Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 3 août 2018, n° 16/20652

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 6, 3 août 2018, n° 16/20652
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/20652
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 14 septembre 2016, N° 2015002467
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRÊT DU 03 AOÛT 2018

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/20652

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2016 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2015002467

APPELANTES

CACIB – CRÉDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTMENT BANK représentée par ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

Immatriculée au RCS sous le numéro 304 187 701

[…]

[…]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Ayant pour avocat plaidant Me Z-Pierre MATTOUT du Cabinet KRAMER LEVIN LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J008

CAISSE RÉGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD MIDI-PYRÉNÉES représentée par ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

Immatriculée au RCS Albi sous le numéro 444 953 830

[…]

[…]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Ayant pour avocat plaidant Me Z-Pierre MATTOUT du Cabinet KRAMER LEVIN LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J008

INTIMÉS

Monsieur X A B Y

né le […] à ALBI

Toche

[…]

Représenté par Me Sophie GILI BOULLANT, avocate au barreau de PARIS, toque : E0818

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel MASSON, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur Z Y

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Sophie GILI BOULLANT, avocate au barreau de PARIS, toque : E0818

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel MASSON, avocat au barreau de TOULOUSE

SAS CAUDIS prise en la personne de son Président domicilié es qualité audit siège

Immatriculée au RCS de Montauban sous le numéro 444 162 002

[…]

[…]

Représentée par Me Sophie GILI BOULLANT, avocate au barreau de PARIS, toque : E0818

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel MASSON, avocat au barreau de TOULOUSE

SARL LES JAFFROUS prise en la personne de son gérant domicilié es qualité audit siège

Immatriculée au RCS de Montauban sous le numéro 378 874 523

Nafine

[…]

Représentée par Me Sophie GILI BOULLANT, avocate au barreau de PARIS, toque : E0818

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel MASSON, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Mai 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Françoise CHANDELON, présidente de chambre

Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

Madame Pascale LIEGEOIS, conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 785 du Code de Procédure Civile.

GREFFIÈRE, lors des débats : Madame C D E

ARRÊT :

— Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Françoise CHANDELON, présidente de chambre et par Josélita COQUIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement rendu le 15 septembre 2016 par le tribunal de commerce de Paris qui:

— a dit que les demandes de la SAS CAUDIS, de la SARL LES JAFFROUS, de Messieurs X et Z Y ne sont pas prescrites et les a déclarées recevables ;

— a débouté la SAS CAUDIS, la SARL LES JAFFROUS, Messieurs Y de leur demande de communication du différentiel entre la mise en place du swap et l’absence de swap ;

— a condamné solidairement la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD-MIDI PYRENEES et le CREDIT AGRICOLE CORPORATE & INVESTMENT BANK, à payer la somme de 237.000 € à la SAS CAUDIS et celle de 240.000 € à la SARL LES JAFFROUS, en réparation de leur préjudice ;

— a débouté la SAS CAUDIS, la SARL LES JAFFROUS, MM Y de leur demande de dommages-intérêts au bénéfice de MM. Y en réparation de leur préjudice moral allégué ;

— a condamné la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD-MIDI PYRENEES et le CREDIT AGRICOLE CORPORATE & INVESTMENT BANK, à payer à la SAS CAUDIS, la SARL LES JAFFROUS, Messieurs Y, chacun, la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— a ordonné l’exécution provisoire de la décision ;

— a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

— a condamné la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD-MIDI PYRENEES et le CREDIT AGRICOLE CORPORATE & INVESTMENT BANK aux dépens ;

Vu l’appel interjeté par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD-MIDI PYRENEES et le CREDIT AGRICOLE CORPORATE & INVESTMENT BANK (CACIB) à l’encontre de ce jugement ;

Vu les conclusions signifiées le 21 avril 2017 par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD-MIDI PYRENEES et le CREDIT AGRICOLE CORPORATE & INVESTMENT BANK qui demandent à la cour d’infirmer la décision déférée en ce qu’elle a rejeté l’exception d’irrecevabilité pour prescription, attribué respectivement aux sociétés CAUDIS et LES

JAFFROUS les sommes de 237.000€ et 240.000 €, déclaré sa décision exécutoire, et les a condamnées au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de la confirmer en ce qu’elle a rejeté toutes les autres demandes des sociétés CAUDIS et LES JAFFROUS et de Messieurs X et Z Y à leur encontre en toutes fins qu’elles comportent, statuant à nouveau, et en conséquence, de constater que les demandes formulées par les sociétés CAUDIS et LES JAFFROUS et par Messieurs X et Z Y sont prescrites et les déclarer irrecevables, à défaut, de débouter les sociétés CAUDIS et LES JAFFROUS et Messieurs X et Z Y de toutes leurs demandes formulées à leur encontre en toutes fins qu’elles comportent, de condamner, en application de l’article 700 du code de procédure civile, les sociétés CAUDIS et LES JAFFROUS et Messieurs X et Z Y à leur payer, chacun, in solidum une indemnité de 10.000 euros et de les condamner aux dépens ;

Vu les conclusions signifiées le 19 mars 2018 par la SAS CAUDIS, de la SAS LES JAFFROUS, de Monsieur X Y et de Monsieur Z Y, vu la Directive Européenne sur les Marchés d’Instruments Financiers, vu les articles 533-4 et suivants du Code Monétaire et Financier, vu les articles 314-11 et suivants du règlement générale de l’AMF, vu les articles 1147, 1382 et 2224 du Code civil, rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que leurs demandes n’étaient pas prescrites et les a déclarées recevables, en ce qu’il a condamné solidairement les deux banques en raison du manquement à leur obligation d’information, de réformer le jugement déféré en ce qu’il n’a pas retenu le manquement des banques à l’obligation de mise en garde et à l’obligation de conseil, en conséquence, de constater le manquement du Crédit Agricole Nord Midi-Pyrénées et du Crédit Agricole Corporate and Investment Bank, à leurs obligations précontractuelles d’information, de mise en garde et de conseil, concernant la souscription par les sociétés LES JAFFROUS et CAUDIS de la couverture de taux, de constater le préjudice financier et économique qui en découle pour les sociétés LES JAFFROUS et CAUDIS et le lien de causalité évident entre ce préjudice et les manquements du Crédit Agricole Nord Midi-Pyrénées et du Crédit Agricole Corporate and Investment Bank, de réformer le jugement déféré concernant le quantum des condamnations, par conséquent, de condamner solidairement le Crédit Agricole Nord Midi Pyrénées et le Crédit Agricole Corporate and Investment Bank à verser la somme de 550.000 €, portant intérêts à compter du jour de l’assignation à la société LES JAFFROUS, en réparation de son entier préjudice par elle subi consistant en la perte de chance de ne pas contracter, la somme de 540.000 €, portant intérêts à compter du jour de l’assignation à la société CAUDIS, en réparation de son entier préjudice par elle subi consistant en la perte de chance de ne pas contracter, la somme de 50.000 €, à chacune des sociétés intimées, en réparation du préjudice lié à la mobilisation totale de leur trésorerie au remboursement des prêts, et à supporter le coût de résiliation anticipée des deux Swaps soit la somme de 341.424 euros au 30 septembre 2014, de réformer le jugement déféré ce qu’il a débouté les sieurs Y de leur demande d’indemnisation au titre de leur préjudice moral, de constater le préjudice moral direct subi par X Y et Z Y et le lien de causalité évident entre ce préjudice et les manquements du Crédit Agricole Nord Midi-Pyrénées et du Crédit Agricole Corporate and Investment Bank, par conséquent, de condamner solidairement le Crédit Agricole Nord Midi Pyrénées et le Crédit Agricole Corporate and Investment Bank à verser à X Y la somme de 30.000 €, portant intérêts à compter de l’assignation, en réparation de son entier préjudice par lui subi, à Z Y la somme de 30.000 €, portant intérêts à compter de l’assignation, en réparation de son entier préjudice par lui subi, et de condamner solidairement le Crédit Agricole Nord Midi Pyrénées et le Crédit Agricole Corporate and Investment Bank à verser à chacun d’eux la somme de 8.000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’ aux entiers dépens ;

Vu la note en délibéré en date du 12 juin 2018 transmise par les intimés ;

SUR CE

Considérant que les sociétés Les JAFFROUS et CAUDIS, respectivement dirigées par Monsieur

Z Y et son fils X Y, exercent leur activité dans l’exploitation de grandes surfaces appartenant à l’enseigne SUPER U ;

Que la société Les JAFFROUS exploitait depuis plusieurs années une grande surface sur la commune de Négrepelisse (82), Monsieur Z Y dirigeant également une enseigne de distribution de produits agricoles ;

Que Messieurs Z et X Y, souhaitant créer une nouvelle grande surface de 1.800 m² sur la commune de Caussade (82), ont constitué la société CAUDIS, en charge d’exploiter l’enseigne commerciale, la société Les JAFFROUS, détenant la propriété des locaux commerciaux ;

Considérant que plusieurs prêts ont été consentis : deux, le 11 avril 2008, par la Banque de l’Economie du commerce et de la Monétique (BECM), d’un montant d’un million d’euros à la société CAUDIS, l’autre de 1,71million d’euros à la société Les JAFFROUS, un, le 24 juillet 2008 par la Caisse d’épargne à la société CAUDIS, d’un montant de 2 millions d’euros, deux, le 28 juillet 2008 par le Crédit agricole, d’un million d’euros chacun, à la société CAUDIS et à la société Les JAFFROUS ; que le schéma du financement de l’opération reposait sur un endettement à taux variable, l’Euribor 3 mois, auquel s’ajoutait la marge de chacun des prêteurs ;

Considérant que concomitamment à ce financement, des discussions se sont engagées avec le Crédit Agricole, établissement de crédit avec lequel les consorts Y entretenaient des relations d’affaires depuis 1980, pour répondre au besoin de couverture du risque de taux variable auquel les emprunteurs seraient exposés ;

Considérant que deux conventions cadres ont été signées le 2 juin 2008 ; que les 2 et 18 juin 2008 deux contrats de swap ont été conclus, un pour chacune des deux sociétés; que les principales caractéristiques des deux swaps étaient identiques : que la banque payait Euribor 3 mois ; que durant les deux premières années (du 30 septembre 2008 au 30 septembre 2010), chacune des deux sociétés ( la contrepartie) versait un taux fixe bonifié de 3,60 % ; que les années suivantes, si l’Euribor 3 mois restait dans les limites du corridor fixées, entre 3,60 % pour la barrière basse et 5% pour la barrière haute, le taux dû était égal à 3,95 %, si l’Euribor 3 mois devait franchir l’une des barrières du corridor, le taux dû était égal à 3,95 %, auquel s’ajoutait un coupon de 2,50 % multiplié par le nombre de jours durant lequel l’Euribor serait en dehors du corridor sur la période concernée, que le taux était capé et qu’il ne pouvait en aucune circonstance dépasser 6,45%;

Considérant que les taux d’emprunt s’étant effondrés suite à la crise des subprimes, les sociétés CAUDIS et LES JAFFROUS ont dû payer un taux très supérieur à ceux en vigueur sur les marchés ; qu’elles ont, vainement, cherché un règlement amiable avec les banques ;

Considérant que par actes introductifs d’instance des 31 décembre 2014 et 6 janvier 2015, les sociétés CAUDIS et LES JAFFROUS, ainsi que leurs dirigeants, à titre personnel, Messieurs Z et X Y, ont assigné le CREDIT AGRICOLE NORD-MIDI PYRENEES ainsi que le CREDIT AGRICOLE CORPORATE & INVESTMENT BANK (CACIB), devant le tribunal de commerce de Paris pour les voir condamner solidairement au paiement des sommes de 550.000 €, pour ce qui concerne la société LES JAFFROUS et de 540.000 € pour ce qui concerne la société CAUDIS en réparation des pertes de chance de ne pas contracter et à supporter le coût de résiliation anticipée des deux swaps, soit la somme de 341.424 € ainsi qu’une somme de 30.000 € en réparation du préjudice moral à chacun des deux dirigeants qui considèrent avoir subi un préjudice à titre personnel ; que les demandeurs ont invoqué le manquement des banques à leurs obligations précontractuelles d’information, de mise en garde et de conseil ;

Considérant que par le jugement déféré, le tribunal de commerce, faisant une distinction entre le contrat de crédit et le contrat de swap, a dit qu''il était légitime de considérer comme point de départ du délai de prescription la date du 30 septembre 2010", c’est à dire la date à laquelle le caractère

dommageable du contrat a été révélé, et qu’ainsi l’action n’était pas prescrite ; qu’il a notamment condamné les banques à payer la somme de 237.000 € à la société CAUDIS et celle de 240.000 € à la SARL LES JAFFROUS en retenant uniquement le manquement à l’obligation d’information ; qu’il a débouté messieurs Y de leurs demandes indemnitaires en relevant qu’ils n’étaient pas parties aux contrats de swap ;

Considérant que les banques appelantes font tout d’abord valoir que l’action est prescrite ; que le nouveau délai de prescription quinquennale institué par la loi du 17 juin 2008 prend fin le 19 juin 2013 ; que le point de départ du délai est la date de la signature du contrat, sans distinction, puisque la jurisprudence est en ce sens que le dommage résultant d’un manquement à l’obligation d’information, de mise en garde ou de conseil, qui sont des obligations précontractuelles, consistant en une perte de chance de ne pas contracter, se manifeste dès la date de conclusion des contrats ; qu’en conséquence l’assignation aurait dû être délivrée avant le 19 juin 2013 et que les actes introductifs d’instance étant postérieurs à cette date, l’action est prescrite ;

Considérant que les intimés invoquent les dispositions de l’article 2224 du code civil modifié par la loi du 17 juin 2008, qui dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, pour affirmer que si, en principe, le point de départ du délai de prescription est la date de conclusion du contrat, il en va différemment lorsque le demandeur n’était pas en mesure de déceler le dommage, à cette date ; que, dans ce cas, la prescription court à dater du jour où le caractère dommageable s’est révélé au titulaire du droit ; qu’ils soutiennent qu’ils n’étaient pas en mesure de déceler le dommage lors de la souscription du contrat de swap, parce qu’ils ont contracté dans un domaine dans lequel ils étaient non avertis et non professionnels, parce qu’ils n’ont reçu qu’une information laconique, parcellaire et tronquée lors de la souscription, en particulier sur les inconvénients de l’opération et qu’ils n’ont été en mesure de déceler le dommage qu’en septembre 2010 ; que les contrats de swap, qui ne peuvent être assimilés aux contrats de crédit, sont complexes ; qu’ils affirment que le dommage ne s’est révélé qu’à la date du 30 septembre 2010 lorsque le mécanisme de corridor s’est appliqué et que le taux est passé de 3.6 % à 6.45 % ; qu’ainsi le délai de prescription n’a couru qu’à compter de cette date ; qu’en outre, ils n’ont été informés de la nécessité de payer une soulte qu’à compter de mars 2013 ;

Considérant que la prescription d’une action en responsabilité contractuelle court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance ; que le dommage résultant d’un manquement à l’obligation de mise en garde, d’information et de conseil consistant en la perte de la chance de ne pas contracter ou d’éviter le risque qui s’est réalisé se manifeste dès la formation du contrat, à moins que le co contractant ne démontre qu’il pouvait, à cette date, légitimement ignorer ce dommage ;

Considérant que de par la date de leur signature les conventions sont soumises à la prescription décennale de l’article L110-4 du code de commerce ; que la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, qui a fixé le délai de prescription à 5 ans, édicte des dispositions transitoires en son article 26 qui prévoit que 'les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure' ;

Considérant que les conventions-cadre signées le 2 juin 2008, comportent ( pièce 8 b des intimés ) un article 8 intitulé ' calcul et paiement du solde de résiliation'dans lequel le mode précis de calcul ainsi que ses composants sont décrits en détail ; qu’il est stipulé, notamment que 'chaque transaction résiliée donne lieu à la détermination de sa valeur de remplacement ainsi que, le cas échéant, du montant dû par chaque partie pour cette transaction' (article 8.1.1) et que 'la partie en charge du calcul du solde de résiliation notifiera à l’autre son montant dans les meilleurs délais ainsi que le détail des calculs ayant permis de le déterminer' (article 8.2.1) ; que l’indemnité de résiliation peut être à la charge du client ou de la banque, selon les évolutions de marché ; que les termes employés, et notamment celui de ' valeur de remplacement', sont explicités dans l’article 2 de ladite convention ;

Considérant que le contrat de swap conclu le 2 juin 2008 avec la société CAUDIS et celui signé le 18 juin 2008 avec la société LES JAFFROUS, sont rédigés dans les termes identiques suivants :

'Taux variable 1:

du 30/09/2008 au 30/09/2010 : ( la société CAUDIS . La société LES JAFFROUS ) paient 3.60%

du 30/09/2010 au 30/09/2020(elles paient ) 3.95% +2.50%*(n/N)

avec n représente le nombre de jours calendaires de la période de coupon où l’Euribor 3 mois fixe en dehors de [3.6%; 5.0%] barrières incluses …

N: le nombre total de jours calendaires dans la période' ;

Considérant que la signature de ces contrats a été précédée de plusieurs propositions de couverture toutes établies au nom de la société CAUDIS ; que toutes trois comportent un 'disclaimer' ainsi rédigé : ' ce document a été préparé spécifiquement à l’attention de la société CAUDIS , le destinataire en reconnaît le caractère confidentiel et s’engage à ne l’utiliser qu’à des fins internes. Toute opération de marché sur instrument financier à terme comporte des risques, du fait notamment des variations de taux d’intérêt, des taux de change, des cours ou des prix des actions ou des obligations, des indices boursiers, des prix des marchandises ou des denrées. Au regard de ces risques, tout client (de la banque) doit disposer des connaissances et de l’expérience nécessaire pour évaluer les caractéristiques et les risques liés à chaque opération… Lorsqu’il conclura l’opération présentée, le client sera réputé comprendre et accepter les caractéristiques et les risques y afférents' ; qu’elles contiennent des tableaux et des exemples ainsi qu’une rubrique intitulée 'avantages inconvénients' ;

Que la première a été élaborée le 17 mars 2008 ; qu’elle envisageait trois types de solutions :

— La première solution (dite 'swap vanille') dans laquelle les emprunteurs échangeaient leur taux variable (Euribor 3 mois) contre un taux fixe de 4,29 % et 4,04 % ;

— la deuxième solution (dite ' Tunnel à prime nulle') exposait les emprunteurs à l’évolution des taux de manière plus significative. Les emprunteurs versaient un taux égal à l’Euribor 3 mois s’il restait dans des barrières comprises, pour le premier encourt entre 3,70 % et 5.35% e pour le second entre 3,65 % et 4,90 %. Si l’Euribor 3 mois franchissait la barrière basse, le taux applicable était alors un taux fixe de 3,70 % (ou 3,65%). Si l’Euribor 3 mois franchissait la barrière haute, le taux applicable était un taux fixe de 5,35% ou 4,90 % ;

— La troisième solution (dite ' Swap digitale sur Range Euribor 3 mois') ;que comme pour la précédente, un corridor était également prévu (3.5% 5.0%), que lorsque l’Euribor 3 mois restait dans les limites de ce corridor, un taux fixe bonifié de 3,60 % (c’est-à-dire inférieur au taux prévalant à cette époque) était applicable ; que si l’Euribor 3 mois franchissait les limites du corridor, le taux fixe de 3,60 % était, en substance, majoré en fonction du nombre de jours durant lesquels l’Euribor 3 mois restait en dehors dudit corridor[3.60%+2.15%x n/N] ; qu’il est indiqué dans la rubrique ' avantages inconvénients' : ' vous disposez d’un taux bonifié pendant 2 ans de 3.60 %, soit un gain de 0.69% par rapport au taux fixe vanille … Stratégie qui devient perdante en cas de forte baisse ou remontée de l’Euribor 3 mois, ce qui dégrade le taux payé… Si l’Euribor 3 Mois ne sort pas de l’intervalle plus de 28 jours sur la période trimestrielle alors vous engrangez un gain par rapport au swap vanille' ;

Que les suivantes en date des 26 et 27 mai 2008 reprennent les trois solutions de couverture 'swap vanille', ' tunnel à prime nulle', la troisième option étant successivement intitulée ' swap taux fixe sur Range Eur 3 mois'et ' swap taux fixe bonifié sur intervalle Eur 3M' ; qu’il y a lieu de préciser que les différentes versions ont été élaborées et amendées dans le cadre de différentes rencontres physiques et que la dernière intègre l’ensemble des différents emprunts, mais que la structure des opérations est restée la même et que donc, pour la troisième, il a été constamment prévu le passage d’une période de taux fixe bonifié à un taux potentiellement variable ;

Qu’il a été chaque fois indiqué, pour le troisième scénario, qui est celui qui a été finalement retenu que pendant deux ans le taux bonifié constituait un gain par rapport au taux fixe vanille et que la stratégie devenait perdante en cas de forte baisse ou de remontée de l’Euribor 3 mois ;

Considérant que selon lettre d’instruction du 27 mai 2008, et 'suite à la documentation commerciale remise lors du rendez vous du 26 mai 2008", il a été demandé la mise en place du troisième contrat de swap présenté ;

Considérant que c’est dans ces circonstances et conditions que les deux contrats ont été signés ; qu’il y est clairement stipulé que pendant deux ans, jusqu’au 30 septembre 2010, le taux payé est fixe mais qu’ensuite, il évolue selon que les barrières, aussi bien la barrière haute que la barrière basse sont franchies, et se calcule selon une formule préalablement définie ;

Considérant qu’il résulte tant des stipulations claires et précises des conventions, compréhensibles de tous, que de l’information qui a été fournie aux intimés, d’une part, que le paiement des soultes de résiliation était contractuellement prévu, d’autre part, que la solution choisie les exposait de façon significative au risque de taux puisque la variation du taux de l’Euribor 3 mois, tant à la hausse qu’à la baisse, était susceptible, compte tenu du mécanisme de corridor des contrats, d’influer sur le montant du taux d’intérêt ;

Considérant en conséquence que les intimés n’établissent pas avoir, lors de la conclusion des conventions, légitimement ignoré le dommage invoqué ;

Considérant ainsi que le délai de prescription a pris fin le 19 juin 2013 ; qu’il s’ensuit que l’action introduite les 31 décembre 2014 et 6 janvier 2015, est prescrite ;

Considérant que le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que les intimés qui succombent et seront condamnés aux dépens ne peuvent prétendre à l’octroi de sommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile; que l’équité ne commande pas pour autant leur condamnation à ce titre ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevables car prescrites l’action et les demandes de la SAS CAUDIS, de la SARL LES JAFFROUS, de Messieurs X et Z Y,

Rejette les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS CAUDIS, la SARL LES JAFFROUS, Messieurs X et Z Y aux dépens de première instance et d’appel et admet pour ces derniers l’avocat concerné au bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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