Cour d'appel de Paris, 2 juin 2016, n° 13/07637

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 2 juin 2016, n° 13/07637
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/07637
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 23 juin 2013, N° F12/04801

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRÊT DU 02 Juin 2016

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 13/07637

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Juin 2013 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS RG n° F12/04801

APPELANTE

Madame Y A

XXX

XXX

née le XXX à XXX

comparante en personne, assistée de Me Aude POULAIN DE SAINT PERE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0529

INTIMEE

Association AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE

XXX

XXX

N° SIRET : 755 757 347 00049

représentée par Me Bérengère MOULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0156 substitué par Me Jacques SALOMON, avocat au barreau de PARIS, toque : B0156

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Mars 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Pascale WOIRHAYE, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Patrice LABEY, Président

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Conseiller

Madame Pascale WOIRHAYE, Conseiller

Greffier : Madame Wafa SAHRAOUI, lors des débats

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Madame Wafa SAHRAOUI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame Y A est entrée au sein de l’association Agence Universitaire de la Francophonie (l’AUF) sur la base d’un contrat écrit à durée déterminée en date du 6 novembre 1996 en qualité de préposée à l’accueil et au standard, niveau B1., transformé en contrat à durée indéterminée le 14 octobre 1997.

En 2001 le statut du personnel de l’AUF a été modifié. Par avenant en date du 18 janvier 2002, Madame Y A est passée au niveau P1.1 en qualité de Responsable du bureau d’ordre traitant le courrier. En 2003 son service a changé d’appellation pour devenir le bureau du courrier, de la documentation et des archives.

Par nouvel avenant du 25 juin 2008, elle a été promue au niveau P2.13 et sa fonction a pris la dénomination de Responsable du bureau du courrier des expéditions et des archives.

Dans le dernier état son salaire était de 32.201 € brut annuel. L’effectif de l’établissement de PARIS de l’Association de statut québécois fondée à X, est de 56 salariés et elle n’applique aucune convention collective.

Fin 2009, Madame Y A a tenté de résister aux ordres directs de son supérieur hiérarchique relativement à l’expédition de dossiers à archiver et elle s’est vu infliger une mise à pied de 2 jours sans salaire le 5 janvier 2010, qu’elle a contestée mais qui a été confirmée par jugement du Conseil de prud’hommes de PARIS en date du 14 juin 2011.

Dans le courant de l’été 2011, les services généraux ont été réorganisés par suite du non-remplacement de l’administrateur du service à son départ à la retraite. C’est Madame F B qui est devenue le supérieur hiérarchique de Madame Y A comme annoncé par l’administratrice adjointe aux ressources humaines qui lui a donné connaissance le 19 septembre 2011 de sa nouvelle fiche de poste à discuter avec Madame F B. Madame Y A a refusé sa signature 3 jours plus tard en sollicitant de négocier son départ.

Convoquée à un entretien préalable fixé au 14 novembre 2011, assorti d’une mise à pied conservatoire, elle a été licenciée pour faute grave par courrier du 21 novembre 2011.

Par déclaration enregistrée le 11 mai 2012, elle a saisi le Conseil de prud’hommes de PARIS pour :

— obtenir la fixation de son salaire moyen à 2.938,70 €,

— la condamnation de l’AUF à lui payer ses heures supplémentaires outre les congés payés y afférents,

— qu’il soit dit que les avenants signés à son contrat de travail sont nuls pour vices du consentement,

— qu’il soit dit que la rupture du contrat de travail est imputable à l’employeur,

— qu’il soit condamné à lui payer avec intérêts de droit, un rappel de salaires pour mise à pied et congés payés afférents, une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis, une indemnité conventionnelle de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement abusif et une indemnité de procédure,

— qu’il soit condamné à lui remettre les bulletins de paie afférents et les documents sociaux.

Par jugement rendu le 24 juin 2013, le conseil de prud’hommes de PARIS a rejeté l’exception de procédure relative à l’autorité de la chose jugée soulevée par l’Agence AUF mais il a accueilli la fin de non-recevoir relative à l’unicité de l’instance pour la demande en paiement des heures supplémentaires. Constatant que le fond n’avait pas été plaidé, il a ordonné le partage des dépens.

Madame Y A par son conseil a interjeté appel régulier le 31 juillet 2013.

L’affaire a été plaidée contradictoirement à la première audience du 23 mars 2016.

Vu les conclusions de Madame Y A développées oralement par son conseil au soutien de son appel par lesquelles elle demande avec exécution provisoire, que la Cour :

— annule ou subsidiairement réforme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

avant-dire-droit,

— rejette des débats les pièces n° 67, 69 et 70 qui ne sont pas sincères,

au fond,

— fixe la moyenne mensuelle de salaire à 2.740,78 € et, si un rappel d’heures supplémentaires est accordé, à 2.935,70 €, vu l’article R. 1454-28 du code du travail,

— condamne l’Agence AUF à lui payer :

—  22.059,94 € au titre des heures supplémentaires effectuées et non payées,

—  2.205,99 € à titre d’indemnités de congés payés sur heures supplémentaires,

— dise et juge que les avenants signés sont nuls pour vices du consentement,

— dise que la rupture du contrat de travail est imputable à l’employeur,

en conséquence,

— condamne l’Agence AUF à lui payer :

—  1.644,47 € à titre de rappel de salaires pour la période de mise à pied conservatoire, et subsidiairement 1.761,42 €,

—  164,44 € à titre d’indemnité congés payés sur salaires, et subsidiairement 176,14€,

—  5 481,56 € à titre d’indemnité de préavis, et subsidiairement 5871,41 €,

—  548,15 € à titre d’indemnité de congés payés sur préavis et subsidiairement 587,14 €,

—  22.384,71 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, et subsidiairement 22.017,75 €,

—  32.889,36 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, et subsidiairement 35.228,40 €,

—  3.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonne à l’Agence AUF de lui délivrer bulletins de paie et attestation Assedic,

— rappelle que les intérêts des sommes au paiement desquelles le juge condamne l’employeur au titre d’un rappel d’heures supplémentaires, de l’indemnité de congés payés et d’une indemnité de licenciement courent de plein droit à compter de la demande en paiement,

— rappelle conformément à l’article R1454-28 du code du travail que le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R1454-14 du même Code, est exécutoire de plein droit dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,

— déboute l’Agence AUF de toutes ses demandes.

Vu les conclusions en réplique et d’appel incident de l’Agence AUF développées oralement par son conseil au soutien de son argumentation en défense par lesquelles elle demande que la Cour

— confirme le jugement en ce qu’il a déclaré l’AUF recevable en sa demande à voir prononcer l’irrecevabilité de la demande d’heures supplémentaires formée par Madame Y A,

— infirme le jugement en ce qu’il a débouté l’AUF de sa demande formée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Statuant de nouveau,

— condamne Madame Y A à lui payer la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— dise et juge que cette somme portera intérêt à compter de la réception par Madame Y A de la convocation en bureau de conciliation, soit le 27 mars 2013,

Y ajoutant,

— déboute Madame Y A de ses demandes fins et conclusions,

— condamne Madame Y A à payer à l’AUF les sommes suivantes :

—  3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile

—  5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

— condamne Madame A aux entiers dépens

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la Cour renvoie à leurs écritures visées par le greffier le 23 mars 2016, auxquelles leurs conseils respectifs se sont expressément référés.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur la demande de rejet de pièces

Les pièces 67, 69 et 70 de l’Agence AUF dont Madame Y A sollicite qu’elles soient écartées, sont des échanges de courriels des supérieurs hiérarchiques de l’appelante entre eux ou entre l’appelante et eux, ainsi que la dernière fiche de poste proposée.

Pour les échanges de courriels 69, il est aisé de déterminer les dates et destinataires de sorte que la Cour est en capacité de reconstituer la genèse des échanges. La fiche 70 est la seule fiche de poste dont la Cour dispose pour comprendre les commentaires qu’en fait Madame Y A à l’appui de son refus de signature, elle-même se dispensant de la produire. Il n’y a donc pas lieu d’écarter ces 2 pièces. Par contre la pièce 67 est manifestement un montage qui n’est pas étayé par les échanges réels et est donc dénuée de toute force probante. La pièce 67 sera écartée des débats.

Sur la demande en paiement d’heures supplémentaires.

Il résulte des éléments de procédure qu’à la suite de sa sanction disciplinaire, s’estimant victime de harcèlement moral, Madame Y A a saisi en référé le Conseil de prud’hommes de PARIS le 12 mars 2010 pour obtenir une expertise sur le nombre de ses heures supplémentaires, pour qu’il soit statué sur l’opposabilité de la modification de son contrat de travail et l’opportunité de la désignation d’un médiateur ainsi que pour faire condamner l’AUF à lui payer la somme de 39.475,70 € à titre de rappel de salaires sur heures supplémentaires sur 5 ans outre les frais irrépétibles. Cette procédure ayant été radiée, Madame Y A a saisi le 11 mars 2011 le même Conseil au fond en sollicitant seulement dans le dernier état de la procédure un rappel de salaires sur mise à pied et l’annulation de la sanction. Le jugement en date du 14 juin 2011 la déboutant de ses demandes au fond est devenu définitif.

L’article R.1452-6 du Code du travail pose le principe de l’unicité de l’instance comme suit: 'Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties doivent qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, faire l’objet d’une seule instance. Cette règle n’est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du Conseil de prud’hommes'.

Cet article n’est pas contraire aux dispositions de l’article 6§1 de la convention CEDH garantissant l’accès au juge, dès lors que Madame Y A, aurait pu lors de l’audience au fond de la précédente instance, formuler de nouveau comme elle l’avait fait devant la formation de référé, sa demande d’heures supplémentaires, alors qu’elle l’a au contraire 'retirée’ ainsi qu’il ressort du plumitif d’audience en date du 24 mai 2011.

Il en découle que la demande en paiement des heures supplémentaires dans le cadre de la présente instance ne peut concerner que la période postérieure à la date de l’audience des débats au fond du 24 mai 2011. L’exception d’irrecevabilité de la demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires sera accueillie pour la période antérieure au 24 mai 2011et la demande en paiement sera jugée recevable pour la période postérieure seulement.

Selon l’article L. 3121-10 du Code du Travail, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaines civiles ; que l’article L. 3121-22 énonce que les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l’article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des huit premières heures supplémentaires, les heures suivantes donnant lieu à une majoration de 50 %. Aux termes de l’article L.3171-4 du Code du Travail , en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ;

Selon ses états chiffrées, Madame Y A aurait travaillé au-delà de 35 heures par semaines, pour 3 heures en mai 2011, 12 heures en juin, 20 heures en juillet, 17 heures en septembre 20 heures en octobre, soit un total de 72 heures supplémentaires à compter du 24 mai 2011.

L’Agence AUF souligne que les heures supplémentaires ne pouvaient être effectuées que sur justificatif de la mission les exigeant et l’aval du supérieur hiérarchique apposée sur une demande formalisée, procédure que Madame Y A avait utilisée jusqu’en 2009, selon pièces jointes, pour en déduire que les heures demandées ne sont pas justifiées.

Il convient de relever qu’au cours de son désaccord avec Monsieur Z à l’automne 2009 sur les ordres directs qu’il lui avait donnés pour expédier un important nombre de cartons d’archives, Madame Y A avait indiqué dans son mel en date du 22 septembre 2009, (Pièce 13-1de l’intimée) 'Je ne souhaite pas faire plus d’heures supplémentaires même si elles devaient être rémunérées ou récupérées'. Il en sera déduit que Madame Y A n’a plus effectué d’heures supplémentaires à compter de cette date.

Sa demande en paiement d’heures supplémentaires sera rejetée.

Sur la demande d’annulation du jugement en date du 24 juin 2013

Madame Y A demande l’annulation du jugement au motif que l’un des conseillers prud’hommes avait déjà connu de la première procédure et qu’il aurait dû se déporter.

La Cour relève qu’elle a déjà été déboutée de cette demande dans le cadre de la procédure de récusation qu’elle a engagée après l’audience au fond de la présente procédure, par arrêt en date du 5 décembre 2013. Sa demande fondée sur le même motif est donc sans objet.

Sur la demande d’annulation des avenants au contrat de travail pour vice du consentement

Madame Y A n’a présenté aucun argument ni pièce à l’appui de cette demande, laquelle sera rejetée.

Sur le bien-fondé du licenciement

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis ; l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement qui lie les parties et le juge, lequel ne peut examiner d’autres griefs que ceux qu’elle énonce, et qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

'Vous avez été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu’au licenciement pour fautes graves par lettre recommandée avec accusé réception en date du 2 novembre 2011 pour un entretien fixé au 14 novembre 2011.

Nonobstant vos explications, nous sommes au regret de devoir procéder par la présente à votre licenciement pour fautes graves.

Dans le courant du mois de septembre 2009, vous avez fait acte d’insubordination en refusant d’obtempérer aux instructions de Monsieur H-I Z, Administrateur de l’implantation parisienne, qui sollicitait de votre part un travail de numérotation et d’étiquetage de cartons d’archivage, tâche qui entrait parfaitement dans le cadre de vos attributions en votre qualité de Responsable du bureau du courrier, des expéditions et des archives. Ce manquement, qui a conduit à une forte perturbation de l’AUF, compte tenu de la mise en oeuvre par celle-ci de divers échanges et médiations de nature à tenter de vous faire revenir à une application loyale de votre contrat de travail, s’est soldé par l’obligation de vous infliger une mise à pied disciplinaire par courrier en date du 5 janvier 2010.Vous avez saisi le Conseil de Prud’hommes de Paris pour faire annuler cette sanction, et, par un jugement du 14 juin 2011, cette juridiction vous a déboutée de l’ensemble de vos demandes. Bien que cette décision soit définitive aujourd’hui, puisque vous n’en avez pas fait appel, vous n’avez pas cru bon reprendre le travail d’archivage resté en souffrance.

Malgré nos demandes formulées notamment durant l’été pour mettre à profit cette période creuse et ainsi rattraper votre retard, vous avez décidé de ne pas préparer les expéditions et vous n’avez pas fait le nécessaire pour désencombrer le local des archives.

En suite du départ à la retraite de Monsieur Z, intervenu à la fin du mois d’août 2011, vous avez été placée sous la hiérarchie de Madame F B, Responsable de la logistique des services centraux de Paris. Le 30 septembre 2011, celle-ci vous a proposé de vous rencontrer afin de vous présenter et de discuter ensemble, de votre nouvelle fiche de poste, conformément à la réorganisation des services centraux de Paris.

Adoptant une fois de plus une attitude d’opposition, vous avez, par courriel du 30 septembre 2011,refusé de participer à un quelconque entretien avec Madame F B.

Le même jour, vous avez sollicité auprès du Directeur des ressources humaines de l’AUF de pouvoir négocier un départ immédiat. Malgré nos démarches pour trouver une solution, vous avez continué à dénier à votre hiérarchie la faculté de pouvoir ne serait-ce que discuter du contenu de votre travail et de son organisation. Vous avez, dans le même temps, refusé d’accomplir votre travail en refusant de recourir à C pour l’envoi de colis ou d’expédier les colis extérieurs aux envois groupés ou supérieurs à 3 kg.

Le 10 octobre encore, vous refusiez d’assurer l’envoi de plis dans le cadre des envois hebdomadaires que vous assuriez jusque là à destination des implantations de l’AUF.

Enfin, le 3 novembre 2011, pendant vos heures de travail, vous avez fait un esclandre dans nos bureaux lors d’une conversation que vous avez entretenue à haute voix avec un salarié de l’AUF, membre du Comité d’établissement. Ce dernier est venu se plaindre de votre comportement auprès de moi le jour-même. Votre attitude outrancière désorganise non seulement votre service mais en outre perturbe le personnel qui a subi ou entendu vos débordements.

L’ensemble de ces faits nuit gravement au fonctionnement de l’AUF et nous contraint à rompre votre contrat de travail à effet immédiat, étant dans l’impossibilité de vous maintenir à un poste que vous refusez d’occuper dans toutes ces composantes. Ce licenciement prend effet à la date d’envoi de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date sans indemnité de préavis ni de licenciement…'

Les griefs faits à Madame Y A sont :

— l’absence de reprise du travail d’archivage laissé en souffrance,

— le refus de rencontrer sa supérieure hiérarchique pour discuter d’une nouvelle fiche de poste le 30 septembre 2011,

— le refus de recourir à C pour l’envoi de colis le même jour,

— le refus d’assurer les envois de plis le 10 octobre 2011,

— l’esclandre du 3 novembre 2011.

Pour contester les griefs et partant le bien fondé du licenciement, Madame Y A fait valoir qu’elle n’a jamais reçu de fiche descriptive de ses fonctions et :

— que le travail d’archivage est étranger à ses tâches,

— que la rencontre avec Madame B était inutile, les nouvelles attributions lui ayant été présentées par le DRH et ayant déjà fait l’objet d’observations de sa part,

— que les envois de colis par C ne relevaient pas de ses tâches, pas plus que ceux des plis,

— qu’il n’y avait pas eu d’esclandre.

La définition des tâches du salarié et le changement de ses conditions de travail relèvent du pouvoir de direction de l’employeur et sont opposables au salarié dès lors que les modifications de celles-ci sont en lien avec la nature de son emploi.

Il résulte des pièces versées, en particulier des fiches de poste dont Madame Y A reconnaît l’existence à ses écritures même si elle conteste les avoir signées, que ses attributions ont été de plus en plus nombreuses au fur et à mesure des déménagements, de la modernisation de l’Association et des restrictions de personnel :

— en 2002 , quand elle est passée de l’accueil standard au bureau d’ordre, elle a dû gérer tout le courrier de l’agence à Paris (réception envoi suivi contrôle des réponses archivage annuel) et venir en appui de l’assistant de la directrice de cabinet,

— en 2003, quand le bureau d’ordre est devenu celui du courrier, de la documentation et des archives, il lui a fallu créer une bibliothèque d’information pour la consultation des archives, suivre la gestion du courrier et aider à préparer le versement annuel des dossiers aux archives, en concertation avec l’archiviste, notamment,

— en 2008, quand le bureau a été transformé en bureau du courrier des expéditions et des archives, on lui a demandé d’effectuer trois expéditions annuelles supplémentaires et en sus d’effectuer l’expédition de l’archivage annuel, précédemment opérée par un archiviste non remplacé et d’adhérer au nouveau système logistique mis en place à la demande du Recteur.

Contrairement aux affirmation de Madame Y A sa hiérarchie l’a accompagnée dans ces évolutions et modernisations ainsi qu’il ressort de ses entretiens d’évaluation avec Monsieur Z, en particulier en 2007 et 2008. Les difficultés sont apparues en 2009, le notateur relatant que la logistique d’expédition est un dossier complexe, présentant des difficultés, des imprévus et une charge importante que Madame Y A a su assumer. La Cour relève d’ailleurs que le notateur souligne la qualité des relations qu’elle a nouées à l’internationale, alors que les problèmes de douanes sont complexes. Les évaluations font état de la nécessité de revoir en 2010 les modalités de traitement et de suivi du courrier et de préciser la part du poste de Madame Y A lié aux archives. C’est aussi ce que demande expressément la salariée dans ses observations écrites. En 2010 le notateur lui donne un nouvel objectif comme celui d’accentuer ses compétences en logistique et d’en acquérir en matière de négociation avec les fournisseurs.

C’est dans ce contexte que Madame Y A a engagé une épreuve de force avec ses supérieurs hiérarchiques pour les conduire à définir son périmètre d’intervention d’une façon compatible avec un horaire normal de travail, une augmentation financière lui ayant été refusée en août 2008 ainsi qu’une demande de médiation par avocat fin 2009.

Si le grief qui lui est fait à la lettre de licenciement de refuser de traiter l’archivage doit être écarté comme ayant déjà été sanctionné, ainsi que celui tenant aux observations qu’elle a faites à l’assistante de direction en sa qualité de membre du comité d’établissement, qui constituent des propos rapportés par l’intéressée et n’ont pas eu de témoins, la Cour relève que désormais c’est Madame Y A qui refuse tout dialogue avec sa nouvelle hiérarchie sur la définition du périmètre de son poste et qui refuse par principe de traiter certains envois de colis et courriers qui relèvent manifestement de ses attributions.

Il y a donc lieu de juger que ces trois griefs combinés en ce qu’ils manifestent une opposition sans nuance ni espoir d’amélioration au pouvoir de direction de son employeur constituent une violation des obligations résultant des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

Le licenciement de Madame Y A pour faute grave est donc parfaitement fondé.

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

Les demandes de Madame Y A tendant à obtenir un rappel de salaire sur mise à pied pour la période du 4 au 22 novembre 2011, des indemnités de préavis et congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages et intérêts seront rejetées par voie de conséquence.

Sur le surplus

Madame Y A qui succombe en son appel n’est pas fondée à obtenir l’application de l’article 700 du Code de procédure civile. Elle versera à l’Agence AUF sur le même fondement la somme de 1.500 €.

La demande de dommages et intérêts formée à titre reconventionnel par l’Agence AUF pour procédure abusive sera rejetée, le droit fondamental de bénéficier d’un double degré de juridiction n’ayant pas dégénéré en abus.

Madame Y A sera condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en dernier ressort publiquement par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement du Conseil de Prud’hommes de PARIS en date du 24 juin 2013 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a rejeté l’exception de chose jugée soulevée par l’Agence Association Universitaire de la Francophonie,

Statuant de nouveau,

ECARTE des débats la pièce 67 produite par l’Agence Association Universitaire de la Francophonie.

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par l’Agence Association Universitaire de la Francophonie en application du principe de l’unicité de l’instance en ce qui concerne la demande en paiement d’heures supplémentaires pour la période postérieure au 24 mai 2011et l’ACCUEILLE pour le surplus

DIT que le licenciement pour faute grave en date du 21 novembre 2011 est fondé.

DÉBOUTE Madame Y A de l’intégralité de ses demandes.

DÉBOUTE l’Agence Association Universitaire de la Francophonie de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts.

CONDAMNE Madame Y A aux entiers dépens et à payer à l’Agence Association Universitaire de la Francophonie la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

REJETTE toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

P. LABEY

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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