Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 6 juin 2019, n° 17/01595

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Chronologie de l’affaire

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Laurent Garcia · Actualités du Droit · 9 juillet 2019
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 5, 6 juin 2019, n° 17/01595
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/01595
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 13 novembre 2016, N° 2014059987
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 06 JUIN 2019

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/01595 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B2PCM

Décision déférée à la cour : jugement du 14 novembre 2016 -tribunal de commerce de Paris – RG n° 2014059987

APPELANTE

SARL PUBLICAB

Ayant son siège social […]

[…]

N° SIRET : 511 885 758

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Kamel MAOUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : B116

INTIMÉE

SAS ENTERPRISE HOLDINGS FRANCE anciennement dénommée 'CITER'

Ayant son siège social […]

[…]

N° SIRET : 318 771 995

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Sandrine MUNNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0094

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 mars 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Z A, Président de chambre

Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère

Madame Estelle MOREAU, Conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré,

Greffière, lors des débats : Madame X Y

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Z A, Président de chambre et par Madame X Y, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Citer, devenue Enterprise Holding France (ci-après, la société Enterprise) exploite la marque 'Enterprise Rent a Car’ spécialisée dans la location de courte durée de véhicules automobiles.

La société Compagnie Picarde de Logistique Automobile (ci-après, la société CPLA), filiale à 100% de la société Citer, met à la disposition de cette société des véhicules dont elle est propriétaire.

La société Publicab a pour objet les activités de transport public routier de personnes, de location de voitures sans chauffeur, de voiturier, de publicité, de conseil en communication. Depuis septembre 2013, elle exerce principalement une activité de location de véhicules aux personnes exerçant la profession de VTC (véhicules de tourisme avec chauffeur).

Le 13 septembre 2013, la société Publicab a ouvert un compte auprès de la société Citer, au titre d’une convention société n° 4070940 signée le même jour entre les dites sociétés.

La société Citer a alors donné en location à la société Publicab un nombre important de véhicules, qu’elle mettait à disposition de chauffeurs VTC. Chaque contrat de location était conclu pour une durée d’un mois, le loueur se réservant le droit de refuser la prolongation de la location sans indemnité pour le locataire, tenu de restituer immédiatement le véhicule.

Par courriel du 20 mars 2014, la société Citer a sollicité de la société Publicab la restitution des 64 véhicules encore en location en lui indiquant qu’elle ne pouvait prolonger davantage ces locations et en lui rappelant les numéros d’immatriculation de ces véhicules, les noms des chauffeurs ainsi que les dates contractuelles de restitution, allant du 18 mars 2014 au 14 avril 2014.

Par courriel du 21 mars 2014, la société Publicab, soutenant être dans l’incapacité de restituer les véhicules aux dites dates, a proposé un calendrier amiable de restitution progressive des véhicules.

Considérant que l’échéancier proposé par la société Publicab, partiellement accepté par la société Citer, n’a pas été respecté, et que la société Publicab n’a restitué qu’une partie des véhicules et a laissé impayées l’intégralité des sommes dues au titre des contrats de location souscrits, les sociétés Citer et CPLA ont assigné en référé la société Publicab devant le tribunal de commerce de Paris, par acte du 28 mai 2014.

Par ordonnance du 24 juin 2014, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a ordonné à la société Publicab la restitution à la société Citer, sous astreinte de 200 euros par véhicule et par jour de retard à compter du 15e jour suivant la signification de l’ordonnance, de six véhicules, et condamné la société Publicab à payer à la société Citer une provisision de 80.000 euros, outre une indemnité de procédure de 2.000 euros.

Par acte du 10 octobre 2014, la société Enterprise et la société CPLA ont assigné la société Publicab devant le tribunal de commerce de Paris en réparation de leur préjudice.

Par jugement rendu le 14 novembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a :

— dit irrecevables les demandes de la société Compagnie Picarde de Logistique Automobile (CPLA) ;

— condamné la société Publicab à payer à la société Citer, en deniers ou en quittance, la somme de 259.465,78 euros ;

— débouté la société Publicab de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts à l’encontre de la société Compagnie Picarde de Logistique Automobile ;

— condamné la société Publicab à payer à la société Citer la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus ;

— ordonné l’exécution provisoire ;

— condamné la société Publicab aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 194,76 euros dont 32,24 euros de TVA.

Par déclaration du 19 janvier 2017, la société Publicab a interjeté appel à l’encontre de cette décision.

***

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par dernières conclusions notifiées le 26 juillet 2017, la société Publicab demande à la cour, au visa des articles 32-1, 517, 524, 525 et 700 du code de procédure civile, 1134, 1165, 1315, 1382 et 1709 du code civil et L. 442-6 I.5° du code de commerce, de :

— confirmer le jugement du 14 novembre 2016 du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il condamné Enterprise Holdings France (anciennement Citer) à lui rembourser 30.000 euros au titre des cautions versées,

— confirmer le jugement du 14 novembre 2016 du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il n’a mis à sa charge que 6.895,28 euros au titre des factures contestées,

— infirmer le jugement du 14 novembre 2016 du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a mis à sa charge le surplus des factures contestées, soit la somme de 36.550,99 euros (43.446,67 – 6.895,28), correspondant aux factures de travaux de réparation non contradictoires et à la franchise de 2.000 euros,

— rejeter la demande incidente de Enterprise Holdings France (anciennement Citer) de condamner Publicab au paiement des intérêts au taux légal sur la somme en principal de 259.465,78 euros TTC à compter de la première mise en demeure en date du 14 mai 2014 et jusqu’à parfait paiement,

— infirmer le jugement du 14 novembre 2016 du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il n’a pas reconnu la société Enterprise Holdings France (anciennement Citer) coupable de rupture brutale des relations commerciales au préjudice de Publicab,

— condamner la société Enterprise Holdings France (anciennement Citer) pour rupture brutale des relations commerciales à son préjudice et en conséquence la condamner à lui verser :

— la somme de 63.694 euros pour non-respect d’un délai de préavis de deux mois,

— la somme de 63.694 euros pour abus de dépendance économique,

— la somme de 299.756 euros pour les surcoûts du fait de la rupture abusive des relations commerciales,

— ordonner la compensation avec les sommes dues par elle à la société Enterprise Holdings France (anciennement Citer), soit 149.810,05 euros et en conséquence condamner la société Enterprise Holdings France (anciennement Citer) à lui payer la somme de 277.333,95 euros [(63.694 + 63.694 + 299.756) – 149.810,05],

— condamner la société Enterprise Holdings France (anciennement Citer) au paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ceux d’appel au profit de la SELARL BDL Avocats, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En premier lieu, la société Publicab soutient que le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que sur les factures qu’elle contestait pour un montant total de 43.446,67 euros, elle était débitrice d’une somme de 35.550,99 euros. Elle soutient que cette somme a été indûment mise à sa charge par les premiers juges dès lors que celle-ci correspond principalement à des travaux de réparation effectués sur des véhicules dont l’état n’a pas fait l’objet d’un constat contradictoire lors de leur restitution, de sorte que la réalité des dégradations reprochées et leur imputabilité ne sont pas établies. Elle ajoute que la société Enterprise, qui se borne à produire des états de véhicules établis unilatéralement par ses soins, ne démontre pas qu’elle aurait refusé de se soumettre à l’établissement des fiches de restitution contradictoires, étant rappelé que ladite société est responsable de l’urgence dans laquelle les véhicules ont dû être restitués. Elle indique que les premiers juges ont également retenu à tort la demande de franchise de 2.000 euros formée par l’intimée qui n’en justifie nullement.

En second lieu, elle conteste le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté ses demandes au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie.

A ce titre, elle fait valoir l’existence d’une relation commerciale établie nouée depuis le 13 septembre 2013 avec le société Enterprise, son fournisseur exclusif avec lequel elle a conclu près de 400 contrats de locations successifs portant sur 200 véhicules, négocié de nouveaux tarifs valables jusqu’au 31 août 2014, et convenu début du 1er trimestre 2014 que la flotte de véhicules loués augmenterait de 64 à 300.

Elle soutient que la rupture de la relation commerciale commerciale établie d’une durée de plus de 6 mois est intervenue par courriel du 20 mars 2014, alors que le nombre de contrats successifs conclus, leur renouvellement quasi continu et la nature des échanges avec la société Enterprise devenue son partenaire exclusif lui permettaient raisonnablement de penser que les contrats avaient vocation à perdurer dans le temps. Elle considère que cette rupture présente un caractère brutal en l’absence de préavis préalable suffisant, le courriel du 20 mars 2014 ayant sollicité la restitution immédiate de 64 véhicules aux dates de location venant à échéance, de sorte qu’elle n’a bénéficié d’aucun préavis. Elle précise que dans l’urgence, elle a négocié de courts délais de restitution sans intérêt pour elle autre que celui d’assurer sa survie, alors qu’elle aurait dû bénéficier d’un préavis lui permettant de

renouveler sa flotte auprès d’un nouveau loueur. Elle estime que ce préavis ne pouvait être inférieur à une durée de deux mois conformément à celui prévu dans le contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises s’agissant d’une relation commerciale supérieure à 6 mois, lequel contrat constitue un élément de référence pour apprécier le caractère brutal de la rupture.

Au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie, elle fait valoir un premier préjudice de 63.694 euros correspondant à deux mois de perte de marge brute réalisée sur la période du 1er septembre 2013 au 20 mars 2014, sur la base d’un taux de marge brute de 28,45% de son chiffre d’affaires.

Elle invoque un deuxième préjudice résultant de l’abus de dépendance économique, la société Publicab étant son fournisseur exclusif. Elle précise que ladite société a favorisé sa situation de dépendance économique en développant un partenariat privilégié avec elle lui ayant permis de multiplier son chiffre d’affaires par 6 en 6 mois, et a fait preuve de légèreté blâmable en rompant la relation au prétexte de s’être rendue compte d’un problème d’assurance plus de six mois après la conclusion de leur contrat. Elle souligne que ladite rupture est intervenue le 20 mars 2014, soit dans la période d’avril/mai propice à la location de véhicules, et l’a totalement désorganisée compte tenu de la petite taille de sa structure et du fait que la recherche de nouveaux loueurs prend du temps. Elle en déduit qu’afin d’assurer la continuité de son activité, elle aurait dû bénéficier d’un délai supplémentaire de deux mois, correspondant à une nouvelle perte de marge brute de 63.694 euros.

Enfin, elle argue d’un troisième préjudice, tenant aux surcoûts de locations de véhicules et d’assurance qu’elle a dû engager dans l’urgence, à la suite de la rupture brutale de la relation commerciale établie, à des conditions tarifaires et commerciales très défavorables en l’absence de convention de compte. Elle précise que ces surcoûts se sont prolongés sur 12 mois (et même 24 mois) à compter du 20 mars 2014, lui occasionnant une perte de marge brute de 28,45% durant cette période, soit de 299.756 euros.

Elle en déduit qu’après compensation avec la somme de 149.810,05 euros dont elle est débitrice, la société Enterprise reste lui devoir une somme de 277.333,95 euros, et s’oppose à la demande d’intérêts au taux légal formée par l’intimée.

Par dernières conclusions notifiées le 15 juin 2017, la société Enterprise Holdings France demande à la cour de :

— dire recevables et bien fondées les sociétés Citer et CPLA en leurs conclusions (sic),

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

— condamner la société Publicab au paiement des intérêts au taux légal sur la somme en principal de 259.465,78 euros TTC à compter de la première mise en demeure en date du 14 mai 2014 et jusqu’à parfait paiement,

— condamner la société Publicab à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

Elle soutient qu’en sollicitant la restitution des véhicules à la date contractuelle, elle n’a fait qu’user du droit expressément stipulé à l’article 11 des conditions générales de location selon lequel le loueur se réserve le droit de refuser la prolongation de la location sans indemnité pour le locataire et avec obligation pour celui-ci de restituer immédiatement le véhicule. Elle précise que la société Publicab n’a pas souscrit de contrats de location de longue durée, qu’en refusant de restituer les véhicules, celle-ci s’est placée en situation d’infraction pénale de détournement, et que ladite société s’est en

outre abstenue de tout paiement. Elle conteste ainsi toute rupture brutale de la relation commerciale établie, la société Publicab étant seule à l’origine de la rupure des relations entre les parties.

Surabondamment, elle réfute les préjudices invoqués au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie. Elle conteste le lien de causalité entre la baisse de marge brute prétendument enregistrée entre avril 2014 et mars 2015 et les surcoûts allégués au titre de la location de véhicules. Elle relève que l’appelante ne produit aux débats que trois factures de location du mois d’avril 2014, que l’attestation de son expert comptable ne mentionne pas l’origine de la baisse de sa marge brute et que le seul taux de marge brute positif correspond à la période d’avril à juin 2014, au cours de laquelle la société Publicab a cessé de lui régler l’intégralité du coût des locations en cours.

S’agissant des factures, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris au titre des condamnations prononcées à l’encontre de la société Publicab. Elle soutient qu’à l’occasion de la restitution forcée des véhicules, l’appelante s’est délibérément soustraite à la signature des documents de fin de contrats concernant tous les véhicules, destinés à déterminer les éléments de facturation complémentaire dont l’état des véhicules, et que ladite société engage sa responsabilité sur le fondement des dispositions des articles 1731 et 1732 du code civil, mais également des conditions générales de location, la contestation résiduelle du quantum de la condamnation prononcée n’étant pas fondée.

***

MOTIFS :

Sur les factures :

Selon l’article 1134 du code civil, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

L’article 1731 du code civil dispose que 'S’il n’a pas été fait d’état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire'.

L’article 1732 du même code précise 'Il répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute'.

Selon l’article 3 des conditions générales de location, ' Le véhicule est livré en bon état apparent de marche (sous réserve des éventuels vices cachés) et de carrosserie avec pneumatiques en bon état, roue de secours (si le véhicule loué en est équipé) et accessoires. En signant le contrat, le locataire accepte le véhicule dans l’état où il se trouve et s’oblige à le restituer dans le même état de marche et de (mot illisible) avec les pneumatiques, roue de secours (si le véhicule loué en est équipé) et accessoire en bon état (…)'.

L’article 12 des conditions générales de location précise que 'La restitution du véhicule et de ses clés devra être effectuée pendant les heures d’ouverture des agences de location exclusivement aux comptoirs Interprise Rent a Car et uniquement au personnel en uniforme Interprise Rent a Car. Dans le cas où le locataire restituerait néanmoins le véhicule et ses clés en dehors des heures d’ouverture, le locataire en assurera la garde, les risques y afférent et le coût de la location jusqu’aux heures d’ouverture des centres de location. Dans le cas où les clés du véhicule seraient restituées dans une boîte à clés Enterprise Rent a Car, la responsabilité du locataire n’en sera pas pour autant dégagée et le locataire ne pourra donc pas bénéficier des dispositions prévues à l’article 6" (relatif aux protections supplémentaires d’assurances souscrites par le locataire).

Sur la condamnation prononcée en première instance, la société Publicab conteste la somme de 36.550,99 euros indûment mise à sa charge par les premiers juges aux motifs que celle-ci correspond

à des frais de réparation de véhicules qui ne lui seraient pas imputables en l’absence de constat contradictoire de l’état des véhicules, ainsi qu’à la franchise de 2.000 euros.

Cependant, il ressort des pièces produites aux débats, notamment des échanges entre les parties, en particulier des lettres recommandées avec demande d’avis de réception adressées par la société Enterprise les 30 avril 2014 et 12 mai 2014, que les véhicules ont été tardivement restitués par la société Publicab, au delà des délais prévus dans l’échéancier convenu entre les parties, qu’ils n’étaient toujours pas restitués en intégralité lors de l’introduction d’une action en référé, et ne l’ont été qu’à l’issue de l’ordonnance de référé ordonnant la restitution de six véhicules manquants, lesquelles circonstances établissent les difficultés de restitution des véhicules imputables à la société Publicab.

Il n’est justifié d’aucun procès de constat contradictoire de l’état des véhicules restitués, dont l’absence peut s’expliquer par les circonstances de restitution imputables à la société Publicab, sans qu’il soit établi par les pièces versées aux débats le refus express de celle-ci de procéder à ces actes. Cependant, ainsi que l’ont relevé à juste titre les premiers juges, la société Enterprise produit aux débats pour chacun des véhicules dont les réparations sont contestées par la société Publicab, un rapport d’expertise et/ou une facture de réparation émanant d’un tiers et attestant de la réalité des dommages constatés et de la réalisation des travaux de réparation, hormis pour un véhicule, dont le montant du devis de réparation est supérieur à la franchise de 2.000 euros qui a donc été retenue, frais auxquels se sont ajoutés des frais contractuels. Ces pièces ont été analysées avec pertinence par les premiers juges qui ont retenu une surfacturation par la société Enterprise de l’ordre de 6.119,88 euros HT sur la somme contestée par la société Publicab à hauteur de 43.446,67 euros.

La société Publicab qui, en sa qualité de locataire, a reçu les véhicules loués en bon état et répond des dégradations ou pertes des véhicules loués survenues pendant sa jouissance sauf à démontrer que celles-ci ont eu lieu sans sa faute, ce dont elle ne justifie nullement, engage sa responsabilité au titre des dégradations commises sur les véhicules loués et a donc été à bon droit condamnée par les premiers juges à en assumer le coût.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société Publicab à payer à la société Interprise une somme totale de 259.465,78 euros.

Il convient d’assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter de la présente décision, compte tenu de son caractère indemnitaire, ce en application des dispositions de l’article 1153-1 du code civil dans sa version applicable aux faits de l’espèce.

Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie :

Selon l’article L.442-6 I.5° du code de commerce, 'Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

5°De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n’était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l’économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure (…)'.

La rupture, pour être préjudiciable et ouvrir droit à des dommages et intérêts, doit être brutale c’est à dire effectuée sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords professionnels.

Le 13 septembre 2013, la société Publicab a ouvert un compte auprès de la société Citer, au titre d’une convention société n° 4070940 signée le même jour entre les dites sociétés. Elle a, depuis lors, loué un nombre important de véhicules auprès de l’intimée, lequel s’élevait à 64 le 20 mars 2014. En outre, et ainsi qu’il ressort de la lettre de mise en demeure adressée par la société Publicab à la société Enterprise le 18 avril 2014, la société Publicab, qui se fournissait exclusivement en véhicules auprès de la société Enterprise et a obtenu des tarifs préférentiels valables jusqu’au 31 août 2014, a engagé avec celle-ci des discussions afin de lui louer près de 300 véhicules, lesquels éléments ne sont pas contestés par ladite société.

Compte tenu de la continuité du courant d’affaires entre les parties depuis l’ouverture du compte de la société Publicab auprès de la société Enterprise, de la stabilité des relations entre les parties qui ont engagé des discussions en vue d’augmenter le nombre de véhicules loués, et de l’importance de cette activité pour la société Publicab qui se fournissait exclusivement auprès de la société Enterprise, les parties ont noué, depuis le 13 septembre 2013, une relation stable et durable. La société Publicab pouvait légitimement espérer que ladite relation se poursuivrait, ce quand bien même la location des véhicules se faisait sous forme de contrats à durée déterminée, de courte durée et non pas de longue durée, et l’article 11 des conditions générales de location permet au loueur de se réserver le droit de refuser la prolongation de la location sans indemnité pour le locataire, avec obligation pour ce dernier de restituer immédiatement le véhicule.

Il est ainsi justifié d’une relation commerciale établie nouée entre les parties depuis le 13 septembre 2013.

Par courriel du 20 mars 2014, la société Citer a sollicité de la société Publicab la restitution des 64 véhicules encore en location en lui indiquant qu’elle ne pouvait prolonger davantage ces locations et en lui rappelant les numéros d’immatriculation de ces véhicules, les noms des chauffeurs ainsi que les dates contractuelles de restitution, allant du 18 mars 2014 au 14 avril 2014.

La société Publicab ayant fait valoir être dans l’impossibilité de restituer les véhicules dans ces conditions, a sollicité, par courriel du 21 mars 2014, la restitution échelonnée des véhicules entre le 3 avril 2014 et le 14 avril 2014. Elle a obtenu l’approbation partielle du calendrier de restitution proposé, la société Enterprise acceptant la restitution des véhicules aux dates indiquées par la société Publicab pour les retours prévus avant le 15 avril 2014 (soit 43 véhicules), et du surplus des véhicules dont la restitution était réclamée entre le 17 et le 27 avril 2014 (soit 21 véhicules), au plus tard le 15 avril 2014.

La société Interprise a ainsi accordé à la société Publicab des préavis entre 14 jours et 26 jours selon les véhicules. La société Publicab a, de fait, bénéficié de préavis plus longs, n’ayant restitué que 5 véhicules le 18 avril 2014, ayant encore en sa possession 47 véhicules le 30 avril 2014, 35 véhicules le 2 mai 2014, 32 véhicules le 28 mai 2014, jour de l’assignation en référé, la totalité des véhicules n’ayant été restituée qu’ en exécution de l’ordonnance de référé rendue le 24 juin 2014.

Cette rupture de la relation commerciale établie est intervenue alors que ladite relation était ancienne de 6 mois et demi.

Il n’y a pas lieu de se référer, pour la détermination du préavis suffisant, au contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises, l’activité exercée par la société Publicab étant transport public routier de personnes, de location de voitures sans chauffeur, de voiturier, de publicité, et de conseil en communication.

Au regard de la faible ancienneté de la relation commerciale établie et du secteur d’activité concurrentiel concerné offrant de nombreux débouchés, les délais de 14 jours à 26 jours accordé à la société Publicab constituent des préavis suffisants, de nature à lui permettre de se réorganiser et de reconstituer sa flotte de véhicules loués, ce quand bien même elle se fournissait exclusivement en véhicules loués auprès de la société Enterprise. Il importe peu qu’elle ait, ou non, pu effectivement retrouver la même activité dans les délais impartis.

En l’état de préavis écrits et suffisants accordé à la société Publicab, la rupture de la relation commerciale établie ne présente aucun caractère brutal. La société Publicab a donc été à bon droit déboutée de ses demandes à ce titre par les premiers juges.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement dont appel seront confirmées s’agissant des condamnations prononcées au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Publicab échouant en ses prétentions sera également condamnée aux dépens exposés en cause d’appel. L’équité commande en outre de la condamner à payer à la société Enterprise une somme de 5.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 14 novembre 2016 dans l’ensemble de ses dispositions,

Y ajoutant,

DIT que la somme de 259.465,78 euros au paiement de laquelle la société Publicab est condamnée produira intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

CONDAMNE la société Publicab à payer à la société Enterprise Holding France une indemnité de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Publicab aux dépens exposés en cause d’appel.

La Greffière Le Président

X Y Z A

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