Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 18 décembre 2019, n° 18/19987

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 3, 18 déc. 2019, n° 18/19987
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/19987
Décision précédente : Tribunal de commerce de Bobigny, 27 mai 2013, N° 2011FO1310
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 18 DÉCEMBRE 2019

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/19987 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6JQC

Décisions déférées à la Cour :

Jugement du 28 mai 2013 – Tribunal de Commerce de BOBIGNY- RG n° 2011FO1310

Arrêt du 23 septembre 2016 – Cour d’Appel de PARIS- RG n° 13/14475

Arrêt du 30 mai 2018 – Cour de Cassation – Pourvois n° E 16-26.403 et E 16- 27.691

DEMANDERESSE A LA SAISINE

SAS NRJ agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 305 392 797

[…]

[…]

Représentée par Me Nadia Y-Z, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515, avocat postulant

Assistée de Me Rémy CONSEIL de la SELARL BARBIER ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0987, avocat plaidant

DÉFENDERESSE A LA SAISINE

SAS ATALIAN CLEANING anciennement dénommée TFN VAL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 399 506 641

[…]

[…]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, avocat postulant

Assistée de Me Eve DREYFUS de la SELAS DF ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque :

E1814, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 25 Juin 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre

Madame Sandrine GIL, conseillère

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 10 février 2011, la société SPECIAUX TRANSPORTS AERIENS ROISSY (STAR), aux droits de laquelle est venue la société TFN VAL, devenue la société ATALIAN CLEANING, a cédé à la société NRJ une branche de fonds de commerce de distribution de fret aérien sur la région Île de France.

Par une convention de prestation de services du 21 février 2011, la société STAR s’est engagée à mettre des locaux à disposition de la société NRJ contre rémunération.

La société NRJ a assigné la société STAR devant le tribunal de commerce de Bobigny le 14 septembre 2011 en vue de voir prononcer la nullité de l’acte de cession pour dol et erreur sur la substance, invoquant à titre subsidiaire le manquement de la société STAR à son obligation de délivrance et de garantie du fait personnel pour solliciter la résolution de l’acte de cession aux torts exclusifs de la société STAR. A titre reconventionnel, la société STAR a sollicité le paiement d’une indemnité d’occupation en exécution de la convention du 21 février 2011.

Par jugement assorti de l’exécution provisoire du 28 mai 2013, le tribunal de commerce de Bobigny a :

— débouté la société NRJ de l’ensemble de ses demandes et, en conséquence, de sa demande en nullité de la vente du fonds de commerce pour dol et pour erreur sur la substance, de sa demande de remise

des parties dans l’état où elles étaient au jour de la vente partielle du fonds ainsi que de sa demande en résolution de la vente partielle du fonds aux torts exclusifs de la société STAR,

— déclaré irrecevable la demande en paiement de la société STAR au titre de l’occupation des locaux,

— débouté la société STAR de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive,

— condamné la société NRJ aux dépens et à payer à la société STAR la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société NRJ a interjeté appel du jugement devant la cour d’appel de Paris.

Par arrêt du 23 septembre 2016, la cour d’appel de Paris a :

— Rejeté la demande de la société NRJ tendant à voir écarter des débats les conclusions signifiées par la société STAR le 31 mai 2016 et par la société TFN VAL le 1er juin 2016,

— Confirmé le jugement en toutes ses dispositions,

— Y ajoutant, condamné la société NRJ à payer à la société TFN VAL la somme supplémentaire de 6.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,

— Débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

— Condamné la société NRJ aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

La société NRJ et la société ATALIAN CLEANING ont formé un pourvoi en cassation.

Les pourvois ont été joints.

Par arrêt du 30 mai 2018, la chambre commerciale de la Cour de cassation :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande en nullité de la société NRJ de la vente de fonds de commerce pour dol, et en ce qu’il statue sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 23 septembre 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Paris.

Aux motifs que :

« Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter la demande d’annulation pour dol du contrat de cession formée par la société NRJ, l’arrêt retient que, professionnelle du transport, cette dernière ne pouvait ignorer que les transports de moteurs SNECMA effectués à la demande de l’un des clients cédés pouvaient relever de conditions d’assurance particulières et plus onéreuses, et que c’est en vain qu’elle reproche à la société STAR de lui avoir dissimulé ses propres conditions d’assurance et qu’elle invoque la dissimulation d’un contrat qui comporterait de prétendues clauses exorbitantes du droit commun ;

Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société NRJ qui faisait valoir que la société STAR lui avait dissimulé que le contrat d’assurance pour cette activité avait été négocié et conclu par le Groupe Atalian qui bénéficiait, pour l’ensemble des sociétés du groupe, de concessions inhabituelles de la part de l’assureur, et que les primes d’assurance étaient payées par la société mère du groupe et non par la société STAR elle-même, la cour d’appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;"

Par déclaration du 9 août 2018, la société NRJ a saisi la cour d’appel de Paris du renvoi.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 17 juin 2019, la société NRJ, SAS, demande à la cour de :

En application de l’arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2018,

' D’infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bobigny en ce qu’il a rejeté la demande de nullité de la société NRJ de la vente de fonds de commerce pour dol.

' De statuer à nouveau les dépens et l’article 700 du Code de procédure civil.

Statuant à nouveau sur ces points :

A titre principal, sur la nullité de la vente partielle de fonds

Vu les articles 1134, 1110 et 1116 du Code civil.

Vu l’article L.141-1 du Code de commerce.

' Dire et juger la vente partielle de fonds de commerce intervenue le 10 février 2011 entre la société Atalian Cleaning, venant aux droits de la société STAR, et la société NRJ nulle et de nul effet pour dol.

' Ordonner la remise des parties en l’état où elles se trouvaient avant la vente partielle de fonds et condamner la société AtalianCleaning, à payer à la société NRJ la somme de 736.397,71 € décomposée comme suit :

—  90.000 € au titre du prix de vente du fonds de commerce,

—  22.992,71 € au titre des frais d’acquisition,

—  623.405 € au titre des pertes d’exploitation jusqu’au 31 juillet 2013,

' Assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter de la signification de l’assignation.

Subsidiairement, dans l’hypothèse où, par extraordinaire, la Cour ne prononcerait pas la nullité de la vente partielle de fonds pour dol

Vu les articles 1134 et 1603 et suivants et 1184 du Code civil.

— Dire et juger que la société Atalian Cleaning, venant aux droits de la société STAR, a manqué à son obligation de délivrance.

— Dire et juger que la société Atalian Cleaning a manqué à son obligation de garantie du fait personnel.

— Prononcer la résolution de la vente partielle de fonds aux torts exclusifs de la société Atalian Cleaning.

— Assortir la résolution de la vente partielle de fonds des mêmes conséquences, mutatis mutandis, que la nullité de la vente partielle de fonds.

Infiniment subsidiairement

Vu l’article 1147 du Code civil.

— Condamner la société AtalianCleaning, venant aux droits de la société Star, à payer à la société NRJ la somme de 100.000 €, au titre de la perte des clients SDV et UTI.

En tout état de cause

— Rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de la société AtalianCleaning, venant aux droits de la société STAR.

— Condamner la société Atalian Cleaning, venant aux droits de la société STAR, à payer à la société NRJ la somme de 12.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

— Condamner la société AtalianCleaning, venant aux droits de la société STAR, aux entiers dépens de première instance et d’appel dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Y-Z, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 16 mai 2019, la SAS ATALIAN CLEANING demande à la Cour de :

— Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Bobigny en ce qu’il a débouté la société NRJ de l’ensemble de ses demandes et notamment de ses demandes en nullité de la vente de fonds de commerce pour dol et pour erreur sur la substance ;

— Dire et juger que la société ATALIAN CLEANING venant aux droits de la société STAR n’a commis aucun dol ;

— Dire et juger que la société ATALIAN CLEANING venant aux droits de la société STAR a rempli son obligation de délivrance ;

— Débouter la société NRJ de sa demande de résolution de la vente partielle de fonds de commerce ;

En conséquence,

— Débouter la société NRJ de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

— Condamner la société NRJ à une somme au titre de l’article 700 que cette dernière arbitre à 30.000 € ;

— Condamner la société NRJ aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction, pour ceux la concernant, au profit de Maître Patricia HARDOUIN – SELARL 2H AVOCATS et ce, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 juin 2019.

MOTIFS

Sur le périmètre de la cassation

La cour rappelle que l’arrêt rendu le 30 mai 2018 est une cassation partielle de l’arrêt du 23 septembre 2016 de la cour d’appel de Paris.

L’arrêt de la cour d’appel de Paris a été cassé en ce qu’il a rejeté la demande en nullité de la société NRJ de la vente de fonds de commerce pour dol et en ce qu’il a statué sur les dépens et l’article 700

du code de procédure civile.

Ces éléments sont, sans contestation des parties, dans le périmètre de la cassation partielle.

La cour d’appel a en revanche rejeté, après les avoir examinées sur le fond, les demandes subsidiaires de la société NRJ tendant à dire que la société Atalian Cleaning, venant aux droits de la société STAR, a manqué à son obligation de délivrance, à son obligation de garantie du fait personnel et voir prononcer en conséquence la résolution de la vente partielle de fonds aux torts exclusifs de la société Atalian Cleaning confirmant ainsi le jugement entrepris. Elle a également débouté la société NRJ de sa demande, formée en cause d’appel, de voir condamner la société Atalian Cleaning à lui payer la somme de 100.000 €, au titre de la perte des clients SDV et UTI au visa de l’article 1147 du code civil.

Ces demandes ne faisant pas partie du périmètre de la cassation partielle, elles n’ont pas être réexaminées par la cour de renvoi.

Par conséquent, l’objet du litige est circonscrit à la demande de nullité du contrat de vente pour dol ainsi que ses conséquences (remise des parties en l’état où elles se trouvaient avant la vente de fonds et condamnation indemnitaire au titre du prix de vente, des frais d’acquisition et des pertes d’exploitation), outre les demandes au titre de l’article 700 et des dépens.

Sur la demande de la société NRJ sur la nullité de la vente partielle du fonds de commerce pour dol

La société NRJ explique que dans le cadre de la cession partielle du fonds de commerce, la société STAR lui a cédé une activité de transport de moteurs d’avion exercée pour le compte de deux clients, les sociétés SDV et UTI ; que ce marché était soumis à des coûts et conditions d’assurance exorbitantes de droit commun dont elle n’a pas été informée et qu’elle n’a pu obtenir ; qu’en juillet 2013 elle a dû cesser l’exploitation de l’activité cédée en raison des pertes générées qui la mettaient en péril.

Elle fait valoir que:

— les montants de garantie d’assurance exigés par la société SDV pour le transport des moteurs SNECMA sont 250 fois supérieurs à ceux édictés par la loi LOTI de 1982 ;

— les compagnies d’assurance comme MMA, Axa et Helvetia attestent que les garanties demandées ne sont pas assurables ;

— les sociétés SDV et UTI l’ont déférencées faute d’assurance,

— la société STAR, professionnelle, savait que les exigences des sociétés SDV et UTI, principaux clients du fonds cédé, excédaient les normes professionnelles en vigueur, mais lui a garanti dans l’acte de cession qu’il n’existait aucun contrat écrit ou oral avec un fournisseur, fabriquant ou client comportant des clauses exorbitantes du droit commun, ce qui est une déclaration mensongère.

Elle critique le jugement qui a considéré, à l’instar de la société ATALIAN CLEANING, qu’elle était un professionnel ne pouvant ignorer les obligations d’assurance spécifiques en matière de transport de moteurs d’avion SNECMA, expliquant qu’elle est un transporteur routier traditionnel sans expérience du transport de moteurs d’avion.

Elle ajoute que la société STAR lui a caché qu’elle bénéficiait d’accords particuliers ou de concessions inhabituelles de son assureur, les contrats d’assurance étant souscrits au nom du groupe ATALIAN dont elle faisait partie ; que la SAS ATALIAN CLEANING a refusé de lui communiquer les contrats d’assurance arguant de leur nature confidentielle ; que le groupe ATALIAN paie une

prime globale pour toutes ses filiales. Elle met en doute la facture produite par la SAS ATALIAN CLEANING concernant le paiement des primes ainsi que l’attestation du cabinet DIOT relative au montant des primes d’assurance payées dans le domaine du transport de moteurs d’avion.

La SAS ATALIAN CLEANING réplique justifier du fait que les primes étaient payées par la société STAR et non par le Groupe ATALIAN. Elle fait valoir que la société NRJ professionnelle du transport, bien que régulièrement informée qu’une partie essentielle de l’activité cédée consistait dans le transport de moteurs d’avion ne disposait pas d’assurances adaptées ; qu’elle n’a posé aucune question sur ce point dans le cadre de la cession ; que le montant des garanties varie en fonction de la nature et de la valeur des marchandises transportées ; qu’il n’y a pas d’obligation d’information entre professionnels du même secteur. Elle soutient que la couverture d’assurance pour le transport de moteurs d’avion s’élève entre 8 000 et 40 000 euros annuels, ce qui n’est pas exorbitant ; que d’ailleurs la société NRJ a pu s’assurer, contrairement à ce qu’elle prétend, puisque la société SDV l’a de nouveau référencée en 2012 ; qu’elle ne démontre donc pas l’impossibilité de s’assurer en raison du coût.

La SAS ATALIAN CLEANING fait également valoir que :

— l’obligation de contracter une assurance spécifique en vue de transport de marchandises de valeur ne peut être considérée comme exorbitante ;

— le fait que les sociétés SDV et UTI sollicitent un montant de garantie excédant la clause type de la loi LOTI du 30/12/1982 n’est pas de nature à qualifier la clause litigieuse d’exorbitante de droit commun d’autant que la société NRJ se réfère au contrat type LOTI prévu pour des marchandises génériques qui ne s’applique pas à des marchandises spécifiques comme les moteurs d’avion.

La cour rappelle que par application de l’article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, 'Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté, il ne se présume pas et doit être prouvé'.

Selon l’article 1.4 de l’acte de cession de fonds de commerce, relatif à l’information sur la situation générale du fonds, la cédante déclare qu’il 'n’existe aucun contrat écrit ou oral avec un fournisseur, fabriquant ou client comportant des clauses exorbitantes du droit commun'.

Il ressort de l’acte de cession partielle de fonds de commerce qu’a été cédé à la société NRJ un fonds de commerce de distribution de fret aérien réalisée sur la région administrative Ile de France ; qu’il est bien précisé que la cession ne porte pas sur les autres activités de la société STAR, à savoir notamment la distribution de fret hors région Ile de France, les activités de traction, de navette et d’affrètement. Les parties ne discutent pas qu’il s’agit d’une activité de distribution par route de fret aérien. Il est également admis par les parties que les deux principaux clients de l’activité cédée sont les sociétés SDV et UTI pour l’activité de transport de moteurs d’avion SNECMA, ce que n’ignorait pas la société NRJ lors de la cession.

Il est précisé que le transfert de propriété du fonds cédé ainsi que le transfert de jouissance devaient intervenir le 1er mars 2011.

L’activité cédée est celle de distribution par route de fret aérien ; étant un professionnel important du transport routier, la société NRJ ne peut, comme l’a relevé le jugement entrepris, soutenir ignorer que le transport de moteurs d’avion SNECMA effectué pour le compte des sociétés SDV et UTI puisse s’effectuer selon des modalités spécifiques incluant une couverture d’assurance adaptée et le cas échéant plus onéreuse eu égard à la nature du bien transporté ; que la société NRJ déclare d’ailleurs dans l’acte de cession 'être parfaitement informée de la situation de la branche d’activité cédée et de la situation actuelle en terme d’affaires, étant elle-même un professionnel du secteur'. Il s’ensuit que

eu égard à la nature sensible du bien transporté, la société NRJ spécialisée dans le transport public de marchandises, location de véhicules industriels avec chauffeur et commissionnaire de transport selon l’extrait Kbis, réalisant selon ses écritures un chiffre d’affaires de 19.143.000 euros en 2011, ne pouvait s’attendre à des conditions d’assurance de même nature que pour le transport de marchandises de moindre valeur et sans spécificité particulière.

Les contrats types issus de la loi du 30 novembre 1982 dite LOTI ne s’appliquent qu’en cas d’absence de contrat de transport écrit entre les parties. Ses dispositions sont donc supplétives. Les dispositions que la société NRJ cite, issues du décret du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type applicable aux transports routiers de marchandises pour lesquelles il n’existe pas de contrats spécifiques, n’ont pas vocation à s’appliquer aux contrats conclus avec les sociétés SDV et UTI eu égard à la nature spécifique du bien transporté.

Si la société NRJ se prévaut du caractère inhabituel des garanties d’assurance sollicitées par la société SDV, se référant à un avis de M. X de la MMA et du courtier d’assurance GUEMASUR, la cour observe que le montant des garanties exigées (7.500.000 par objet et 15.000.000 euros par sinistre) par la société SDV est en rapport avec la nature de l’objet transporté, produit de valeur et sensible et doit s’apprécier par rapport à la nature de l’activité cédée à la société NRJ.

Dans ces conditions, l’obligation de contracter une assurance spécifique pour le transport de moteurs d’avion par voie terrestre ne constitue pas une clause exorbitante du droit commun dès lors qu’elle se rattache à l’activité même qui a été cédée à la société NRJ professionnelle du secteur.

Il est exact que la SAS ATALIAN CLEANING n’a pas versé aux débats le contrat d’assurance que la société STAR aurait le cas échéant souscrit pour pouvoir procéder au transport des moteurs d’avion confiés par les sociétés SDV et UTI. Comme l’indique la société NRJ, il résulte des écritures d’incident en date du 9 juin 2015 de la société TFN-VAL, venant aux droits de la société STAR et aux droits de laquelle se trouve aujourd’hui la SAS ATALIAN CLEANING, que la société TFN-VAL a admis lors de l’incident de communication de pièces, que les contrats d’assurance sont 'le résultat des négociations et éventuelles concessions consenties par l’assureur dont la nature confidentielle exige qu’elles ne soient pas rendues publiques’ ; que les contrats d’assurance du groupe ATALIAN sont des contrats 'groupes’ conclus au bénéfice de l’ensemble des sociétés.

Toutefois, la SAS ATALIAN CLEANING a pu justifier dans le cadre de la présente instance de ce que la société STAR réglait une surprime d’assurance semestrielle de 3000 euros pour le transport de moteurs d’avion SNECMA en produisant un avis d’échéance pour la période du 01/09/2010 au 01/03/2011, la prime pour les trafics ordinaires étant de 11 000 euros sur cette période ; qu’il s’ensuit que la surprime n’était pas réglée par le groupe ATALIAN comme le prétend la société NRJ mais directement par la société STAR, pour une activité de transport assurée auprès de la compagnie HELVETIA comme cela est précisé dans l’avis d’échéance auquel est joint le chèque de règlement établi par la société STAR.

Si le libellé de l’avis d’échéance fait apparaître comme l’indique la société NRJ un intitulé de prime 'Trafic SDV/Snecma', il n’en demeure pas moins qu’il s’agit de la prime d’assurance pour l’activité de transport de la société STAR, décomposée en une prime relative aux trafics ordinaires et une prime pour le transport de moteurs d’avion SNECMA.

En l’état la société STAR ne justifie pas du paiement de surprime relative à l’activité UTI.

La cabinet DIOT, courtier en assurance, a précisé qu’une prime d’assurance relative à l’assurance responsabilité contractuelle d’un transporteur public ou d’un commissionnaire de transport pour des produits sensibles à hauteur de 7.500.000 par objet et 15.000.000 euros par sinistre pourra varier entre 8 000 euros et 40 000 euros en fonction notamment de la nature et de l’étendue des garanties

souscrites, de la taille de la société et des compagnies consultées.

Il n’est pas démontré l’inexactitude de l’attestation du cabinet DIOT, les montants de garanties correspondant bien à ceux exigés par la société SDV dans son courriel en date du 8 avril 2011 adressé à la société NRJ et celle-ci ne rapporte pas la preuve que la fourchette indicative relative au montant de la prime d’assurance en la matière serait erronée, ni d’ailleurs que le montant des primes d’assurance en matière de transport routier de moteurs d’avion soit excessif.

En outre, si la société NRJ produit pour le 'trafic SDV’ des refus de la société HELVETIA et d’AXA ASSURANCE de l’assurer, par attestation du 25 janvier 2012 le directeur de l’agence SDV a déclaré qu’en avril 2011, le référencement de la société NRJ a été suspendu parce qu’elle n’avait pas produit l’attestation responsabilité civile professionnelle nécessaire pour assurer les trafics confiés, mais qu’après s’être conformée à leur procédure groupe, elle était de nouveau référencée au sein de leur agence ; qu’il s’ensuit que la société NRJ, qui ne démontre pas que ladite attestation serait de complaisance, a pu pour l’année 2012 s’assurer dans les conditions exigées par la société SDV.

La cour relève que s’agissant de l’activité de transport pour la société UTI, la société NRJ n’a pas produit les montants de garantie réclamée par celle-ci, ni de refus d’assurance concernant plus particulièrement l’activité de transport pour le compte de la société UTI. Néanmoins, il est vraisemblable s’agissant d’une activité de même nature que celle effectuée pour le compte de la société SDV que les mêmes garanties étaient demandées.

Enfin sur le grief tiré du fait que la société STAR ait pu bénéficier d’accords particuliers ou de concessions inhabituelles de son assureur en raison de son appartenance au groupe ATALIAN, la cour observe qu’effectivement la surprime d’assurance semestrielle de 3 000 euros réglée par la société STAR pour le transport des moteurs d’avion SDV/SNECMA est inférieure à la fourchette indicative donnée par le cabinet DIOT, ce qui laisse supposer qu’elle a effectivement pu bénéficier de concessions consenties par l’assureur au groupe ATALIAN pour bénéficier de conditions avantageuses de prix.

Mais la société NRJ ne rapporte pas la preuve que si elle avait su que la société STAR bénéficiait de primes d’assurance avantageuses quant au transport de moteurs d’avion auxquelles elle ne pouvait prétendre, elle n’aurait pas acheté le fonds. Elle ne démontre pas davantage qu’elle n’aurait pas été en capacité de régler les primes d’assurance qu’elle aurait eu à payer pour répondre aux exigences de la société SDV, qu’elle a d’ailleurs payé dans le cadre du référencement en 2012, ni le cas échéant pour la société UTI, ni que leur coût aurait mis en péril son activité de sorte qu’elle échoue à rapporter la preuve de ce que les conditions et prix de l’assurance pour l’activité de transport des moteurs d’avion auraient été une condition déterminante de son consentement.

La cour relève que la société NRJ ne se prévaut pas des autres moyens qui avaient été soulevés à l’appui de sa demande de nullité de la cession partielle du fonds de commerce pour dol en première instance. Elle n’évoque pas davantage l’erreur sur la substance soulevée en première instance à l’appui de la demande de nullité de la cession du fonds de commerce de sorte que sur ce moyen de nullité de la cession, la cour renvoie au jugement entrepris.

Par conséquent le jugement de première instance qui a rejeté la demande de nullité de la cession de fonds de commerce sera confirmé. La société NRJ sera par conséquent déboutée de ses demandes subséquentes de remise des parties en l’état où elles se trouvaient avant la vente partielle de fonds et de condamnation de la société ATALIAN CLEANING à lui payer la somme de 736.397,71 euros.

Comme il a été dit précédemment , les demandes subsidiaires et infiniment subsidiaires de la société NRJ ne sont pas dans le périmètre de la cassation partielle de sorte qu’elles n’ont pas à être examinées par la cour de renvoi.

Sur les demandes accessoires

L’équité commande d’infirmer le jugement entrepris et de dire n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu’en cause d’appel. La société NRJ succombant en première instance, sa condamnation aux dépens sera confirmée. Succombant également en son appel, elle sera condamnée aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et dans les limites de sa saisine,

Vu l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 23 septembre 2016,

Vu l’arrêt de la cour de cassation du 30 mai 2018 ayant cassé partiellement l’arrêt précité,

Dit que la demande subsidiaire de voir prononcer la résolution de la vente partielle de fonds aux torts exclusifs de la société ATALIAN CLEANING pour manquement aux obligations de délivrance et de garantie du fait personnel et infinim ent subsidiaire de voir au visa de l’article 1147 du code civil condamner la société AtalianCleaning à payer à la société NRJ la somme de 100.000 €, au titre de la perte des clients SDV et UTI ne sont pas dans le périmètre de la cassation partielle de la Cour de cassation ;

Confirme le jugement entrepris sauf sur l’article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant

Déboute en conséquence la société NRJ de ses demandes de remise des parties en l’état où elles se trouvaient avant la vente partielle de fonds et de condamnation de la société ATALIAN CLEANING à lui payer la somme de 736.397,71 euros,

Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société NRJ aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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