Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 29 mars 2018, n° 16/02751

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 5, 29 mars 2018, n° 16/02751
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/02751
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Meaux, 10 janvier 2016, N° 13/00737
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRÊT DU 29 Mars 2018

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 16/02751

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Janvier 2016 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MEAUX section encadrement RG n° 13/00737

APPELANT :

Monsieur I X

né le […] à […]

[…]

[…]

comparant en personne, assisté de Me Marc PATIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1988

INTIMÉE :

SA SOCIETE V. MANE FILS

[…]

[…]

[…]

N° SIRET : 415 550 284

représentée par Me Nathalie KOULMANN, avocat au barreau de NICE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Stéphane MEYER, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-I BRETON, Présidente,

Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller,

Madame Emmanuelle BESSONE, Conseillère,

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Aouatef ABDELLAOUI, lors des débats, en présence de Mme Célia CHOISI, greffier stagiaire.

ARRET :

- contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile,

— signé par Mme Marie-I BRETON, président et par Mme Clémentine VANHEE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur I X a été engagé par la société V. MANE Fils, pour une durée indéterminée à compter du 21 février 2005, en qualité de responsable de clientèle export, avec le statut de cadre.

Par lettre du 8 février 2007, Monsieur X était convoqué à un entretien préalable à un licenciement, entretien reporté au 3 avril 2007. Son licenciement lui a été notifié le 18 avril 2007 pour faute grave, caractérisée par un comportement douteux à l’égard de certaines collègues féminines, un acte d’insubordination et une insuffisance professionnelle.

En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 7 500 euros.

La relation de travail est régie par la convention collective nationale des industries chimiques.

Le 17 avril 2012 , Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes de Meaux et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l’obligation de sécurité de l’employeur.

Par jugement du 11 janvier 2016, le conseil de prud’hommes de Meaux a débouté Monsieur X de ses demandes et l’a condamné aux dépens.

A l’encontre de ce jugement notifié le 25 janvier 2016, Monsieur X a interjeté appel le 19 février 2016.

Lors de l’audience du 26 janvier 2018, Monsieur X demande à la cour d’infirmer le jugement et de condamner la société V. MANE Fils à lui payer les sommes suivantes :

— à titre d’indemnité compensatrice de préavis : 22 500 €

— à titre de congés payés afférents : 2 250 €

— à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement : 6 000 €

— à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité : 10 000 €

— à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 45 000 €

— à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de bonus et prime de transport :

67 800 €

— en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile : 3 000 €

— il demande également que soit ordonnée, sous astreinte, la remise d’une attestation destinée à Pôle-emploi, d’un certificat de travail et d’un reçu pour solde de tout compte conformes.

Au soutien de ses demandes, il expose :

— que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et que l’entreprise ne dispose pas de la moindre preuve au soutien de ses griefs

— que les accusations sans fondement à l’origine de son licenciement l’ont profondément affecté et constituent une violation par l’employeur de son obligation de sécurité

— que l’absence d’atteinte de ses objectifs n’est imputable qu’aux décisions prises par l’employeur

— qu’il a été privé de ses primes de transport contractuelles.

En défense, la société V. MANE Fils demande la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur Monsieur X à lui verser une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir :

— qu’elle a exécuté loyalement le contrat de travail de Monsieur X

— que les faits commis par Monsieur X sont établis et sont constitutifs d’une faute grave

— qu’elle n’a pas manqué à son obligation de sécurité

— que la demande formée au titre des bonus et de la prime de transport est prescrite et en tout état de cause n’est pas caractérisée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l’audience des débats.

***

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande de dommages et intérêts pour perte de chance de bonus et prime de transport

Aux termes de l’article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux, sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposé.

En l’espèce, il résulte des propres explications de Monsieur X que sa demande de dommages et intérêts, formée en réparation d’une perte de chance de bonus et prime de transport, se confond en réalité avec ces bonus et prime de transport dont il prétend avoir été indûment privé.

Or, aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, issue de la loi n° 2000-561 du 17 juin 2008 l’action en paiement du salaire se prescrivait par cinq ans.

Les bonus et primes de transport, dont Monsieur X se plaint de la privation, constituent des accessoires de salaires soumis à ce délai de prescription.

Monsieur X n’a introduit son action en justice que le 17 avril 2012, soit cinq ans moins un jour après la notification de son licenciement et ne prétend à aucune somme au titre du seul jour qui n’est pas atteint pas la prescription ; sa demande est donc prescrite.

C’est donc à juste titre que le jugement a rejeté cette demande, bien que ce rejet aurait dû être motivé au titre de la recevabilité et non du fond.

Sur le licenciement

Il résulte des dispositions de l’article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui justifie la rupture immédiate du contrat de travail.

La preuve de la faute grave incombe à l’employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 13 avril 2007, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l’article L.1232-6 du code du travail, reproche en substance à Monsieur X les faits suivants :

— un comportement 'très douteux envers certaines de vos collègues féminines, aussi bien dans vos gestes que dans vos paroles', la lettre lui reprochant plus précisément son comportement à l’égard de Mesdames Y, Z et d’une troisième salariée

— avoir fait preuve d’insubordination en retournant travailler à compter du 26 mars, alors qu’il avait été dispensé d’activité à compter du 8 février

— avoir fait preuve d’insuffisance professionnelle et d’une incapacité à atteindre ses objectifs.

La société V. MANE Fils ne produit aucun élément permettant d’établir que Monsieur X soit revenu travailler le 26 mars. Le grief relatif à l’insubordination n’est donc pas établi.

De même, aucun élément probant n’est produit au soutien du grief d’insuffisance professionnelle.

Au soutien du premier grief, la société V. MANE Fils produit l’attestation de Madame Z, qui déclare que Monsieur X avait de façon générale un 'comportement étrange envers les filles : regard insistant, des sous-entendus parfois gênants sur ses activités extra-professionnelles', ajoutant qu’il avait l’habitude d’errer au sous-sol, lumières éteintes, effrayant ses collègues féminines.

La société V. MANE Fils produit également l’attestation de Madame Y, qui fait état de son 'K tactile', insistant à lui faire des 'accolades', lui parlant 'de ses activités de massage 7 cm sous le nombril', suscitant un sentiment de malaise.

Aux termes d’une troisième attestation Madame A déclare que, lors d’un retour de déplacement, Monsieur X lui avait offert un paquet de pâtes en forme de sexe (masculin, selon toute évidence) et qu’il lui arrivait d’avoir des 'dérives verbales'.

Monsieur X fait valoir que ces attestations n’ont été établies qu’en 2012, soit plusieurs années après les faits. Cependant, Monsieur X n’ayant saisi le conseil de prud’hommes qu’en 2012, soit près de cinq ans après son licenciement, il ne peut être reproché à l’employeur de ne pas s’être préoccupé plus tôt d’obtenir des éléments de preuve destinés à assurer la défense de ses intérêts en justice.

Monsieur X fait également valoir qu’il n’a pas été confronté avec ses accusatrices.

Cependant, une telle confrontation ne s’imposait pas à l’employeur et entendues par les services de police le 14 avril 2014, à la suite de la plainte pour faux témoignage déposée par Monsieur X, Mesdames Y et A ont confirmé les termes de leurs témoignages, cette dernière ajoutant que Monsieur X lui avait tenu des propos déplacés et que les assistantes tentaient de l’éviter lorsqu’elles le pouvaient.

Enfin, le 8 mars 2007, alors qu’il faisait déjà l’objet de la procédure de licenciement, Monsieur X terminait ainsi son courriel, adressé à madame B, assistante commerciale : '[…] Vous souhaitant un merveilleux après-midi, plein de bonnes choses que je ne peux hélas pas vous offrir à l’occasion de cette journée internationale de la femme […]'.

De son K, Monsieur X produit les attestations de son épouse, qui déclare qu’il ne se serait jamais permis un comportement ambigu à l’égard de ses collègues féminines, de Messieurs C et D, anciens collègues, qui déclarent n’avoir jamais constaté de comportement inapproprié de sa part envers les femmes, ainsi que des Messieurs E, F et de Madame J-K, qui déclarent avoir travaillé chez la société V. MANE Fils jusqu’en 2006 et également n’avoir constaté aucun comportement anormal de sa part pouvant s’apparenter à un harcèlement.

Enfin, Monsieur X produit les attestations de Messieurs G et H, qui déclarent tous deux avoir été licencié par la société V. MANE Fils respectivement en 2002 et 2004, pour de fausses accusations de harcèlement sexuel et avoir obtenu gain de cause devant le conseil de prud’hommes et la cour d’appel.

Cependant, ces attestations ne contredisent pas utilement les trois témoignages concordants et circonstanciés produits par la société V. MANE Fils, réitérés pour deux d’entre eux devant les services de police et corroborés par le courriel précité, qui établissent la réalité d’un comportement douteux et ambigu de Monsieur X à l’égard de certaines de ses collègues féminines qui lui étaient subordonnées, créant ainsi, au sein de l’entreprise, un climat de malaise de nature à en perturber le fonctionnement normal.

Ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement au sens de

l’article L. 1235-1 du code du travail.

Cependant, malgré leur caractère fautif, les agissements de Monsieur X n’ont pas atteint le stade du harcèlement sexuel et ne justifient donc pas la rupture immédiate de son contrat de travail.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur X de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais infirmé en ce qu’il l’a débouté de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis, d’un montant de 22 500 euros, de 2 250 euros à titre de congés payés afférents et de 6 000 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, demandes qui ne sont pas contestées en leurs montants.

Sur le manquement allégué à l’obligation de sécurité

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur X de cette demande, qui n’est formé qu’en conséquence de la contestation du caractère réel et sérieux de son licenciement.

Sur les autres demandes

Il convient d’ordonner la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un certificat de travail

et d’une attestation destinée à Pôle-emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte apparaisse nécessaire.

Sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société V. MANE Fils à payer à Monsieur Monsieur X une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu’il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu’il y a lieu de fixer à 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté Monsieur I X de ses demandes de dommages et intérêts pour perte de chance de bonus et prime de transport, d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant de nouveau sur les seuls points infirmés,

Condamne la société V. MANE Fils à payer à Monsieur Monsieur I X :

— à titre d’indemnité compensatrice de préavis : 22 500 €

— à titre de congés payés afférents : 2 250 €

— à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement : 6 000 €

— en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile : 2 000 €

Ordonne la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle-emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt.

Déclare Monsieur I X irrecevable en sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de bonus et prime de transport.

Déboute Monsieur Monsieur I X du surplus de ses demandes.

Déboute la société V. MANE Fils de sa demande d’indemnité.

Condamne la société V. MANE Fils aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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