Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 8 novembre 2017, n° 14/13384

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Chronologie de l’affaire

Commentaires9

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Gouache Avocats · 3 mars 2022

Le secret professionnel dans le cadre d'opérations de visites et saisies réalisées par l'Autorité de la Concurrence, a été étendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt important rendu le 26 janvier 2022. Cette décision est transposable aux opérations réalisées par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF). Le contexte dans lequel a été rendu cet arrêt est le suivant : des opérations de visite et de saisies avaient été diligentées par les agents de l'Autorité de la Concurrence, dans les locaux d'une …

 

larevue.squirepattonboggs.com · 18 février 2022

Cass. crim. 26 janvier 2022, 17-87.359 Le 26 janvier 2022, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu un arrêt qui, relatif à l'étendue du secret professionnel, ne manquera pas d'intéresser les avocats, bien sûr, mais surtout les juristes qu'ils assistent. A l'origine de cet arrêt, des opérations de visite et de saisies diligentées par les agents de l'Autorité de la Concurrence, dans les locaux d'une entreprise suspectée d'avoir participé à un systèmes d'ententes anticoncurrentielles. Estimant le déroulement des opérations de visite et saisies irrégulier, l'entreprise a formé …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 15, 8 nov. 2017, n° 14/13384
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/13384
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 15

ORDONNANCE DU 08 NOVEMBRE 2017

(n° , 27 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/13384

Recours contre les conditions de visite domiciliaire et de saisies du 27 au 28 mai 2018 dans les locaux et dépendances sis au […]

Nature de la décision : CONTRADICTOIRE

Nous, BI BJ, Conseiller à la Cour d’appel de PARIS, délégué par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article 450-4 du code de commerce ;

En présence du Ministère public auquel l’affaire a été communiquée, représenté lors des débats par Brigitte GARRIGUES, Avocat général, qui a fait connaître son avis

assisté de Bruno REITZER, greffier présent lors des débats ;

Après avoir appelé à l’audience publique du 21 juin 2017 :

DEMANDERESSE

La société WHIRLPOOL AK, prise en la personne de son représentant légal

[…]

[…]

Représentée par Me Jean-Yves GARAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J021

Représentée par Me Antoine WINCKLER, avocat au barreau de PARIS, toque :

DÉFENDERESSE

L’AUTORITE DE LA CONCURRENCE

[…]

[…]

Représentée par M. BN BO-BP (Autre) en vertu d’un pouvoir spécial

PARTIES INTERVENNANTES

L’ASSOCIATION FRANCAISE DES JURISTES D’ENTREPRISE

[…]

[…]

Représentée pa Me Jacques BUHART, avocat au barreau de PARIS, toque : P062

L’ORDRE DES AVOCATS À LA COUR D’APPEL DE PARIS

[…]

[…]

Représenté par Me Vincent NIORÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : A757

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience 21 juin 2017, les avocats du demandeur et le représentant du défendeur ;

Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 08 Novembre 2017 pour prononcé en audience publique, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 462 du Code de procédure pénale.

Avons rendu l’ordonnance ci-après :

Le 21 mai 2014, le juge des libertés et de la détention de PARIS (ci-après JLD), a rendu, en application des dispositions de l’article L 450-4 du code de commerce, une ordonnance de visite et de saisie dans les locaux des sociétés suivantes :

— GROUPE AX AY, 5-13 rue Auger, 93500 PANTIN

— WHIRLPOOL AK, […], […]

— Groupement Interprofessionnel des Fabricants d’Appareils d’Equipement Ménager (ci-après GIFAM), […], […].

Cette ordonnance faisait suite à une requête présentée par les services de l’Autorité de la concurrence suite à l’enquête aux fins d’établir si lesdites entreprises se livreraient à des pratiques prohibées par les articles L.420-1 1°, 2°, 3° du code de commerce et 101-1 a) et b) du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après TFUE).

Cette requête était consécutive à une demande d’enquête du rapporteur général de l’Autorité de la concurrence (ci-après ADLC) conformément aux dispositions de l’article L.460-4 alinéa 1 du code de commerce.

Elle s’inscrivait dans la suite des visites et saisies réalisées sur autorisation du JLD de BOBIGNY délivrée par ordonnance du 9 octobre 2013 dans le secteur de la distribution de produits "blancs« et »bruns" auprès des entreprises FAGORBRANDT, AH AI, A AM AK, Groupe SEB AK et Groupe SEB Retailing, BK, AJ AK, C AL AK, BSH X, B BQ BR AK et B AK, LG AM AK, GPDIS AK SUD EST (enseigne SLD) et AN AO, GEMDIS groupe FINDIS (anciennement COCELEC RHONE-ALPES), ETABLISSEMENTS Y ET FILS aux fins d’établir si lesdites entreprises se livreraient à des pratiques d’ententes horizontales et verticales prohibées par les articles L. 420-1 1°, 2° et 3° du code de commerce et 101-1 a) et b) TFUE.

A l’appui de cette requête était jointe une liste de 13 pièces ou documents en annexe.

Il ressortait des informations transmises par l’ADLC que des extraits de cahiers de notes et de tableaux avaient été saisis chez M. AP AQ, directeur général adjoint de AR AS, chez M. AT AU, directeur commercial AK de la même société ainsi que chez M. AV AW, directeur de la division « blanc » de A. Ces notes, consignant des échanges d’informations sensibles sur l’évolution des ventes d’appareils électroménagers de concurrents, dont AX AY et WHIRLPOOL, entreraient pleinement dans le champ d’application de la précédente ordonnance du 9 octobre 2013 visant à rechercher la preuve d’agissements suspectés dans le secteur de la distribution de produits « blancs » et « bruns ».

Ainsi selon l’ADLC, les fabricants AX AY et WHIRLPOOL auraient convenu de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, en favorisant artificiellement leur hausse, en échangeant régulièrement entre concurrents des informations commercialement sensibles lors de réunions intitulées « GIFAM », ainsi qu’en imposant avec les grossistes et grandes enseignes spécialisées de détail des prix minimum de vente aux consommateurs, en limitant l’accès au marché ou le livre exercice de la concurrence par d’autres entreprises, et en limitant ou contrôlant les débouchés en interdisant la commercialisation sur internet à certains distributeurs et pour certains appareils, par le biais d’actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, et ce, en violation des points 1, 2 et 3 de l’article L.420-1 du code de commerce et de l’article 101-1 a) et b) du TFUE.

Il était allégué qu’une première pratique prohibée consisterait pour les fabricants de produits « blancs », dont AX AY et WHIRPOOL, à se concerter pour influer sur la variation des prix de leurs appareils tant sur internet que dans le réseau de revente des grandes enseignes spécialisée dans le détail. A l’appui de cette affirmation, il était produit un tableau établi par M. AZ Z, gérant du site WEB ACHAT, qui, par ailleurs, faisait état également de consignes tarifaires orales.

Il était argué que les prix de revente étaient imposés aux distributeurs internet, ce qui serait conforté par référence à la « Black list » dans les notes prises par M. AT AU de l’entreprise AR AS. Cet élément serait aussi confirmé par les déclarations de M. Z précitées.

Ainsi les distributeurs récalcitrants seraient victimes de blocages sur leurs comptes, de refus ou d’arrêts de livraisons et il apparaîtrait que les fabricants de produits « blancs » échangeraient tant sur leur politique promotionnelle que sur leur stratégie tarifaire concernant les grandes enseignes spécialisées de détail.

Il ressortait qu’un document, qui corroborerait l’existence d’un comportement identique des fabricants s’agissant de la revente sur internet, intitulé « Accords GIFAM » et saisi dans le bureau de M. AP AQ de AR AS, permettrait de penser qu’un accord aurait été conclu entre les fabricants de produits « blancs », membres du GIFAM en vue de se concerter sur la détermination des prix de revente des grandes enseignes spécialisées de détail.

D’autre part, une seconde pratique prohibée consisterait pour les fabricants de produits « blancs » à encadrer la revente de leurs produits sur internet en l’interdisant partiellement sur ce canal de distribution.

Il s’en déduirait que les fabricants AR AS, A, WHIRLPOOL et AX AY seraient susceptibles d’interdire à des distributeurs de commercialiser leurs produits, au seul motif qu’ils les diffusent sur internet et ce, dans l’objectif d’aligner les prix de vente en ligne pratiqués par ces distributeurs sur ceux pratiqués par les grandes enseignes spécialisées de détail et plus particulièrement Y.

Ainsi il existerait un parallélisme de comportement des fabricants de produits « blancs », qui pourrait être la conséquence de pratiques concertées entre ceux-ci, en particulier AX AY et WHIRLPOOL, les grossistes et les grandes enseignes spécialisées de détail, lesquelles viseraient à faire respecter par les revendeurs sur internet les décisions prises entre fabricants, notamment au sein du GIFAM.

Enfin, la troisième pratique prohibée serait l’échange régulier d’informations sensibles entre concurrents relatives aux données sur l’évolution de leurs ventes et leurs stratégies commerciales.

Il résulterait des extraits de cahiers de notes, saisis chez AR AS et A, que les principaux fabricants de produits « blancs », notamment BSH, BK AX AY, B, AJ, C, WHIRLPOOL, A, LIEBHERR (AH AI) et AR AS, auraient participé, de 2009 à 2012, à des échanges d’informations commercialement sensibles lors de réunions physiques ou téléphoniques intitulées GIFAM.

Il ressortirait de ces extraits qu’à l’occasion de ces rencontres au sein du GIFAM, les sociétés précitées rapporteraient à leurs concurrents l’évolution de leurs ventes par produits ou circuits de distribution, en les comparant aux statistiques qu’élabore le GIFAM au bénéfice de ses adhérents.

Par ailleurs, certains concurrents prendraient le soin de préciser, lors de ces réunions, les raisons pouvant expliquer ces variations : ainsi, à titre illustratif, AX AY aurait indiqué, d’après les notes prises par M. AP AQ de AR AS lors de la réunion du 10 septembre 2009, « Usine fermée une semaine sur quatre ».

Il semblerait également que ces informations s’étendraient aussi au constat et à la prévision des ventes, comme semblent en attester les notes manuscrites de M. AV AW de la société A, prises lors de la réunion du 16 novembre 2011, au cours de laquelle le fournisseur LG aurait présagé « une hausse de prix encore à venir » et WHIRLPOOL une augmentation de son prix moyen de vente et de sa marge(…).

Il en serait déduit que le GIFAM, dont la mission consiste notamment à « rassembler les grandes marques de l’X, soutenir leur activité industrielle, défendre leurs intérêts communs », réalise de nombreux services à destination de ses adhérents, dont « l’établissement des statistiques professionnelles » et que dans ce contexte, le GIFAM, dont le nom apparaîtrait à plusieurs reprises à côté des variations des ventes des fournisseurs sus-mentionnés, tant dans le cahier de notes de M. AV AW, salarié de A que dans ceux de MM. AP AQ et AT AU de AR AS, pourrait avoir servi de support à l’entente présumée.

Ainsi les réunions au sein du GIFAM sembleraient jouer un rôle déterminant, en matière commerciale, pour les dirigeants adhérentes.

Il ressortirait de ces différentes pratiques présumées illicites qu’elles limiteraient les capacités des consommateurs à faire jouer la concurrence entre le canal de la vente par internet et celui de la distribution traditionnelle et ce, en violation de l’article L.420-1 du code de commerce et de l’article 101-1 du TFUE et que l’ensemble de ces agissements semblerait constituer les premiers éléments d’un faisceau d’indices laissant présumer l’existence d’un système d’ententes horizontales et verticales à dimension nationale entre les fabricants de produits 'blancs' , les grossistes et les grandes enseignes spécialisées de détail susceptibles de relever des pratiques prohibées par l’article L.420-1 du code de commerce en ses points 1°, 2° et 3°.

Ces actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, qui auraient pour objet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse, en limitant l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises et en limitant ou contrôlant l’entrée aux marchés, seraient établis selon des modalités secrètes et ainsi, il serait nécessaire d’autoriser les agents de l’ADLC de rechercher la preuve desdites pratiques prohibées vraisemblablement détenues et conservées dans des lieux (en l’espèce, les sociétés sus-mentionnées en début d’ordonnance) et sous des formes qui faciliteraient leurs dissimulation, leurs destruction ou altération en cas de vérification.

Selon l’ALDC, le recours aux pouvoirs de l’article L.450-4 du code de commerce constituerait le seul moyen d’atteindre l’objectif recherché et les opérations de visite et de saisie n’apparaîtraient pas disproportionnées au regard de l’objectif à atteindre.

Le JLD de PARIS autorisait la Rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence à procéder, dans les locaux des entreprises sus-mentionnées, aux visites et saisies prévues par les dispositions des articles L.450-4 du code de commerce afin de rechercher la preuve des agissements entrant dans le champ des pratiques prohibées par les articles L.420-1, 1°, 2° et 3° du code de commerce et 101-1 a) et b) du TFUE, relevées dans le secteur de la distribution des produits 'blancs', ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée.

Il donnait commission rogatoire au JLD de grande instance de NANTERRE pour les locaux relevant de son ressort afin de désigner les chefs de service de police territorialement compétents pour nommer les officiers de police judiciaires, qui assisteraient aux opérations de visite et de saisie dans les locaux de WHIRLPOOL AK, et le tiendraient informé de leur déroulement et de toute contestation jusqu’à leur clôture. Le JLD de NANTERRE a rendu une ordonnance le 22 mai 2014.

Les opérations de visite et de saisies se sont déroulées les 27 et 28 mai 2014. Elles ont été retranscrites dans des procès-verbaux en date du 28 mai 2014 .

Par déclaration en date du 5 juin 2014, la société WHIRLPOOL AK a formé un recours contre les opérations de visite et de saisie effectuées dans ses locaux à SURESNES (92) les 27 et 28 mai 2014.

Par ordonnance en date du 1er juillet 2016,et sur demande des sociétés appelantes, il a été décidé de surseoir à statuer dans l’attente des arrêts de la Cour de cassation concernant les OVS menées à l’encontre de la société A au motif que la présente ordonnance contestée comprenait dans ses annexes des documents saisis dans les locaux de la société A.

L’affaire a été appelée à l’audience du 21 juin 2017 à 9 heures, mise en délibéré pour être rendue le 25 octobre 2017 puis prorogée au 8 novembre 2017.

Par dernières conclusions de recours déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS le 19 juin 2017, la société WHIRLPOOL AK fait valoir :

A- Sur la violation du secret professionnel

Il est argué que les agents de l’ADLC ont, en pleine connaissance de cause, porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense de WHIRLPOOL AK dans le cadre de l’enquête en cours en ciblant, lisant et saisissant des documents couverts par le secret professionnel et concernant précisément la défense de la société WHIRLPOOL AK dans le cadre de l’enquête en cours.

1- sur la violation effective des droits de la défense de WHIRLPOOL AK du fait de la saisie de documents couverts par le secret professionnel et portant sur l’enquête de l’ADLC

La société requérante rappelle qu’en application de l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée, les correspondances avocat-client ne peuvent être saisies par l’ADLC et soutient qu’il est établi en droit de l’Union européenne que les notes internes à l’entreprise qui se bornent à reprendre le contenu des correspondances avocat-client sont protégées par le principe du secret des correspondances avocat-client.

Elle ajoute que le secret des correspondances avocat-client est également consacré par l’article 8 de la CESDH, la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après CJUE) et la Cour de cassation. Elle cite à l’appui de son argumentation l’arrêt VINCI rendu le 2 avril 2015 par la CEDH.

Elle précise que l’article L.450-4 alinéa 8 du code de commerce prévoit que les inventaires et mises sous scellés sont réalisées conformément à l’article 56 du code de procédure pénale, lequel dispose que les officiers de police judiciaires (ci-après « OPJ ») ont « l’obligation de provoquer préalablement (à la saisie) toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et les droits de la défense ».

Selon la société requérante, les saisies effectuées en violation du secret professionnel sont nulles. Elle cite en ce sens plusieurs décisions.

a) les saisies de correspondances protégées par le secret professionnel chez WHIRLPOOL AK ont irrémédiablement porté atteinte à ses droits de la défense et doivent entraîner l’annulation des OVS.

Il est soutenu qu’à la suite des OVS d’octobre 2013 chez ses concurrents, WHIRLPOOL AK (non visée par l’enquête) avait demandé à ses avocats spécialisés en droit de la concurrence de préparer sa défense dans le cadre de l’enquête de l’ADLC. Au cours de la période écoulée entre les OVS d’octobre 2013 et celles de mai 2014, le cabinet Cleary Gottlieb, avocat de WHIRLPOOL AK, a interrogé des employés de WHIRLPOOL AK, au regard, notamment des soupçons de l’ADLC à l’égard des fabricants de produits blancs visés par les OVS d’octobre 2013. Les résultats de cette analyse ont été communiqués à WHIRLPOOL AK par le cabinet Cleary Gottlieb sous la forme d’un compte rendu d’entretiens en date du du 9 décembre 2013, d’un rapport d’analyse ( « Document Review Report ») du 30 avril 2014 et d’un exposé oral au cours d’une réunion en date du 16 mai 2014 dans les locaux du cabinet Cleary Gottlieb.

Au cours des OVS effectuées dans les locaux de WHIRLPOOL AK, et en dépit des vives contestations des avocats de WHIRLPOOL AK, les agents de l’ADLC ont consulté et saisi plusieurs documents couverts par le secret professionnel et concernant directement les analyses et conseils du cabinet Cleary Gottlieb dans la défense de WHIRLPOOL AK dans cette affaire.

Les agents de l’ADLC ont pénétré dans le bureau de BA Q, alors juriste de WHIRLPOOL AK et ont effectué des fouilles ciblées sur son ordinateur. A l’occasion de ces fouilles, les agents de l’ADLC ont imprimé et saisi deux documents résumant l’avis de Cleary Gottlieb sur l’enquête de l’ADLC portant sur les fabricants de produits blancs. Cet avis, qui était irréfutablement couvert par le secret professionnel et concernait directement l’enquête de l’ADLC, était repris dans :

— un courriel de BA Q, alors juriste de WHIRLPOOL AK, à Stefan BF, responsable juridique Europe de WHIRLPOOL Corporation, du 19 mai 2014, intitulé « catch up » (pièce n°8) . Dans ce courriel, BA Q résume le contenu d’analyse du cabinet Cleary Gottlieb du 30 avril 2014(…) ;

— un courriel d’BC AD, alors directrice juridique de WHIRLPOOL Europe, à Andrea U, président de WHIRLPOOL AK, du 22 mai 2014, intitulé « FW : Y ' Whirlpool International Antitrust Investigation » (pièce 9). Ce courriel faisait suivre un autre courriel d’BC AD par lequel cette dernière transmet le rapport d’analyse du cabinet Cleary Gottlieb et de la réunion d’analyse qui s’en est suivie avec ce cabinet relative à ce rapport d’analyse(…). BC AD résume ensuite les conclusions du rapport d’analyse Cleary Gottlieb attaché au courriel ' y compris les constations, l’analyse juridique et les recommandations.

La société requérante fait état également de trois courriels saisis dans les messageries de Mmes Q, AD (pièces 10) en affirmant que ceux-ci étaient couverts par le secret professionnel. Le premier reprend en substance les informations communiquées par Cleary Gottlieb, le second reproduit mot pour mot les recommandations de ce cabinet et le troisième s’inscrit dans la préparation de la défense de WIRLPOOL AK dans le cadre de l’enquête en cours.

Dès lors, il est demandé la nullité de leur saisie.

Par ailleurs, ont également été saisis un rapport préliminaire de décembre 2013 préparé par Cleary Gottlieb au sujet des premiers entretiens menés dans le cadre de la défense de WHIRLPOOL AK (pièces n°6), le rapport contenant les constats, analyses et recommandations de Cleary Gottlieb du 30 avril 2014 ainsi que ses annexes (pièces n°7) et un courriel de AG BE (du même cabinet) du 9 décembre 2013 adressé à Mme BC AD (pièce 6), ce dernier courriel comportant un résumé des conclusions de Cleary Gottlieb à l’issue d’une première série d’entretien avec les employés de WHIRLPOOL AK.

S’agissant du rapport du 30 avril 2014 susmentionné, il est indiqué qu’il n’est en rien assimilable à un rapport d’expert dans la mesure où il ne fait aucun doute que le cabinet Cleary Gottlieb effectuait une mission de défense et avait été spécifiquement mandaté pour préparer la défense de WHIRLPOOL AK dans le cadre de l’enquête en cours de l’ADLC sur les secteurs des produits blancs, étant précisé que ce rapport était marqué « strictement confidentiel-communication avocat-client ».

b) l’atteinte irrémédiable portée aux droits de la défense de WHIRLPOOL AK

Il est argué que les avocats de WIRLPOOL AK ont immédiatement contesté la saisie de deux courriels au format papier couverts par le secret professionnel durant les OVS (pièces n°8 et 9), et que les agents de l’ADLC ont refusé de retranscrire les réserves des avocats dans le PV, de saisir le JLD d’avoir recours à la procédure du scellé provisoire, étant précisé que WHIRLPOOL AK avait préparé et fourni la liste des avocats avec lesquels elle avait l’habitude de travailler afin de permettre aux agents de l’ADLC d’isoler les documents potentiellement couverts par le secret professionnel dans les scellés fermés provisoires.

c) la sanction de cette violation délibérée des droits de la défense est l’annulation des OVS

Il est soutenu que la saisie de ces documents et leur simple consultation par les agents de l’ADLC influent nécessairement et irrémédiablement sur l’enquête de l’Autorité et porte irrémédiablement atteinte aux droits de la défense de WHIRLPOOL AK, en violation du privilège légal et de l’article 8 de la CESDH.

Il est indiqué que les documents saisis ont été préparés spécifiquement suite aux OVS d’octobre 2013 dans la même affaire afin d’analyse la défense de la société et contiennent ainsi une analyse précise et circonstanciée de la situation juridique de WHIRLPOOL AK au regard des pratiques suspectées par l’ADLC.

La requérante précise également que le mémorandum rédigé par Cleary Gottlieb (pièce n°7) qui a été saisi par les agents de l’ADLC, inclut en annexe 25 documents identifiés comme clés au regard de l’enquête et la restitution de ce document ne permettra pas d’effacer de la mémoire des agents de l’ADLC les analyses et les documents dont ils ont eu connaissance.

En conséquence, il est demandé la nullité de l’ensemble des saisies effectuées par l’ADLC dans les locaux de WHIRLPOOL AK.

2 ' sur la violation des articles L.450-4 du code de commerce et 56 du code de procédure pénale, lus en conjonction avec le principe du secret professionnel.

La société requérante fait état de plusieurs correspondances relatives à la confidentialité des échanges avocat-client ou reprenant le contenu des correspondances avocat-client, dans les fichiers, ces échanges concernant des sujets autres que l’enquête de l’Autorité. Elle produit un tableau reprenant une liste de 15 échanges avec indication de l’employé concerné, la date et l’objet de l’échange ainsi que le nom des avocats (pièce 12).

Il est argué que ces correspondances doivent bénéficier du secret professionnel, lequel s’applique en toutes matières et que le fait que ces documents soient sans lien avec l’exercice de la défense dans ce dossier n’est dès lors pas de nature à priver les documents du secret professionnel. Ainsi leur saisie est indéniablement entachée d’illégalité.

Dès lors, en refusant en dépit de demandes répétées, de prendre toute mesure de nature à empêcher la violation du secret professionnel et en saisissant de manière délibérée des documents protégés par le secret professionnel, les agents de l’ADLC ont violé les article L. 450-4 du code de commerce et 56 du CPP ainsi que les articles 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 et 8 de la CESDH et ont porté atteinte aux droits de la défense de WHIRLPOOL AK et ainsi vicié l’ensemble de la procédure.

En conséquence il est demandé, à titre principal, l’annulation des saisies effectuées par l’ADLC dans les locaux de la requérante les 27 et 28 mai 2014 ainsi que la restitution des documents saisis et à titre subsidiaire, l’annulation de la saisie des correspondances avocat-client.

B ' Sur la violation du droit au contrôle juridictionnel effectif

1- en droit les agents de l’ADLC doivent permettre au juge du recours d’exercer un contrôle juridictionnel effectif sur l’appartenance des documents saisis au champ de l’autorisation délivré par le JLD

La requérante fait valoir que les documents et fichiers saisis doivent entrer dans le champ d’application des OVS.

Il est soutenu que s’agissant des saisies globales de fichiers, il incombe à l’ADLC d’établir que chaque fichier saisi entre, du moins en partie, dans le champ d’autorisation des OVS et est au moins pertinent pour justifier l’existence de pratiques anticoncurrentielles. Pour les autres documents papier et électroniques saisis, les agents de l’ADLC doivent permettre au juge du recours de contrôler a posteriori, de manière concrète, que chaque fichier saisi appartient bien au champ d’autorisation des OVS.

Selon la société WHIRLPOOL AK, il appartient à l’Autorité de prouver, en utilisant les différents moyens à sa disposition (PV, inventaire, communication de mots clés), que les opérations effectuées sont légales en ce qu’elle s’inscrivent dans le champ autorisé par le JLD.

2- en fait le juge du recours est dans l’impossibilité de contrôler de manière effective l’appartenance des documents saisis au champ de l’autorisation

Il est contesté le fait que les documents saisis, en particulier les messageries, appartiennent au champ de l’autorisation.

La requérante fait valoir qu’il appartient aux agents de l’ADLC d’établir le procès-verbal des OVS, ainsi que les inventaires informatiques des documents saisis de façon à permettre au juge du recours de contrôler l’appartenance des documents saisis au champ d’autorisation délivrée par le JLD.

En premier lieu, le procès-verbal de fin des opérations ne permet pas de contrôler si les documents saisis appartiennent au champ de l’ordonnance.

Ainsi, au cours des OVS, les agents de l’ADLC ont effectué des copies image des disques durs de plusieurs employés de WHIRLPOOL AK ainsi des copies des fichiers partagés appartenant à la direction commerciale et d’autres fichiers de messagerie électronique contenus sur le serveur de l’entreprise d’autres employés.

L’ADLC, afin de justifier la saisie de ces dizaines de milliers de fichiers informatiques, se contente d’affirmer qu’ils ont « constaté la présence de documents entrant dans le champ de l’autorisation de visite et de saisie » dans les « données informatiques accessibles ». Il appartenait à l’Autorité pour chaque fichier d’établir qu’il existait au moins un document rentrant dans le champ de l’autorisation, pour permettre de vérifier cette affirmation.

A défaut, il est impossible de vérifier, à la lecture du procès-verbal et de l’inventaire dressé par l’ADLC, si les fichiers informatiques contiennent ou non potentiellement des éléments entrant dans le champ de l’autorisation des OVS.

En second lieu, les inventaires informatiques dressés par les agents de l’ADLC ne permettent pas non plus d’exercer ce contrôle, l’inventaire informatique des documents saisis se composant de 7 fichiers Excel listant 31.106 fichiers informatiques. La requérante produit, à titre illustratif, un tableau reprenant la description par l’Autorité de chacun de ces 7 fichiers Excel et en déduit que ces descriptions informatiques ne permettent pas de vérifier si les documents auxquels ils correspondent se rapportent au moins en partie à l’objet de l’enquête.

La requérante produit également une sélection aléatoire de 50 fichiers informatiques parmi les 31.106 fichiers informatiques saisis, correspondant à moins de 1% des fichiers et documents papier saisis, ainsi qu’un tableau décrivant précisément le contenu de ces documents sélectionnés de manière aléatoire (pièce 13), et établissant, selon elle, que ces fichiers informatiques n’ont aucun lien avec le champ d’autorisation et ne contiennent aucun élément pertinent au regard de l’enquête.

En conséquence, il appartenait bien à l’ADLC de produire un inventaire détaillé et de justifier, en cas de saisie globale, dans son PV ou dans l’inventaire, le document rentrant dans le champ de l’autorisation, afin de permettre le recours juridictionnel effectif auquel WHIRLPOOL AK a droit, le défaut de l’ADLC justifiant l’annulation de l’intégralité des OVS.

Enfin, s’agissant de la saisie de fichiers informatiques en dehors de tout procès-verbal ou inventaire, il est argué que non seulement les inventaires préparés par les agents de l’ADLC n’apportent pas les justifications nécessaires, mais ils n’incluent en outre pas certains fichiers informatiques saisis dans les locaux de WHIRLPOOL AK.

La requérante ajoute qu’il est indiqué dans le procès-verbal de fin d’opérations de visite et saisie : « il a été demandé à M. D, représentant de l’occupant des lieux, de mettre à notre disposition les fichiers d’archives de messagerie électronique de M. H, Mme E, M. F et M. G. L’entreprise WHIRLPOOL n’ayant pas été en mesure de mettre à disposition les données demandées durant l’opération, elle s’engage à les remettre de façon non cryptées et accompagnées des clés d’identification nécessaires à leur analyse, sur un disque dur externe, au service Investigation de l’Autorité de la concurrence (') le lundi 2 juin à 18 heures au plus tard.».

Il est soutenu que les avocats de WHIRLPOOL AK ont déposé ces fichiers à l’ADLC le 2 juin 2014 et que l’ADLC n’a produit aucun inventaire informatique de ces fichiers de sorte que il n’est pas possible de contrôler si les messageries électroniques saisies contiennent des documents entrant dans le champ de l’autorisation. Dès lors, ces fichiers d’archives de messagerie électroniques doivent être annulés.

Concernant les documents papier, le procès verbal de fin des OVS indique que l’ADLC a saisi 26 scellés de documents papier contenant 301 documents correspondant à 2848 cotes. Or la description des documents dans l’inventaire du PV ne permet pas de contrôler si ces documents entrent dans le champ d’application de l’ordonnance (pièce n°3). A l’appui de son argumentation et à titre d’illustration, la requérante produit un tableau reprenant la description du premier document papier de chacun des scellés n°2 à 26 dans le PV de fin d’opérations de visite et de saisie.

La société requérante en déduit qu’à la lecture de ces quelques documents sélectionnés, figurant dans le PV, seuls 7 documents semblent potentiellement rentrer dans le champ d’application de l’ordonnance et s’agissant des 18 autres documents, le PV ne permet pas de déterminer s’ils entrent ou non dans le champ d’autorisation de l’ordonnance.

A cette fin, il est produit la liste de tous les documents décrits dans le PV des OVS est ambigu et pour lesquels un contrôle ne peut pas s’exercer à partir du PV.

Enfin, s’agissant du refus de communiquer la liste des mots clés utilisés, il est argué qu’une solution alternative pour exercer ce contrôle aurait pu consister à vérifier, sur la base de mots clés utilisés par les agents de l’ADLC, que le contenu des dizaines de milliers de documents (électroniques ou papier) saisis appartiennent au champ de l’autorisation, ce qui a été refusé par l’ADLC.

En conséquence, aucun contrôle ne pouvant être effectué, il est demandé l’annulation de l’ensemble des saisies opérées dans les locaux de WHIRLPOOL AK et d’ordonner la restitution des documents saisis.

C- Sur la violation de l’article 8 de la CESDH eu égard au caractère disproportionné des saisies

Il est fait état de la violation de l’article 8 de la CESDH et argué que ce principe de proportionnalité des ingérences dans le secret des correspondances est également garanti par les articles 7 et 52 pris ensemble dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne notamment.

Le caractère disproportionné des saisies réalisées par les agents de l’ADLC lors des OVS ressort de l’inventaire informatique annexé au PV de fin des OVS qui indique que l’Autorité a saisi 31.106 documents informatiques en plus des 301 documents papier (correspondant à 2848 pages), étant précisé que les documents informatiques représentent au total 456.262 documents.

Il en est déduit que l’ADLC a en réalité effectué une copie massive et indifférenciée des fichiers informatiques et a ainsi totalement échoué à justifier en quoi lesdits fichiers ont un rapport avec l’objet de l’enquête.

De ce fait, l’ADLC a porté atteinte au privilège légal en pratiquant de telles saisies et en conséquence, il est demandé, à titre principal, l’annulation des opérations de visite et saisie effectuées par l’ADLC les 27 et 28 mai 2014 dans les locaux de WHIRLPOOL AK et d’ordonner la restitution de l’ensemble des documents saisis, sans possibilité pour l’Autorité d’en garder copie ; à titre subsidiaire, l’annulation de la saisie de tous documents informatiques et papier dont la description dans le procès-verbal ou l’inventaire n’établit pas l’appartenance au champ d’autorisation, l’annulation de la saisie en dehors de tout procès-verbal ou inventaire, des fichiers d’archives de messagerie électronique de M. H, Mme E, M. F et M. G, l’annulation de tous les documents et courriels saisis chez WHIRLPOOL AK couverts par le secret professionnel en particulier les pièces n° 6, 7, 8, 9, 10 et 12, ordonner la restitution à WHIRLPOOL AK de l’ensemble des documents correspondants, sans possibilité pour l’ADLC d’en garder copie et en tout état de cause, de condamner l’ADLC au versement d’une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en réponse en date du 19 mai 2017, l’Autorité de la concurrence fait valoir :

I) sur la demande d’annulation des opérations de visite et saisie diligentées dans les locaux de l’entreprise Whirlpool les 27 et 28 mai 2014

En premier lieu, il ressort de la lecture du PV et de l’inventaire dressés les 27 et 28 mai 2014 que les investigations dans les locaux de la requérante n’ont concerné que 21 bureaux sur plusieurs dizaines que comptent ses bâtiments, et aucune saisie papier n’est intervenue dans 7 (bureaux de MM. I, J, H, L, M, N et de Mme O) de ces 21 bureaux.

Par ailleurs, quatre ordinateurs (ceux de MM. P, M, N et I) n’ont donné lieu à aucune saisie après analyse. Cinq ordinateurs n’ont donné lieu qu’à une saisie de documents sur support papier entrant dans le champ de l’autorisation (ceux de Mmes Q, R, BL-BM, S et M. T). Huit téléphones mobiles de 7 salariés (2 pour M. U, MM. P, I, F et G et Mmes AA et E) n’ont donné lieu à aucune saisie sur les 10 téléphones sélectionnés.

Ainsi, sur près de 1,7 millions de fichiers analysés au cours des opérations, les enquêteurs n’en ont finalement retenu à peine plus de 31.000, ce qui représente une proportion de 1,83%.

Quant aux 301 documents sur support papier saisis dans 14 des 21 bureaux visités, ce chiffre montre à lui seul la limitation et la sélection opérée dans chacun de ses bureaux qui contenaient des centaines de documents papier.

Il est argué que ces éléments témoignent à eux seuls de la sélectivité mise en 'uvre pour appréhender les données se rapportant à l’objet de l’enquête.

En deuxième lieu, concernant la saisie alléguée de correspondances avocat-client dans les fichiers électroniques retenus, il est rappelé que la saisie n’a porté que sur les messageries électroniques professionnelles mises à la disposition de ses salariés par WHIRLPOOL.

Or, ces messageries électroniques, de type IBM Lotus Notes, sont structurées de telle manière que les messages ne font pas l’objet d’un enregistrement individuel mais sont enfermés dans un fichier conteneur, au même titre que les éléments de l’agenda ou les contacts.

Par conséquent, la structure particulière d’un fichier de messagerie Lotus et l’obligation qu’ont les rapporteurs de ne pas altérer les attributs des fichiers (métadonnées contenues dans le fichier lui-même : titre, auteur, taille, dates, localisation, signature…) impliquent nécessairement la saisie globale du fichier de messagerie.

Ce faisant, il ne peut être exclu que des messageries électroniques par nature composite puissent contenir à la fois des messages entrant dans le champ des investigations et des messages sans rapport avec l’objet de l’enquête. Pour autant, le mode opératoire de l’Autorité est largement validé par la jurisprudence.

Il en va de même de la saisie de documents relatifs à des échanges entre l’entreprise et ses avocats, qui ne résulte aucunement d’une recherche délibérée des enquêteurs, mais est la conséquence de leur présence dans les fichiers de messageries électroniques professionnelles de certains salariés de WHIRLPOOL rentrant dans le champ de l’autorisation délivrée par le JLD.

Il est soutenu que la saisie accidentelle et non délibérée de documents couverts par la confidentialité des échanges entre un avocat et son client ne peut invalider la saisie des autres documents appréhendés simultanément et dans des conditions parfaitement régulières.

Ainsi, la présence de documents protégés ne peut avoir comme conséquence d’entraîner ni l’annulation de l’ensemble des opérations, ni même l’annulation de la saisie des messagerie électronique. L’annulation des seules pièces bénéficiant de la protection accordée par l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 suffit à rétablir l’entreprise dans ses droit.

De surcroît, il est rappelé que le secret professionnel qui s’attache à ce type d’échanges n’est ni général, ni absolu. A titre d’exemple, ne devraient pas être regardées comme entrant dans le champ de protection de la loi des correspondances permettant d’établir que l’avocat peut être regardé comme auteur ou complice des pratiques répréhensibles ; des correspondances entre membres de l’entreprise se faisant l’écho, plus ou moins fidèle, de consultations juridiques ; des correspondances qui ne concernent pas les droits de la défense du client ; des correspondances qui ne sont pas liées à un dossier ; etc.

En troisième lieu, s’agissant de la demande d’annulation de l’ensemble des opérations du fait de la violation du secret professionnel liant l’avocat à son client, il est argué qu’en la matière, la jurisprudence nationale reprend les principes de la jurisprudence européenne, notamment ceux dégagés par le Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPICE) du 17 septembre 2007 (affaire n° T-125/03 et T-253/03 AKZO NOBEL CHEMICALS), lequel réunit trois conditions : l’entreprise doit identifier les documents pour lesquels elle sollicite la protection de la confidentialité des communications entre avocats et clients ; un différend persiste sur le caractère confidentiel de ces documents ; la contestation des documents s’effectue devant un juge qui examine in concreto chaque pièce querellée.

De la même manière, la circonstance que lesdites correspondances avocat-client se trouvent dans la messagerie électronique professionnelle d’un juriste d’entreprise de la société WHIRLPOOL n’empêche nullement la saisie du fichier dès lors que ces correspondances n’étaient en aucune manière la cible des recherches des enquêteurs et que ces derniers ont vérifié que la messagerie en cause contenait des informations entrant dans le champ de l’enquête.

Par ailleurs, le juriste, directeur ou responsable juridique d’une entreprise (tout comme l’avocat salarié de celle-ci) ne jouit d’aucune protection particulière, tant en droit national qu’en droit de l’Union européenne et la saisie de documents et fichiers présents dans les bureaux de cette catégorie de salariés, au sein d’une entreprise industrielle ou commerciale, ne bénéficie, à ce jour, d’aucune procédure distincte de celle mise en 'uvre pour les bureaux d’autres catégories de salariés n’exerçant aucune activité juridique dans la société.

S’agissant de la protection des pièces jusqu’à la décision du Premier président, il est fait observer que cette situation est le propre de toute procédure de contestation de saisie et témoigne de l’existence de réelles possibilités de recours et qu’au surplus, l’article L. 450-4 du code de commerce prévoit expressément en son alinéa 12 que les pièces sont conservées par l’Autorité jusqu’à ce que la décision soit devenue définitive.

Ainsi, si la décision définitive concluait à l’irrégularité des saisies, les pièces concernées (tant les originaux que les copies éventuellement détenues) devraient être restituées et ne pourraient en aucune façon être utilisées dans la procédure d’instruction et a fortiori de décision.

Dans ces conditions, aucune violation des droits de la défense ne peut être constatée.

En quatrième lieu, concernant la critique selon laquelle WHIRLPOOL se serait vue opposer le refus de mentionner ses observations au procès-verbal de visite et saisie, il est rappelé que le PV n’est pas un acte contradictoire (CA Paris, 19 avril 2017, n° 16/18055) et que les enquêteurs n’avaient donc aucune obligation d’inscrire dans le corps du procès-verbal les réserves de l’entreprise, dès lors qu’il lui était loisible de formaliser ses observations dans un document remis à l’officier de police judiciaire pour transmission au JLD.

En l’espèce, les avocats présents de la requérante, Maîtres BE et AC, ont remis aux OPJ un courrier manuscrit relatant les réserves qu’il entendait voir transmises au JLD (pièce n° 11 des conclusions de la requérante).

Dans ces conditions, le fait de ne pas faire figurer les réserves de la requérante au procès-verbal de déroulement n’a porté aucune atteinte aux droits de la défense de l’entreprise, ni pendant les opérations, ni postérieurement à celles-ci et ne traduit la commission d’aucune irrégularité dans la procédure.

De surcroît, il n’apparaît pas que la requérante ait saisi le JLD du TGI de NANTERRE, juge chargé du contrôle des opérations. En effet, ni l’occupant des lieux ni ses représentants ou les 2 avocats présents les 27 et 28 mai 2014 n’ont juge bon de saisir le JLD de NANTERRE par le biais de l’OPJ présent, dont c’est justement le rôle d’entrer en contact téléphonique avec le juge du contrôle si une difficulté ou contestation leur est soumise, ce qui n’a pas été le cas, en l’espèce.

En cinquième lieu, s’agissant de la prétendue atteinte au principe de proportionnalité consacré par l’article 8 de la CESDH, invoquée par la requérante, l’ADLC rappelle que la violation de l’article 8-1 de la CESDH est écartée lorsqu’elle est justifiée par l’article 8-2 de la CESDH. Pour être admissible, l’ingérence de l’autorité publique dans le droit garanti par l’article 8-1 est subordonnée à une triple condition : être prévue par la loi (article L. 450-4 du code de commerce), viser un but légitime (la recherche de la preuve de pratiques anticoncurrentielles qui constitue une mesure nécessaire au bien-être économique du pays) et être nécessaire dans une société démocratique. L’État français remplit ces conditions. Plusieurs jurisprudences sont citées à l’appui de cette argumentation.

Quant à l’argument de WHIRLPOOL s’appuyant sur les articles 7 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (CDFUE), il est rappelé que ces disposition sont applicables aux États membres « uniquement lorsqu’ils mettent en 'uvre le droit de l’Union européenne » (article 51 § 1).

Or, les enquêteurs de l’Autorité n’ont pas mis en 'uvre le droit de l’Union européenne, ce qui implique que la CDFUE n’est pas applicable de façon directe. En effet, le fait de viser l’article 101-1 TFUE n’impliquait pas en l’espèce la mise en 'uvre des pouvoirs d’enquête du règlement n° 1/2003 mais ceux de l’article L. 450-4 du code de commerce.

Enfin, l’arrêt de la CEDH Ravon c/ AK du 21 février 2008 relatif à la violation de l’article 6 § 1 de la CESDH du fait de l’absence d’accès à un tribunal pour contester en fait et en droit l’autorisation judiciaire délivrée, n’est pas applicable en l’espèce puisque la requérante bénéficie du dispositif introduit par l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 qui lui permet de contester la légalité de l’ordonnance d’autorisation du 21 mai 2014 ainsi que le déroulement des opérations de visite et de saisie en date des 27 et 28 mai 2014, ce qu’elle n’a d’ailleurs pas manqué de faire.

En sixième lieu, l’ADLC fait valoir que l’article 56 du code de procédure pénale ordonne de réaliser l’inventaire et la mise sous scellé des documents saisis immédiatement et sur place. Par exception, et seulement lorsque cet inventaire sur place présente des difficultés, les documents peuvent être placés sous scellés fermés provisoires jusqu’à l’établissement de leur inventaire et placement sous scellés définitifs.

En application de ses dispositions, les enquêteurs, n’ayant constaté aucune difficulté à l’inventaire sur place des fichiers de messageries électroniques professionnelles et des autres fichiers sélectionnés, ont pu procéder à l’élaboration immédiatement et sur place d’un inventaire précis des fichiers saisis dans les locaux de WHIRLPOOLFrance, comme en atteste le PV de visite et saisie et ses annexes.

Dans ces conditions, le recours à la procédure de mise sous scellés fermés provisoires, qui n’a aucun caractère obligatoire, n’avait pas à être mise en 'uvre.

En dernier lieu, concernant les pièces n° 6, 7, 8, 9 et 10 produites par la requérante en annexe à ses conclusions et qu’elle estime être couvertes par le secret professionnel avocat-client, il est argué :

— sur la pièce n° 6 ' il s’agit d’une suite de courriels dont le dernier daté du 12 décembre 2013 entre les salariés de WHIRLPOOL. Le courriel du 9 décembre 2013 invoqué qui fait partie de cette chaîne de courriels est adressé par Maître BE à une salariée de WHIRLPOOL, Mme BC AD. Aux dires mêmes de la requérante, ce courriel rédigé en anglais est un résumé de comptes rendus d’entretiens de différents salariés de WHIRLPOOL qui se sont prêtés à cet exercice. Or, les compte rendus d’entretiens des salariés et par conséquent, le résumé qui en fait ne sont pas soumis eu secret professionnel (voir Vademecum de l’avocat chargé d’une enquête interne, séance du Conseil de l’ordre du 13 septembre 2016). Par conséquent, il ne s’agit pas d’un document bénéficiant d’une protection particulière.

— sur la pièce n° 7 ' il s’agit d’un rapport d’audit daté du 30 avril 2014 rédigé en anglais qui aurait été diffusé au sein de l’entreprise lui donnant une apparence de document à caractère public. Par ailleurs, ce « Memorandum for Whirlpool » s’apparente davantage à une expertise où l’avocat en tant qu’expert de droit de la concurrence réalise une mission spécifique où le secret professionnel ne trouve pas à s’appliquer (voir Recommandations pour l’avocat chargé d’une enquête interne, 18 août 2016, Ordre des avocats). Par conséquent, ce rapport d’expertise en droit de la concurrence ne devrait pas bénéficier d’une protection particulière.

— sur la pièce n° 8 (document imprimé depuis l’ordinateur de Mme Q) ' il s’agit d’un échange de courriels entre deux salariés de l’entreprise WHIRLPOOL, Mme Q et M. BF. D’une part, aucun avocat indépendant n’est destinataire ou expéditeur de ce courriel. D’autre part, ce courriel ne se borne pas à reprendre le texte ou le contenu d’une communication avocat-client mais fait état des commentaires de Mme Q à la suite de l’audit concurrence et évoque même d’autres points, comme celui relatif à la signature d’un contrat. Par conséquent, il ne peut s’agir d’une correspondance avocat-client.

— sur la pièce n° 9 (document imprimé depuis l’ordinateur de Mme Q) ' il s’agit d’un échange successif de courriels en anglais entre 5 salariés de l’entreprise WHIRLPOOL. D’une part, aucun avocat indépendant n’est destinataire ou expéditeur de ce courriel. D’autre part, ce courriel ne se borne pas à reprendre le texte ou le contenu d’une communication avocat-client mais fait état des commentaires de Mme Q et de Mme AD à la suite de l’audit concurrence. Par conséquent, il ne peut s’agir d’une correspondance avocat-client.

— sur la pièce n° 10 ' il s’agit d’un premier courriel de remerciement, du 5 décembre 2013, adressé par Mme Q aux 8 salariés qui vont se prêter à l’exercice des entretiens et d’une explication de Mme Q sur la manière dont ces entretiens devraient se dérouler et d’un second courriel, du 24 janvier 2014, adressé par Mme Q à 9 salariés, dont les 8 précédemment évoqués, pour les informer que l’audit va s’intensifier et les remercier de leur coopération. Le second document en anglais est un courriel adressé par Mme AD, le 22 janvier 2014, à plusieurs dizaines de salariés de WHIRLPOOL pour leur délivrer des recommandations en cas d’opérations de visite et de saisie. Il est argué que dans les deux cas, on peine à comprendre le lien avec la protection accordée aux correspondances avocat-client.

En tout état de cause, il appartient au Premier président d’exercer son contrôle in concreto sur ces 5 documents afin de vérifier s’ils entrent réellement ou non dans la protection de la correspondance avocat-client et, le cas échéant, en prononcer l’annulation.

De surcroît, la requérante produit 15 documents en pièce n° 12 annexée à ses conclusions qu’elle considère comme relevant de la protection avocat-client mais dont elle constate elle même qu’ils « concernent des sujets autres que l’enquête de l’Autorité de la concurrence » et que par conséquent, n’ont aucun lien avec les droits de la défense dans ce dossier.

Par ailleurs, les documents numérotés 10, 11, 12, 13 et 14 par la requérante ne relèvent pas de la protection de la correspondance avocat-client car dans aucun de ces courriels, l’avocat n’est indiqué comme expéditeur ou destinataire de l’envoi. Il s’agit d’échanges entre salariés de WHIRLPOOL ou entre salariés de WHIRLPOOL et d’autres entreprises.

Quant aux documents numérotés 2, 3 et 4, si un avocat est mentionné, il l’est en copie, et non en qualité de destinataire ou expéditeur du courriel.

De la même manière, il appartient au Premier président d’apprécier in concreto si ces 15 documents de l’annexe 12 relèvent ou non de la protection de la correspondance avocat-client en lien avec l’exercice des droits de la défense et, le cas échéant, en prononcer l’annulation.

Pour toutes ces raisons, il est demandé de rejeter le moyen tendant à l’annulation des opérations de visite et de saisie pour violation irrémédiable des droits de la défense et de la correspondance avocat-client.

II) sur la violation du droit à un contrôle juridictionnel effectif

En premier lieu, l’Autorité fait valoir que la jurisprudence s’est plusieurs fois prononcée sur la saisie d’éléments hors champ, conséquence de la saisie globale d’une messagerie électronique et a systématiquement rappelé que ces éléments n’étaient pas par nature exclus du champ des investigations.

En deuxième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel l’inventaire ne permettrait pas au juge de vérifier la régularité des opérations puisque l’intitulé de 7 des fichiers saisis ne serait pas en rapport avec les pratiques présumées ou ne serait pas explicite, et 50 fichiers sur les 31106 saisis seraient sans lien avec le champ de l’autorisation, il est argué que les rapporteurs ne peuvent reproduire dans l’inventaire que les informations dont ils disposent. Les noms de fichiers, aussi peu explicites qu’ils soient-ils, ne sont nullement attribués par les agents de l’Autorité, mais sont ceux utilisés par l’entreprise elle-même ou ses salariés.

Ainsi, conformément à la jurisprudence, WHIRLPOOL ne saurait tirer la conséquence que ces fichiers sont ipso facto dépourvus de lien avec l’objet de l’enquête.

Par ailleurs, si la justification de la tenue de l’inventaire des pièces saisies prévue par les articles 56 du code de procédure pénale et R. 450-2 du code de commerce est d’une part, de mettre l’entreprise en mesure de connaître la nature des documents, saisis en original et dont elle n’aura de fait plus la disposition pendant un certain temps et d’autre part, de pouvoir par suite en réclamer la restitution, il n’en reste pas moins que dans les locaux de WHIRLPOOL, il a été procédé par copie et non par emport de supports informatiques originaux. De plus, la copie intégrale de ce qui a été saisi, a été remise le 28 mai 2014 à M. AE, président et occupant des lieux.

Ces copies ont été réalisées en présence et sous le contrôle de l’OPJ et leur remise a été précisée au procès-verbal de déroulement. Elles présentent la triple caractéristique d’être identiques entre elles ; d’être identiques au disque dur placé sous scellé ; de n’être en aucun cas modifiables car placées dans des fichiers conteneurs sécurisés sur des disques durs vierges, ce qui exclut toute fraude ou toute erreur par rajout ou par substitution.

De surcroît, en ne produisant en pages 17 à 19 de ses conclusions que 7 exemples d’inventaires de fichiers numériques dont elle estime qu’ils ne permettent pas au juge d’exercer son contrôle, alors même que les noms de ces fichiers ont été attribués par la société elle-même, sans produire les pièces elles-même, la requérante ne démontre aucunement que ces pièces se situeraient en dehors du champ de l’autorisation délivrée par le JLD du TGI de PARIS et ne met pas le juge en mesure de se prononcer in concreto sur ces documents.

Quant aux 50 fichiers numériques produits de manière « aléatoire » sur les 31016 fichiers informatiques saisis que la requérante considère comme étant hors du champ de l’autorisation, il est rappelé qu’à la suite des groupes de travail intervenus en 2006/2007 entre les représentants des avocats pratiquant le droit de la concurrence et le Conseil de la concurrence, il a été convenu que les entreprises puissent faire une demande de classement de secret des affaires de l’ensemble de chaque messagerie saisie.

Ainsi, il appartient à la requérante de demander le classement en secret d’affaires de l’ensemble des messageries saisies ou de tout autre fichier numérique sur le fondement des articles L. 463-4 et R. 463-13 à 15 du code de commerce si elle souhaite préserver la confidentialité des données informatiques qu’elle considère comme étant hors du champ de l’autorisation judiciaire.

En troisième lieu, s’agissant des 301 documents papier saisis, dont WHIRLPOOL critique l’intitulé de 25 d’entre eux, sans les produire et expliciter en quoi ils auraient été saisis de manière irrégulière, et surligne en jaune l’intitulé de 63 d’entre eux dont elle considère le descriptif « ambigu », il est soutenu que la demande d’annulation de ces pièces ne pourra qu’être rejetée conformément à la jurisprudence en vigueur.

En quatrième lieu, il est argué que selon la jurisprudence, il n’appartient pas à l’Autorité de démontrer que chacun des fichiers ou documents saisis se rapporte « en moins pour partie au champ de l’autorisation judiciaire ».

En effet, le PV des 27 et 28 mai 2014 faisant foi jusqu’à preuve contraire, c’est bien sur WHIRLPOOL, demandeur du recours, qui pèse la charge de la preuve de ses allégations.

En quatrième lieu, il est soutenu que, conformément à l’adage « à celui qui consent il ne peut être fait grief », en procédant à une remise volontaire postérieure à la fin des opérations de visite et de saisie sur le fondement de l’accord de volonté intervenu entre WHIRLPOOL et les rapporteurs de l’Autorité de la concurrence, il n’y avait pas lieu d’établir un PV et un inventaire d’autant que le courrier rédigé par les conseils de WHIRLPOOL dont l’Autorité a accusé réception le 2 juin 2014, listait précisément les fichiers remis, ceux constitués par les fichiers d’archives de messagerie électronique professionnelle de M. H, Mme E, M. F et M. G.

En cinquième lieu, l’ADLC argue que les enquêteurs n’ont pas l’obligation de porter à la connaissance de l’entreprise saisie les mots-clés utilisés, compte tenu de la nature confidentielle de ces éléments.

Pour autant, toutes les investigations informatiques ont été décrites dans les procès-verbal et ont été effectuées en présence constante de l’occupant des lieux et/ou ses représentants, et des OPJ, de telle manière qu’aucune manipulation n’a pu être faite à l’insu des représentants de l’entreprise.

En dernier lieu, concernant la violation du principe de proportionnalité consacré par l’article 8 de la CESDH, il a déjà été répondu supra.

Pour toutes ces raisons, il est demandé que le moyen soit rejeté.

En conclusion, il est demandé de :

— rejeter la demande d’annulation, à titre principal, de l’ensemble des opérations de visite et de saisie ;

— vérifier si les documents produits aux annexes n° 6, 7, 8, 9, 10 et 12 (20 documents) des conclusions de la requérante relèvent véritablement de la protection de la correspondance avocat-client prévue par l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée et prononcer, le cas échéant, l’annulation de la saisie des seuls documents qui seraient couverts par le secret de la correspondance entre un avocat et son client ;

— rejeter toutes les autres demandes d’annulation ou restitution formulées à titre subsidiaire ;

— condamner WHIRLPOOL au paiement de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions aux fins d’intervention volontaire déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS le 24 février 2016, le représentant du Bâtonnier s’associe et adopte intégralement l’argumentation développée par la société WHIRLPOOL dans ses écritures.

En effet, lors de sa séance du 18 janvier 2016, après en avoir délibéré, le conseil de l’Ordre des avocats a décidé qu’il apparaît que viole le secret professionnel de l’avocat tel que prévu par l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, la saisie des courriels échangés entre deux directions juridiques et contenant des éléments confidentiels de la relation avocat-client et que cette violation justifiait une intervention volontaire de l’Ordre sur le fondement des dispositions de l’article 17 de la loi n° 71130 du 31 décembre 1971. A titre surabondant, l’Ordre rappelle également les termes de l’article 2 du Règlement Intérieur National.

Dans ces conditions, l’Ordre des avocats à la Cour d’appel de PARIS possède un intérêt légitime à intervenir en application des dispositions de l’article 445 du code de procédure civile.

Il est soutenu que la saisie d’éléments dématérialisés couverts par le secret professionnel dans les locaux du client de l’avocat par l’ADLC ne peut qu’être assimilée à une perquisition sauvage effectuée à distance indirectement dans le cabinet de l’avocat lui-même en violation de l’article 56-1 du code de procédure pénale qui exigent, à peine de nullité, qu’elle soit pratiquée par un magistrat en présence du Bâtonnier ou de son délégué. Plusieurs jurisprudences rappelant le rôle de garant de la protection des droits du Bâtonnier sont citées à l’appui de cette argumentation.

Par ailleurs, les dispositions de l’article L. 450-4 du code de commerce renvoient à celles de l’article 56-3 du code de procédure pénale, qui prévoient que l’OPJ doit avant tout faire en sorte que soient respectés le secret professionnel et les droits de la défense, ce qui n’a pas été réalisé en l’espèce.

Par conséquent, il est demandé de dire et juge tant recevable que bien fondé l’Ordre des avocats à la Cour d’appel de PARIS en son intervention volontaire au soutien de l’action de la société WHIRLPOOL AK et de ses conseils tendant à ce que soit sanctionnée la violation du secret professionnel de l’avocat par l’annulation des opérations de visite et de saisie effectuées en violation de ce secret.

Par conclusions enregistrées en date du 21 juin 2017, l’Association Française des Juristes d’Entreprise (ci-après AFJE) demande d’abord à être déclarée recevable en son intervention volontaire accessoire.

Il est soutenu que d’après la jurisprudence, l’intervention volontaire d’une association est recevable dès lors que ses statuts l’autorisent à agir pour la défense d’un intérêt collectif spécialement décrit dans son objet social et qu’elle peut se prévaloir d’un intérêt à appuyer les prétentions de l’une des parties principales en litige et qu’au cas particulier, les deux conditions sont réunies, les statuts de l’AFJE prévoyant que sa mission première est de représenter et défendre l’intérêt collectif des juristes d’entreprise et l’intérêt collectif de la profession de juriste d’entreprise étant en l’espèce en péril, à raison des saisies pratiquées par l’Autorité de la concurrence les 27 et 28 mai 2014.

Il est précisé que l’intervention de l’AFJE a été expressément autorisée par son conseil d’administration le 16 décembre 2015.

Il est ensuite argué que :

— la saisie des courriels litigieux pratiquée par l’Autorité de la concurrence doit être annulée en ce qu’elle viole le secret des correspondances avocat-client

L’AFJE soutient que le secret des correspondances échangées entre un avocat et son client couvre également les communications des juristes d’entreprise lorsqu’elles se bornent à reprendre le contenu d’une consultation adressée par un avocat et cite l’arrêt du 4 avril 1990 du Tribunal de première instance des Communautés européennes (Hilti c. Commission, aff. T-30/89) ainsi que la décision n° 07-D-49 du 19 décembre 2007 du Conseil de la concurrence à soutien de son argumentation.

En l’espèce, les courriels litigieux étaient précisément et clairement identifiés comme ne faisant que reprendre le contenu des consultations reçues de Cleary.

Il est argué que les deux courriels litigieux du 19 mai 2014 et du 22 mai 2014 sont de simples transcriptions par le juriste d’entreprise des conclusions d’un audit juridique conduit par les avocats de la société WHIRLPOOL AK et que, dans le respect de la jurisprudence Hilti, le fait que ces courriels ne soient pas directement échangés avec un avocat indépendant, fassent état des commentaires des juristes d’entreprise ou évoquent également d’autres points sans lien avec les conclusions de l’audit juridique ne permet en aucun cas de remettre en cause cette conclusion.

— la saisie des courriels litigieux pratiquée par l’Autorité de la concurrence doit être annulée en ce que, plus globalement, elle constitue une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable, en ce compris le droit de se faire conseiller

Il est soutenu que comme les courriels saisis contiennent l’avis formulé par Cleary, avocat de WHIRLPOOL AK, sur la commission par sa cliente d’une éventuelle pratique anticoncurrentielle et ont donc une portée potentiellement auto-incriminante, leur saisie et leur lecture par les services de l’Autorité de la concurrence constitue une violation manifeste et irréversible des droits de la défense, dont le respect est garanti par l’article 6 § 1 de la CESDH et l’article 47 de la CDFUE.

En l’espèce, la violation des droits de la défense et du droit de se faire conseiller est en l’espèce d’autant plus caractérisée que les agents de l’ADLC ont refusé de faire figurer les contestations de Cleary et les réserves de WHIRLPOOL AK sur le procès-verbal qu’ils ont dressé à l’issue des opérations de visite et saisie et même de recourir à la procédure dite « des scellés provisoires », qui aurait permis de préserver la confidentialité des courriels litigieux dans l’attente d’une décision juridictionnelle sur le bien-fondé de leur saisie.

En conclusion, il est demande de :

— rappeler que le secret des correspondances échangées entre un avocat et son client couvre également les communications des juristes d’entreprise qui reprennent le contenu d’un avis juridique formulé par l’avocat de l’entreprise ;

En conséquence,

— juger que les opérations de visite et saisie réalisées les 27 et 28 mai 2014 dans les locaux de la société WHIRLPOOL AK par les services de l’Autorité de la concurrence constituent une violation du secret professionnel ;

— juger que les opérations de visite et saisie ont également porté atteinte au droit de la société WHIRLPOOL AK à un procès équitable ;

— annuler la saisie des courriels litigieux ;

— condamner l’Autorité de la concurrence aux entiers dépens.

Le Ministère public par avis en date du 15 juin 2017 soutient :

I- Sur l’absence en l’espèce de violation démontrée du secret de la correspondance avocat-client ou des règles sanctionnées par l’annulation des opérations ou de la saisie particulière d’un élément.

Il est fait valoir qu’il n’y a pas eu de saisies massives et indifférenciées, les procès verbaux démontrant que notamment seuls 21 bureaux sur plusieurs dizaines ont été visités, qu’un nombre limité d’ordinateurs ont été analysés et que sur près de 1,7 millions de fichiers analysés, n’ont été finalement retenus qu’environ 31.000, soit 1,83 % de l’ensemble.

Par ailleurs, la sélection opérée a conduit à la saisie des seuls fichiers comportant des éléments entrant dans le champ d’application de l’autorisation donnée par le JLD et seules les messageries professionnelles ont été saisies.

En outre la violation du secret des correspondances entre avocat et client n’est pas établie dans la mesure où :

— les messageries ont été saisies, par copie, de manière globale et insécable, suivant les exigences de la Cour de cassation répondant à la nécessité de garantir l’authenticité des éléments saisis ;

— la copie remise à la société visitée lui permet d’assurer effectivement sa défense ;

— en l’espèce, il n’est à aucun moment démontré que les correspondances échangées dans le cadre et aux fins du droit de la défense et émanant d’avocats indépendants, c’est à dire non liées au client par un rapport de subordination aient été saisies. Or, telles sont les conditions qu’attache la jurisprudence européenne et nationale à la mise en 'uvre du secret des correspondances avocat-client.

Il est indiqué que la Commission européenne relève, au point 51 de sa communication du 20 octobre 2011 concernant les bonnes pratiques relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE, que « la confidentialité de la correspondance entre avocats et clients est protégées pour autant, d’une part qu’il s’agisse de correspondance échangée dans le cadre et aux fins de la défense du client dans une procédure en matière de concurrence et, d’autre part, qu’elle émane d’avocats indépendants ».

Au plan national, pour la Cour de cassation, n’entrent dans le champ de l’obligation au secret professionnel défini par l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, ni les correspondances permettant d’établir que l’avocat agissant en exercice indépendant serait l’auteur, co-auteur, ou complice de pratiques répréhensibles, ni les correspondances reprenant les termes de consultations juridiques générales et abstraites, ne concernant pas l’exercice des droits de la défense du client, dans un litige existant.

Enfin, à la supposer établie par la requérante, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, la saisie de documents effectivement protégés par le secret des échanges entre l’entreprise et ses avocats ne pourrait pas conduire à l’annulation de la saisie de l’ensemble des messageries électroniques contenant ces documents.

Il est conclu que c’est à l’entreprise qui invoque la protection du secret des échanges entre avocats et clients de démontrer, in concreto, que le documents qu’elle produit bénéficie de cette protection. S’il était ici démontré que les documents véritablement couverts par le privilège avocat-client aient été saisis, ce qui n’apparaît pas dans les conclusions déposées par la requérante, il conviendrait de prononcer l’annulation des seules pièces concernées et leur restitution si elle est matériellement possible et en tout cas, l’Autorité ne pourrait pas les utiliser, ni en faire état dans ses procédures.

Il est précisé que la prise de connaissance sommaire pour restitution, justifiée par la nécessité de vérifier que les documents concernés entrent véritablement dans le cadre de la protection invoquée, ne porte pas atteinte aux droits de la défense, dès lors que, dans le cas où serait ordonnée leur restitution en prononçant l’annulation de leur saisie, les pièces concernées ne pourraient en aucun cas être utilisées par l’ADLC en procédure.

Par ailleurs le Ministère public soutient que :

— la critique portée par la requérante sur le défaut d’impartialité structurel de l’ADLC est sans objet ;

— le refus de porter les observations de la société visitée au procès-verbal de visite et de saisie n’est pas critiquable ;

— aucune atteinte au principe de proportionnalité consacré par l’article 8-1 de la CESDH n’est caractérisée ;

— les articles 7 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne sont pas applicables à l’espèce ;

— l’arrêt RAVON c/ AK du 21 février 2008 est inapplicable à l’espèce, aucun fait de nature à mettre en cause l’absence d’accès à un tribunal pour contester en fait et en droit l’autorisation judiciaire délivrée ne pouvant être relevé et le contrôle juridictionnel étant attesté par la présente procédure ;

— l’ADLC n’a aucunement l’obligation de placer les éléments saisis, documents papier, fichiers numériques et messageries électroniques professionnelles sous scellé fermé provisoire jusqu’à détermination de la nécessité ou non de les restituer, à fortiori lorsque la nécessité n’en est pas soulevée par l’entreprise au moment de la saisie ;

— la critique portant sur la présence de documents saisis qui seraient sans rapport avec l’enquête ne fait pas grief, « faute de pouvoir être utilisés ou protégés » ;

— la critique concernant l’inventaire informatique, 7 fichiers numériques saisis ayant un intitulé sans rapport avec les pratiques présumées ou non explicites est sans effet, les noms des fichiers étant ceux utilisés par l’entreprise elle-même ou ses salariés ;

— à défaut, pour l’auteur du recours d’identifier précisément les documents dont la saisie est contestée, de les produire et de justifier de leur insaisissabilité, il n’est pas possible d’apprécier la critique les concernant, ce qui doit conduire au rejet des demandes de la requérante ;

— aucune « saisie de fichiers informatiques en dehors de tout procès-verbal ou inventaire » n’est ici caractérisée ;

— l’ADLC n’a aucunement à communiquer les mots-clés ou critères de recherche qu’elle a utilisés pour sélectionner les données informatiques, de manière à lui permettre d’apprécier si les documents saisis entrent bien dans le champ des investigations autorisées.

Le Ministère public conclut au rejet de l’ensemble des demandes.

SUR CE

A- Sur la violation du secret professionnel

1- sur la violation effective des droits de la défense de WHIRLPOOL AK du fait de la saisie de documents couverts par le secret professionnel et portant sur l’enquête de l’ADLC

a) Les saisies de correspondances protégées par le secret professionnel chez WHIRLPOOL AK ont irrémédiablement porté atteinte à ses droits de la défense et doivent entraîner l’annulation des OVS.

Il est constant que la loi du 31 décembre 1971 en son article 66-5 énonce 'en toute matière que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense les consultations adressées par un avocat à son client où destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception de celles portant la mention 'officielle’ les notes d’entretien et, plus généralement toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel'.

Ce principe essentiel n’est nullement contesté. De même qu’il est acquis que cette protection concerne également les correspondances échangées avec un avocat étranger. Cependant, ce principe n’est pas absolu et souffre de plusieurs exceptions.

Ainsi, à titre d’illustration, il ne peut pas être admis que les échanges entre deux correspondants avec en copie jointe un avocat puissent bénéficier de la protection légale relative à la confidentialité des échanges avocat/client sauf à dénaturer cette protection légale. En effet, il suffirait pour une société d’échanger des mails avec une autre société avec en copie conforme un destinataire qui aurait la qualité d’avocat pour que tout échange puisse bénéficier de ce privilège légal.

En l’espèce, la requérante fait valoir qu’à la suite des OVS d’octobre 2013 chez ses concurrents (ordonnance du JLD de BOBIGNY), WHIRLPOOL AK (non visée par l’enquête) avait demandé à ses avocats spécialisés en droit de la concurrence de préparer sa défense dans le cadre de l’enquête de l’ADLC.

Il est contesté la saisie, lors des OVS, des résultats d’une analyse communiqués à WHIRLPOOL AK par le cabinet Cleary Gottlieb sous la forme d’un compte rendu d’entretiens en date du du 9 décembre 2013, d’un rapport d’analyse (« Document Review Report ») du 30 avril 2014 et d’un exposé oral au cours d’une réunion en date du 16 mai 2014 dans les locaux du cabinet Cleary Gottlieb, étant précisé que ces éléments auraient été saisis dans les bureaux de Mme BA Q, juriste et Mme BC AD, directrice juridique de WHIRLPOOL AK.

Il convient donc d’analyser in concreto le courriel de BA Q, juriste de WHIRLPOOL AK, à Stefan BF, responsable juridique Europe de WHIRLPOOL Corporation, du 19 mai 2014, intitulé « catch up » (pièce n°8) .

Préalablement il convient de rappeler, comme l’a indiqué le JLD de PARIS, que la présente ordonnance s’inscrit dans la suite des visites et saisies réalisées sur autorisation du JLD de BOBIGNY délivrée par ordonnance du 9 octobre 2013 dans le secteur de la distribution de produits « blancs » et « bruns » auprès d’entreprises concurrentes aux fins d’établir si lesdites entreprises se livreraient à des pratiques d’ententes horizontales et verticales prohibées par les articles L. 420-1 1°, 2° et 3° du code de commerce et 101-1 a) et b) TFUE.

Or des annexes identiques figurent à l’appui des deux requêtes ayant conduit à la délivrance des ordonnances des JLD de BOBIGNY en 2013 et de PARIS en 2014 et notamment le PV de M. Z, gérant de la société Webachat. Lors de son audition M. Z cite la société WHIRLPOOL et fait état de prix susceptibles d’être fixés en fonction des prix pratiqués par les enseignes de grande distribution dont Y.

Nous pouvons penser de manière presque certaine que la société Whirlpool AK « s’attendait à être visitée » et a anticipé la préparation de sa défense, ce qui ne peut lui être reproché.

Ainsi, c’est à la lumière de ces observations qu’il convient d’analyser in concreto ce courriel et notamment son paragraphe 2 « BC était sur PARIS vendredi, et nous avons fait le point avec Cleary sur l’audit concurrence (passage en revue des mails du KAM Y). Le rapport montre un certain nombre de déviances, internes en majorité, mais également externes, montrant que l’équipe commerciale contrôle les prix, principalement à la demande de la distribution, mais aussi de son propre chef. L’usage de Work it montre un réel monitoring de prix, parfois suivi d’actions… BC en parlera peut être ce matin, mais elle a dans l’idée d’étendre l’enquête que nous avons effectuée en AK à d’autres pays, pour voir quel risque pourrait courir l’entreprise. (') ».

Même si ce courriel n’émane pas ou n’est pas adressé à un avocat, il reprend une stratégie de défense mise en place par le cabinet Cleary Gottlieb et porte atteinte au privilège légal.

S’agissant du courriel d’BC AD, directrice juridique de WHIRLPOOL Europe, à Andrea U, président de WHIRLPOOL AK, du 22 mai 2014, intitulé « FW : Y ' Whirlpool International Antitrust Investigation » (pièce 9), ce courriel faisant suivre un autre courriel d’BC AD par lequel cette dernière transmet le rapport d’analyse du cabinet Cleary Gottlieb et de la réunion d’analyse qui s’en est suivie avec ce cabinet relative à ce rapport d’analyse(…). BC AD résume ensuite les conclusions du rapport d’analyse Cleary Gottlieb attaché au courriel ' y compris les constations, l’analyse juridique et les recommandations, il convient également d’examiner in concreto le contenu de ces pièces.

Le premier courriel précité indique «Pour le moment, merci de ne plus utiliser le mot « Stock » dans les documents relatifs aux prix ». Le second courriel débute ainsi « Chères Kirsten et Sandy, je viens de recevoir l’audit de Cleary sur les emails du responsable des ventes Encastrables Y et vendredi dernier BA et moi avons rencontré AG BE, l’avocat de Cleary qui a conduit l’audit, pour examiner ses commentaires et ses conclusions et discuter des prochaines étapes. Je résume ci-dessous les conclusions de l’audit et de notre rendez vous.(…) Conclusions 1. le mot « stock » a été utilisé dans les mails à la place du mot « prix ». Il semble s’agir d’une pratique courante, pas seulement chez Y ou Whirlpool AK mais dans le secteur en AK. ('). 6. De nombreux emails sont échangés avec les salariés de Y, il est donc très probable que l’Autorité de la concurrence les ait trouvés dans le cadre des OVS conduites chez Y et nous pourrions être impliqués dans une seconde phase de l’enquête. Prochaines étapes (') L’avocat a indiqué que contrairement aux activités de cartel parmi les concurrents, dans une entente verticale la loi n’envisage pas de clémence pour une société qui contacte les autorités pour admettre des manquements et coopérer dans l’enquête. Son conseil était de se concentrer à présent sur des formations en compliance, particulièrement spécifique à la vente en ligne pour que nous puissions démontrer que lorsque nous avons découvert cette pratique nous y avons répondu de manière appropriée. En ce sens je recommande : 1) enlever l’usage de « stock » et référer au « prix de revente recommandé » dans tous les documents relatifs aux prix (')».

Il convient de relever que l’emploi du terme « stock » à la place de « prix » était un des indices faisant apparaître des présomptions d’agissements prohibés, retenu par le JLD de BOBIGNY qui avait autorisé les premières OVS en octobre 2013.

Il est constant également que bien que ces pièces n’émanent pas ou ne sont pas adressées à un avocat, elles reprennent une stratégie de défense mise en place (l’avocat ayant étudié la possibilité de recourir au statut de demandeur à la clémence pour l’exclure ensuite) par le cabinet Cleary Gottlieb et porte ainsi atteinte aux droits de la défense.

Dès lors, la saisie des pièces n° 8 et n°9 sera annulée avec l’interdiction de l’ADLC d’en faire état de quelque manière que ce soit.

Le même raisonnement peut être adopté s’agissant de la pièce n° 10 regroupant les trois courriels saisis dans les messageries de Mmes Q et AD. A titre illustratif, il est relevé les pièces suivantes : « un certain nombre de nos concurrents et partenaires commerciaux ont ces derniers mois été impliqués dans les enquêtes sur de supposées violations du droit de la concurrence. Dans beaucoup de cas l’enquête commence par une visite non-annoncée dans les locaux de la société » « PERQUISITIONS, De quels pouvoirs disposent-ils ', checklist en préparation d’une perquisition, rôle du conseil extérieur ».

De même, après une analyse in concreto des pièces n° 6 et n° 7 (mémorandum à l’attention de WHIRLPOOL en date du 30 avril 2014 : enquête de l’ADLC – rapport d’examen des données), il ne fait aucun doute que ces éléments se réfèrent aux OVS du 17 octobre 2013, notamment aux pratiques prohibées supposées (fixation de prix de revente, restrictions de vente en ligne, distribution sélective), à la « black list », au terme « stock », à la déclaration du gérant du site Webachat et sont destinés à analyser les pratiques de WHIRLPOOL AK, afin de corriger d’éventuels errements volontaires ou involontaires et préparer la défense de WHIRLPOOL AK dans l’hypothèse d’une future visite inopinée de l’ADCL.

Il sera prononcé la nullité de ces documents figurant en pièce n°10, n°6, 7 (et tous les documents en annexe), n°8 et n°9 avec l’interdiction de l’ADLC d’en garder copie et d’en faire état de quelque manière que ce soit.

Il sera fait droit à ce moyen.

b) L’atteinte irrémédiable portée aux droits de la défense de WHIRLPOOL AK

Il est établi qu’un procès-verbal de visite et de saisie n’est pas un acte contradictoire et que les agents de l’ADLC étaient en droit de refuser de transcrire les réserves des avocats dans ce procès-verbal, étant précisé que les avocats de WHIRLPOOL AK avaient la possibilité d’adresser ces réserves au JLD de PARIS, ce qu’ils ont fait en l’espèce.

De même, le recours à la procédure du scellé provisoire n’est qu’une faculté laissée à l’appréciation de l’ADLC et en aucun cas une obligation.

Ce moyen sera rejeté.

c) La sanction de cette violation délibérée des droits de la défense est l’annulation des OVS

Il est constant que l’annulation des seules pièces bénéficiant de la protection prévue par l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 suffit à rétablir l’entreprise dans ses droits car elle offre à la requérante une double garantie tenant à l’élimination physique des documents protégés contenus dans les fichiers placés sous scellés en sus du caractère inutilisable de toute copie détenue, prononcé par le juge.

Ce moyen sera écarté.

2 ' Sur la violation des articles L.450-4 du code de commerce et 56 du code de procédure pénale, lus en conjonction avec le principe du secret professionnel.

S’agissant des 15 courriels listés en page 23 des écritures de la requérante, échanges concernant des sujets autres que l’enquête de l’ADLC, s’il est admis que les correspondances avocat/client dans lesquelles l’avocat est expéditeur ou destinataire principal sont couverts par le secret professionnel par principe – étant précisé que ces saisies ont été faites sur une messagerie par nature insécable ' les correspondances internes suite à une discussion avec un avocat sont sujettes à caution et peuvent souffrir d’une interprétation erronée, dès que nous n’avons pas connaissance de la nature et des enjeux du litige (contrairement aux documents concernant la défense de WHIRLPOOL annulés supra).

En conséquence la saisie des correspondances n° 1, 5, 6, 7, 8, 9, et 15 sera annulée, la demande d’annulation du surplus, à savoir les documents n° 2, 3, 4 (avocat en copie) et les documents n° 10,11, 12, 13, 14 (correspondances internes entre salariés), sera rejetée, étant précisé que cette annulation n’affectera pas l’ensemble des opérations, pour les motifs exposés supra.

B ' Sur la violation du droit au contrôle juridictionnel effectif

1- En droit les agents de l’ADLC doivent permettre au juge du recours d’exercer un contrôle juridictionnel effectif sur l’appartenance des documents saisis au champ de l’autorisation délivré par le JLD

Contrairement à ce que soutient la requérante, il n’appartient pas à l’ADLC d’établir si un fichier saisi entre, du moins en partie, dans le champ de l’autorisation de l’ordonnance mais à la requérante de fournir tout document dans son intégralité afin qu’il soit statué in concreto sur celui-ci.

Il convient de rappeler qu’au stade de l’enquête préparatoire, la saisie doit être relativement large dans la mesure où aucune accusation n’est formulée à l’encontre de la société visitée.

Par ailleurs une messagerie étant insécable et par voie de conséquence, la saisie de la totalité de la messagerie s’impose, dès lors qu’il a été constaté que, pour partie, elle contient des fichiers ou documents qui entrent dans le champ de l’autorisation donnée par le JLD.

Enfin il est constant qu’au stade de l’enquête, aucune disposition légale n’impose de dévoiler contradictoirement les moteurs de recherche ou mots-clés utilisés pour identifier les documents saisis.

Ce moyen sera rejeté.

2- En fait le juge du recours est dans l’impossibilité de contrôler de manière effective l’appartenance des documents saisis au champ de l’autorisation

Il a déjà été répondu partiellement à ce moyen.

S’agissant de l’établissement des inventaires informatiques, il convient de rappeler que la réalisation des inventaires est régie par l’article R.450-2 du code de commerce qui mentionne que les procès-verbaux prévus à l’article L.450-4 du dit code relatent le déroulement de la visite et consignent les constatations effectuées. Ils sont dressés sur le champ. Ils comportent l’inventaire des pièces et documents saisis.

Il se déduit de cet article et de plusieurs décisions significatives de la Haute juridiction qu’aucune forme particulière de l’inventaire des pièces et des documents saisis n’est imposée, que celui-ci peut, à titre illustratif, prendre la forme d’une arborescence.

Concernant l’injonction d’identification des pièces saisies, la requérante a en sa possession une copie de l’intégralité des pièces saisies et si elle entend contester le bien fondé de la saisie par l’administration d’un document, il lui appartient de le produire aux débats et d’expliquer en quoi il devrait être distrait de la saisie (document protée ou document hors champ). Dès lors, il n’y a donc pas enjoindre à l’ADLC de justifier du bien fondé de la saisie de chacun des documents saisis.

En outre, l’intitulé d’un fichier est établi par le salarié de la société et cet intitulé ne reflète pas de façon systématique le contenu de ce fichier. Ainsi le fait d’essayer d’établir qu’à partir de l’intitulé d’un fichier informatique, il devrait être possible d’identifier si un fichier entre ou pas dans le champ de l’autorisation, n’a pas de sens. C’est la raison pour laquelle les administrations fiscale, douanière ou les Autorités administratives indépendantes ont recours à un logiciel de recherche de preuves ' y compris pour les éléments cryptés ou effacés – (le plus souvent le logiciel Encase) combiné à des mots-clés établis à partir de l’ordonnance.

En conséquence, le contrôle juridictionnel effectif est effectué, comme nous l’avons précisé supra, lors de documents présentés dans leur intégralité par la requérante laquelle a en sa possession une copie des éléments saisis.

S’agissant de la requête relatée dans le procès-verbal de fin d’opérations de visite et saisie à savoir : « il a été demandé à M. D, représentant de l’occupant des lieux, de mettre à notre disposition les fichiers d’archives de messagerie électronique de M. H, Mme E, M. F et M. G. L’entreprise Whirlpool n’ayant pas été en mesure de mettre à disposition les données demandées durant l’opération, elle s’engage à les remettre de façon non cryptées et accompagnées des clés d’identification nécessaires à leur analyse, sur un disque dur externe, au service Investigation de l’Autorité de la concurrence (') le lundi 2 juin à 18 heures au plus tard », l’ADLC n’avait pas à établir un inventaire informatique de ces fichiers et ce, d’autant plus qu’il s’agissait d’une remise volontaire postérieure à la fin des OVS avec l’accord de la société WHIRLPOOL AK et qu’au surplus, la société requérante connaît la liste des fichiers remis car identifiés dans le courrier de transmission de leurs conseils.

Concernant les documents papier, le procès verbal de fin des OVS indique que l’ADLC a saisi 26 scellés de documents papier contenant 301 documents correspondant à 2848 cotes et la description des documents dans l’inventaire du PV qui ne permettrait pas de contrôler si ces documents entrent dans le champ d’application de l’ordonnance, il a été déjà répondu supra d’une part, que l’intitulé d’un fichier (informatique ou papier) dans un inventaire de PV ne reflétait pas le contenu de ce document, et d’autre part, que le champ d’investigation au stade de l’enquête soit être relativement étendu.

Ce moyen sera écarté.

C- Sur la violation de l’article 8 de la CESDH eu égard au caractère disproportionné des saisies

L’article 8 de la CESDH est tempéré par son paragraphe 2 qui dispose, tout en énonçant le droit au respect de sa vie privée et familiale, que 'il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui'.

S’agissant du caractère disproportionné des saisies effectuées dans les locaux de WHIRLPOOL AK, requérante ne peut prétendre que les saisies informatiques pratiquées ont été massives et indifférenciées alors que seuls 21 bureaux sur plusieurs dizaines ont fait l’objet d’une visite, qu’un nombre limité d’ordinateurs ou de téléphones portables a été examiné et que la saisie n’a porté que sur 0,83 % de l’ensemble des 1,7 millions de fichiers analysés.

Ainsi aucune violation de l’article 8 de la CESDH n’est caractérisée et les articles 7 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne s’appliquent pas en l’espèce.

Enfin, le défaut invoqué d’impartialité structurel de l’ADLC n’est pas pertinent.

Ce moyen ne saurait prospérer.

Sur l’intervention volontaire de l’Ordre des avocats de PARIS

Il est constant que l’Ordre des avocats à la Cour d’appel de PARIS possède un intérêt légitime à intervenir.

Sur l’intervention volontaire accessoire de l’Association française des juristes d’entreprises

S’agissant de la profession de juriste d’entreprise, elle ne bénéficie pas de la même protection que celle dont peuvent disposer les professions réglementées et notamment la profession d’avocat, dont les échanges clients avocat sont protégés par l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée et l’association est dépourvue d’un intérêt à agir pour défendre le secret des correspondances avocat-client car il n’entre pas dans ses missions la protection des intérêts collectifs de la profession d’avocat.

Enfin aucune considération ne commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort,

Déclarons recevable et bien fondé l’Ordre des avocats à la Cour d’appel de PARIS en son intervention volontaire au soutien de l’action de la société WHIRLPOOL AK et de ses conseils tendant à ce que soit sanctionnée la violation du secret professionnel de l’avocat,

Déclarons irrecevable l’intervention volontaire de l’association française des juristes d’entreprises,

Rejetons les recours contre les opérations de visite et de saisies des 27 et 28 mai 2014 dans les locaux de la société WHIRLPOOL AK à l’exception des documents n°10, n°6, 7 (et tous les documents en annexe), n°8 et n°9 ainsi que la saisie des correspondances n° 1, 5, 6, 7, 8, 9, et 15 listées en page 23 des écritures de la requérante qui seront annulés avec interdiction pour l’Autorité de la concurrence d’en garder copie et d’en faire un quelconque usage,

Rejetons toute autre demande, fin ou conclusion et notamment l’annulation de toutes les autres documents listés et numérotées et annexées dans les conclusions de la société WHIRLPOOL AK,

Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Disons que la charge des dépens sera supportée par chacune des parties, pour ce qui la concerne.

LE GREFFIER

BG BH

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRÉSIDENT

BI BJ

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 8 novembre 2017, n° 14/13384