Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 11 décembre 2019, n° 17/20660

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 15, 11 déc. 2019, n° 17/20660
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/20660
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 28 septembre 2017
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 15

ORDONNANCE DU 11 Décembre 2019

(n° 80 , 20 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 17/20660 (appel) auquel est joint le RG 17/20662 (recours)- N° Portalis 35L7-V-B7B-B4NT4

Décisions déférées : Ordonnance rendue le 29 Septembre 2017 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Procès-verbal de visite et saisies en date du 17 octobre 2017 Pris en exécution de l’Ordonnance rendue le 29 Septembre 2017 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, AJ AK-AL, Conseillère à la Cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article 450-4 du code de commerce ;

assistée de AE AF, greffier présent lors des débats et du prononcé ;

MINISTERE PUBLIC : L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Madame Brigitte GARRIGUES, avocat général.

Après avoir appelé à l’audience publique du 06 Novembre 2019 :

LA SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE AD D, AB X ET R B

Elisant domicile au cabinet de Me BOCCON GIBOD Matthieu

[…]

[…]

r e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477

assistée de Me Sébastien DOMINGUEZ du cabinet AYACHE SALMA, avocat au barreau de Paris

APPELANTE ET REQUERANTE

et

L’AUTORITE DE LA CONCURRENCE

prise en la personne de sa présidente

[…]

[…]

représentée par Monsieur Abdénour TOUZI-LUOND, dûment mandaté

INTIMÉE ET DEFENDERESSE AU RECOURS

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience 06 Novembre 2019, l’avocat de la requérante et le représentant de l’Autorité de la concurrence ;

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience 06 Novembre 2019, Madame Brigitte GARRIGUES, avocat général entendue en son avis

Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 11 Décembre 2019 pour prononcé en audience publique, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 462 du Code de procédure pénale.

Avons rendu l’ordonnance ci-après :

FAITS ET PROCEDURE

le 29 septembre 2017, le Juge des libertés et de la détention de PARIS ( ci après JLD) a rendu une décision en application des dispositions de l’article L450-4 du code de commerce, suite à la requête de l’Autorité de la concurrence en date du 25 septembre 2017, accordant une ordonnance de visite et de saisie dans les locaux des sociétés suivantes :

— Conseil supérieur du S (ci- après CSN ) […], […] et les associations, sociétés et organisations professionnelles sises à la même adresse,

— Association pour le développement du service notarial ( ci-après ADSN) , […], et les associations, sociétés et organisations professionnelles sises à la même adresse,

— ADSN , […], et les associations, sociétés et organisations professionnelles sises à la même adresse,

— Chambre interdépartementale des notaires du ressort de la Cour d’appel de Nancy, […]

de la Ravinelle, […], et les groupements ou associations de notaires sis à la même

adresse ;

— Société civile professionnelle, H I, J E, L M et N O,

notaires associés, titulaire d’un office notarial, […], […] ;

— Chambre interdépartementale des notaires de Basse Normandie, […],

[…], et les groupements ou associations de notaires sis à la même adresse;

— Conseil régional des notaires de la Cour d’appel de Rennes, […], 35064

RENNES, et les groupements ou associations de notaires sis à la même adresse ;

— Chambre départementale des notaires d’Ille et Vilaine, mail P Q, 35043

RENNES, et les groupements ou associations de notaires sis à la même adresse ;

— Chambre interdépartementale des Notaires de Franche Comté, […]

BESANCON, et les groupements ou associations de notaires sis à la même adresse ;

— Me Thierry F, titulaire d’un office de notaire, […], […],

[…] ;

— Chambre départementale des notaires de la Loire, […], […]

ETIENNE, et les groupements ou associations de notaires sis à la même adresse ;

—  Société civile professionnelle J. D , M. X et R B, notaires associés, titulaire d’un office notarial, […], […] ;

— Chambre interdépartementale des notaires de Maine et Loire, de la Mayenne et de la

Sarthe, […], […], et les groupements ou associations de notaires sis à la même adresse ;

— Chambre interdépartementale des notaires de la Vienne et des Deux Sèvres, Bâtiment

Futuropolis […], […], et les

groupements ou associations de notaires sis à la même adresse ;

— Conseil régional des notaires de la Cour d’appel d’Orléans, […]

ORLEANS, et les groupements ou associations de notaires sis à la même adresse ;

— Chambre départementale des notaires de l’Oise, […], […], et

les groupements ou associations de notaires sis à la même adresse ;

— Chambre interdépartementale des notaires de la Savoie et de la Haute Savoie, […]

du Viéran, Proméry, […], et les groupements ou associations de notaires sis a la

même adresse ;

Cette ordonnance était rendue à l’appui d’une requête présentée suite à une demande d’enquête en date du 18 septembre 2017 relative aux pratiques susceptibles d’être relevées dans le secteur des prestations de service à destination des notaires signée par Stanislas MARTIN, rapporteur général de l’Autorité de la concurrence ( ci après ADLC), aux fins d’établir si lesdites entreprises , notamment celles titulaires d’un office notarial , et les organisations professionnelles susvisées auraient mis en oeuvre des pratiques de nature à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence et/ ou

auraient abusé d’une position dominante dans le secteur des prestations de T à destination des notaires, se livrant ainsi à des pratiques prohibées par les articles L420-1 , 1°, 2°, 3° et 4° et L 420-2 du code du commerce et 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ( Ci – après TFUE).

A l’appui de cette requête était jointe une liste de 60 pièces ou documents annexes.

Il était rappelé que la profession notariale est une profession juridique réglementée ( article 2 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du S), que l’activité des notaires est exercée pour partie en monopole et pour partie en concurrence avec d’autres professions ( notamment négociation et expertises immobilières), que selon un avis de l’Autorité de la concurrence du 9 juin 2016, si les offices notariaux tirent une part modeste de leur chiffre d’affaires de la négociation mobilière, cette activité dé- tarifée est désormais identifiée comme l’un des ressorts de croissance de la profession , que le président du CSN a en 2016 encouragé les offices notariaux à développer cette activité, que la profession notariale a souhaité développer une activité commerciale de fourniture de prestations de T aux notaires, en particulier pour accompagner le développement de l’activité de négociation et d’expertise immobilières des offices notariaux, qu’à cette fin elle a favorisé la création et le développement de l’association ADSN, dont l’objet statutaire est la fourniture de produits et de T visant à la 'mise en oeuvre de tous moyens en vue de l’amélioration et du développement des T rendus et de la sécurité donnée par le S à sa clientèle, sous quelque forme que ce soit'.

Il ressortait des pièces que l’ADSN contrôlait 5 filiales dont elle est l’unique actionnaire ( MIN. NOT, PUBLI.NOT, Y, CIL. NOT , A (dont l’objet était notamment la gestion et la promotion de sites internet, l’animation d’un réseau immobilier, la gestion de la base de données PERVAL, la diffusion de documents et la publication de documents internes au S, la gestion de fichiers centraux de la profession, la gestion du service télé@ctes et de la mise en oeuvre des échanges dématérialisés entre offices notariaux, la fournitures de conseils aux offices pour leur stratégie de communication numérique et pour la maîtrise du risque informatique et libertés, l’intervention auprès de la CNIL), l’ADSN et ses filiales ( le groupe ADSN) exercent des activités en monopole et des activités en concurrence avec d’autres entreprises ( prestations de T utiles au développement de l’activité des offices notariaux en matière de négociation et d’expertise immobilière, publication de magazines, diffusion d’annonces immobilières, fournitures de logiciels, supports de communication …) et notamment avec la société S T et sa filiale S 2000 ( désigné comme le groupe S T) , spécialisées dans la fourniture des prestation de T aux notaires ( éditions de magasines de communication concernant les activités des notaires et les biens immobiliers, diffusion d’annonces, édition du site internet 'immonot.com’ diffusion d’annonces immobilières en application de contrats de multidiffusion, gestion d’une plate forme informatique, logiciel de négociation immobilière et de’expertise immobilière…).

Dans le cadre de leur activité concurrentielle les filiales de l’ADSN disposent d’une position préférentielle pour établir et développer des relations commerciales avec la clientèle des notaires du fait de la proximité existant entre le groupe ADSN et la profession notariale , son conseil d’administration est composé d’anciens membres du bureau du CSN ou d’anciens présidents du CSN, le directeur général du CSN participe aux réunions du conseil d’administration, cette association entretient avec le CSN des liens étroits, cela pourrait lui permettre de détenir une position dominante sur certains marchés où elle exerce une activité concurrentielle.

Selon les enquêteurs de l’Autorité de la concurrence, le groupe ADSN ainsi que les instances notariales visées auraient mis en place des agissements illicites visant à préempter et à verrouiller l’accès au secteur des prestations de T à destination des notaires, au bénéfice de l’ADSN et de ses filiales, en tentant d’en exclure certains de leurs concurrents dont le groupe S T .

Ainsi, en premier lieu, une confusion serait entretenue par l’ADSN et ses filiales entre elles et les instances officielles de la profession du S (annexe 7), lors d’intervention à l’égard d’instances notariales locales elle se prévalerait de son appartenance à la profession notariale et jetterait le doute sur les prestations fournies par des concurrents.

En deuxième lieu, des conseils régionaux et des chambres départementales ou interdépartementales de notaires ou certains de leurs représentants auraient incité leurs membres à mettre fin à leurs relations commerciales avec le groupe S T , pour favoriser le développement des filiales de l’ADSN ( Conseil régional et chambres départementales visés en annexe 8.1, en annexe 4, annexe 8.2, 8.3 , 8.4, 8.5, 8.6 et 8.7) , certaines instances auraient donné des instructions et consignes pour rompre toute relation commerciale avec le groupe S T , suivies d’effets ( annexes 8.9, 8.10, 8.11, 8.13, 8.14).

En janvier 2014, AG -AH AI, PDG de S T , a écrit au Président du CSN ( Pierre -U V), pour attirer son attention sur la situation de rupture des relations commerciales que subissait son groupe du fait d’agissements précités, la réponse a été apportée la 7 mai 2014 par le vice président d’ ADSN (MIN NOT) disant qu’il n’ y avait aucune directive ou politique dans ce sens.

En troisième lieu, certaines instances notariales auraient obligé leurs membres à souscrire des offres de prestations de T auprès des filiales de l’ADSN en le liant dans certains cas à d’autres prestations de T ( annexe 9.1 et 9.2), incitant ainsi les notaires à résilier des contrats conclus avec des concurrents de MIN NOT, tel que S T ( annexe 9.4 et 9.5)

En quatrième lieu, les filiales de l’ADSN , en particulier MIN NOT commercialiseraient certaines prestations des T à des prix bas, inférieurs à leurs coûts, afin de favoriser artificiellement une baisse des prix de ces prestations pour évincer leurs concurrents du marché, tout en compensant ces pertes grâce aux ressources tirées d’activités exercées en monopole ( annexe 4, annexe 9.1, 10).

En cinquième lieu, REAL .NOT, filiale de l’ADSN , profiterait d u fait qu’elle gère le réseau informatique interne au S( réseau REAL), le serveur et les adresses de messagerie de l’ensemble des offices notariaux pour dégrader l’accès des études notariales à certains sites internet et le débit des sites de certains offices notariaux hébergés par des entreprises concurrentes (annexes 11.1, 11.2, ,11.3, 4, ).

En sixième lieu, MIN. NOT et le CSN chercheraient à limiter l’efficacité et l’utilité du logiciel d’expertise immobilière ' immonotexpert’ commercialisé par S T , en utilisant à mauvais escient les données de la base PERVAL qu’elle exploite, le CSN qui est seul habilité à délivré une reconnaissance TEGoVA permettant aux office d’avoir accès à un expert, refuserait de délivrer cette attestation aux offices qui utiliseraient le logiciel’ immonotexpert', obligeant ainsi les offices à utiliser un logiciel commercialisé par MIN .NOT (annexe 5.1 , annexe 4, 12.1, 12.3, 12.4).

En septième lieu, MIN .NOT aurait utilisé La notoriété de la marque 'immonot’ pour améliorer le référencement de son propre site immobilier sur Google ( annexes 13) et aurait refusé d’établir une passerelle permettant la multidiffusion d’annonces immobilières depuis son site vers le site immonot.com , alors que l’établissement d’une passerelle en sens inverse avait recueilli l’accord du groupe S service (annexe 4, 14.1, 14.2).

Le JLD de Paris indiquait que ces différents types de comportement, s’il sont avérés, risquaient de limiter l’accès au groupe S T au secteur des prestations de T destinées aux notaires, qu’il ne pourrait être exclu que ces comportements ne limitent l’accès d’autres entreprises concurrentes du groupe ADSN à ce secteur et que ces entreprises seraient ainsi privées des moyens d’exercer normalement leur activité , en raison de pratiques d’exclusion ou de pratiques discriminatoires, celles-ci étant mises en oeuvre par des instances notariales, des offices notariaux et

par le groupe ADSN qui est susceptible d’occuper une position dominante sur certains marchés du secteur précité.

Le JLD indiquait que l’ensemble de ces agissements sembleraient constituer les premiers éléments d’un faisceau d’indices laissant présumer l’existence de comportements d’instances notariales, d’offices notariaux et du groupe ADSN, visant à verrouiller tout ou partie des marchés du secteur des T destinés aux notaires, que de tels comportements seraient susceptibles de limiter, fausser, voire anéantir le jeu de la concurrence dans le secteur considéré et de relever des pratiques prohibées par les articles L420-1 , 1°, 2°, 3° et 4° et/ou L 420-2 du code du commerce et 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ( Ci – après TFUE), que la portée des présomptions est suffisante au regard des qualifications prévues dans les articles précités, que la recherche de la preuve de ces pratiques apparaît justifiée.

Il estimait que l’énumération des agissements pour lesquels il existe des présomptions quant à un éventuel accord anticoncurrentiel et / ou un abus de position dominante n’est probablement pas exhaustive, ceux mentionnés dans la présente ordonnance n’étant que des illustrations de pratiques prohibées dont la preuve est recherchée dans le secteur concerné , que rien n’interdit de retenir comme éléments de présomptions des faits non prescrits des documents ou éléments d’information datant de plus de 5 ans.

Il estimait que le recours aux pouvoirs de l’article L450-4 du Code de commerce constituait le seul moyen d’atteindre l’objectif recherché et que les opérations de visite et de saisie n’apparaîtraient pas disproportionnées au regard de l’objectif à atteindre , il délivrait une ordonnance de visite et de saisie.

Il délivrait une commission rogatoire pour les opérations devant avoir lieu en dehors du ressort de sa juridiction aux JLD d’Aix En Provence, Nancy, Caen, Rennes, Besançon, Vesoul, […], Angers, Poitiers, Orléans, Beauvais et Annecy dans le ressort desquels lesdites opérations auraient lieu, les JLD désignés devant exercer le contrôle sur les opérations de visite et de saisie jusqu’à leur clôture, et désigner à cette fin les chefs de service de police ou de gendarmerie territorialement compétents pour nommer les OPJ.

* * *

Par ordonnance du 10 octobre 2017, le JLD du TGI de Saint-Etienne désignait le chef de service territorialement comptent ( Madame Z, commissaire, chef de la sûreté départementale de la Loire 42 ) pour nommer les OPJ pour assister aux opérations de visite et de saisie.

*Les opérations de visite et de saisie se déroulaient dans les locaux de la Société civile professionnelle J. D , M. X et R B, notaires associés, titulaire d’un office notarial, […], […], le 17 octobre 2017 de 9H40 à 15H, en présence de R B, notaire, et occupant des lieux, qui désignait W AA en tant que représentant de l’occupant des lieux durant une partie de la visite.

* * *

la Société civile professionnelle J. D , M. X et R B, notaires associés, titulaire d’un office notarial, interjetait appel de l’ordonnance du JLD de Paris du 29 septembre 2017 (Actes d’ appel enregistrés à la Cour d’Appel le 31 octobre 2017) ( RG 17/20660) et formait un recours contre lesdites opérations de visite et de saisie. Le recours était enregistré à la Cour d’Appel le 31 octobre 2017, sous les numéros de RG 17/ 20662.

L’affaire a été initialement audiencée pour être plaidée au fond à la date du 16 janvier 2019 à 9H.

Le 19 décembre 2018, Le Conseil supérieur du S, l’ADSN , les sociétés MIN. NOT,

PUBLI.NOT, Y, CIL. NOT et A, ont déposé au greffe de la Cour d’Appel de Paris un mémoire destiné à formuler une question prioritaire de constitutionnalité ( enregistrée sous le numéro 18/28150) .

Par ordonnance du 19 juin 2019, notre juridiction a dit n’ y avoir lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation et a renvoyé l’examen des affaires au fond à l’audience du mercredi 6 novembre 2019 à 9H.

L’affaire a été plaidée le 6 novembre 2019 et mise en délibéré pour être rendue le 11 décembre 2019.

* * *

SUR l’APPEL

• Par conclusions du 13 avril 2018 et conclusions en réplique déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS en date du 30 novembre 2018, la SCP AD D, AB X et R B fait valoir:

A ' Selon l’ordonnance, les pratiques alléguées auraient été mises en 'uvre par l’ADSN et certaines de ses filiales, certaines instances notariales et/ou leurs représentants, ce que ne sont pas la SCP, l’ADANOL et M. B

1 ' Il ressort de l’ordonnance que les pratiques alléguées auraient été mises en 'uvre uniquement par l’ADSN et certaines de ses filiales, certaines instances notariales et/ou leurs représentants

Il est fait valoir que l’ordonnance considère que seules l’ADSN, certaines de ses filiales et certaines instances notariales auraient mis en place des agissements illicites et que l’affirmation de l’Autorité de la concurrence, selon laquelle il ne s’agirait que d’une simple erreur de plume, n’est pas convaincante, dès lors que la même prétendue erreur se retrouve dans la requête et la présentation détaillée des pratiques prohibées ne mentionne aucun office notarial.

Par ailleurs, lorsque l’Autorité argue que l’adresse de l’appelante aurait pu être visitée « simplement en tant que lieu susceptible d’abriter des éléments matériels de preuve », elle se contredit elle-même car elle indique que son rapporteur général « a demandé au JLD de PARIS l’autorisation (') aux fins d’établir si ladite entreprise se livre à des pratiques prohibées ».

Enfin, le fait que l’ordonnance mentionne les locaux des entreprises, notamment celles titulaires d’un office notarial, est indifférent, dès lors qu’elle ne fait état d’aucun indice les concernant.

2 ' La SCP, l’ADANOL et M. B ne font pas partie du groupe ADSN et ne sont pas des instances notariales ou des représentants d’une instance notariale

Il est argué que M. B n’est mentionné que dans un seul paragraphe de l’ordonnance, au sein d’une partie qui décrit la deuxième des huit pratiques alléguées. Quant à la SCP ou ADANOL, elles ne sont pas mentionnées parmi les auteurs présumés de cette deuxième pratique. En outre, s’agissant du département de la Loire dans lequel sont sis les locaux de la SCP, le paragraphe indique « des consignes auraient été données en 2012 et 2013, par des représentants d’instances notariales pour rompre toute relation commerciale avec le groupe S T ». Or, M. B n’a jamais exercé de fonction de représentation d’une instance notariale. Dès lors, la SCP et M. B ne faisant pas partie du groupe ADSN et n’étant pas des instances notariales ni des représentants de telles instances, l’ordonnance ne pouvait pas autoriser les opérations de visite et saisie dans les locaux de la SCP au titre que la SCP et/ou M. C auraient mis en 'uvre les pratiques alléguées.

Il est précisé que même lorsqu’il était président de l’ADANOL, M. B n’était pas un représentant d’instance notarial, l’ADANOL étant un simple groupement de notaires, sans fonction de représentation ou de contrôle au sein de l’Ordre des notaires.

S’agissant des tentatives de l’Autorité de trouver des justifications à rebours, il est fait valoir que non seulement ni la requête ni l’ordonnance ne contiennent d’indices susceptibles de soutenir la thèse d’un prétendu « passage de relais » entre M. B et M. D, mais l’ordonnance ne mentionne même pas l’hypothèse selon laquelle M. B aurait « passé le relais à Me D en qualité de président de la chambre départementale des notaires de la Loire, tout en continuant lui-même à diffuser par la suite lesdites consignes en qualité de président de l’ADANOL ».

Ainsi, l’ADLC ne peut valablement justifier les opérations de visite et saisie a posteriori devant la Cour, en tentant de rattraper les manquements de l’ordonnance.

B ' L’ordonnance ne met pas en cause la SCP

Il est encore argué que la SCP a fait l’objet d’opérations de visite et saisie alors qu’elle n’était pas visée par les présomptions.

C ' L’ordonnance ne met pas en cause M. B en tant qu’associé de la SCP

Il est souligné que M. B est visé par l’ordonnance non pas du fait de sa qualité d’associé de la SCP mais puisqu’il aurait exercé « des fonctions importantes au sein de la chambre de notaire ou du conseil régional ou du groupement de négociation immobilière dont [il] dépendait ». L’ordonnance ne distingue pas entre les trois notaires qu’elle mentionne à cet égard (MM. E, F et B) et ne précise pas l’entité au sein de laquelle M. B aurait occupé « des fonctions importantes ». Dès lors, l’ordonnance aurait dû limiter la visite domiciliaire aux locaux de l’ADANOL et ne pas les autoriser dans ceux de la SCP.

D ' La qualité d’ancien Président de l’ADANOL de M. B ne présente pas de lien avec la SCP

Il est soutenu que l’ordonnance ne justifie pas en quoi des opérations de visite et saisie concernant d’éventuels actes de l’ADANOL, dont M. B a été le Président, devaient avoir lieu au sein de la SCP.

E ' En tout état de cause, l’ordonnance ne contient aucun indice suffisant pour justifier les opérations de visite et saisie dans les locaux de la SCP

1 ' Présentation des deux documents auxquels renvoie l’ordonnance en ce qui concerne les opérations de visite et saisie dans les locaux de la SCP

Il est argué que l’annexe 8.8 de la requête (« courriel du 5 novembre 2012 d’un notaire du département de la Loire à une employée de S T en version non confidentielle ») empêche de s’assurer que ce courriel émane effectivement d’un notaire. En tout état de cause, cette annexe mentionne dans une seule phrase le « président de l’association ADANOL » et en aucun cas, le groupe ADANOL, une instance notariale ou un représentant d’une telle instance.

De surcroît, l’annexe 8.9, qui se compose de deux compte-rendus réalisés par S T, ne mentionne qu’une seule fois M. B en tant que « nouveau président de groupement » (l’ADANOL), sans que le lien entre la prétendue demande de M. B en juillet 2012 et les consignes émanant de la Chambre des Notaires de la Loire « de ne rien faire avec S T » en mars 2013, soit nullement établi.

2 ' Les deux documents auxquels renvoie l’ordonnance en ce qui concerne les opérations de visite et

saisie dans les locaux de la SCP ne constituent pas un faisceau d’indices suffisant

Il est fait valoir que deux éléments succincts tels que les annexes 8.8 et 8.9, dont une créée par S T, ne suffisent pas à fonder des présomptions d’agissements frauduleux à l’encontre de la SCP, l’ADANOL ou M. B, et qu’au terme du contrôle de proportionnalité, le JLD aurait dû conclure que l’autorisation demandée pour une visite domiciliaire dans les locaux de la SCP, était disproportionnée au regard des éléments présentés.

F ' En l’absence de tout indice sérieux permettant de présumer que la SCP, l’ADANOL ou M. B se livrent à des pratiques illicites, l’ordonnance sera annulée

Il est argué que la visite menée dans les locaux de la SCP porte atteinte au droit au respect du domicile privé, prévu par l’article 8 de la CESDH, dans la mesure où elle était disproportionnée par rapport au but visé.

En conclusion, il est demandé de:

— annuler l’ordonnance du 29 septembre 2017 rendue par le JLD du TGI de PARIS autorisant le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence à faire procéder aux visites et saisies prévues par les dispositions de l’article L. 450-4 du code de commerce dans les locaux de la SCP AD D, AB X et R B, notaires associés, titulaire d’un office notarial sis 2, rue du Général Foy 42002 SAINT-ETIENNE;

En conséquence,

— ordonner la restitution des pièces saisies le 17 octobre 2017 dans les locaux de la SCP AD D, AB X et R B, en faisant défense à l’administration et l’Autorité de la concurrence de les utiliser directement ou indirectement, en original ou en copie;

— condamner l’Autorité de la concurrence à verser à la SCP AD D, AB X et R B la somme de 20.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

— condamner l’Autorité de la concurrence aux entiers dépens.

Par conclusions en date du 3 octobre 2018, l’Autorité de la concurrence fait valoir:

A ' Sur les auteurs des pratiques présumées au stade de l’autorisation des opérations de visite et de saisie

Il est d’abord soutenu que l’oubli des entreprises titulaires d’un office notarial, en page 7 de l’ordonnance, constitue une simple erreur de plume qui s’avère être sans emport, dès lors que celles-ci sont citées tant dans les motifs que dans le dispositif de l’ordonnance.

En effet, il ressort de l’ordonnance (pages 1, 14, 15 et suivantes) que le JLD a inclus les entreprises titulaires d’un office notarial dans le champ des investigations, soit en tant que lieu susceptible de contenir des documents ou supports d’information en lien avec l’enquête en cours, soit en tant qu’entreprise ayant accepté, de manière expresse ou tacite, de participer au boycott du groupe S T.

Par ailleurs, en ce qui concerne plus précisément le deuxième agissement illicite soupçonné, à savoir la volonté d’interrompre les relations commerciales avec le groupe S T au profit de l’ADSN et ses filiales (pages 8 à 10 de l’ordonnance), rien ne permet d’exclure que Me B ait commencé à donner des consignes, à partir de 2012 en tant que président de l’ADANOL, pour

écarter S T, pour ensuite passer le relais à Me D en qualité de président de la chambre départementale des notaires de la Loire, tout en continuant lui-même à diffuser lesdites consignes, en qualité de président de l’ADANOL. Il est argué que le fait que l’ADANOL ne soit pas une instance notariale est sans incidence sur l’autorisation de visiter la chambre départementale des notaires de la Loire ainsi que l’office notarial de la SCP.

Il est également rappelé que le JLD de PARIS a retenu des éléments de fait permettant de suspecter Me B d’avoir participé aux pratiques anticoncurrentielles présumées, selon la méthode du faisceau d’indices, validée à maintes reprises par la jurisprudence. Ainsi, le comportement de Me B, président de l’ADANOL, a été rapproché et confronté non seulement à celui de la chambre départementale des notaires de la Loire mais aussi aux agissements d’autres notaires, dans d’autres régions ou départements.

Le parallélisme des comportements de plusieurs personnes détenant des fonctions importantes, passées ou actuelles, au sein des conseils régionaux, chambres départementales ou interdépartementales, associations ou groupements de notaires a pu fonder une présomption simple d’entente et/ou d’abus de position dominante de la part du groupe ADSN et de ses filiales ainsi que de certaines entités du S, visant à verrouiller tout ou partie du secteur des prestations de T destinées aux notaires.

C’est donc à tort que l’appelante examine isolément les pièces produites par l’Autorité.

En outre, si Me B peut être présumé avoir participé aux agissements suspectés lorsqu’il était président de l’ADANOL, il ne peut être exclu qu’il ait stocké et conservé des documents ou supports d’informations relatifs à son activité en tant qu’ancien président de l’ADANOL dans ses locaux professionnel habituels, à savoir les locaux de la SCP, dont il est associé-dirigeant.

B ' Sur l’absence de mise en cause de la SCP, titulaire de l’office notarial, ou de Me B en sa qualité d’associé de celui-ci

Il est d’abord rappelé qu’au stade de l’autorisation de visite et saisie, aucune accusation n’est portée à l’encontre des entreprises visées par une enquête.

Par ailleurs, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le juge peut autoriser des visites et saisies en tous lieux, même privés, dès lors qu’il constate que des documents se rapportant à des pratiques anticoncurrentielles présumées sont susceptibles de s’y trouver.

De surcroît, au cas présent, la SCP, dont Me B est associé, était visée par les investigations en tant que lieu susceptible d’abriter des documents et/ou supports d’informations relatifs à l’enquête en cours, et Me B, en tant que notaire associé, était également visé pour avoir vraisemblablement appliqué les instructions de boycott concernant S T qu’il diffusait à tous les notaires membres de l’association ADANOL.

Enfin, la distinction artificielle que l’appelante cherche à introduire entre Me B, notaire président de l’ADANOL, et la SCP et son associé Me B ne saurait prospérer dans la mesure où ces deux entités interviennent dans le domaine de la négociation immobilière.

Il découle de tout ce qui précède que Me B pouvait parfaitement faire l’objet d’une visite domiciliaire à l’adresse indiquée, le fait qu’il ne soit pas le seul notaire au sein de la SCP ou que l’ordonnance s’intéresse principalement à un seul des trois notaires de la SCP étant sans emport sur le bien-fondé de l’autorisation.

C ' Sur la prétendue absence de lien entre la SCP, titulaire de l’office notarial et la qualité de président de l’ADANOL de Me B

Il est argué que le lien entre la qualité de Me B de président de l’ADANOL et l’office notarial dont est titulaire la SCP réside dans la qualité de notaire de Me B.

Ainsi, Me B, président de l’ADANOL, a pu donner des consignes de boycott à tous les notaires associés de la SCP.

D ' Sur le caractère suffisant de l’indice justifiant la visite du bureau de Me B sis dans les locaux de la SCP

Il est fait valoir qu’au stade de l’autorisation de visite et saisie, il n’y a pas lieu de rechercher si les éléments constitutifs de telle ou telle infraction sont réunis.

En effet, selon une jurisprudence établie, l’Autorité n’a pas à produire des éléments de preuve des pratiques anticoncurrentielles mais seulement des indices qui, par leur addition, leur rapprochement et leur confrontation, aboutissent à une ou plusieurs présomptions simples d’agissements prohibés. Par ailleurs, il ne saurait être reproché au JLD de fonder son appréciation sur un ou deux documents, dès lors qu’une seule pièce peut suffire pour emporter la conviction du juge, conformément à la jurisprudence.

Il est argué que, contrairement aux allégations de l’appelante, la version non confidentielle de l’annexe 8.8 permet de s’assurer que ce courriel émane effectivement d’un notaire dans la mesure où son adresse email finit par « notaires.fr », seuls les nom et prénom dudit notaire ayant été occultés.

La lecture conjointe de ce document datant du 5 novembre 2012 et du compte-rendu téléphonique du 3 juillet 2012 mentionnant Me B comme auteur présumé des consignes de résiliation (annexe 8.9) permet de s’assurer que le président de l’association ADANOL auquel il est fait référence est bien Me B.

D’ailleurs, le PV de l’assemblée générale extraordinaire de l’association ADANOL du 7 février 2012, lors de laquelle Me B a été élu président, confirme cette information.

Quant à la pièce 8.9, elle a été recueillie par l’Autorité de la concurrence conformément aux dispositions de l’article L. 450-3 du code de commerce et comprend deux compte-rendus qui contiennent des informations concordantes sur les directives qui ont été données aux notaires par les présidents de la chambre départementale des notaires de la Loire et de l’ADANOL.

Il est soutenu que ces pièces constituent des éléments d’information suffisants et pertinents justifiant des opérations de visite et saisie.

E ' Sur la prétendue absence de proportionnalité de la mesure ordonnée par le JLD

Il est d’abord fait valoir que l’Autorité n’avait pas à rendre compte de son choix de recourir à la procédure dite « lourde » de l’article L. 450-4 du code de commerce, laquelle n’a pas un caractère subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées.

Par ailleurs, la visite autorisée avait notamment pour objet de vérifier si le comportement suspecté de Me B était motivé par la volonté d’empêcher ou de limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par des entreprises autres que le groupe ADSN.

Dans ces conditions, seule la visite inopinée de ses locaux professionnels pouvait permettre de vérifier la volonté de l’association ADANOL et/ou de son président et/ou d’instances notariales d’affecter le libre jeu de la concurrence.

Enfin, il est rappelé que l’article L. 450-4 du code de commerce n’a jamais été remis en cause par la

jurisprudence européenne et nationale.

En conclusion, il est demandé de:

— confirmer l’ordonnance d’autorisation rendue le 29 septembre 2017 par le JLD du TGI de PARIS;

— rejeter toutes les prétentions de l’appelante;

— condamner la SCP au paiement de 20 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par avis du 5 novembre 2019, le ministère public soutient :

A- La suspicion établie par l’ordonnance d’autorisation de pratique anticoncurrentielle de la part de la requérante.

L’ordonnance attaquée n’indique pas que Maitre B, la SCP ou l’ADANOL feraient partie de l’ADSN ou des instances notariales ou de représentants de telles instances ou que Maitre B en qualité de notaire serait convaincu d’avoir participé directement à l’agissement soupçonné, mais aux termes de la requête il est vraisemblable que les documents utiles à la preuve recherchée se trouvent dans les locaux des offices notariaux de R B qui parait avoir participé aux agissements suspectés lorsqu’il exerçait des fonctions importantes au sein de la chambre des notaires ou du conseil régional ou du groupement de négociation immobilière dont il dépendait, la SCP est ainsi visée en tant que lieu susceptible d’abriter des éléments matériels de preuve. L’ordonnance du JLD n’exclut pas les entreprises titulaires d’un office notarial du champ des investigations, soit en tant que lieu susceptible de contenir des documents ou supports d’information en lien avec l’enquête, soit en tant qu’entreprises ayant participé à l’exclusion des prestations de S T .L’ appel au boycott de ce groupe réalisé par des représentants d’offices notariaux ou groupement d’instances notariales est caractérisé au regard du nombre de résiliation des contrats mentionné dans l’ordonnance. Ainsi l’ordonnance du JLD a relevé le comportement suspect de plusieurs notaires ( notamment R B) de part leurs fonctions au sein d’instances notariales ou de groupements de notaires spécialisés dans la négociation immobilière . L’agissement illicite soupçonné est décrit et analysé de la page 8 à 10 de l’ordonnance afin d’évincer S T des prestations.

Maitre B , président de l’ADANOL, aurait donné des instructions en ce sens en 2012 et 2013, Maitre D, président de la chambre départementale de Notaires jusqu’en juin 2013 est mis en cause pour avoir donné les mêmes consignes en mars 2013. Le fait que l’ADANOL ne soit pas une instance notariale n’a pas d’incidence. Le JLD de Paris a retenu un faisceau d’indices permettant de suspecter Maitre B d’avoir participé à la mise en oeuvre de pratiques anticoncurrentielles présumées , celui-ci étant désigné dans plusieurs annexes de l’ordonnance.

Le Ministère public rappelle que l’association ADANOL et la chambre départementale des notaires de la Loire se sont désistées des appels et des recours introduits devant la CA de Paris.

B – La SCP , titulaire de l’office notarial, ou son notaire associé, maitre B, étaient susceptibles d’abriter des éléments de nature à établir une pratique anticoncurentielle.

La Cour de Cassation permet au JLD d’autoriser des visites et saisies en tous lieux, même privés, dès lors qu’il constate que des documents se rapportant à des pratiques anticoncurrentielles présumées sont suceptibles de s’y trouver. La SCP dont Maitre B est associé est visée par les investigations en tant que lieu susceptible d’abriter des documents et supports d’information intéressant l’enquête, de plus maitre B est visé pour avoir vraisemblablment appliqué les instructions de Boycott, qu’il diffusait à tous les notaires membres de l’association ADANOL.

C -Des liens existaient entre la SCP, titulaire de l’office notarial et la qualité de président de l’ADANOL de Maitre B.

Il ressort de la requête qu’il y a un lien entre la qualité de président de l’ADANOL de Maitre B et la SCP, que Maitre B parait avoir participé activement aux agissements suspectés lorsqu’il exerçait des fonctions importantes au sein de la chambre des notaires, du Conseil régional ou du groupement de négocation immobilière dont il dépendait, et qu’il est vraisemblable que les documents utiles à la preuve recherchée se trouvent dans les locaux des offices notariaux de R B.

D- L’existence d’un indice justifiant la visite de l’office notarial de la SCP est caractérisée par le JLD.

Le juge doit apprécier si au vu des éléments qui lui sont fournis, il existe des présomptions simples d’agissements prohibés sans qu’il soit nécessaire d’exiger une preuve suffisante de chacun d’eux pris isolément ( Cass crim. 8 novembre 2017). En l’espèce les pièces de l’annexe 8.8 et 8.9 combinées démontrent que Maitre B est l’auteur des consignes de résiliation et de directives données aux notaires de la Loire , malgré l’anonymisation de certaines pièces transmises par la société S T, par souci de préserver le secret des affaires et d’ éviter des mesures de représailles aux personnes physiques. Ces éléments d’information sont suffisants et pertinents par rapport aux pratiques présumées et justifient la mesure de vérification ordonnée dans les locaux professionnels de Maitre B.

E- la proportionnalité de la mesure ordonnée par le JLD.

Il est rappelé que l’ADLC n’a pas à justifier son choix de recourir à la procédure de l’article L 450-4 du Code de commerce qui n’a pas de caractère subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées ( Cass crim dun 4 mai 2017 N° 16-81061) .

En l’espèce les visites et saisies ordonnées n’ont aucun caractère disproportionné et ne portent pas atteinte à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ( CESDH) .

S’agissant du principe de proportionnalité , il ne peut y avoir violation des principes de l’article 8-1 de la CEDSH, dès lors que la mesure ordonnée est justifiée par l’article 8-2.

En la matière, la mis en oeuvre du droit de communication ou des pouvoirs simples de l’article L450-3 du code de commerce ne ferait en définitive qu’alerter les entreprises et organisations professionnelles suspectées qui pourraient prendre des mesures pour faire disparaître des locaux les documents compromettants , seule une action concertée et simultanée permet de trouver des éléments de preuve ( Cass crim du 16 juin 2011).

En conclusion, le ministère public invite la Cour d’Appel à confirmer l’ordonnance d’autorisation rendue le 29 septembre 2017 par le JLD du TGI de Paris.

SUR LE RECOURS

Par conclusions du 13 avril 2048 au soutien du recours et par conclusions en réplique en date du 30 novembre 2018, la société civile professionnelle requérante fait valoir:

A ' Les opérations de visite et saisie menées dans les locaux de la SCP auraient dû être menées par un magistrat et en présence d’un représentant de l’Ordre des notaires.

Selon une jurisprudence constante, les dispositions de l’article 56, alinéa 3 du code de procédure

pénale prévoyant le respect du secret professionnel et des droits de la défense s’appliquent aux visites domiciliaires.

Il découle de ce texte et de la jurisprudence que toute visite domiciliaire dans un office notarial requiert la présence d’un représentant de l’Ordre des notaires et d’un magistrat.

En l’espèce, seul un officier de police judiciaire (ci-après OPJ) était présent, aucun représentant de l’Ordre des notaires n’ayant assisté à la visite, ni aucun magistrat, ainsi qu’en atteste le procès-verbal en date du 17 octobre 2017.

Par conséquent, il y a eu violation des dispositions impératives applicables.

Il est précisé que s’agissant de dispositions impératives, il est sans importance que M. B « ne pouvait ignorer qu’il pouvait via l’OPJ saisir le JLD du TGI de SAINT-ETIENNE en cas de contestation sérieuse portant sur le secret professionnel des notaires ou les droits de la défense », comme le soutient l’Autorité.

B ' Une copie complète des documents saisis au cours des opérations de visite et saisie aurait dû être remise à la SCP dès lors que les documents originaux ont été saisis et ne pouvaient plus être consultés par la SCP.

1 – De nombreux documents originaux ont été saisis par l’Autorité sans que cette dernière en laisse une copie à la requérante.

Il est indiqué qu’il ressort de l’inventaire que deux scellés ont été constitués par les agents de l’Autorité: le scellé n° 1 contenant des documents placés sous cotes 1 à 183 et le scellé n° 2 contenant des documents placés sous cotes n° 1 à 141.

Selon le procès-verbal, les rapporteurs ont remis à M. B, en tant qu’occupant des lieux, « copie des documents figurant en inventaire sous le scellé 1, cotes 1 à 8, 47 à 53, 57 à 70, 91 à 95, 97 à 98, 147 à 148, 155 à 159 et 161 à 163 ».

Il s’en déduit que les documents figurant dans le scellé n° 1 sous les cotes 9 à 46, 54 à 56, 71 à 90, 96, 99 à 146, 149 à 154, 160 et 164 à 183 et dans le scellé n° 2 n’ont pas fait l’objet d’une copie remise à la requérante.

Si les documents figurant dans le scellé n° 2 sont issus de l’ordinateur de M. B et y sont donc restés disponibles sous format électronique, le cas des documents contenus dans le scellé n° 1 est différent puisque les originaux ont été saisis par les rapporteurs de l’Autorité et aucune copie n’a été remise à la SCP à l’issue des opérations de visite et saisie.

Il est cité plusieurs jurisprudences et notamment une décision de la Cour de cassation selon laquelle le juge doit constater que les documents saisis ont été « identifiés et inventoriés, selon des modalités permettant à la société, à laquelle une copie des fichiers avait été remise, d’en connaître précisément la teneur et d’invoquer, dans le cadre de son recours, le cas échéant, les éléments de nature à établir que certaines pièces saisies ne pouvaient l’être », sans distinguer selon le type de saisie (informatique ou papier).

2 -L’appelante n’a pu vérifier les documents en cause et n’a donc pu exercer les recours qu’elle aurait pu juger utiles.

L’absence de remise des copies saisies alors que l’entreprise visitée ne dispos plus des originaux empêche ladite entreprise de faire les vérifications.

Il est argué qu’il importe peu que l’ADLC remette maintenant à la requérante une copie des documents saisis, en annexe à ses observations, le principe du contradictoire et les droits de la défense ayant été irrémédiablement violés.

3 ' L’impossibilité pour l’appelante d’identifier les documents saisis a gravement violé les droits de la défense et le principe du contradictoire.

L’appelante n’a pas pu identifier de nombreux documents saisis.

La requérante dresse un listing des documents figurant dans le scellé n° 1, dont l’intitulé ne permet pas d’en connaître la teneur.

L’inventaire n’a pas permis à l’appelante d’identifier les pièces saisies.

Il ressort de la jurisprudence que les inventaires doivent permettre aux personnes visitées, avec la copie des pièces, d’identifier les pièces saisies afin d’en connaître le contenu et d’établir éventuellement dans le cadre de leur recours que certaines pièces saisies ne pouvaient l’être.

En l’espèce, la requérante n’a pas obtenu copie des documents contestés et l’inventaire ne permet pas d’identifier l’ensemble de ces documents.

Il est précisé que, dans un souci d’honnêteté, la SCP a pris le soin de ne pas demander l’annulation des documents originaux saisis (et non copiés) dès lors qu’elle pouvait les identifier et en obtenir une copie par ailleurs. Tel est le cas des documents 25 à 54 qui regroupent des magazines publics.

Ainsi la requérante demande l’annulation de la saisie de 110 cotes sur 137, dont les originaux ont été saisis et dont la copie ne lui a pas été remise.

4 ' L’Autorité a saisi sans justification des pièces qui ne constituaient pas un tout indissociable

Il est fait valoir que l’Autorité a saisi des pochettes cartonnées contenant divers documents, alors qu’il lui aurait été loisible d’en isoler des feuilles, sans dénaturer la pièce.

En conclusion, il est demandé:

A titre principal,

— d’annuler les opérations de visite et saisie effectuées le 17 octobre 2017 dans les locaux de la SCP AD D, AB X et R B;

— d’ordonner la restitution de l’intégralité des pièces saisies lors de ces opérations, en faisant défense à l’administration et à l’Autorité de la concurrence de les utiliser directement ou indirectement, en original ou en copie;

A titre subsidiaire,

— d’annuler la saisie des pièces saisies inventoriées sous scellé n° 1 sous cotes 9 à 24, 55 et 56, 71 à 89, 96, 99 à 146, 149 à 154, 160 et 164 à 182;

— d’ordonner la restitution de ces pièces en faisant défense à l’administration et à l’Autorité de la concurrence de les utiliser directement ou indirectement, en original ou en copie;

En tout état de cause,

— de condamner l’Autorité de la concurrence à verser à la SCP AD D, AB X et R B la somme de 20.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

de condamner l’Autorité aux entiers dépens.

Par conclusions du 3 octobre 2018 enregistrées au greffe de la Cour d’appel de PARIS en date du 8 octobre 2018, l’Autorité de la concurrence fait valoir:

I ' Sur les opérations de visite et saisie dans les locaux de la CP qui auraient dû être effectuées par un magistrat et en présence d’un représentant de l’Ordre des notaires

S’agissant de l’argument selon lequel la visite aurait dû être menée par un magistrat, il est d’abord soutenu que l’article L. 450-4, alinéa 9 du code de commerce renvoie à l’article 56 du code de procédure pénale uniquement pour les dispositions relatives à la réalisation des inventaires et mises sous scellés.

Par ailleurs, l’ordonnance du JLD du TGI de SAINT-ETIENNE du 10 octobre 2017 prévoyait bien la saisine du juge pendant les opérations et ses modalités (« Ordonnons aux officiers de police judiciaire désignés de nous tenir informé de leur déroulement et de toute contestation »), de sorte que Me B ne pouvait ignorer qu’il pouvait saisir le JLD du TGI de SAINT-ETIENNE via l’OPJ, en cas de contestation sérieuse portant sur le secret professionnel du notaire ou les droits de la défense.

Au cas présent, Me B, notaire expérimenté, n’a pas jugé bon de saisir le JLD durant les investigations.

Il est argué que le procès-verbal du 17 octobre 2017, en sa page 2, relate qu’à la fin des opérations, l’OPJ et les rapporteurs ont mis Me B en mesure de prendre connaissance et de se prononcer sur les documents sélectionnés afin de protéger le secret professionnel du notaire, de sorte qu’il ne saurait être valablement reproché à l’OPJ présent de ne pas avoir fait application de l’article 56, alinéa 3 du code de procédure pénale.

Il est également mis en exergue que l’article L. 450-4 du code de commerce ne comporte aucune référence à l’article 56-3 du code de procédure pénale et ne prévoit aucune procédure spéciale pour les visites et saisies effectuées dans un office notarial qui nécessiteraient qu’elles soient effectuées par un magistrat et en présence d’un responsable de l’ordre professionnel.

De surcroît, si l’article 56-3 du code de procédure pénale mentionne que les perquisitions dans le cabinet d’un notaire sont effectuées par un magistrat, c’est dans le cadre de la recherche d’infractions du code pénal, ce qui n’était nullement le cas en l’espèce.

S’agissant de l’argument suivant lequel la visite aurait dû se dérouler en présence d’un représentant de l’ordre des notaires, il est soutenu que sa présence n’avait pas lieu d’être puisque le secret professionnel du notaire n’était concerné que par une enquête purement économique d’entente et/ou d’abus de position dominante relative à l’activité marchande de transaction immobilière, où le notaire peut être aisément assimilé à un agent immobilier qui diffuse des annonces pour vendre ou louer des biens immobiliers.

Il est argué que si Me B avait souhaité faire appel à un représentant de la chambre des notaires à la quelle il appartient, ni l’OPJ ni les rapporteur ne s’y seraient opposés, comme cela s’est d’ailleurs produit pour son confrère Me E, qui a pu appeler un représentant de la chambre interdépartementale des notaires du ressort de la Cour d’appel de NANCY.

L’Autorité tient à rappeler que l s droit des enquêtes de concurrence ne relève pas du droit pénal, mais de la matière civile.

Contrairement aux affirmations de la requérante, l’article 56-3 du code de procédure pénale n’est pas une disposition impérative applicable aux opérations de visite domiciliaire du code de commerce, l’objectif d’une opération de visite et saisie en droit de la concurrence n’étant pas la recherche du secret professionnel du notaire et n’ayant aucun impact direct ou indirect sur ledit secret.

En outre, la requérante ne produit pas aux débats les pièces qui seraient couvertes par le secret professionnel du notaire.

II ' Sur l’absence de remise de copie de certains documents saisis en original

En premier lieu, l’article L. 450-4 du code de commerce ne prévoit pas d’obligation de remise d’une copie, partielle ou intégrale, des documents saisis. Seule une copie du procès-verbal et de l’inventaire doit être remise à l’occupant des lieux ou à son représentant, ce qui a été fait en l’espèce.

En deuxième lieu, l’aliéna 8 de l’article L. 450-4 du code de commerce dispose de la possibilité, pour l’occupant des lieux ou son représentant, de prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie. Il s’agit d’une possibilité et non pas d’une obligation.

Il ressort du procès-verbal du 17 octobre 2017 que Me B, occupant des lieux, a bien été mis en mesure de prendre connaissance des documents sélectionnés avant leur saisie.

S’agissant de documents qui appartenaient à Me B et qu’il connaissait au préalable car ils se trouvaient dans son bureau et sur son ordinateur, il est difficile de soutenir qu’il n’a pas été en mesure d’en « connaître le contenu ».

En troisième lieu, lorsque les rapporteurs de l’Autorité présents le jours de l’opération ont proposé à Me B de lui remettre copie de l’intégralité des documents sélectionnés, celui-ci a refusé et a souhaité conserver copie uniquement de certaines cotes, comme il est indiqué en page 10 du procès-verbal.

En tout état de cause, l’Autorité ne s’oppose pas à la communication des cotes non copiées le jour des investigations, qui sont versées aux débats en annexe n° 2.

En quatrième lieu, au rebours des allégations de la requérante, l’intitulé d’un document saisi dans l’inventaire n’a pas vocation à en faire connaître la teneur dans son exactitude. Seule l’analyse du contenu du document permet de vérifier s’il entre ou non dans le champ de l’autorisation judiciaire.

Enfin, des pochettes ont été saisies dans leur totalité par les rapporteurs de l’Autorité puisqu’elles comportaient des éléments d’information pour partie utile à l’enquête. Le fait que ces pochettes renfermaient plusieurs catégories de documents, compilés et relatifs au même événement est de nature à justifier la saisie de la pochette en son entier, conformément à la jurisprudence en vigueur.

En conclusion, il est demandé de:

— rejeter la demande, faite à titre principal, d’annulation des opérations de visite et saisie effectuées le 17 octobre 2017 et de restitution de l’intégralité des pièces saisies;

— rejeter la demande, faite à titre subsidiaire, d’annulation et de restitution de la saisie des pièces inventoriées sous cotes 9 à 24, 71 à 89, 96, 99 à 146, 149 à 154, 160 et 164 à 182, contenues dans le scellé n° 1;

— rejeter les autres prétentions de la requérante;

condamner la SCP au paiement de la somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par avis du 5 novembre 2019, le ministère public soutient :

La requérante demande l’annulation des opérations de visite du 17 octobre 2017 et la restitution de l’intégralité des pièces saisies ou d’une partie, au motif que les opérations auraient dû être effectuées par un magistrat et en présence d’un représentant de l’ordre des notaires et qu’une copie intégrale des documents saisis en original aurait dû lui être remise.

I – Les opérations de visite et de saisie dans les locaux de la SCP auraient dû être effectuées par un magistrat et en présence d’un représentant de l’ordre des notaires.

Les dispositions de l’article 56 et de l’article 56-3 du CPP ne sont pas applicables aux opérations de visite et de saisie effectuées en application de l’article L450-4 du code de commerce, l’article L450-4 al 9 du code de commerce renvoie à l’article 56 du CPP uniquement pour les dispositions relatives à la réalisation des inventaires et mises sous scellés, ce renvoi est exhaustif et saurait être étendu aux autres dispositions de l’article 56 du CPP notamment à son alinéa 3 qui est relatif au rôle de l’OPJ dans le cadre des perquisitions en procédure de flagrance des enquêtes pénales ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Cela est confirmé par la jurisprudence de la CA de Paris et la jurisprudence de la Cour de cassation, ( Cass crim du 21 mars 2018, N° 16-87193 , Cass crim 27 juin 2012, QPC n° 12-90028).

l’article L450-4 du code de commerce offre des garanties suffisantes lors des visites et saisies effectuées sur autorisation du JLD dans les offices notariaux: un OPJ sollicité par l’occupant des lieux ou son conseil pour une question relative au respect du secret professionnel et des droits de la défense informe immédiatement le JLD qui tranche la difficulté soulevée. Or au cours de la visite du 17 octobre 2017, Maitre B n’a pas saisi l’OPJ présent d’une demande particulière, ainsi qu’il aurait pu le faire , aucune réserve écrite n’a été communiquée à l’OPJ. L’article L450-4 du code de commerce ne prévoit ni la présence d’un magistrat ni celle de la personne responsable de l’ordre auquel appartient l’intéressé.

En tout état de cause, les opérations se sont déroulées sous le contrôle du JLD auquel il pouvait être référé à tout moment.

Dans l’office notarial seuls ont été saisis des documents en format papier dans le bureau de Maitre B ou imprimés depuis son poste informatique ( 324 cotes pour 53 pièces), dont Maitre B a pris connaissance avant la saisie sans relever leur caractère protégé, aucun élément probant n’est ici apporté pour justifier d’une atteinte au secret professionnel du notaire, lors de la cloture des opérations maitre B n’a fait aucune observation à ce sujet.

Aucun texte n’exige la présence de la personne responsable de l’ordre ou de l’organisation professionnelle, les garanties données par la procédure proposée par l’article L450-4 précité étant suffisantes et jugées comme telles en jurisprudence.

La jurisprudence de la CEDH offrant des 'garanties spéciales de procédure’ ne trouve pas à s’appliquer , l’article L450-4 du code de commerce, qui n’a jamais été remis en cause par la jurisprudence européenne, offrant toutes le garanties nécessaires.

II- Sur l’absence de remise de copie de certains documents saisis en original.

Cette critique est inopérante, l’article L 420-4 du code de commerce ne pose pas l’obligation de remettre une copie des documents saisis. Seule une copie du procès-verbal et de l’inventaire doit être remise à l’occupant des lieux ou à son représentant, conformément à l’alinéa 10 de l’article précité , ce qui a été fait en l’espèce. De plus il résulte du PV du 17 octobre 2017 que Maitre B a été en mesure de prendre connaissance des documents sélectionnés avant leur saisie , les rapporteurs de l’ADLC ont proposés à Maitre B de lui remettre copie de l’intégralité des documents sélectionnés, celui-ci a refusé et a souhaité conserver copie de certaines cotes uniquement ( ( page 10 du PV) .

En l’espèce la requérante restait en mesure d’examiner les documents saisis et d’exercer pleinement ses recours. La jurisprudence citée en matière de saisie informatique de fichier numériques ne trouve pas à s’appliquer car aucun ficchier n’a été saisi sous format numérique par l’utilisation d’un logiciel spécifique d’investigation.

La requérante soutient que l’inventaire dressé ne lui permettait pas de connaître la teneur des documents saisis. Elle critique l’énoncé de celui-ci arguant que tout ou partie de 6 documents du scellés 1, les intitulés de l’inventaire ne permettent pas de connaitre la teneur des documents saisis, notamment en l’absence de remise de copie de ceux-ci. Or l’inventaire a pour objet de mentionner des éléments relatifs aux documents saisis pour en pemettre l’identification. Ainsi, en possesssion du PV, de l’inventaire et de la copie des documents papier, chacun de ceux-ci peut être aisément identifié.

Concernant la description des documents dans l’inventaire il est de jurisprudence constante que 'l’article L 450-4 du Code de commerce et l’article 56 du code de procédure pénale n’exige pas la tenue d’un inventaire exhaustif consistant à mentionner chaque document saisi’ (CA de Paris, Premier président, 29 mai 2012 N° 10/23190, confirmé par Cass. Crim 27 novemebre 2013, N° 12-85830). La chambre criminelle de la Cour de cassation a admis la régularité de l’inventaire n’énumérant pas chaque document dès lors que ' tous les documents répertoriés dans les différents intitulés ont un rapport certain et direct avec la dénomination choisie’ (Cass crim 14 novemebre 2007, N° 05-85739).

Les documents ici répertoriés sous différents intitulés ont un rapport certain et direct avec la dénomination . La requérante critique certains intitulés de l’inventaire, notamment les dénominations de 'pochettes', or il est rappelé que ces pochettes ont été saisies dans leur totalité par les rapporteurs de l’ADLC dans la mesure où elles comportaient des éléments d’information pour partie utile à l’enquête, le fait qu’elles renferment plusieurs catégories de documents est de nature à justifier la saisie de la pochette dans on entier. En l’espèce maitre B a souhaité obtenir copie de certains documents à l’intérieur des pochettes, il ne peut être donc soutenu que Maitre B ne connaissait pas le contenu de documents appréhendés.

Ainsi l’absence de remise de copie de tout ou partie de certains documents saisis le jour des opérations ne peut établir, dans les conditions de l’opération réalisée, une violation des droits de la défense ou du droit du recours de la requérante, d’autant que la remise actuelle en procédure en Annexe 2, de l’ensemble des éléments concernés permet à la requérante qui dispose désormais d’une copie complète du scellé N° 1 et d’un inventaire papier, d’exercrer la plénitude de ses droits.

En conclusion, le ministère public invite la Cour d’Appel à rejeter la demande d’annulation des opérations de visite et de saisie effectuées le 17 octobre 2017 et de restitution de l’intégralité des pièces saisies, ainsi que la demande faite à titre subsidiaire d’annulation et de restitution de la saisie des pièces inventoriées sous cote 9 à 24, 71 à 89, 96, 99 à 146, 149 à 154, 160, 164 à 182 contenues dans le scellé N° 1.

SUR CE

Sur la Jonction :

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il convient en application de l’article 367 du Code de procédure civile et eu égard aux liens de connexité entre les affaires, de joindre les instances enregistrées sous les numéros de RG 17 /20660 ( appel) et RG N° 17 20662 (recours) , qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien (RG 17/20660).

SUR l’APPEL:

A – selon l’ordonnance, les pratiques alléguées auraient été mises en oeuvre par l’ADSN et certaines de ses filiales, certaines instances notariales et / ou leurs représentants, ce que ne sont pas la SCP, l’ADANOL ni monsieur B.

B- l’Ordonnance ne met pas en cause la SCP

C- l’ordonnance ne met pas en cause monsieur B en tant qu’associé de la SCP.

D- La qualité d’ancien président de l’ADANOL de monsieur B ne présente pas de lien avec la SCP.

E- en tout état de cause, l’ordonnance ne contient aucun indice suffisant pour justifier les opérations de visite et de saisie dans les locaux de la SCP.

F- en l’absence de tout indice sérieux permettant de présumer que la SCP, l’ADANOL ou maitre B se livrent à des pratiques illicites, l’ordonnance sera annnulée.

Il convient de relever que tous les moyens soulevés ( A B C D E F) visent à contester l’implication de Maitre B notaire et de la SCP D X B notaires associés, titulaires d’un office notarial, dans les faits de pratiques anticoncurentielles qui auraient été mises en oeuvre par l’ ADSN et ses filiales, que ces moyens seront regroupés.

En effet, il ressort de l’ordonnance du JLD de Paris que le rapporteur de l’Autorité de la concurrence fait état d’éléments d’information selon lesquelles, les entreprises notamment celles titulaires d’un office notarial et les organisations professionnelles visées dans la requête auraient mis en oeuvre des pratiques de nature à empêcher , restreindre ou fausser le jeu de la concurrence ou aurait abusé d’une position dominante dans le secteur des prestations de T à destination des notaires, dans leur activité en concurrence avec d’autres professions.

Si le rôle de l’ADSN et de ses filiales est décrit de façon précise et prépondérante dans l’ordonnance, il n’en demeure pas moins que l’enquête en cours a démontré la nécessité d’ effectuer des visites domiciliaires et des saisies dans les locaux de diverses entreprises titulaires d’un office notarial et des organisations professionnelles, que la SCP D X B notaires associés, titulaires d’un office notarial

, dont fait partie Maitre B, entre dans cette catégorie visée dans

l’ordonnance du JLD.

En ce qui concerne les indices permettant de présumer que la SCP, l’ADANOL ou Maitre B ont pu se livrer à des pratiques illicites, il convient de préciser qu’il ressort des pièces que R B, alors président de l’association ADANOL, a pu donner des instructions aux membres de l’ADANOL lors d’une réunion en octobre 2012 pour rompre les relations commerciales avec S T, que ces éléments ont été corroborés par des commerciaux de S T travaillant dans des offices du département de la Loire , que le nouveau Président du groupement aurait donné des consignes en ce sens courant 2012 et 2013 (annexe 8.8). Selon la pièce 8.9, il est fait état de deux compte-rendus qui contiennent des informations concordantes sur les directives qui ont été données aux notaires par les présidents de la chambre départementale des notaires de la Loire et de l’ADANOL.

Aux termes de la requête il est vraisemblable que les documents utiles à la preuve recherchée se trouvent dans les locaux de l’office notarial de R B qui parait avoir participé aux agissements suspectés lorsqu’il exerçait des fonctions importantes au sein de la chambre des notaires ou du conseil régional ou du groupement de négociation immobilière dont il dépendait, la SCP est ainsi visée en tant que lieu susceptible d’abriter des éléments matériels de preuve, de contenir des documents ou supports d’information en lien avec l’enquête.

Ainsi les pièces annexées à la requête de l’ADLC constituent des éléments d’information suffisants et pertinents justifiant des opérations de visite et saisie dans les locaux de la SCP D X B, notaires associés, titulaires d’un office notarial. Le JLD de Paris a retenu un faisceau d’indices permettant de suspecter Maitre B d’avoir participé à la mise en oeuvre de pratiques anticoncurrentielles présumées, celui-ci étant désigné dans plusieurs annexes de l’ordonnance (annexe 8.8).

Il est rappelé que l’ADLC n’a pas à justifier son choix de recourir à la procédure de l’article L 450-4 du Code de commerce qui n’a pas de caractère subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées (Cass crim dun 4 mai 2017 N° 16-81061) .

En l’espèce les visites et saisies ordonnées n’ont aucun caractère disproportionné et ne portent pas atteinte à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH) .

Ces moyens seront rejetés.

SUR LE RECOURS :

A- les opérations de visite et saisie menées dans les locaux de la SCP auraient du être menées par un magistrat et en présence d’un représentant de l’ordre des Notaires.

Il convient de rappeler que les opérations de visite et saisie menées le 17 octobre 2017 dans les locaux de la SCP AD D, AB X et R B sont intervenues dans le cadre de l’article L450-4 du code de commerce qui ne prévoit ni la présence obligatoire d’un magistrat, ni la présence d’un membre du Conseil de l’Ordre des Notaires, que l’article 56-3 du Code de procédure pénale qui concerne les perquisitions dans le cadre d’une enquête pénale dans le cabinet d’un notaire n 'est pas applicable en l’espèce.

L’article L450-4 du code de commerce prévoit que les visites et saisies peuvent avoir lieu sur autorisation judiciaire du JLD, que les opérations se réalisent sous l’autorité et le contrôle de ce magistrat, que celui-ci peut se rendre dans les locaux pendant l’intervention.

Selon la jurisprudence de la CA de Paris et la jurisprudence de la Cour de cassation, (Cass crim du 21 mars 2018, N° 16-87193, Cass crim 27 juin 2012, QPC n° 12-90028), l’article L450-4 du code de commerce offre des garanties suffisantes lors des visites et saisies effectuées sur autorisation du JLD dans les offices notariaux: un OPJ sollicité par l’occupant des lieux ou son conseil pour une question relative au respect du secret professionnel et des droits de la défense informe immédiatement le JLD qui tranche la difficulté soulevée.

La Cour de Cassation a refusé de renvoyer au Conseil Constitutionnel des questions prioritaires de constitutionnalité contestant la conformité de l’article L 450-4 du code de commerce à la Constitution, selon la Cour de cassation 'es dispositions contestées de l’article L450-4 du code de commerce assurent un contrôle effectif par le juge de la nécessité de chaque visite et lui donne les pouvoirs d’en suivre effectivement le cours, de régler les éventuels incidents et le cas échéant de mettre fin à la visite à tout moment, que les droits dont la méconnaissance est invoquée sont garantis, tout au long de la procédure, par l’intervention d’une juge judiciaire dont les décisions motivées sont

soumises à un recours effectif, et à qui il appartient d’assurer la conciliation entre les droits et libertés visés dans la question et les nécessités de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles'.

Ainsi, l’article L450-4 du code de commerce, qui n’a jamais été remis en cause par la jurisprudence européenne, offre toutes le garanties nécessaires.

Ce moyen sera rejeté.

B- une copie complète des documents saisis au cours des opérations de visite et saisie aurait du être remise à la SCP dès lors que des documents originaux ont été saisis et ne pouvaient plus être consultés par la SCP.

Il convient de rappeler que l’article L450-4 du code de commerce prévoit que 'une copie du procès-verbal et de l’inventaire est remise à l’occupant des lieux ou son représentant', qu’il n’est pas prévu la remise d’une copie complète des documents saisis, qu’au surplus il résulte du procès verbal du 17 octobre 2017 que R B, occupant des lieux a été en mesure de prendre connaissance des documents saisis,

qu’il est indiqué en fin de procès- verbal que les rapporteurs de l’ADLC ont remis copie de certains documents figurant en inventaire sous le scellés 1 à monsieur B qui avait souhaité conserver copie. Un inventaire des documents saisis a été rédigé et annexé au procès verbal., que selon ce procès verbal, une copie du PV et de ses annexes a été remise à R B, ce dernier a signé le procès verbal et n’a rédigé aucune réserve.

Concernant la contestation des dénominations données aux documents saisis dans l’inventaire, sous le nom de 'pochette', il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que 'l’article L 450-4 du Code de commerce et l’article 56 du code de procédure pénale n’exige pas la tenue d’un inventaire exhaustif consistant à mentionner chaque document saisi’ (CA de Paris, Premier président, 29 mai 2012 N° 10/23190, confirmé par Cass. Crim 27 novembre 2013, N° 12-85830). La chambre criminelle de la Cour de cassation a admis la régularité de l’inventaire n’énumérant pas chaque document dès lors que ' tous les documents répertoriés dans les différents intitulés ont un rapport certain et direct avec la dénomination choisie’ (Cass crim 14 novembre 2007, N° 05-85739).

Dans ces conditions, l’article L 450- 4 du code de commerce a été parfaitement respecté en ce qui concerne la saisie des documents.

Ce moyen sera rejeté.

En conséquence il y a lieu de confirmer l’ordonnance d’autorisation rendue le 29 septembre 2017 par le JLD du Tribunal de grande instance de Paris et de déclarer régulières les opérations de visite et saisies effectuées dans les locaux de la SCP D X B, notaires associés, titulaires d’un office notarial, […], […], en date du 17 octobre 2017.

En fin, aucune considération ne commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort

Ordonnons la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 17/20 660 et RG 17/20662 , sous le seul numéro : RG 17/20 660

Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance du JLD du Tribunal de Grande Instance de Paris du 29 septembre 2017;

Rejetons le recours contre les opérations de visite et de saisie et déclarons régulières les opérations de visite et de saisie :

— du 17 octobre 2017, dans les locaux de la Société civile professionnelle J. D , M. X et R B, notaires associés, titulaire d’un office notarial, […], […],

Rejetons toute autre demande , fin ou conclusion ;

Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamnons la partie appelante et requérante aux dépens.

LE GREFFIER

AE AF

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

AJ AK-AL

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 11 décembre 2019, n° 17/20660