Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 7 février 2017, n° 16/24238

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 1, 7 févr. 2017, n° 16/24238
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/24238
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 4 juillet 2016, N° 14/15876
Dispositif : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 1

ARRET DU 07 FEVRIER 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/24238

XXX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juillet 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 14/15876

DEMANDERESSE A LA XXX

Madame I G H née le XXX à XXX

XXX

XXX

représentée par Me Carole PAINBLANC, avocat au barreau de PARIS, toque : A0384

XXX

Madame C Z née le XXX à XXX

49/51 rue AH Grenier

XXX

représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0056

assistée de Me Julie ZULFIKARPASIC substituant Me Patrick TABET, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : D 681

Madame A Z née le XXX à XXX

9 rue du Rond-point Duboys d’Angers

XXX

représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0056

assistée de Me Julie ZULFIKARPASIC substituant Me Patrick TABET, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : D 681 COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 5 janvier 2017, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :

Madame GUIHAL, Présidente

Madame Y, Conseillère

Monsieur LECAROZ, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Mélanie PATE

MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Monsieur STEFF, substitut général, qui a développé oralement l’avis du Parquet

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par Madame Dominique GUIHAL, présidente

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Dominique GUIHAL, présidente et par Madame Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.

E Edmond Louis Z, né le XXX à XXX, et Mme I S G H, née le XXX à XXX, se sont mariés le XXX à XXX

E Edmond Louis Z est décédé le XXX.

Par jugement du 5 juillet 2016, le tribunal de grande instance de Paris, saisi par acte d’huissier du 15 octobre 2014 par Mme C W AH Z et Mme A W AA Z épouse X, toutes deux nées d’une première union de E Z, a notamment déclaré recevable leur action en nullité du mariage de leur père avec Mme I G-H, déclaré nul et de nul effet ce mariage, rejeté le surplus des demandes, dit n’y avoir lieu à exécution provisoire, condamné Mme I G-H aux dépens et à payer à Mme C Z et Mme A Z épouse X la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme I G-H a interjeté appel de ce jugement le 29 juillet 2016.

Par conclusions notifiées le 5 décembre 2016, Mme I G-H a déposé une question prioritaire de constitutionnalité aux fins, aux termes de ses conclusions du 4 janvier 2017, de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation en vue de la saisine du Conseil constitutionnel sur les dispositions de l’article 187 du code civil en demandant que celles-ci soient déclarées contraires à la Constitution, ou à tout le moins qu’une réserve d’interprétation soit émise. Elle estime que ce texte, qui permet pour des motifs purement pécuniaires aux enfants nés d’un autre mariage de poursuivre la nullité du mariage d’un de leurs parents au delà même du délai de trente ans dévolu au ministère public, n’est pas conforme à la Constitution en ce que ces dispositions portent une atteinte excessive, d’une part, au droit de mener une vie familiale normale fondé sur l’alinéa 10 du Préambule de 1946, et à celui de voir protéger les conséquences d’un mariage et les espérances légitimes qui en résultent telle la pension de réversion, d’autre part, à la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle résultant des articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789.

Par conclusions respectivement du 29 décembre 2016 et 3 janvier 2017, Mme C Z et Mme A Z épouse X concluent au rejet de la demande de transmission de la question à la Cour de cassation et sollicitent la condamnation de Mme G-H aux dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL 2H et au paiement à chacune d’elles de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elles opposent que la question est dépourvue de caractère sérieux dès lors que, l’époux étant décédé, l’exercice de l’action ne porte aucune atteinte au droit de mener une vie familiale normale, en particulier le droit de vivre en couple sans que cela n’implique l’existence d’un mariage, que la liberté du mariage n’est pas davantage en cause, les dispositions contestées n’instaurant aucune restriction à sa célébration, qu’enfin la liberté du mariage peut être limitée par le législateur pour la protection d’une société démocratique et la défense de l’ordre public, dont l’interdiction de la bigamie.

Le ministère public a émis un avis négatif à la demande de transmission. Il fait valoir que l’article 187 du code civil permet de sauvegarder les droits des enfants nés d’un précédent mariage dont l’intérêt pécuniaire, seul en cause après le décès de l’un des époux, n’apparaît qu’à partir de cette date. Il estime que la disposition contestée ne heurte pas le principe de proportionnalité entre le moyen employé et le but visé. Il écarte toute atteinte au droit de mener une vie familiale normale et relève que l’article 187 du code civil tend au contraire à protéger l’institution du mariage de l’action des enfants du premier lit durant la vie des époux.

SUR CE, Considérant qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ;

Qu’en vertu de l’article 23-1 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé ;

Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme I G-H porte sur le point de savoir si les dispositions de l’article 187 du code civil sont conformes au droit de mener une vie familiale normale et à la liberté du mariage ;

Sur la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité

Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité a été présentée dans un écrit distinct et motivé conformément aux dispositions de l’article 126-2 du code de procédure civile ;

Qu’elle est donc recevable en la forme ;

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation Considérant qu’est en cause la conformité à la Constitution des dispositions de l’article 187 du code civil selon lequel :

' Dans tous les cas où, conformément à l’article 184, l’action en nullité peut être intentée par tous ceux qui y ont un intérêt, elle ne peut l’être par les parents collatéraux, ou par les enfants nés d’un autre mariage, du vivant des deux époux, mais seulement lorsqu’ils y ont un intérêt né et actuel';

Qu’il convient se demander si la disposition contestée est applicable au litige, si elle n’a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et si elle n’est pas dépourvue de caractère sérieux ;

La disposition est-elle applicable au présent litige '

Considérant que l’action en nullité de mariage entre Mme I G-H et E Z est engagée, à la suite du décès de ce dernier, par Mme C Z et Mme A Z épouse X, au motif tiré de la contravention de ce mariage, contracté en France le XXX, aux dispositions de l’article 147 du code civil prévoyant qu’on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier, dont il résulte un empêchement bilatéral et absolu;

Qu’il est en effet reproché à Mme I G-H d’avoir contracté mariage avec E Z alors qu’elle n’était pas divorcée de M. N H P Q mais seulement séparée de corps selon jugement du 24 janvier 1978 du tribunal supérieur de Bogota (Colombie) ;

Considérant que l’action de Mme C Z et Mme A Z épouse X se fonde sur les dispositions de l’article 187 du code civil qui instituent, notamment au profit des enfants nés d’un premier lit, un droit d’action en nullité du mariage au visa notamment de l’article 147 précité, après le décès de l’un des époux, sous réserve de justifier d’un intérêt né et actuel, tel qu’en l’espèce, un intérêt successoral ;

Qu’il y a donc lieu de constater que la disposition contestée s’applique au présent litige ;

La disposition contestée a t-elle été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de

circonstances '

Considérant que l’article 187 du code civil n’a jamais été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;

La question prioritaire de constitutionnalité n’est-elle pas dépourvue de caractère sérieux'

Considérant que l’article 184 du code civil prévoit que tout mariage contracté en contravention aux dispositions contenues aux articles 144,146, 146-1, 147, 161, 162 et 163 peut être attaqué dans un délai de trente ans à compter de sa célébration soit par les époux eux-mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le ministère public ;

Que des dispositions spécifiques sont édictées par l’article 187 du code civil lorsque cette action est intentée par les parents collatéraux ou les enfants nés d’un autre mariage, ceux-ci ne pouvant agir du vivant des époux, mais seulement lorsqu’ils y ont un intérêt né et actuel ;

Considérant que si l’empêchement à agir pour les personnes visées s’avère protecteur du mariage du vivant des époux, il résulte de ces dispositions qu’une action en nullité s’ouvre au profit des parents collatéraux ou les enfants nés d’un autre mariage au jour du décès de l’un des conjoints, et ce même si, comme en l’espèce, le délai de trente ans imparti par les dispositions de l’article 184 du code civil, notamment pour le ministère public pour des motifs tenant au respect de l’ordre public telle la prohibition de la bigamie, est à cette date écoulé;

Qu’en effet, en application de l’article 2234 du code civil selon lequel la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure, les parents collatéraux ou les enfants nés d’une autre union ne peuvent se voir opposer dans les mêmes conditions que les personnes visées par l’article 184 du même code, le moyen tiré de l’expiration du délai fixé en cas de nullité absolue du mariage ;

Considérant que l’annulation du mariage aboutirait à remettre en cause, plus de trente ans après la célébration du mariage, la qualité d’épouse, et désormais de veuve, de Mme G H, et, sauf reconnaissance du bénéfice de la putativité, tous les effets qui s’y attachent pour elle au plan personnel et patrimonial ;

Considérant qu’il est dès lors permis de s’interroger sur la conformité de ces dispositions à la Constitution et plus particulièrement au droit de mener une vie familiale normale fondé sur l’article 10 du Préambule de 1946 et à la liberté du mariage résultant des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en ce qu’elles permettent, sans limitation particulière et pour la protection d’intérêts exclusivement individuels, la remise en cause d’un mariage dont la célébration remonte à plus de trente ans et dont la validité, même pour des considérations tenant à l’ordre public, ne peut plus être contestée ;

Qu’il s’ensuit que la question posée n’est pas dénuée de caractère sérieux, au regard de ce principe ;

Qu’il convient de la transmettre à la Cour de cassation ;

Sur les autres demandes

Considérant que les dépens suivront le sort de l’instance au fond n° 16/16779 relative à la demande en nullité du mariage ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, La cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question suivante:

Les dispositions de l’article 187 du code civil qui prévoient que, dans tous les cas où, conformément à l’article 184, l’action en nullité peut être intentée par tous ceux qui y ont un intérêt, elle ne peut l’être par les parents collatéraux, ou par les enfants nés d’un autre mariage, du vivant des deux époux, mais seulement lorsqu’ils y ont un intérêt né et actuel, portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et plus précisément au droit de mener une vie familiale normale prévu à l’article 10 du Préambule de 1946 et à la liberté du mariage résultant des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 '

Dit que le présent arrêt sera adressé à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les conclusions des parties et du ministère public relatives à la question prioritaire de constitutionnalité ; Dit que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

Rejette le surplus des demandes ;

Dit que les dépens suivront le sort de l’instance au fond n° 16/16779.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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