Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 6, 31 janvier 2018, n° 15/10502

  • Service civil·
  • Salarié·
  • Actif·
  • Discrimination syndicale·
  • Travail·
  • Classification·
  • Employeur·
  • Détachement·
  • Commission·
  • Demande

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 6, 31 janv. 2018, n° 15/10502
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/10502
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 8 juillet 2015, N° 13/08341
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 29 octobre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRÊT DU 31 Janvier 2018

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 15/10502

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Juillet 2015 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS RG n° 13/08341

APPELANT

Monsieur [Z] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1953

représenté par M. [X] [G] (Délégué syndical ouvrier)

INTIMÉS

CNIEG

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

non comparante, non représentée

SA EDF

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Romain ZANNOU, avocat au barreau de PARIS, toque : J029

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Décembre 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Benoît DE CHARRY, Président de chambre

Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Mme Séverine TECHER, Vice-Présidente placée

Greffier : Mme Martine JOANTAUZY, lors des débats

ARRÊT :

— réputé contradictoire,

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— signé par Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère, pour le Président empêché et par Madame Martine JOANTAUZY, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [Z] [J] a été embauché par la SA EDF par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 1980 en qualité d’agent statutaire et a progressé, de la qualité de technicien catégorie employé, à celle en dernier lieu de Manager 1ère ligne exploitation installation, statut cadre.

Le 1er août 2013, Monsieur [J] a été mis en inactivité à sa demande. Il était classé à cette date au GF 14 NR 225 correspondant à une rémunération fonctionnelle de 4 461,10 euros bruts mensuels

Pendant l’exécution de la relation contractuelle Monsieur [J] a occupé des fonctions syndicales et de représentation du personnel. Il a été muté en juin 2001 au service réseau comme attaché aux chefs de service, sur un poste d’experts des réseaux et à cette date la nature de ses services civils, d’active a été classée sédentaire.

Le 05 juin 2013, Monsieur [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris de demandes tendant notamment à l’indemnisation de préjudices résultant d’une discrimination syndicale, de l’exercice déloyal du contrat de travail et d’un harcèlement moral.

Par jugement rendu le 09 juillet 2015, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Paris a débouté Monsieur [Z] [J] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens. Il a en outre rejeté la demande présentée par la société EDF au titre des frais irrépétibles.

Le 20 octobre 2015, Monsieur [J] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 18 décembre 2017. Les parties entendues ont soutenu et développé leurs conclusions visées ce jour par le greffier.

Monsieur [J] sollicite l’infirmation du jugement entrepris et demande à la Cour de :

— Condamner EDF pour violation des textes réglementaires des IEG étant constitutif d’un trouble manifeste et pour exercice déloyal du contrat de travail à 30 000 euros

— Condamner l’employeur pour retrait injustifié’pour grève à rembourser la somme de 1 500 euros

— Condamner l’employeur aux dommages pour manquement à l’obligation de formation tout au long de la carrière qui cause nécessairement un préjudice de carrière à 15 000 euros

— Condamner l’employeur aux dommages et intérêts pour manquement à l’entretien d’évaluation et l’entretien professionnel qui affecte ses chances de promotion professionnelle à 15 000 euros

— Condamner la SA EDF pour discrimination syndicale à 50 000 euros

— Condamner l’employeur pour harcèlement après qu’il ait modifié unilatéralement le contrat de travail, bloqué les primes et modifié la rémunération à 50 000 euros

— Ordonner, avant dire droit, qu’il soit procédé à la production, selon les articles 133 et 142 du code de procédure, d’une liste exhaustive des comparants sur les parcours professionnels des salariés embauchés en 1980 dans le collège maîtrise JTS

— Avant dire droit, ordonner sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la communication de documents nécessaires à la production de ses droits':

— transmission des tableaux statistiques des accords EGAPRO depuis 2002 dont la publication annuelle est présentée aux Instances représentatives du personnel (IRP)

— communication des contrats de travail, bulletins de paie, calcul des primes et tableaux des avancements et promotions des salariés mentionnés, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et les rémunérations variables': intéressement, RPCC, RDCIC, actions…

— Au vu des documents qui seront transmis les requêtes à la CSNP et à la CSP CADRE

— Condamner EDF SA à appliquer selon les PERS et décret 2011-1175 du 23/9/2011 à la requalification des services civils comme service actifs et insalubre.

— Ordonner l’opposabilité du jugement à la CNIEG pour recalculer la pension,

— Condamner l’employeur à 2 500 euros selon l’article 700 du CPC

— Condamner l’employeur aux dépens.

En réponse, la société EDF conclut à la confirmation du jugement du conseil de prud’hommes et demande à la Cour de de dire que Monsieur [G] ne réunit pas les conditions pour assister ou représenter Monsieur [Z] [J] et au fond, à titre principal, de dire que les demandes formulées par le salarié sont irrecevables en application de l’article R1452 ' 6 du code du travail relatif à l’unicité de l’instance, à titre subsidiaire de rejeter ses demandes de communication avant-dire droit, et de débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions, en tout état de cause de le condamner à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de supporter les entiers dépens.

La société Caisse Nationale des Industries Électriques et Gazières (CNIEG) régulièrement appelée par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 12 juillet 2017 n’a pas comparu.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, visées par le greffier et soutenues oralement à l’audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur le pouvoir de représentation de Monsieur [L]

Par application du principe de spécialité des syndicats résultant de l’article L2131-1 du code du travail, une organisation d’employeurs et de salariés ne peut exercer ses prérogatives que dans le cadre de son objet statutaire ce dont il résulte qu’elle ne peut donner mandat à l’un de ses délégués permanents de représenter un salarié dans le cadre d’une instance prud’hommale que si cette instance entre dans le champ d’application géographique et professionnelle déterminée par ses statuts.

En l’espèce la SA EDF développe que l’article 7 des statuts du syndicat CAP 2000 qui a donné mandat à Monsieur [G] pour représenter Monsieur [Z] [J] dans le cadre de la présente instance stipule que le syndicat a pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux tant collectifs qu’individuel, des personnels de l’électricité et du gaz de la branche des IEG sur la plaque Île-de-France EST (département : 77, 91,93 94,10)'» alors que Monsieur [Z] [J], retraité du personnel de l’électricité et du gaz de la branche des IEG est domicilié à [Localité 3].

Mais Monsieur [G] justifie d’un pouvoir spécial qui lui a été conféré, le 5 septembre 2017 devant la cour d’appel de PARIS pour l’audience du 18 décembre 2017, par le bureau central de la centrale syndicale des travailleurs martiniquais, pour représenter les intérêts de Monsieur [Z] [J], ayant travaillé pour la SA EDF en Martinique et domicilé sur cette île.

En conséquence ce mandat a été donné dans le cadre du champ d’application géographique et professionnel du syndicat et partant la validité du pouvoir de Monsieur [L] est démontrée.

Sur la recevabilité des demandes

Par application du principe de l’unicité de l’instance posé à l’article R 1452 '6 du code du travail, un salarié est tenu dans le cadre d’une procédure devant le conseil de prud’hommes ayant conduit au prononcé d’un jugement au fond, d’y avoir présenté toutes les demandes liées au même contrat de travail.

Pour opposer une fin de non recevoir aux demandes en réparation du préjudice lié à une discrimination syndicale et de reclassification dans des services civils actifs au lieu de sédentaires depuis 2001, la SA EDF développe que Monsieur [Z] [J] aurait dû présenter ces demandes dans le cadre d’une procédure initiée par elle le 14 juin 2006, ayant donné lieu à un jugement du 21 février 2008 du conseil de prud’hommes de FORT DE FRANCE après une audience de plaidoierie du 4 octobre 2007 et concernant un problème de remboursement de billets d’avions puisqu’à cette date Monsieur [Z] [J] disposait déjà de tous les éléments nécessaires au soutien de ses demandes ainsi qu’en attestent les nombreux courriers échangés sur ces points par les parties.

Mais la règles de l’unicité de l’instance n’est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou a été révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes

Plus particulièrement en matière de discrimination la révélation n’est pas la simple connaissance de la discrimination par le salarié mais correspond au moment où il dispose des éléments de comparaison qui mettent en évidence la discrimination.

Or en l’espèce en octobre 2007, si le salarié se plaignait déjà d’une discrimination syndicale ayant notemment, mais pas seulement, conduit à une mutation d’office en juin 2001 lui ayant fait perdre la classification «'actif'» de son emploi, il ne disposait notamment ni des éléments de comparaison avec les autres salariés qu’il réclame encore dans le cadre de la présente procédure pour apprécier sa discrimination de carrière et de la liste des homologues qui ne devait être constituée qu’à compter de son détachement à temps plein à effet au 1 er janvier 2008 dans ses fonctions syndicales, ni du refus de l’employeur de le faire évoluer au NR 250 au 31 décembre 2010 qu’il évoque dans son courrier du 25 septembre 2011 faisant suite à un entretien du 19 septembre 2011.

Par ailleurs s’agissant de la classification de son emploi, il ne disposait pas en octobre 2007, de la certitude du refus de la classification de son emploi occupé depuis 2001, en «'services actifs'» puisque si son courrier au président de la CSNP du 4 avril 2007 démontre qu’il a présenté antérieurement plusieurs requêtes pour que soit examiné le pourcentage de ses services civils depuis l’année 2001, EDF ne fait elle même référence dans son courrier du 19 décembre 2012, qu’à un premier courrier en réponse qu’elle lui a adressé le 22 février 2008 (puis le 23 novembre 2009) et par ailleurs le salarié restait en attente de la présentation de sa requête à la commission nationale paritaire, préalable à une décision définitive de l’employeur sur cette question.

En conséquence ses demandes sont recevables et le jugement du conseil de prud’hommes est infirmé sur ce point.

Sur la détermination des services actifs

Les règles relatives au régime spécial de retraite des IEG étaient regroupées dans l’annexe 3 du statut national du personnel des IEG et prévoyaient notamment une classification de certains emplois en «'services actifs'» pour tenir compte de la réalité des conditions de travail et de leur pénibilité, en comparaison avec les emplois «'sédentaires'», et par les textes de mise en place des règles générales de classification des postes en service actif au titre de l’annexe 3 du statut national soit les circulaires PERS 226 du 21 mai 1952, 292 du 29 octobre 1956 et 331 du 25 juillet 1956 plus spécialement applicable au classement des postes des agents cadres.

L’annexe 3 a été remplacée par le décret du 27 juin 2008 issu de la réforme du régime de retraite des IEG. Elle prévoit en son article 2 que pour les agents recrutés à compter du 1er janvier 2009, la prise en compte de la spécificité des métiers fait l’objet d’une négociation de branche ou d’entreprise conduite durant l’année 2008 et à ce titre un accord collectif relatif à la spécificité des métiers de la branche professionnelle des IEG a été conclu le 16 avril 2010. Celui-ci précise que pour les agents recrutés avant le 1er janvier 2009, les services dits «'actifs'» sont majorés du 6ème de leur durée, les services dits insalubres du tiers de leur durée.

La SA EDF développe que l’application de ces règles a conduit en juin 2001, a constaté au regard des nouvelles fonctions confiées au salarié, que le poste occupé par lui passait d’actif à sédentaire ; que cette classification résulte de textes fixant un statut collectif qui ne s’incorpore pas au contrat de travail, ne confère pas de droits acquis au salarié dont la suppression constituerait une modification du contrat de travail et qu’en conséquence Monsieur [Z] [J] qui n’a jamais contesté son affectation, ne peut prétendre à la conservation d’une classification en services actifs à compter de juin 2001.

Mais Monsieur [Z] [J] reproche aux directeurs d’établissements de ne pas avoir transmis à la commission paritaire sa requête de classification de son poste en «'actifs'», au regard des fonctions occupées.

Or la PERS 331 précitée qui a pour but de préciser l’interprétation qu’il convient de donner aux principes généraux de la PERS 226 en ce qui concerne plus spécialement le classement des services civils accomplis par les agents des cadres et la PERS 226 prévoit cette obligation de transmission en voie de recours du salarié qui le conteste en posant :

— une «'procédure de validation'» de la classification du poste’en son III, soit directement par les chefs d’unité, lorsque le classement sollicité correspond aux fonctions visées dans une ANNEXE et obtient un avis unanime de la commission secondaire à qui les dossiers doivent être transmis chaque année par les chefs d 'unité, soit par la Direction Générale (Direction du personnel) dans les autres cas.

— que sont applicables les dispositions des chapitres III et IV de la circulaire PERS 292 concernant, la notification et les voies de recours ouvertes aux intéressés,

— la notification à chaque agent au 31 mars de la répartition des services actifs ou sédentaires des service accomplis au cours de l’année précédente et lui ouvre en cas de contestation, dans le délai d’un mois à dater de la réception de la notification précitée, la possibilité de réclamer par requête individuelle, un nouvel avis, à la commission secondaire,

— que si la décision prise, après avis de cette commission, ne donne pas satisfaction à l’agent, celui-ci pourra demander que sa requête soit soumise à la commission supérieure nationale du personnel,(sous-commission des prestations’ pensions) avec avis préalable du comité d’études pour la classification des emplois actifs et insalubres, et que ce n’est «'qu’en cas de maintien par la direction générale d’une décision négative après avis de ce comité'», que la sous-commission des prestations pension sera saisie.

La SA EDF soutient qu’elle a rempli ces conditions et a traité la requête de contestation du salarié.

Mais les pièces du dossier démontrent au contraire l’absence de toutes traces de recherches quant à la modification possible de la classification du poste occupé par Monsieur [Z] [J] au regard des fonctions réellement occupées alors que, ainsi que le souligne la PERS 331 « compte tenu de la nature plus complexe de leurs fonctions, des responsabilités et sujétions qui leur sont inhérentes il ne convient pas de considérer un critère isolé mais plutôt un ensemble d’éléments susceptibles de justifier la qualification d’actifs à l’égard de tout ou partie des travaux effectués par l’intéressé ».

Il apparaît par ailleurs qu’en violation avec les dispositions réglementaires précitées lesquelles ont un caractère obligatoire et intéressent au premier chef le déroulement de carrière des agents d’EDF à qui sont ainsi garanties des voies de recours, les multiples requêtes de Monsieur [Z] [J] n’ont pas été soumises à l’avis préalable du comité d’études et n’ont pas été transmises à la commission supérieure nationale avant d’être soumise à la direction générale pour avis définitif.

Or la consultation d’un organisme chargé de donner son avis, constitue une garantie de fond de sorte que l’employeur soutient à tort qu’il s’agissait d’un acte facultatif et postérieur à sa décision.

Il en résulte que le rejet de la requête par la SA EDF sans que le comité d’étude et la commission supérieure nationale n’aient été valablement consultés n’est pas opposable à Monsieur [Z] [J].

Or le décret du 23 septembre 2011 a modifié la procédure de requête en contestation du taux de services actifs notifié au salarié en ce qu’il assure désormais au salarié pour chaque instance une instruction dans un délai d’examen maximum de 2 ans à compter de la réception de la requête et passé ce délai qu’il convient de considérer qu’elle a reçu un avis favorable.

La SA EDF ne peut soutenir que Monsieur [Z] [J] ne peut se prévaloir d’un avis favorable implicite en ce que la réforme ne concerne que les requêtes reçues à compter de janvier 2013, que aucune requête n’a été présentée devant la commission au bénéfice de Monsieur [Z] [J] avant le 1 er janvier 2013.

Aussi à défaut pour l’employeur non seulement d’avoir consulté ces organismes mais également d’avoir veillé à ce que ces derniers émettent leur avis conformément à la procédure prévue, et donc à défaut de leur avoir transmis la requête de Monsieur [Z] [J] clairement présentée dès son courrier du 27 mai 2004, le cas échéant, après l’application de l’accord d’entreprise sur la pénibilité du travail visé dans le rapport de la commission supérieure du 21 septembre 2010 et le décret d’application du 23 septembre 2011, il faut considérer que le salarié peut se prévaloir de l’accord implicite de la commission nationale concernant les requêtes non traitées dans un délai de 2 ans mis en place.

En conséquence il est fait droit à la requête de Monsieur [Z] [J] visant à voir valider les périodes de travail de 2001 à 2013 en services civils actifs.

Cette décision est opposable à la CNIEG chargée de calculer et verser la pension de retraite et régulièrement appelée dans la procédure.

Sur la discrimination syndicale et sur l’égalité de traitement

En application des dispositions des articles L 1132 '1 et L 2141 '5 du code du travail, l’employeur ne peut prendre en considération, l’exercice d’une activité syndicale, pour arrêter ses décisions notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d’avancement, ou de conduite et de réparation du travail.

Selon l’article L 1134 '1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie adverse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l’espèce Monsieur [Z] [J] démontre :

— qu’au cours de l’exercice d’un mandat syndical il a été muté d’office et en est résultée la perte de prise en compte de services civils actifs,

— que ses nombreuses requêtes pour revoir sa situation au titre des services civils n’ont jamais été présentées en CSNP, qu’il était responsable des dispatcheurs travaillant en 3X8 classés en services actifs, que la situation de nombreux emplois d’autres salariés a été reconsidérée et reclassée, et que la CSNP sollicitée directement par lui, l’a renvoyé vers l’employeur pour la validité de sa saisine par courrier du 21 mai 2007,

— qu’il n’a pas bénéficié d’entretien annuel de notation,

— qu’il a seulement suivi 4 formations en 10 ans à compter de 2001 et donc que la société n’a pas satisfait à ses obligations matière d’adaptation des salariés à l’emploi telles que prévues par les articles L6321-1 et L6324-1 du code du travail, et plus particulièrement s’agissant des salariés de plus de 45 ans et telles que largement développées et précisées par plusieurs accords nationaux interprofessionnels dont les 5 décembre 2003 et 21 février 2008,

— que de son embauche en avril 1980 et pendant une quinzaine d’années il a gravi les échelons mais qu’apparaît sur sa demande de mutation vers la métropole réalisée en janvier 1996, ses fonctions de dirigeant syndical ; qu’en outre à son retour alors qu’il avait pris la direction de responsable du dispatching et de l’exploitation de tous les réseaux de l’île et repris ses fonctions syndicales sans détachement, il a dû quitter son poste et prendre celui d’expert réseau ; qu’en 2007, en préretraite, il a été rappelé en service pour le cyclone DEAN et que lui ont été confiées de grandes responsabilités pour lesquelles il a été félicité, mais sans toutefois obtenir de reclassification ou de promotion puisque il est resté au même échelon GF 13 de juin 1998 à 2012 soit pendant 14 ans en n’évoluant que du NR180 au NR 225,

— que la liste des homologues présentés par la SA EDF en pièce 18, à compter de son détachement le 1 er janvier 2008, en application des dispositions relatives à l’avancement des agents en position de congé sans solde ou de détachement posées par la PERS 245 (du 8 décembre 1953) et les notes du 2 août 1968 et 31 décembre 1974 qui la complètent, montre que des agents d’ancienneté similaire (26,58) sont situés à cette date au delà du GR 13 dont bénéficiait Monsieur [Z] [J],

— que au delà de l’entretien initial pour faire le point sur la situation du salarié au moment de son détachement prévu par les dispositions de l’accord du 8 octobre 2009 posant les dispositions relatives au parcours des salariés exerçant des mandats représentatifs et ou syndicaux à 100 % de leur temps de travail ou conservant une activité professionnelle à 50 % de leur travail, le respect des dispositions n’est pas démontré dont l’examen de la situation du salarié chaque 1er juillet au regard d’une grille de répartition par NR et GF de l’ensemble des salariés permettant de définir le NR moyen de chaque GF ou la tenue d’entretien régulier en fonction des perspectives de reprise d’activité envisagée.

Ces éléments de fait ainsi présentés par Monsieur [Z] [J] laissent supposer l’existence d’une discrimination syndicale directe ou indirecte et, au vu de ces éléments, il incombe dès lors à la SA EDF de prouver que ses décision étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Or la SA EDF se contente d’affirmer dans ses conclusions que Monsieur [Z] [J] ne présente aucun élément susceptible de constituer un commencement de preuve d’une prétendue discrimination.

Elle ne développe ni les raisons objectives et impératives qui ont conduit à la mutation du salarié protégé en 2001, ni de l’accord de ce dernier de perdre avec cette mutation, les avantages relatifs au services civils actifs, ni de celles qui justifiaient tant la mention sur son dossier de mutation en métropole, de ses activités syndicales que l’absence de transmission de ses requêtes concernant ses services civils actifs ou encore des motifs qui justifient que le GR atteint par Monsieur [Z] [J] en 2007 est inférieur à ceux de salariés présentant une ancienneté similaire étant observé que ces motifs doivent être matérialement vérifiables et fondées sur des critères objectifs et ne résultent pas d’observations générales sur le pouvoir de l’employeur d’accorder des promotions au regard de la compétence d’un salarié.

Elle ne développe pas plus la manière dont elle tenait compte de la qualité du travail fourni par le salarié dans l’évolution de sa carrière en l’absence de tout entretien annuel lorsque son activité syndicale n’était pas prépondérante, ni les raisons pour lesquelles le salarié bénéficiait de peu de formation malgré l’engagement de développement professionnel pris dans l’accord EDF de novembre 1993 et développé par un accompagnement plus particulier au salarié de + de 45 ans dans l’accord du 16 septembre 2005 et déjà visé dans l’accord de branches relatif à la formation professionnelle continue

En conséquence l’existence d’une discrimination syndicale est démontrée.

Sur les demandes indemnitaires et de production de documents

Monsieur [Z] [J] réclame en réparation du préjudice subi au titre de la discrimination syndicale la somme de 50 000 euros et augmente sa demande en réparation de 15 000 euros pour manquement à l’obligation de formation et de 15 000 euros pour manquement à l’obligation d’évaluation et d’entretien professionnel.

Considérant les éléments de ce préjudice développé ci dessus la durée et l’ampleur des violations constatées au regard de la protection spécifique dont aurait dû bénéficier ce salarié protégé de plus de 45 ans au regard des textes légaux et des accords d’entreprise, la cour fait droit à ces prétentions.

Monsieur [Z] [J] réclame par ailleurs à la cour d’ordonner, avant dire droit, la communication par l’employeur de documents nécessaires à la production de ses droits soit une liste exhaustive de comparants, embauchés en 1980 dans le collège maîtrise JTS, comprenant les parcours professionnels, les contrats de travail, bulletins de paie, calcul des primes et tableaux des avancements et promotions des salariés mentionnés sur la liste réclamée, les rémunérations variables : intéressement, RPCC, RDCIC, actions….et les tableaux statistiques des accords EGAPRO depuis 2002 dont la publication annuelle est présentée aux Instances représentatives du personnel (IRP) pour se fonder sur ces documents et ordonner son reclassement.

Mais selon les articles 6 et 9 du code de procédure civile il incombe à chaque partie d’alléguer et de prouver les faits propres à fonder leurs prétentions.

Or considérant les dispositions probatoires spécifiques à des prétentions fondées tant sur le principe « à travail égal, salaire égal » posé par les articles L2226 '1 et L2271 '1 du code du travail selon lesquelles il appartient au salarié qui invoque une violation du principe d’égalité de traitement de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de traitement en matière de rémunération et de classification au regard d’un autre salarié qui occupe les mêmes fonctions, que sur l’existence d’une discrimination syndicale, selon lesquelles, le salarié doit d’abord présenter des éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, et constatant que Monsieur [Z] [J] cite les noms de Monsieur [V] [B], [U] [X] et [I] [M] entrés environ 6 mois après lui ayant un diplôme équivalent sans démontrer ni même soutenir qu’ils n’ont pas évolué de la même manière que lui, il s’en déduit qu’il n’est pas en mesure d’apporter des éléments permettant d’étayer une demande de reclassement, étant précisé que la perte de chance de promotion au regard des manquements en matière de formation et d’évaluation ont été pris en compte dans la réparation des préjudices précédents.

Il doit en conséquence être débouté de sa demande visant à voir ordonner avant dire droit à l’employeur la production des documents sus visés.

Monsieur [Z] [J] demande également la condamnation de la SA EDF à lui payer la somme de 30 000 euros pour violation des textes réglementaires des IEG et de 30 000 euros pour exercice déloyal du contrat de travail.

Les conséquences de la violation des textes règlementaires qui démontrent l’exercice déloyal du contrat de travail a conduit à constater des manquements à l’obligation de formation, d’entretien d’évaluation, à l’existence d’une discrimination syndicale, et à la reclassification des services civils sédentaires, qui ont été réparés précédemment mais ont par ailleurs contraint le salarié à constamment se battre pendant des années pour finalement et notamment ne pas même obtenir que sa requête soit présentée devant la commission paritaire nationale.

En conséquence une somme supplémentaire de 5 000 euros lui est allouée.

En revanche la demande de Monsieur [Z] [J] d’un montant de 50 000 euros pour harcèlement au motif que l’employeur a modifié unilatéralement le contrat de travail, bloqué des primes et modifier la rémunération ne répond pas aux conditions démontrant l’existence d’un harcèlement moral.

En effet si aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, l’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des faits, qui laissent supposer l’existence d’un harcèlement alors que Monsieur [Z] [J], parti à la retraite en 2013, ne fait pas état d’une dégradation de son état de santé ni d’agissements répétés et que les faits qu’ils visent ont été pris en compte et réparés dans toutes leurs conséquences, dans le cadre des demandes précédentes.

L’ensemble des demandes indemnitaires du salarié se fixe alors à la somme totale de

85 000 euros.

Sur le retrait pour grève

Monsieur [Z] [J] demande la condamnation de l’employeur pour retrait injustifié pour grève, à lui rembourser la somme de 1 500 euros en exposant qu’il n’a pas déposé de préavis de grève, que son syndicat n’appelait pas à la grève et qu’il n’a pointé que le 5 février à titre de solidarité avec les autres grévistes.

Il développe que le pointage se faisait par le logiciel PGI GTA auquel il n’avait pas accès du fait de son détachement syndical et qu’il appartient à la SA EDF de démontrer son absence pour justifier la retenue.

Mais il appartient aux parties de démontrer le bien fondé de leurs prétentions et en l’espèce la cour constate que la demande du salarié est totalement imprécise en ce que le salarié ne vise pas la date du prélèvement indu et qu’aucune retenue de 1 500 euros n’apparaît sur les bulletins de salaire de 2013 qu’il verse au débat.

En conséquence il est débouté de sa demande en remboursement à ce titre et le jugement du conseil de prud’hommes est confirmé sur ce point.

Sur le cours des intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les intérêts sur les dommages et intérêts alloués courrons à compter de la présente décision.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n’est pas inéquitable de condamner la SA EDF à payer à Monsieur [Z] [J] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Partie succombante, la SA EDF, sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée au paiements des entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions si ce n’est en ce qu’il déboute Monsieur [Z] [J] de sa demande au titre d’un harcèlement moral et de remboursement d’un montant de 1 500 euros au titre d’une retenue sur salaire,

Statuant à nouveau et ajoutant

DIT que les demandes de Monsieur [Z] [J] sont recevables ;

CONDAMNE la SA EDF à payer à Monsieur [Z] [J] à titre de dommages et intérêts la somme totale de 85 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt ;

CONDAMNE la EDF SA à requalifier les services civils de Monsieur [Z] [J] à compter de sa mutation en juin 2001 en services civils actifs et insalubres ;

DIT que cette décision est opposable à la CNIEG pour recalculer la pension de Monsieur [Z] [J] ;

CONDAMNE la SA EDF à payer à Monsieur [Z] [J] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions ;

CONDAMNER l’employeur aux dépens.

LE GREFFIERLE CONSEILLER

pour le président empêché

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 6, 31 janvier 2018, n° 15/10502