Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 2 décembre 2020, n° 18/02485

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 4, 2 déc. 2020, n° 18/02485
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/02485
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 8 juin 2017, N° 15/13554
Dispositif : Réouverture des débats

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRET DU 02 DECEMBRE 2020

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/02485 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5CSC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juin 2017 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 15/13554

APPELANTE

Madame X Y

[…]

78200 MANTES-LA-JOLIE

Représentée par Me Christophe NEVOUET, avocat au barreau de PARIS, toque : G0106

INTIMEE

SAS THOMAS SABO SAS prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et Monsieur Olivier MANSION, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Monsieur Olivier MANSION, conseiller

Madame Anne-Ga’l BLANC, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOS'' DU LITIGE :

Mme X Y, née le […], a été engagée par la SAS Thomas Sabo, selon contrat à durée indéterminée à temps partiel du 1er février 2005, en qualité de vendeuse à temps partiel. Elle était affectée au point de vente du Printemps Haussmann.

L’entreprise est spécialisée dans la vente de bijoux, montres et produits de beauté. Elle compte au moins onze salariés.

La relation de travail était régie par la convention collective de la bijouterie, joaillerie et orfèvrerie.

Par avenant du 20 janvier 2014, la salariée a été promue responsable adjoint, statut non cadre, niveau 2 coefficient 138 et son horaire de travail est passé à 30 heures hebdomadaires.

La société compte au moins 11 salariés.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er octobre 2015, la SAS Thomas Sabo a convoqué Mme X Y à un entretien préalable fixé au 13 octobre 2015, en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 octobre 2015, l’employeur a notifié à Mme X Y son licenciement pour les motifs suivants.

« (…) Nous sommes contraints de constater des manquements dans votre travail qui ont une conséquence directe sur le bon fonctionnement du stand ainsi que de l’équipe, à savoir :

Nous sommes régulièrement confrontés à des problèmes de compréhension des procédures :

- Problèmes sur les recomptages lors des inventaires : du fait d’erreurs de votre part lors des recomptages des bijoux pour les inventaires, les stocks ont été faussés et ce à plusieurs reprises. C’est la responsable du stock qui a dû corriger ces erreurs.

- Commande de packaging : nous déplorons le manque d’anticipation de votre part pour les commandes de packaging. De ce fait, l’équipe doit régulièrement faire appel aux autres points de vente parisiens afin de remédier à ce problème.

- Rapports RIMS : les rapports que vous remplissez et envoyez comportent régulièrement des erreurs.

- CA faussé : le chiffre d’affaires de la journée du 9 septembre dernier a été faussé suite à une mauvaise manipulation de votre part. En effet, suite à un écart de stock pour un article, vous avez corrigé le stock directement sur POS FLOW. Or, vous n’avez pas indiqué le retour du mauvais article vendu, de ce fait, le stock et le CA s’en sont trouvés faussés.

A plusieurs reprises, vous avez eu des agissements en inadéquation avec les consignes reçues :

- Il arrive régulièrement que la responsable du stand vous laisse des consignes (rangement des bijoux par exemple). Cependant, à son retour, rien n’est rangé comme demandé.

- De même, à plusieurs reprises, vous avez omis d’informer l’équipe de modifications de planning dont vous étiez vous-même informée (mails du 11 juillet ou du 9 septembre). De plus, vous ne prenez jamais part à la préparation des plannings.

- Tour déco : vous ne participez pas à la préparation des bijoux.

- De manière générale, les consignes laissées dans l’agenda pour la responsable ne sont pas respectées.

L’ensemble de ces éléments nous laisse à penser que vous n’êtes pas en mesure d’effectuer votre mission de responsable adjointe correctement et ces difficultés ont un impact conséquent sur le bon fonctionnement du stand, ainsi que sur le reste de l’équipe. De plus, la responsable du stand se retrouve régulièrement confrontée aux répercussions de vos lacunes, puisqu’elle doit systématiquement tout vérifier.

Les explications que vous nous avez fournies lors de l’entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la situation et l’ensemble de ces éléments nous contraint à vous licencier pour insuffisance professionnelle".

Contestant cette mesure, Mme X Y a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 25 novembre 2015 aux fins de requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps plein et de voir dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse avec condamnation de la défenderesse à lui verser les sommes suivantes :

—  50.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  15.590,07 euros de rappel de salaire sur la base d’un contrat à temps plein ;

—  1.559 euros au titre des congés payés afférents ;

—  974,28 euros de rappel de primes d’ancienneté sur la base d’un contrat à temps plein ;

—  97,42 euros au titre des congés payés afférents ;

—  3.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts.

La SAS Thomas Sabo s’oppose à ces prétentions et prie le conseil de condamner Mme X Y à lui verser la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 9 juin 2017, le conseil a déclaré le licenciement de Mme X Y dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la SAS Thomas Sabo à lui payer les sommes suivantes :

—  16.800 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  1.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

La SAS Thomas Sabo a été condamnée à rembourser à Pôle Emploi les allocations chômage sur le

fondement des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail à hauteur de 200 euros.

Les autres demandes de l’une et l’autre des parties ont été rejetées et l’employeur a été condamné aux dépens.

Appel a été régulièrement interjeté le 6 février 2018 par la salariée, après que la décision lui avait été notifiée le 16 janvier 2018.

L’appelante demande une infirmation partielle du jugement en ce qu’il reprend ses demandes de première instance et en ce qu’il est demandé à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, sur sa demande d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile, sur le remboursement des indemnités de chômage par la société à Pôle Emploi et enfin sur le rejet des prétentions adverses.

Par conclusions notifiées par le réseau virtuel privé des avocats le 19 juillet 2018, la SAS Thomas Sabo sollicite la confirmation du jugement.

La cour se réfère aux conclusions précitées par application de l’article 455 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 juin 2020.

MOTIFS :

Il n’y a pas lieu de statuer sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, ni sur les frais irrépétibles de première instance, en l’absence d’appel sur ces points.

Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Pour justifier de son préjudice qu’elle évalue à 50.000 euros, la salariée produit un justificatif de des droits qu’elle a perçus au titre de l’ARE, les 8 juin 2016, 1er août 2016, 2 août 2016 et 1er septembre 2016.

Sur ce

Aux termes de l’article L 1235-3 du Code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme X Y, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, il ya lieu de lui allouer, en application de l’article L 1235-3 du Code du travail une somme de 16.800 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jugement qui est confirmé sur ce point et les intérêts échus pendant plus d’un an seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur le remboursement des indemnités de chômage par Pôle-Emploi

L’absence d’appel sur le remboursement des indemnités de chômage à Pôle Emploi par la salariée ne

lie pas la cour, s’agissant d’un pouvoir octroyé à la juridiction par la loi en faveur d’un tiers.

En application de l’article L 1235-4 du Code du travail, il sera ordonné le remboursement s’il y a lieu par l’employeur à Pôle-Emploi des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois à compter du jour de son licenciement, dès lors qu’il ne s’agit pas du licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés.

Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet

Mme X Y soutient que la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein s’impose en ce que :

— en méconnaissance de l’article L 3123-17, la société augmentait régulièrement la durée de travail jusqu’à 35 heures par semaine ;

— si l’article L. 3223-25 du code du travail dans sa rédaction du 14 juin 2013 prévoit que l’employeur peut augmenter la durée de travail à temps partiel, encore faut-il qu’un accord de branche étendu ou une convention l’autorise en déterminant le nombre maximal d’avenants, ce qui n’est pas le cas de la convention collective de la Bijouterie, Joaillerie et Orfèvrerie ;

— l’article L. 3123-21 du code du travail exige un délai de prévenance de sept jours ouvrés avant la date à laquelle la modification de la durée de travail et sa répartition entre les jours de la semaine et les semaines du mois doit avoir lieu.

La SAS Thomas Sabo objecte que si des heures complémentaires étaient demandées ponctuellement pour répondre aux hausses passagères d’activité, elles permettaient aux salariés qui le voulaient d’en profiter, les autres refusant, comme c’était le cas pour Mme X Y s’agissant du travail les jours fériés. La société dit s’être toujours adaptée à l’emploi du temps de Mme X Y. L’employeur fait grief à la salariée de faire valoir des heures de travail à partir de 9 heures, alors que l’ouverture n’intervenait qu’à 9 heures 35, la possibilité d’entrer avant dans les locaux n’ayant été permise que pour tenir compte des horaires de transport en commun de Mme X Y. La société estime que la nécessité de prévenir sept jours à l’avance ne concerne pas l’espèce en ce qu’il ne s’agissait pas d’imposer des horaires, dans la mesure où ceux-ci exigeaient l’accord de l’intéressée. Enfin la SAS Thomas Sabo s’oppose à son adversaire en ce qu’elle soutient que la clause d’exclusivité n’a pas pour effet d’emporter la requalification invoquée.

Sur ce

Aux termes de l’article L.3123-17 du code du travail dans sa version applicable, les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale de travail ou à la durée fixée conventionnellement.

Lorsque le recours par un employeur à des heures complémentaires a pour effet de porter, fût-ce, pour une période limitée à un mois, la durée de travail d’un salarié au-delà de la durée légale, le contrat de travail est réputé conclu à temps complet.

La salariée produit douze avenants fixant des heures complémentaires en faisant travailler l’intéressée au moins 35 heures par semaine, le plus ancien de ces avenants remontant au 28 novembre 2011.

Certes aux termes de l’article L. 3123-25 du code du travail introduit par la loi du 14 juin 2013, une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir la possibilité par un avenant au contrat de travail d’augmenter temporairement la durée du travail prévue par le contrat.

Toutefois aucun accord de branche ou convention n’est allégué.

Aux termes de l’article L. 3123-21 du code du travail toute modification de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois est notifiée au salarié sept jours au moins avant la date à laquelle elle doit avoir lieu.

Toutefois, ce délai n’est applicable qu’en cas de décision unilatérale de l’employeur et non lorsque cette modification intervient avec l’accord exprès du salarié.

Or il ressort des échanges de courriels versés aux débats que les heures complémentaires effectuées par l’intéressée ne lui étaient pas imposées unilatéralement, mais étaient subordonnées à son accord.

Il suit de ces observations, que la contrat à temps partiel doit être requalifié en contrat à temps plein à compter du 28 novembre 2011 seulement. Mme X Y propose un rappel de salaire au titre de cette requalification correspondant à la différence entre le salaire fixe qu’elle a perçu et le salaire fixe qu’elle aurait perçu sur un temps plein. Or elle n’a droit en principe qu’à un rappel de salaire correspondant à la différence entre le salaire fixe augmenté des rémunérations d’heures supplémentaires qu’elle aurait perçues à compter du 28 novembre 2011 avec un contrat de travail à temps plein et la rémunération, heures complémentaires comprises perçues par l’intéressée durant la même période.

Il y a donc lieu d’ordonner la réouverture des débats en application de l’article 444 du code de procédure civile sur le calcul et le montant du rappel de salaire, l’indemnité de congés payés y afférente ainsi que sur le calcul et le montant de la prime d’ancienneté, qui n’est pas développé dans les écritures antérieures.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Statuant sur le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dus au salarié et sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, de rappel de salaire, d’indemnité de congés payés y afférents, de rappel de prime d’ancienneté, d’indemnité de congés payés y afférents et d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement déféré sur la condamnation au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Infirme le jugement déféré sur la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein, sur les intérêts de la somme allouée à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à la salariée à la suite de la rupture, s’il y a lieu ;

Statuant à nouveau ;

Dit que la somme allouée à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse porte intérêts au taux légal à compter du jugement et que les intérêts échus pour une année entière porteront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil à compter du présent arrêt ;

Requalifie le contrat de travail à temps partiel de Mme X Y en contrat de travail à temps plein à compter du 28 novembre 2011 ;

Avant dire droit pour le surplus ;

Ordonne la réouverture des débats sur le principe selon lequel le rappel de salaire auquel peut prétendre Mme X Y correspond au montant des salaires qu’elle aurait perçus depuis le 28 novembre 2011, augmenté de la rémunération des heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures et réduit des rémunérations versées à Mme X Y depuis cette date, heures complémentaires comprises, outre l’indemnité de congés payés y afférents et sur le calcul de la prime d’ancienneté ;

Enjoint à Mme X Y de conclure sur ces points avant le 1er février 2021, à la SAS Thomas Sabo de conclure avant le 1er avril 2021 sur le calcul et le montant des rappels de salaire et le calcul et le montant de la prime d’ancienneté et l’indemnité de congés payés y afférente ;

Renvoie l’affaire à l’audience le 31 mai 2021 à 13h30 – salle A B – 2H01 ;

Réserve les dépens.

LA GREFFI’RE LE PR''SIDENT

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