Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 4 novembre 2020, n° 17/08216

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 8, 4 nov. 2020, n° 17/08216
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/08216
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 4 mai 2017, N° 16/10096
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRÊT DU 04 Novembre 2020

(n° , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/08216 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3QXT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2017 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° 16/10096

APPELANTS

Monsieur C X

[…]

[…]

Représenté par Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222

Syndicat CFDT BETOR PUB

7/9 rue Euryale-Dehaynin

[…]

Représentée par Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222

INTIMÉE

SA B TECHNOLOGIES

[…]

[…]

Représentée par Me Pierre-randolph DUFAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1355

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Juin 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Pascale MARTIN, présidente

Monsieur Benoît DEVIGNOT, conseiller

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par Madame Pascale MARTIN, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS- PROCÉDURE-PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. C X a été engagé à compter du 9 mars 2000 par la Sarl B Carrières (CGS), en qualité d’ingénieur d’études, selon un contrat de travail à durée indéterminée, transféré le 3 avril 2000 à la Sa Lore, puis à compter de janvier 2007 à la Sa B Technologies, dans le cadre d’une opération de fusion absorption.

La Sa B Technologies est spécialisée dans la prestation facturée de services dans le domaine de l’informatique et de l’ingénierie.

La relation de travail est régie par la convention collective des bureaux d’études, cabinets d’ingénieurs, conseils et sociétés de conseil dite SYNTEC.

M. X exerce des mandats syndicaux au sein du syndicat CFDT Betor Pub depuis 2004 et détient divers mandats en qualité de représentant du personnel de la Sa B Technologies.

Le salarié et son syndicat ont, le 15 avril 2013, saisi le conseil de prud’hommes de Paris de diverses demandes fondées sur la discrimination syndicale.

Par jugement rendu le 5 mai 2017, le conseil de prud’hommes de Paris, en sa formation de départage a statué ainsi :

Condamne la société B Technologies à payer à M. C X les sommes de :

' 50 929 euros à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2016,

' 5 092,90 euros au titre des congés payés afférents,

' 9 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier,

' 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

Fixe le salaire annuel brut de M. X à compter du 1er janvier 2017 à la somme de 59 141 euros,

Condamne la société B Technologies à payer au syndicat CFDT Betor Pub les sommes de :

' 3 000 euros à titre de dommages-intérêts,

' 500euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

Ordonne l’exécution provisoire,

Déboute les parties de leurs autres demandes .

Selon déclaration déposée le 9 juin 2017 par voie électronique, le conseil de M. X a interjeté appel.

Aux termes des dernières conclusions signifiées par voie électronique le 26 mai 2020, M. X et le syndicat CFDT Betor Pub demandent à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu’il a :

— reconnu l’existence d’une discrimination au préjudice du salarié, liée à son activité syndicale,

- condamné la société à lui payer un rappel de salaire, à indemniser son préjudice financier,

— condamné la société à verser des dommages-intérêts au syndicat CFDT Betor Pub,

— condamné la société au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

L’infirmer pour le surplus

Statuant à nouveau,

Prononcer l’attribution à M. X du salaire moyen de la classification III-1 de la convention collective nationale SYNTEC à compter du 1er janvier 2010, augmentée de 9 %,

Fixer le salaire moyen mensuel brute fixe de base du salarié à :

—  5 083,84 euros en 2017

—  5 190,58 euros en 2018

—  5 290,86 euros en 2019

—  5290,86 euros en 2020

Ordonner l’affectation de M. X sur une mission client correspondant à ses compétences et à la position III-1,

Condamner la société B Technologies à verser à M. X un rappel de salaires, à tout le moins depuis 2010, dont le montant sera porté à la somme évaluée au 30 juin 2020 à hauteur de 108 646,32 euros ainsi que 10 864,63 euros à titre de congés payés afférents,

Condamner la société à verser à M. C X les sommes de :

-13 349,97 euros à titre de rappel de la prime «Qualité» de 2011 à 2019 ainsi que 1 334,99 euros au titre des congés payés afférents,

—  1 945,31 € à titre de rappel de la prime projet Louvre DSI de 2011 à 2019 ainsi que 194,53 euros au titre des congés payés afférents

—  46 677,93 euros à titre de rappel de prime «Projet» à compter du 1er janvier 2011 et évaluée au 30 juin 2020, ainsi que 4 667,79 € au titre des congés payés afférents,

Condamner la société à verser à M. X des dommages-intérêts en raison du préjudice professionnel et financier subi du fait de la discrimination syndicale dont le montant sera porté à la somme de 20 000 euros,

Condamner la société à verser à M. X la somme de 61 007 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la discrimination syndicale,

Juger qu’en l’absence de tout forfait contractuel, le salarié effectue 3,5 heures hebdomadaires non rémunérées,

Prononcer la nullité de toute convention de forfait éventuellement invoquée par la société et en tout état de cause son inopposabilité, celle-ci étant privée d’effet,

Condamner la société B Technologies à verser à M. X les sommes suivantes, à titre d’heures supplémentaires, à compter d’avril 2008 évalué au 30 juin 2020 :

— à titre principal : sur la base du salaire reconstitué : 89 354,55euros ainsi que 8 935,45 euros au titre des congés payés afférents

— à titre subsidiaire, sur la base du salaire versé : 75 452,62 euros ainsi que 7 545,26 euros de congés payés afférents

En tout état de cause,

Débouter la société de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Prononcer à l’égard de ces condamnations une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l’arrêt et se réserver la liquidation de l’astreinte,

Porter le montant des dommages-intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif de la profession, que la société B Technologies sera condamnée à verser au syndicat CFDT Betor Pub à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L.2132-3 du code du travail,

Condamner la société à verser à M. X la somme de 5 000 euros et celle de 1 000 euros au syndicat CFDT Betor Pub sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées par voie électronique le 12 mai 2020, la sociétéAltran Technologies demande à la cour de :

Sur les demandes liées à la prétendue discrimination syndicale :

Constater que M. X n’a fait l’objet d’aucune discrimination syndicale,

Infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société

— à payer à M. X les sommes de :

' 50 929 euros à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2016,

' 5 092,90 euros au titre des congés payés afférents,

' 9 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier,

' 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— à fixer à la somme de 59 141 euros le salaire annuel brut de M. C X à compter du 1er janvier 2017,

— à verser au syndicat CFDT Betor Pub les sommes de :

—  3 000 euros à titre de dommages-intérêts,

—  500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté le salarié de ses autres demandes,

Sur les nouvelles demandes en appel :

Constater que M. X n’est pas soumis à une convention de forfait en heures,

Constater que M. X n’apporte aucun élément de nature à étayer sa demande au titre des heures supplémentaires,

A titre principal,

Débouter M. X de sa demande

A titre subsidiaire,

Limiter le montant des rappels d’heures supplémentaires à la somme de 32 891,38 euros

En tout état de cause,

— Condamner M. X et le syndicat CFDT Betor Pub au paiement de la somme de 2 500 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

Pour l’exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l’article 455 du code de procédure civile , aux conclusions des parties.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 26 mai 2020 fixant les débats au 29 juin 2020.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur la discrimination syndicale :

Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse,

de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou à raison de son état de santé ou de son handicap.

L’article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence de discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-96 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est motivée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forge sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce M. X fait valoir que sa carrière a cessé d’évoluer à compter de juillet 2008, date à laquelle il a été promu consultant senior (position 3.1 – Coefficient 170), que sa carrière a alors connu une brusque stagnation en ce qu’il n’a bénéficié d’aucune promotion et augmentation de salaire entre 2010 et 2015, et qu’il a été confronté à une gestion des ressources humaines opaque.

Il invoque ainsi :

1/ une absence de fourniture de travail se traduisant par :

— son maintien abusif en inter-contrats, et produit un tableau selon lequel, alors qu’il avait toujours été affecté chez des clients de la Sa B Technologies depuis 2000, il a effectué une dernière mission en 2009/2010 au sein de la société Groupama, et n’a plus assuré que des missions dans le cadre d’opération de mécénat en 2011 au Louvre puis depuis 2015 également au sein de l’Institut du Monde Arabe (IMA),

— son affectation à B Research, en missions internes, malgré les différentes possibilités de 'prestations clients' existant au sein de l’entreprise, dont il a dressé le tableau et dont certaines pouvaient parfaitement correspondre à son profil,

— l’absence de prise en compte de ses différentes démarches auprès de ses managers pour que des projets lui soient proposés,

— une volonté de la société d’exclure les consultants titulaires des mandats de la possibilité de 'travailler normalement' et d’exagérer le nombre de ses heures de délégation, 74 heures selon le salarié,

2/ un défaut d’entretien annuel d’évaluation entre 2011 et le 6 juin 2014, alors que cette nécessité a été affirmée par la direction devant les instances représentatives du personnel, le premier étant organisé après la première audience de jugement devant le conseil de prud’hommes, en 2015, l’entretien de 2015 ayant eu lieu tardivement, celui de 2017 n’ayant pas été suivi d’un retour au comité de carrière comme la direction s’y était engagée en février 2017 en réunion des délégués du personnel,

3/ une absence d’évolution de carrière et de rémunération, contrairement à ce prévoit l’accord Dialogue social et droit syndical, son salaire de base en décembre 2014 étant inférieur du minimum conventionnel annuel, ce qui a justifié un rattrapage, et inférieur à celui des salariés bénéficiant d’une ancienneté et d’une classification identique à la sienne, et à la moyenne des salaires versés à l’embauche aux consultants en position 3.1 coefficient 170,

4/ le non-versement des primes qualité et projet perçues jusqu’en 2010, 2011 étant l’année de son élection au comité d’entreprise et au comité central d’entreprise,

Pour étayer ses affirmations, M. X produit notamment :

— le tableau descriptif et récapitulatif de ses activités de 2000 à 2020 montrant qu’il n’a été affecté qu’à une seule mission en 2011 au sein de la direction des systèmes d’information du musée du Louvre, puis qu’il est resté en situation d’inter-contrats près de quatre ans et demi de 2011 à 2015, année de son affectation à l’IMA,

— son relevé d’activités (pièce 45) et ses commentaires selon lequel il aurait changé entre mai 2012 et mai 2014 neuf fois de responsable hiérarchique et n’aurait eu aucune mission tenant compte de l’obtention d’une nouvelle certification (ITL MALC) lui permettant de passer expert dans ce domaine,

— son entretien annuel et professionnel de juin 2013 au cours duquel il a clairement exprimé ses difficultés tenant au changement de managers et son souhait 'd’être rattaché à une structure hiérarchique ayant suffisamment de pouvoir et de volonté pour résoudre les sujets remontés par le consultant dans divers outils et moyens de communication (Minos, entretiens annuels, entretiens, courriels…) depuis plusieurs années', et dans le souci de 'prendre en compte les spécificités des mandats de représentant du personnel, l’ancienneté, l’expérience, les compétences et l’évolution de carrière du consultant', aucun entretien n’ayant eu lieu entre 2011 et 2013,

— sa candidature le 28 octobre 2014 à un projet Orange, à laquelle il n’a pas été donné suite,

— le procès-verbal du comité d’entreprise B Idf en date du 17 juillet 2014 au cours duquel M. E A. a expliqué 'que le mécénat de compétence n’est pas la vocation du groupe et représente une activité marginale',

— des échanges par courriels aux termes desquels M. X demande que soient définis non seulement sa mission mais son temps de travail(13,16 et 20 février 2015 – mécénat PASI),

— un tableau (n°8) décrivant son volume de travail selon lequel il a, depuis 2010 et jusqu’en 2019, été en situation d’inter-contrats à raison de 536,5 jours et affecté à des projets à hauteur de 96,50 jours, le surplus étant constitué des jours de mécénat IMA demeurés sans changement depuis 2015,

— les lettres de la CFDT rappelant dès 2010 au directeur des relations sociales du Groupe B Technologies concernant les termes de l’accord relatif à l’évolution professionnelle des représentants du personnel et notamment celles relatives l’exercice du mandat et notamment le souci du groupe de 'ne pas pénaliser les représentants du personnel', de lui 'fournir une prestation de travail lui permettant de la réaliser, de maintenir et développer ses aptitudes et compétences professionnelles, et d’être évalué dans les mêmes conditions que les autres salariés, compte tenu de ses crédits d’heures',

— un tableau montrant que son salaire est resté identique de 2010 à 2014, soit 3 875 euros, pour s’élever à 3 903,29 euros en 2015, 3 935,42 de 2016 à 2018, et 4 977,69 euros depuis alors que le salaire moyen national s’échelonnait de 4 270 euros en 2010, 4 583,84 (en Ile de France en 2014, 4 606 euros en 2015, et 4 854 euros en 2019,

— un extrait du 'diagnostic des facteurs de risque psychosociaux' du 20 juillet 2012 mettant en évidence le fait que la situation d’un salarié en inter-contrats est difficile et ne doit pas se prolonger en raison 'des impacts sur la santé de ces situations du fait de la sous-charge de travail, du sentiment d’inutilités, des craintes d’être licencié…', ce que confirme le rapport SICAFI également versé aux débats.

Les salarié présente des éléments de fait pouvant laisser présumer l’existence de discrimination à son encontre.

La Sa B Technologies fait observer que M. X, titulaire de mandats de représentation depuis 2004, et qui n’a saisi le conseil de prud’hommes qu’en 2013, est dans l’incapacité de dater le début de sa prétendue discrimination syndicale.

Elle fait valoir que :

— le salarié a, sur la période de 2011 à 2015, toujours travaillé sur des projets de mécénat et sur des missions internes, les quelques périodes d’inter-contrats s’expliquant principalement par un refus des clients ou par le comportement obstructeur du salarié,

— le mécénat de l’IMA pour lequel M. C X travaille est un des plus importants d’B, est conforme à ses compétences et expériences, ce dernier ne souhaitant pas quitter cette mission malgré les projets dont il a été informé,

— il a régulièrement bénéficié de formations entre 2009 et 2016,

— l’absence d’entretien annuel ne concerne que la seule année 2011, M. C X ayant été reçu à deux reprises en 2012, puis en 2014, l’entretien de 2014 n’ayant pu avoir lieu du fait du refus de ce dernier en raison d’un emploi du temps trop chargé,

— il n’a subi aucun retard de carrière, ayant été embauché en qualité d’ingénieur, catégorie 1.2 coefficient 95 en avril 2000, puis successivement promu au poste de consultant junior position 2.1, consultant position 2.2, de consultant confirmé en 2007, alors même qu’il est salarié protégé, et enfin en 2008, celui de consultant senior position 3.1 coefficient 170, la position 3.2 étant rarement accordée,

— elle a toujours respecté l’accord sur le dialogue social,

— les éléments de comparaison communiqués par le salarié ne sont pas pertinents au regard notamment du fait qu’il n’a pas suivi le cursus complet d’une école d’ingénieur informatique, qu’il a un DESS de Transport et un certificat de développeur concepteur.

Elle produit, outre l’ensemble des documents contractuels la liant à M. X (contrats de travail et avenants), notamment, s’agissant d’une communication de 88 pièces :

— les courriers relatifs à ses augmentations de salaires ou allocation de primes,

— ses comptes-rendus d’activité de mai 2008 à janvier 2015,

— l’accord sur le dialogue social et le droit syndical,

— accord de ratification de l’engagement unilatéral de la direction et l’information sur la revalorisation salariale en application de cet accord,

— des échanges électroniques,

— des documents relatifs au métier de consultant,

— les justificatifs d’éléments concernant la situation de cinq salariés, visé dans un panel de comparaison établi par ses soins,

— la liste des opportunités de mission dont le salarié a été destinataire en 2019,

— ses bulletins de paie de novembre 2018 à avril 2020.

M. X après avoir été consultant junior, puis ingénieur consultant et consultant confirmé, est depuis juillet 2008 consultant senior.

La fiche de présentation du métier de consultant communiquée par l’employeur précise que les 'consultants interviennent à de multiples niveaux, en fonction de leur expérience, notamment en Recherche et développement, en gestion de projets et en gestion de contrats', sans que ne soit opérée de distinction selon les différentes missions (clients externes et internes à titre d’exemple).

Il n’est pas contestable qu’à compter de 2010, M. X n’a plus jamais été affecté à une mission chez un client externe, qu’il n’a effectué qu’une seule mission de cinq mois au Musée du Louvre en 2011, et est resté en situation d’inter-contrats en 2012,2013,2014 et pour partie en 2015, année de son affectation à une mission de mécénat qu’il assure toujours au sein de l’Institut du Monde Arabe, étant relevé qu’il est titulaire de divers mandats représentatifs en qualité de titulaire au sein du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail depuis 2004 et de délégué syndical notamment depuis 2008.

Il est justifié par l’employeur que l’affectation à des missions internes est conforme aux termes de l’accord de groupe B sur le dialogue social et le droit syndical, en vigueur de 2008 à 2013, année de sa dénonciation, qui prévoit, en son chapitre 1 du titre 4 – «L’évolution professionnelle des représentants du personnel», une adaptation de l’organisation du travail des représentants des personnels élus et/ou désignés en fonction du volume des temps alloués à ces représentants pour leur mandat et une répartition dans le temps, 'sans que ces aménagements réduisent l’intérêt du travail et les possibilités d’évolution professionnelle des intéressés', cette organisation devant intervenir après une évaluation du temps de disponibilité du salarié protégé à son poste de travail par le supérieur hiérarchique du salarié.

A cet égard, il résulte du tableau produit par le salarié, relatif au nombre de ses heures de délégation, qu’il a exercé ses différents mandats à raison de : 14,5 jours de délégation en 2010, 83,50 en 2011, 96,5 en 2012, 113 en 2013, puis 121 en 2014 et 105 en 2015, de sorte qu’il ne peut être reproché à l’employeur de lui avoir proposé une organisation tenant compte de sa disponibilité.

Il est par ailleurs établi que parmi ses activités, le groupe B est engagé dans le mécénat, et notamment qu’il propose à ses collaborateurs d’enrichir 'leurs parcours de projets au service d’institutions culturelles', telles que notamment le musée du quai Branly, l’école normale de musique de Paris-G H, ainsi que l’Institut du mode arabe, au sein duquel M. C X travaille depuis 2015, la cour relevant que depuis lors ce dernier n’a pas manifesté le souhait d’être affecté à une nouvelle mission.

Rien ne permet de constater que le mécénat est une activité marginale au sein d’B et de surcroît dévalorisante, étant de plus relevé que les missions confiées à M. X aussi bien au sein de l’IMA qu’en interne ont toujours été en adéquation non seulement avec ses compétences et la définition des fonctions de consultant senior mais aussi avec les dispositions de son contrat de travail.

La Sa B Technologies rappelle qu’elle n’était pas tenue jusqu’en 2014 d’effectuer un entretien professionnel annuellement et qu’elle n’a failli à son obligation qu’en 2011, le salarié ayant été en revanche reçu deux fois en 2012 – en juillet et septembre -, et qu’elle a organisé un entretien juin 2014 qui n’a pu être conduit jusqu’à sa conclusion, en raison de la contestation invoquée comme un préalable par l’intéressé concernant le coefficient qui lui était appliqué.

Les pièces produites de part et d’autre montrent que M. X a pu avoir des contacts réguliers avec le service des ressources humaines, notamment à l’occasion de ses demandes de formation dont il a bénéficié à plusieurs reprises et qui lui ont ainsi permis d’accroître ses compétences et que ses affectations ont été précédées de concertation, ainsi que cela résulte, à titre d’exemple, de l’échange entre le salarié et Mme S. entre avril et mai 2014.

Enfin, il résulte des tableaux concernant la cartographie des salaires fixes, versés aux débats par le salarié, que le nombre de consultants relevant de la position 3.2 coefficient 210 représente une minorité par rapport à ceux relevant, comme l’appelant, de la position 3.1 coefficient 170 :

—  20 pour les premiers et 277 pour les seconds en 2009

—  22 / 246 en 2010

—  23 / 244 en 2011 (et 1 seul en position 3.3 coefficient 270) en 2011

—  19 / 241 en 2012

—  21 / 241 en 2013

—  9 / 100 en 2015

—  8 / 83 en 2016

—  6 / 87 en 2017,

ce dont il résulte que M. X a connu une évolution de carrière comparable à celles de ses collègues, la cour relevant que le nombre total des cadres qui était de 4 833 en 2009 a été réduit progressivement à 1862 en 2017.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la Sa B Technologies justifie de manière objective étrangère à toute discrimination que le maintien de M. X à compter de 2011 en situation d’inter-contrats, laquelle au demeurant est subie par l’ensemble des consultants et n’est pas réservée aux seuls salariés titulaires de mandats, puis en mission prolongée dans le cadre d’une activité de mécénat, tenant compte à chaque fois du nombre de ses jours de disponibilité, n’a pas été un frein à sa carrière dès lors qu’il a connu une évolution de carrière comparable à celle des consultants ayant un positionnement identique au sien, qu’il a été reconnu dans ses compétences et qualifications, y compris de celles acquises à l’occasion des formations suivies depuis son entrée au sein du groupe et enfin qu’il n’a à aucun moment manifesté, depuis 2015, le souhait de changer d’affectation alors qu’il est régulièrement destinataire des propositions de missions existant au sein de l’entreprise.

Par ailleurs, l’appelant ne verse aucun élément permettant de laisser présumer l’existence d’une discrimination s’agissant de l’attribution des primes suivantes :

— la prime qualité ou exceptionnelle qu’il a perçue, en 2008 (1500 euros), en 2009 (1 600 €) et en 2010 (1 350 €), dont il doit être souligné qu’en tout état de cause, elle ne remplit pas deux des trois critères permettant à un salarié d’en revendiquer le bénéfice, à savoir la fixité et la généralité,

— la prime projet attaché à l’exécution d’une mission, laquelle ne revêt pas un caractère automatique, ainsi que cela est rappelé dans le document interne «consulting/engeneering 2CLE3 -Senior consultant/engineer» concernant la rémunération, lequel fait uniquement état d’un 'commissionnement possible', ce principe s’appliquant l’ensemble des consultants, sans qu’il soit fait mention de la situation d’inter-contrats.

Il convient en outre de le débouter de sa demande en paiement d’une prime pour la mission projet Louvre Dsi, aucun élément ne permettant de démontrer que l’employeur s’était engagé à verser une telle prime dans le cadre de cette mission.

Si M. X n’est pas fondé à solliciter un rappel de prime, il en va différemment s’agissant de sa rémunération fixe.

Il a établi, s’agissant de l’évolution de son salaire fixe deux tableaux de comparaison.

Le second tableau (n°11), qu’il communique dans le cadre de ses conclusions en cause d’appel, est insuffisant en ce qu’il ne comporte pas la date d’entrée dans le groupe des salariés visés et ne permet pas de comparer de manière pertinente la situation de chacun des onze salariés avec lesquels il se compare, faute d’information concernant notamment leur ancienneté.

En revanche, le premier de ces tableaux (n°10) établit une comparaison entre sa rémunération et celles de onze salariés, tous consultants – senior, C3.1, avec indication de leur date de naissance, de leur date d’entrée dans le groupe, et donc de leur ancienneté ainsi que du montant de leur salaire brut.

S’il n’est pas corroboré par des éléments extrinsèques, il n’est toutefois pas utilement contredit par l’employeur dont le panel, constitué de cinq salariés, est dépourvu de toute pertinence, d’une part, au regard de l’effectif de la société et, d’autre part, du fait que lui-même en exclut M. C. comme étant identifié 'key member' ainsi que M. D. en raison de son mode de rémunération (forfait annuel en jours).

La moyenne des salaires du panel retenu (tableau 10) fait ressortir une moyenne de salaire d’un montant de 4 907,54 € alors que le salarié est le seul à percevoir de 3875 euros.

La société échoue ainsi à démontrer que la différence de rémunération entre M. X et les consultants senior C3 dans une situation comparable à la sienne est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le conseil de prud’hommes a par conséquent retenu, à juste titre, l’existence d’une discrimination liée à l’activité syndicale de l’appelant.

Sur les demandes liées à la discrimination :

Le jugement est confirmé en ce que, après avoir relevé que M. X ne versait aucun élément, au demeurant comme en cause d’appel, de nature à justifier de sa demande de majoration de 7 %, il a, au vu du tableau présenté (tableau n°10), estimé que sa perte de salaire s’élevait à la somme de 59 141 euros sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2016, outre les congés payés afférents.

Par ailleurs, il résulte du tableau 9 des conclusions de l’appelant, que la société a régularisé sa situation et lui a versé pour les années 2016, 2017, 2018 un salaire mensuel moyen s’élevant à 3 935,42 euros et depuis 2019 à 4 977,69 euros.

Il y a donc lieu de débouter l’appelant de sa demande de fixation de salaire mensuel fixe de base à compter de 2017, aucun élément ne laissant supposer que la société ait fait preuve de discrimination à son égard, postérieurement au prononcé du jugement déféré.

Le conseil de prud’hommes a, de plus, procédé à une exacte appréciation du montant des dommages-intérêts auxquels le salarié pouvait prétendre en réparation du préjudice financier qu’il a subi, du fait notamment de l’absence de cotisation retraite.

M. X ne démontrant pas la réalité du préjudice moral qu’il invoque a été débouté à juste titre de sa demande de dommages-intérêts formée à ce titre.

Sur les heures supplémentaires :

La durée légale du travail effectif prévue à l’article L.3121-1 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l’article L.3121-22 du code.

Aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l’espèce, M. X expose qu’il n’a pas signé de convention de forfait mais que ses bulletins de paie mentionnent : «forfait hebdo 38 h50 -décompte annuel 218 jours», que ce forfait lui est inopposable comme étant nul et qu’il est donc bien fondé à réclamer le paiement de toute heure de travail accomplie au-delà de 35 heures hebdomadaires.

Pour étayer ses dires, il produit notamment :

— le tableau relatif à la répartition des effectifs présents au 31 décembre 2013-2014, selon les modalités de travail,

— le rapport sur les rémunérations établi par B, «cadres 38 H30»,

— un engagement de la direction d’inscrire dans la note d’information que la durée annuelle pour les cadres reste de 218 jours pour les salariés en modalité 2,

— des comptes rendus de réunion de délégué du personnel et de membre du comité d’entreprise.

Le rapport sur les rémunérations '2012- B CIS', fait état de 'huit déclinaisons de décompte du temps de travail', et montre s’agissant des consultants, quel que soit leur niveau, qu’une majorité d’entre eux relèvent du dispositif 2A, à savoir cadre 'modalités 38 h 30".

Il est mentionné :

— dans le document 'Flash réunion extraordinaire 24 octobre 2008" que 'les membres du CE prennent note de l’engagement de la direction d’inscrire dans la note d’information que la durée annuelle pour les cadres reste de 218 jours pour les salariés en modalité 2 (38 heures 30 minutes par semaine et en modalité 3….',

— dans le document 'B Employeur de référence – Formation droit social 2.3.1 Travail à temps plein -durée et organisation du temps de travail' : Modalité 2 Forfait 35 heures par semaine + 10 % (3 h50) sur 218 jours travaillés par année civile (rappel étant fait que cette disposition est conforme à l’accord de branche SYNTEC du 22 juin 1999), avec un développement concernant les compensations dues pour les heures supplémentaires 'hors forfait au-delà de 39,50 h'.

Le salarié produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l’employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.

L’employeur reconnaît que le salarié 'n’apparaît pas être soumis à une convention de forfait', comme n’ayant jamais conclu une telle convention, et invoque une simple erreur matérielle sur les bulletins de paie.

Force est de constater que la mention concernant le temps de travail imposé aux consultants, M.

X compris, a été réaffirmée à plusieurs reprises ainsi que cela résulte des pièces de l’appelant et qu’il n’y a pas lieu à débat en ce qui concerne l’existence d’une convention de forfait jours, les parties s’accordant sur le fait qu’elles n’ont jamais été liées par une telle convention.

Au vu des éléments produits de part et d’autre, et sans qu’il soit besoin d’une mesure d’instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que M. X a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées.

Pour autant, M. X ne peut revendiquer le paiement d’un rappel d’heures supplémentaires correspondant à 3,50 heures supplémentaires par semaine, soit 152 heures par an depuis 2008 et ce de façon linéaire, sa demande ne recouvrant aucune réalité.

De son côté, la société communique un décompte précis (page 41 de ses conclusions) opéré à partir des comptes-rendus d’activité (CRA) dont les mentions ne sont pas expressément remises en cause par le salarié, et auquel la cour se réfère, selon lequel il aurait effectué un nombre d’heures supplémentaires lui ouvrant droit à la somme de 32 891,38 euros.

En conséquence, il convient, ajoutant au jugement, de condamner la société au paiement de cette somme outre 3 289,13 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les demandes du syndicat CFDT Betor Pub :

La discrimination dont a fait l’objet M. X étant reconnue, il en résulte pour le syndicat un préjudice porté à l’intérêt de la profession qu’il représente, exactement réparé par l’allocation de la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les frais et dépens

Le jugement sera confirmé sur ce point.

La société sera condamnée aux dépens d’appel, déboutée de ses demandes faites sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et devra à ce titre payer à M. X, la somme supplémentaire de 1 500 euros et au syndicat celle de 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

CONDAMNE la Sa B Technologies à payer à M. C X les sommes suivantes :

—  32 891,38 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires de mai 2008 à mars 2020,

—  3 289,13 au titre des congés payés afférents,

CONDAMNE la Sa B Technologies à payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les sommes de :

—  1 500 euros à M. C X

—  500 euros au syndicat CFDT Betor Pub,

CONDAMNE la Sa B Technologies aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 4 novembre 2020, n° 17/08216