de communication ; qu’une telle identité visuelle est unique dans le monde de la joaillerie et plus largement dans celui du luxe et n’a été rendue possible que par des investissements humains et financiers considérables ;

Considérant que les sociétés D soutiennent que le film publicitaire diffusé pour relancer les ventes du parfum OPUIM, qui présentait une panthère tachetée vivante comme l’élément central de la communication, dans un environnement chromatique aux dominantes rouge, or et noir, avec des renvois explicites et insistants à l’univers joaillier (collier et bague), en attribuant à cette panthère un rôle de gardien de l’objet promu, assimilé à un joyau inaccessible et que le visuel publicitaire, qui présentait en gros plan sur fond noir une panthère tachetée allongée sur un bureau doré, imitant une affiche utilisée par la Maison D, reprenaient, dans le cadre d’une campagne publicitaire d’une exceptionnelle intensité les codes visuels emblématiques de la Maison D afin de s’immiscer dans son sillage pour placer le parfum OPIUM dans l’univers de luxe des bijoux de haute joaillerie de D ; que la campagne publicitaire litigieuse opère une rupture avec les publicités précédentes pour le parfum OPIUM, confirmant le comportement fautif de la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE ;

Mais considérant, d’une part, qu’il est constant que la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE a diffusé un film publicitaire, décliné en 4 versions, relatif au parfum OPIUM, sur internet à compter du 30 novembre 2011 et sur les grandes chaînes de télévision, à compter du 4 décembre 2011 puis à nouveau en décembre 2012, ce film étant toujours visible sur le site Internet de L’ORÉAL en février 2013, ainsi qu’un visuel publicitaire, dans le magazine Madame Y du 16 décembre 2011 et sur Internet ; que, d’autre part, l’action des sociétés D ne tend pas à obtenir un monopole sur l’usage de la panthère vivante en publicité, mais à s’opposer à la diffusion d’un film et d’un visuel publicitaire, reprenant une combinaison d’éléments constitutifs de l’identité visuelle de la Maison D ;

Considérant que le parasitisme, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis, résulte, à la différence de la concurrence déloyale, qui ne saurait résulter d’un faisceau de présomptions, d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité, indépendamment de tout risque de confusion ; que l’exercice de l’action pour parasitisme est uniquement subordonné à l’existence de faits fautifs générateurs d’un préjudice et non à l’existence d’une situation de concurrence entre les parties ; que cette action fondée sur les dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil ne sanctionne pas exclusivement les fautes intentionnelles, mais tout comportement fautif même involontaire, telles les fautes de négligence ou d’imprudence ;

Considérant que la liberté du commerce et de l’industrie, qui a pour corollaire le principe de la libre concurrence, comme la liberté d’expression ne sont pas absolues et leur mise en oeuvre fautive peut être sanctionnée sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, à charge pour celui qui se prétend victime de démontrer l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice ; qu’en application des articles précités, il est de jurisprudence constante qu’est contraire aux usages loyaux du commerce et donc fautif le fait de se placer dans le sillage d’un opérateur économique en cherchant à tirer indûment profit de la notoriété de ses produits, même si ceux-ci ne sont pas protégés par un droit de propriété intellectuelle ;

Considérant que la Cour européenne des Droits de l’Homme déclare les disposition de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales applicables à la publicité commerciale , mais juge que l’exercice de la liberté d’expression, qui comporte des devoirs et des responsabilités, peut être soumis à certaines conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique à la protection des droits d’autrui ; que les règles régissant le parasitisme, prévues par le code civil et explicitées par la jurisprudence, qui sont tournées vers un but légitime au regard de l’article 10 précité et étaient connues de l’appelante avant l’année 2011, ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de diffuser des publicités à caractère commerciale ;

Considérant que les intimées démontrent par les pièces versées aux débats, d’une part, qu’à compter de 1914 la Maison D a fabriqué des montres sur le thème « panthère », qu’en 1917 Mme K L, directrice artistique surnommé la « panthère », a créé une broche sur ce thème, que des bijoux d’exception sur le thème « panthère », qui font partie de l’histoire de la joaillerie, ont ensuite été créés notamment en 1948 et 1957 pour des personnalités de rang royal, que la panthère a continué à être utilisée par la Maison D pour créer des collections de bijoux en 1968, en 1987 et en 2009, ainsi que des statuettes ou de la vaisselle, qu’à compter de 1987 un parfum dénommé « Panthère » a été commercialisé par les intimées ; que, d’autre part, dès les années 1970 une panthère tachetée vivante était associée aux opérations de communication des sociétés D et photographiée avec des célébrités, qu’il en était de même lors des opérations promotionnelles pour le lancement du parfum « Panthère », en 1987; qu’à compter de l’année 2001, les photographies publicitaires pour la Maison D, présentes dans les catalogues rédigés en français et sur les façades de boutiques D en France et dans le monde, montrent une panthère tachetée vivante, qui dans le rôle d’une cliente, évolue en liberté dans un environnement urbain ; que cette même année, la Maison D a fait réaliser une photographie sur fond noir représentant une panthère vivante allongée sur une table dorée de style de M N, faisant partie d’une série de quatre photographies représentant la panthère dans un appartement, ces photographies ont été utilisées par les sociétés D dans les cartes de v’ux, les catalogues, les devantures de boutiques D en travaux , la photographie représentant la panthère allongée sur une table dorée continue à être utilisée, notamment au centre de boutiques D ; qu’à compter d’octobre 2003 des films publicitaires montrant des panthères tachetées vivantes étaient projetés lors d’événements de relations publiques et sur le site Internet de la Maison D, à compter de 2008 ; qu’à compter de cette même année, les campagnes de communication des intimées, en France et à l’étranger, montrent la panthère tachetée vivante, sur un fond noir, veillant sur les écrins rouges et or caractéristiques de la Maison D, ces photographies ont continué à être utilisées jusqu’au dernier semestre 2011, époque à laquelle une nouvelle série de visuels publicitaires a fait apparaître une panthère vivante tachetée de taille démesurée veillant à la tombée du jour sur la place Vendôme, la boutique D ou sur un écrin D rouge et or ; que la campagne publicitaires de fin d’année 2009 (film, visuels, cartes de voeux), intitulée Winter Tale, montre une panthère tachetée vivante adulte veillant sur les bijoux D au pied d’un sapin enneigé ;

Considérant que ces productions établissent que la panthère vivante tachetée est l’emblème de la Maison D depuis de nombreuses années et que depuis 2008 elle incarne, dans ses publicités, le rôle de gardien de cette maison et de ses créations ; que peu importe que des publicités de la période de C montrent des bébés panthère dès lors qu’il s’agit toujours de panthères tachetées vivantes présentées comme gardiennes des écrins rouges et or D ; que la panthère vivante tachetée évoluant dans un environnement urbain associé au luxe fait partie de l’identité visuelle de la Maison D, même si les appelantes ont décliné de façon différente cette l’identité visuelle au fil du temps ; que de même les couleurs rouge et or sont utilisées depuis des décennies par la Maison D, pour ses catalogues, ses écrins, la décoration de ses boutiques et sa communication ; que la panthère tachetée vivante, qui est un élément central de sa communication, ainsi que les couleurs rouges et or constituent l’identité visuelle de la Maison D qui en fait un usage continu depuis des décennies ;

Considérant que la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE ne rapporte la preuve ni que l’utilisation d’une panthère tachetée vivante soit banal en publicité, ni que la panthère tachetée vivante fasse partie de l’identité visuelle de la maison AD AE-Z, l’utilisation du tissu à motif léopard dans les vêtements ou l’ameublement n’étant pas assimilable à la mise en scène d’une panthère vivante ; que la campagne publicitaire diffusée à compter de novembre 2011 pour le parfum OPIUM, faisant apparaître pour la première fois une panthère tachetée vivante auprès du mannequin féminin, est en rupture avec la communication transgressive utilisée précédemment pour ce parfum qui se plaçait de façon implicite dans l’univers des produits stupéfiants ; qu’en effet, l’historique des publicités pour le parfum OPIUM, depuis 1977, fait apparaître un univers sensuel, voire érotique, dans lequel n’apparaissaient pas d’animaux, mais centré autour une égérie portant ou non des bijoux, avec un gamme chromatique diversifiée, même si le noir, le rouge et l’or sont souvent employés, mais pas toujours ensemble ;

Considérant que le film publicitaire en cause fait apparaître dès le premier plan un mannequin portant sur un décolleté plongeant un large collier en or, que le plan suivant montre une panthère tachetée vivante, gardienne d’un trésor, évoluant dans un appartement luxueux, le film étant baigné dans un environnement chromatique noir, or et rouge ; que le « trésor » gardé par la panthère de type Pardus et posé sur un piédestal doré, soit le parfum OPIUM, n’apparaît qu’ ensuite et n’est vraiment identifiable qu’à la fin du film ; que cette mise en scène fait appel dès le début du film à l’univers de la Maison D en montrant des bijoux AD AE-Z, collier puis bague de dimension imposante afin d’orienter le spectateur vers l’univers de la joaillerie, ainsi qu’une panthère tachetée vivante gardienne d’un objet précieux, le tout dans un environnement chromatique rouge et or, le parfum n’apparaissant à l’écran qu’après les bijoux et la panthère ; que le parfum OPIUM n’est identifiable qu’en dernier, le dernier plan montre le flacon de parfum sur fond de canapé rouge et or rappelant les écrins D ; que le film publicitaire pour le parfum OPIUM reprend les codes visuels et esthétiques de la Maison D et joue quasiment jusqu’à la fin sur l’ambiguïté afin de placer le parfum OPIUM dans l’univers de la haute joaillerie, dont la Maison D est une des représentantes les plus connues du grand public ;

Considérant que la photographie sur fond noir montrant en gros plan une panthère tachetée vivante allongée sur une table dorée, publiée dans le magazine MADAME Y ainsi que sur la page « YouTube » d’AD AE Z P, est une imitation du visuel créé pour la Maison D en 2001 et toujours utilisé par celle-ci ; que la photographie litigieuse, au bas de laquelle figure l’indication AD AE Z, apparaît en premier et seule avant la double page montrant le mannequin étendu sur le canapé rouge et or ainsi que le flacon de parfum, suivie de la photographie en gros plan du parfum OPIUM ; que la diffusion de cette photographie qui reprend le visuel de la Maison D constitue un acte de parasitisme ;

Considérant que la combinaison de la présence d’une panthère tachetée vivante et des couleurs rouge et or rappelant les écrins D constituent une reprise des codes visuels utilisés par la Maison D pour sa communication ; qu’en diffusant la campagne de publicité litigieuse pour le parfum OPIUM la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE s’est immiscée dans le sillage des sociétés D pour profiter indûment de la notoriété de la Maison D et de ses investissements en vue de relancer la commercialisation de son parfum OPIUM ; que ce comportement est constitutif d’un agissement parasitaire ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

Sur la réparation du préjudice des sociétés D :

Considérant que les intimées exposent avoir chacune contribué à la promotion de l’identité visuelle de la panthère tachetée vivante, soit au titre de la T des visuels ou des films promotionnels, soit au titre de leur diffusion, tant en France qu’à l’étranger ; que la diffusion du film publicitaire et du visuel litigieux affecte directement les investissements exposés par elles pour définir et pérenniser l’identité visuelle de la Maison D ; que le préjudice résulte également de l’ampleur de la campagne publicitaire orchestrée par l’appelante, le film publicitaire pour OPIUM qui a fait l’objet de quatre versions différentes, diffusées sur internet et à la télévision, dans le monde entier, en 2011 puis en 2012, à des heures de grande écoute, était encore consultable le 4 février 2013 sur la page « YouTube » D’AD AE Z P où il avait été vu plus de 270 000 fois pour la version de 60 secondes, plus de 67 000 fois pour le film de 30 secondes, plus de 4 000 fois pour le film de 20 secondes et même jusqu’en septembre 2013 sur Internet et est toujours accessible en ligne, au travers de nombreux sites de réseaux sociaux ; que le visuel publicitaire litigieux a été publié dans la presse et sur le site internet « YouTube » d’AD AE Z P ;

Considérant que les intimées exposent également avoir subi un préjudice moral car l’atteinte portée touche l’actif le plus essentiel pour une société du domaine du luxe, ses codes de communication, qui permettent au public de l’identifier immédiatement et qui ont été dilués, dévalorisés, brouillés pour permettre à L’OREAL de bénéficier indûment du pouvoir attractif exceptionnel de D ; que la diffusion de la publicité pour OPIUM ait été diffusée juste avant le lancement du film l’ODYSSEE DE D, en février 2012, qui était en cours de préparation depuis près de deux ans, ce qui était de notoriété publique au sein du monde de la publicité, est un élément aggravant du préjudice subi ; que de même, le lancement du nouveau parfum « Panthère » de D et la communication relative à la collection de bijoux « Panthère » ont été perturbés ;

Considérant que les sociétés D font valoir qu’elles vont devoir redoubler d’efforts pour se réapproprier leur propre identité visuelle et exposer de nouvelles dépenses, notamment d’achat d’espace sur les grandes chaînes nationales aux heures de grande écoute et parutions presse, à la mesure de celles engagées par l’appelante lors des campagnes litigieuses en 2011 et 2012 ; que pour l’indemnisation de leur important préjudice elles sollicitent la somme de 1 000 000 € au titre des différents chefs de préjudice, somme qui sera répartie à parts égales entre les sociétés D J, SOCIÉTÉ D, D T AC et B J, soit une somme de 250 000 € chacune ;

Considérant que les intimées sollicitent que soient prononcées des mesures d’interdiction sur lesquelles le tribunal s’est prononcé sans les reprendre dans son dispositif et, qu’en tant que de besoin, il soit fait interdiction à la société L’OREAL de diffuser le visuel litigieux et le film publicitaire dans l’une quelconque de ses versions existantes, trois versions de durées différentes et une version relative au parfum « Vapeurs d’Opium » ou à venir, et ce dans un délai de 5 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 20 000 € par infraction constatée ;

Considérant que la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE expose qu’elle ne s’est à aucun moment immiscée dans le sillage de D mais a au contraire développé et financé son propre processus créatif ; qu’il n’y a eu aucune recherche déloyale d’économies de sa part compte tenu de l’importance du budget consacré à la T et à la production de la campagne litigieuse, qui s’élève à un montant de 3 millions d’euros, hors achat d’espace ; que la diffusion du film OPIUM, qui n’a entraîné aucun risque de confusion n’a causé aucun préjudice aux sociétés D qui ont lancé deux mois plus tard leur film L’ODYSSÉE DE D ; que les sociétés D n’expliquent pas concrètement, en quoi elles auraient chacune personnellement subi un dommage et quelle est leur participation respective au titre des frais de T afférent à l’intervention d’une panthère dans un rôle de gardien ; qu’aucune demande d’indemnisation pour de prétendus préjudices subis hors de France ne saurait prospérer à son encontre, puisqu’elle n’est responsable que de la commercialisation et de la communication d’OPIUM en France ;

Considérant que le film publicitaire a été diffusé durant deux années de suite au cours de la période des fêtes de fin d’année et est resté disponible sur Internet ; que le visuel représentant une panthère tachetée vivante sur une table dorée n’est parue qu’une seule fois, mais sous forme d’un dépliant détachable contenu dans l’édition île de France d’un magasine à grand tirage ; que la campagne télévisée n’a été diffusée qu’en France et sur le site YouTube d’AD AE Z P ; que la diffusion au mois de février et mars 2012 du film L’ODYSSÉE DE D, qui a été une réussite, a permis à la Maison D de réagir immédiatement pour se rapproprier ses codes visuels et esthétiques ; que compte tenu des coûts de communication, du préjudice moral et du trouble commercial subi par les sociétés D, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a fixé à 1 million d’euros le montant de la réparation due aux société D ; qu’il y a lieu de dire que cette somme sera répartie à part égale entre les quatre sociétés intimées ;

Considérant qu’il y a lieu d’ordonner les mesures d’interdiction sollicitées par les intimées sauf pour d’éventuelles publicités à venir, sans qu’il soit nécessaire de prévoir une astreinte dès lors qu’il n’est pas contesté que la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE a depuis le jugement cessé la diffusion de la campagne de publicité litigieuse ; que la demande de publication d’un communiqué dans la presse contenue dans le dispositif des conclusions, qui n’apparaît pas nécessaire compte tenu de la cessation des agissements parasitaires, doit être rejetée ;

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu’il a condamné la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE à verser aux sociétés D J, SOCIÉTÉ D, D T AC et B J la somme de 50'000 € chacune sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Et statuant à nouveau et y ajoutant :

DIT que la somme de 1 000 000 € sera répartie à parts égales entre les sociétés

D J AG, SOCIÉTÉ D, D T AC et B J SA ;

FAIT interdiction à la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE de diffuser les quatre versions du film publicitaire et du visuel publicitaire pour le parfum OPIUM faisant apparaître une panthère tachetée vivante ;

CONDAMNE la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE à verser aux sociétés D J AG, SOCIÉTÉ D, D T AC et B J SA la somme de 10'000 € chacune sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, au titre des procédures de première instance et d’appel ;

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

CONDAMNE la société L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

Vincent BREANT Françoise COCCHIELLO

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Paris, 21 octobre 2015, n° 13/08861