Cour d'appel de Paris, 18 mars 2016, n° 13/17054

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 18 mars 2016, n° 13/17054
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/17054
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 12 juin 2013, N° 11/12470

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 18 MARS 2016

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/17054

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Juin 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 11/12470

APPELANTES

SARL CVH agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Représentée par Me Pascal LACRAMPE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN 31

Association ACASE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Représentée par Me Pascal LACRAMPE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN 31

SARL XXX agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Représentée par Me Pascal LACRAMPE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN 31

SCI VERGNAUD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Représentée par Me Pascal LACRAMPE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN 31

SCI A agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Représentée par Me Pascal LACRAMPE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN 31

SCI MBH agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Représentée par Me Pascal LACRAMPE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN 31

SCI C agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Représentée par Me Pascal LACRAMPE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN 31

SCI Z agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Représentée par Me Pascal LACRAMPE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN 31

SCI GRETRYagissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Représentée par Me Pascal LACRAMPE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN 31

SCI B,

Agissant poursuites et diligences de son Gérant en exercice domicilié en cette qualité de droit audit siège.

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Représentée par Me Pascal LACRAMPE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN 31

INTIMEE

SARL BVS ASSOCIES

XXX

XXX

N° SIRET : 420 279 598

Représentée par Me Frédérique VAN GINNEKEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1042

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Janvier 2016, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Michèle LIS SCHAAL, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Patrick BIROLLEAU, président de la chambre,

Madame Michèle LIS SCHAAL, présidente de chambre,

Madame Claudette NICOLETIS, conseillère,

Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédures

La société d’expertise comptable BVS ASSOCIES, représentée par Monsieur E SEJOURNE, a été chargée de l’ensemble de la comptabilité des sociétés CVH, XXX, VERGNAUD, A, MBH, C, Z, D et de l’association ACASE depuis le mois d’avril 2000, et depuis 2007 de la société X.

Par une lettre du 18 septembre 2010, ces sociétés et association ont notifié à la société BVS leur décision de confier la supervision comptable et l’ensemble des comptes annuels de leurs sociétés et association à un autre expert-comptable.

Par acte du 6 juillet 2011, la société BVS ASSOCIES a assigné les sociétés et l’association sus mentionnées devant le tribunal de grande instance de Paris pour rupture brutale des relations commerciales.

Par jugement du 13 juin 2013, le tribunal de grande instance de Paris, a :

— condamné in solidum les sociétés CVH, XXX, VERGNAUD, A, MBH, C, Z, D, B et l’association ACASE à payer à la société BVS ASSOCIES les sommes de :

60.044 euros à titre de dommages-intérêts ;

3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— rejeté les demandes reconventionnelles formées dans l’intérêt des sociétés défenderesses,

— condamné in solidum les sociétés CVH, XXX, VERGNAUD, A, MBH, C, Z, D, B et l’association ACASE aux dépens ;

— ordonné l’exécution provisoire.

Le tribunal a rejeté l’exception d’irrecevabilité prise de l’absence de recours, préalable à l’introduction de l’instance, à l’arbitrage du Président du Conseil Régional de l’Ordre des Experts Comptable de la Région Paris Ile-de-France, et a jugé recevable les demandes formées par la société BVS ASSOCIES, et a retenu que les défenderesses avaient brutalement rompu la relation commerciale.

Par déclaration du 20 août 2013, les sociétés CVH, XXX, VERGNAUD, A, MBH, C, Z, D, B et l’association ACASE ont interjeté appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Les sociétés CVH, XXX, VERGNAUD, A, MBH, C, Z, D, B et l’association ACASE, par leurs dernières conclusions signifiées le 17 mars 2014, demandent à la Cour, au visa des articles 122 et suivants du code de procédure civile, 11 et 19 du code de déontologie des professionnels de l’expertise comptable, du décret du 27 septembre 2007 et de l’article L.442-6 I. 5° du code de commerce, de :

— infirmer le jugement rendu le 13 juin 2013 par le tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Sur la recevabilité de l’action :

— constater que, de l’aveu même de son dirigeant, Monsieur E Y, la société BVS ASSOCIÉS n’a pas cru devoir, avant de saisir la justice par assignation du 6 juillet 2001, soumettre préalablement son différend à l’arbitrage du Président du Conseil Régional de l’Ordre des Experts Comptable de la Région Paris Ile-de-France dont il est adhérent ;

— en conséquence, infirmer le jugement rendu le 13 juin 2013 sur ce point et dire irrecevable la procédure engagée par la société BVS ASSOCIÉS à l’encontre des appelantes ;

Sur le fond

A titre principal,

— constater que la société BVS ASSOCIÉS est une société d’expertise comptable dirigée par Monsieur E Y, expert comptable ;

— dire que l’article L.442-6 I. 5° du code de commerce ne peut s’appliquer aux relations professionnelles existant entre un expert comptable et ses clients et, par voie de conséquence, infirmer le jugement entrepris ;

— constater que, la société BVS ASSOCIÉS et les sociétés appelantes n’étant liées par aucune lettre de mission, aucune modalité n’a été prévue pour mettre un terme à leurs relations contractuelles ;

— en conséquence, dire que la société BVS ASSOCIÉS ne peut prétendre à l’octroi d’une indemnité de rupture ;

À titre subsidiaire,

— constater les divers manquements aux règles déontologiques de la profession d’expert comptable commis par la société BVS ASSOCIÉS et les diverses erreurs dont elle est directement responsable ;

— dire que ces manquements sont à l’origine de la perte de confiance qui a rendu impossible le maintien des relations professionnelles ayant existé entre la société BVS ASSOCIÉS et les sociétés appelantes ;

— à titre subsidiaire, dire que ces manquements justifiaient pleinement la rupture des relations professionnelles entre les sociétés appelantes et intimée, laquelle ne saurait être qualifiée d’abusive ;

En conséquence,

— infirmer le jugement entrepris du 13 juin 2013 et débouter la société BVS ASSOCIÉS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions devant la Cour ;

— recevoir les sociétés CVH, XXX, VERGNAUD, A, MBH, C, Z, D, X et à l’Association ACASE en leurs demandes reconventionnelles et les déclarer fondées ;

Y faisant droit

— condamner la société BVS ASSOCIÉS, à payer aux sociétés CVH, XXX, VERGNAUD, A, MBH, C, Z, D, X et à l’Association ACASE la somme de 50.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice ;

— ordonner une expertise et commettre tel expert qu’il plaira à la Cour avec pour mission de :

convoquer les parties, et, dans le respect du contradictoire, se faire communiquer par la société BVS et (ou) par Monsieur E Y l’ensemble des factures qui ont été établies aux noms des sociétés défenderesses ;

apprécier le temps que la société BVS et (ou) Monsieur Y ont réellement consacré au titre de leurs prestations et indiquer si la facturation émise par la société BVS est ou non justifiée au regard du temps passé, chiffrer l’éventuel trop-perçu d’honoraires par la société BVS ;

rerchercher si les prestations accomplies par la société BVS et (ou) par Monsieur E Y ont été réalisées conformément aux règles et normes comptables et, pour celles qui ne l’auraient pas été, préciser, de façon détaillée et motivée, la nature des erreurs, négligences ou autres défaillances relevées ;

dire si les éventuelles défaillances relevées ont créé un préjudice aux dépens des sociétés défenderesses et le chiffrer ;

En tout état de cause

— condamner la société BVS ASSOCIÉS, à payer aux sociétés CVH, XXX, VERGNAUD, A, MBH, C, Z, D, X et à l’Association ACASE la somme de 5.980,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la société BVS ASSOCIÉS aux entiers dépens de première instance et d’appel que la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, avocat, ancien avoué près la Cour d’Appel de PARIS, pour ceux d’appel, aura la faculté de recouvrer directement en vertu de l’article 699 du code de procédure civile.

Les appelantes soutiennent que la demande de la société BVS ASSOCIÉS fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies est irrecevable et que cette dernière a manqué à ses obligations déontologiques en ne saisissant pas préalablement l’Ordre des experts- comptables, la demande tendant à la réparation d’un préjudice et à l’obtention d’une indemnité de rupture relevant de la compétence du Président du Conseil Régional de l’Ordre.

Elles exposent ensuite que l’article L.442-6 I 5° du code de commerce, sanctionnant les ruptures brutales des relations commerciales établies, ne s’applique pas dans le cadre des relations existant entre un expert-comptable et ses clients, ce texte ayant uniquement vocation à assurer la liberté de la concurrence et à sanctionner des pratiques restrictives en matière commerciale.

Elles font enfin valoir que la société d’expertise comptable a commis plusieurs manquements aux règles déontologiques de la profession d’expert comptable qui rendaient impossible toute poursuite de leurs relations professionnelles, notamment le défaut d’établissement d’une lettre de mission et son immixtion dans la gestion des affaires des appelantes.

La SARL BVS ASSOCIES, par conclusions signifiées le 16 mai 2014, demande à la Cour de :

A titre principal,

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

A titre subsidiaire, si la Cour devait considérer que l’article L.442-6-I-5 du code de commerce est inapplicable en l’espèce :

— confirmer le jugement entrepris par substitution de motifs ;

— dire que la SARL CVH, la SARL XXX, la SCI VERGNAUD, la SCI A, la SCI MBH, la SCI C, la SCI Z, la SCI D, la SCI X et l’Association ACASE ne justifient d’aucun manquement de la société BVS ASSOCIES qui aurait pu justifier la rupture immédiate des relations entre les parties,

— dire que la SARL CVH, la SARL XXX, la SCI VERGNAUD, la SCI A, la SCI MBH, la SCI C, la SCI Z, la SCI D, la SCI X et l’Association ACASE se sont rendues coupables d’une rupture brutale et abusive de leurs relations d’affaires avec la société BVS ASSOCIES ;

— dire qu’elles ont, de ce fait, engagé leur responsabilité contractuelle à l’égard de la société BVS ASSOCIES et qu’elles doivent réparer le préjudice subi ;

— condamner solidairement la SARL CVH, la SARL XXX, la SCI VERGNAUD, la SCI A, la SCI MBH, la SCI C, la SCI Z, la SCI D, la SCI X et l’Association ACASE au paiement de dommages et intérêts d’un montant de 60.044 euros ;

En toute hypothèse,

— débouter la SARL CVH, la SARL XXX, la SCI VERGNAUD, la SCI A, la SCI MBH, la SCI C, la SCI Z, la SCI D, la SCI X et l’Association ACASE de leurs demandes reconventionnelles, fins et conclusions ;

— condamner solidairement la SARL CVH, la SARL XXX, la SCI VERGNAUD, la SCI A, la SCI MBH, la SCI C, la SCI Z, la SCI D, la SCI X et l’Association ACASE au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

— condamner solidairement la SARL CVH, la SARL XXX, la SCI VERGNAUD, la SCI A, la SCI MBH, la SCI C, la SCI Z, la SCI D, la SCI X et l’Association ACASE aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui seront directement recouvrés par Me Frédérique VAN GINNEKEN, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient tout d’abord que sa demande fondée sur une rupture brutale des relations d’affaires n’entre pas dans les prévisions de l’article 19 du code de déontologie de la profession d’expert-comptable, ce texte imposant aux parties, en cas de contestation des conditions d’exercice de la mission ou de différend sur les honoraires de recourir à l’arbitrage du président du Conseil régional de l’ordre avant tout action en justice, et que sa demande est en conséquence recevable.

Elle conteste ensuite le moyen selon lequel l’article L 442-6 I 5e serait inapplicable à la relation expert-comptable / client, et indique que :

— toute rupture brutale d’une relation d’affaires, qu’elle porte sur la fourniture d’un produit ou d’une prestation de service, y compris une prestation intellectuelle, entraine, quelle que soit la qualité de la victime, la responsabilité de son auteur ;

— compte tenu de l’ancienneté des relations l’unissant avec l’appelant (10 ans), un préavis au moins égal à une année, correspondant à un exercice comptable, aurait dû être respecté ;

— le simple fait que ait laissée l’intimé finaliser l’établissement des bilans en cours, au titre de l’exercice déjà terminé, ne saurait être assimilé à un quelconque préavis.

Enfin, en ce qui concerne les manquements invoqués par les appelantes à son encontre, elle considère qu’ils ne sont pas suffisants pour justifier une rupture brutale de leur relation commerciale. Elle ajoute que la prétendue immixtion dans les affaires qui lui est reprochée, relevait simplement de son devoir de conseil en tant qu’expert comptable et ne constituait donc pas un manquement faisant grief aux appelantes.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’action

Considérant que l’article 19 du code de déontologie des professionnels de l’expertise comptable, établie par décret n°2007-1387 du 27 septembre 2007, dispose que « en cas de contestation par le client ou adhérent des conditions d’exercice de la mission ou de différend sur les honoraires, les personnes mentionnées à l’article 1er s’efforcent de faire accepter la conciliation ou l’arbitrage du président du conseil régional de l’ordre avant toute action en justice » ; que le présent litige porte sur les conditions de la rupture des relations contractuelles entre les sociétés CVH, XXX, VERGNAUD, A, MBH, C, Z, D, B, l’association ACASE et la société BVS ASSOCIES, et non sur une contestation des conditions d’exercice de la mission ni sur un différend relatif aux honoraires ; que cette demande est ainsi hors champ d’application ; qu’au surplus, cette interprétation de l’article 19 du Code de déontologie des professionnels de l’expertise comptable est corroborée par une lettre du 20 novembre 2011 adressée par le président du Conseil régional de l’Ordre des experts comptables en réponse à une lettre de la société BVS qui précise que « en l’occurrence, s’agissant d’un litige dont l’objet est d’obtenir réparation d’un préjudice, nous vous précisons que le président du conseil régional n’a pas qualité pour allouer des dommages-intérêts dans le règlement des litiges qui lui sont soumis » ; qu’en conséquence, les demandes des sociétés CVH, XXX, VERGNAUD, A, MBH, C, Z, D, B et de l’association ACASE sont irrecevables ; que les demandes de la société BVS ASSOCIES sont, dans ces conditions, recevables ;

Sur l’applicabilité de l’article L.442-6 I 5° du code de commerce

Considérant que l’article L.442-6 5° du code de commerce dispose qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; que ce texte s’inscrit dans un ensemble de dispositions du code de commerce tendant à préserver la libre concurrence dans le cadre des activités commerciales ('Livre IV De la liberté des prix et de la concurrence.', 'Titre IV De la transparence, des pratiques restrictives de concurrence et d’autres pratiques prohibées’ 'Chapitre II : Des pratiques restrictives de concurrence') ;

Considérant que la profession d’expert-comptable, soumise à des règles particulières qui la distinguent des professions à caractère commercial et la rapprochent d’autres professions libérales, relève des professions réglementées ; qu’en contrepartie de l’art libéral qu’il exerce, l’expert-comptable perçoit des honoraires qui ne se confondent pas avec des bénéfices commerciaux ; que cette profession ne s’inscrit pas dans la seule recherche du profit, comme tel est le cas des professions commerciales, mais dans une relation de confiance nouée avec son client ; que l’expert-comptable ne doit en aucun cas se placer dans une situation qui puisse diminuer son libre arbitre ou faire obstacle à l’accomplissement de tous leurs devoirs, ainsi que le prévoit l’article 5, alinéa 4, du décret n°2007-1387 du 27 septembre 2007 portant code de déontologie des professionnels de l’expertise comptable ; qu’il doit être libre de tout lien extérieur d’ordre personnel, professionnel ou financier qui pourrait être interprété comme constituant une entrave à son intégrité ou à son objectivité comme le rappelle l’article 6, alinéa 2, du même décret ; qu’il s’en déduit que la relation existant entre un expert-comptable et son client ne constitue pas une relation commerciale au sens de l’article L 442-6 5° du code de commerce ; que cet article n’a donc pas vocation à s’appliquer en l’espèce ; qu’en conséquence, la demande de la société BVS ASSOCIES doit être rejetée ; que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a condamné les sociétés CVH, XXX, VERGNAUD, A, MBH, C, Z, D, B et l’association ACASE à verser à la société BVS la somme de 60.044 euros de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies ;

Sur la fin des relations contractuelles entre les sociétés CVH, XXX, VERGNAUD, A, MBH, C, Z, D, B, l’association ACASE et la société BVS ASSOCIES

Considérant que la société BVS ASSOCIES soutient subsidiairement que :

— au cas où la rupture des relations contractuelles entre les parties ne serait pas sanctionnée sur le fondement de l’article L 442-6 I. 5° du code de commerce, elle devrait l’être sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil en vertu desquels les conventions doivent être exécutées de bonne foi ;

— les sociétés et association appelantes, au mépris de l’obligation de bonne foi, ont mis fin le 18 septembre 2010, sans préavis et alors qu’elles n’évoquaient aucun manquement de leur partenaire, à la mission de la société BVS ASSOCIES qui courait jusqu’à l’établissement des comptes annuels 2011 ;

Que les sociétés appelantes font valoir qu’elles n’étaient liées par aucune lettre de mission, malgré les obligations de l’article 11du code de déontologie des professionnels de l’expertise comptable, pesant sur l’intimé, qu’aucune modalité n’a été prévue pour mettre un terme à leurs relations contractuelles et qu’aucune indemnité de rupture n’a été stipulée ;

Mais considérant que l’article 11 du code de déontologie des professionnels de l’expertise comptable, qui prévoit que 'toute mission doit faire l’objet d’un contrat écrit', fait peser sur l’expert comptable l’obligation de rédiger une lettre de mission avec ses clients ; que cet article n’impose pas la fixation des modalités organisant la fin de la relation contractuelle ; que, la société BVS ASSOCIES ne produisant aucun document contractuel organisant la fin des relations contractuelles avec les sociétés CVH, XXX, VERGNAUD, A, MBH, C, Z, D, B et l’association ACASE, aucune obligation contractuelle ne pesait sur ces dernières quant aux conditions de la rupture de la relation ; que la société BVS ASSOCIES ne rapporte pas la preuve d’un manquement à l’obligation d’exécuter les contrats de bonne foi ; qu’elle sera, en conséquence, déboutée de sa demande subsidiaire ;

Considérant que l’équité commande de condamner la société BVS ASSOCIES à payer aux sociétés intimées la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement entrepris,

STATUANT À NOUVEAU,

DIT recevable les demandes de la société BVS ASSOCIES,

DEBOUTE la société BVS ASSOCIES de sa demande de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies,

LA DEBOUTE de ses plus amples prétentions,

CONDAMNE la société BVS ASSOCIES à payer à la société CVH, XXX, VERGNAUD, A, MBH, C, Z, D, X et à l’Association ACASE la somme 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

LA CONDAMNE aux entiers dépens avec distraction au profit de la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT en application de l’ article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

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