Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 9 décembre 2021, n° 20/05488

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 2, 9 déc. 2021, n° 20/05488
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/05488
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 2 février 2020, N° 19/01661
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRÊT DU 09 DÉCEMBRE 2021

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/05488 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCIL2

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Février 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/01661

APPELANTE

S.A.S. HALTAE venant aux droits de la SAS STOOTIE

[…]

[…]

Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

INTIME

Monsieur Z X

[…]

[…]

Représenté par Me Sylvie MESSICA SITBON, avocat au barreau de PARIS, toque : D1899

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame PINOY Natacha, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur FOURMY Olivier, Premier président de chambre

Madame LUXARDO Mariella, présidente

Madame PINOY Natacha, conseillère

Greffière lors des débats : Mme CAILLIAU Alicia

ARRÊT :

— contradictoire

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par Olivier FOURMY, Premier président de chambre et par CAILLIAU Alicia, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. Z X a été engagé par la SAS Stootie dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet (151,67 heures par mois) à compter du 7 février 2018, en qualité de développeur Y au statut cadre, le contrat prévoyant une rémunération brute annuelle globale de 68 000 euros, soit 5 666,66 euros brut mensuel, comprenant les primes de vacances conventionnelles et l’indemnité de congés payés.

Par jugement du 18 octobre 2018, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Stootie.

A la suite d’un plan de cession dans le cadre du redressement judiciaire, ordonné par jugement du tribunal de commerce du 30 novembre 2018, le contrat de travail de M. Z X a été transféré à la société Haltae qui a repris l’activité de la société Stootie.

La société Haltae exerce une activité spécialisée dans le secteur de la programmation informatique.

La convention collective régissant les relations de travail est la convention collective des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (dite Synthec)

Par courrier du 23 décembre 2019, M. Z X informait son employeur de son souhait de démissionner de ses fonctions, précisant que son contrat de travail prendrait fin le 23 mars 2020, à l’issue d’un préavis de trois mois.

Le 27 décembre 2019, M. Z X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris dans sa formation de référé pour solliciter le paiement d’heures supplémentaires.

Par ordonnance du 3 février 2020, le conseil de prud’homme de Paris a :

— ordonné à la société Haltae, venant aux droits de la SAS Stootie, de verser à M. Z X

la somme de 11 034 euros au titre des heures supplémentaires ;

— condamné la société Haltae, venant aux droits de la SAS Stootie, aux dépens.

La société Haltae a interjeté appel de la décision le 11 août 2020.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 25 mars 2021, la société Haltae demande à la cour de :

À titre principal :

— infirmer l’ordonnance de référé rendue par le conseil de prud’hommes de Paris et dire n’y avoir lieu à référé ;

— déclarer irrecevables les demandes nouvelles de M. X au titre des « jours de RTT » et des «heures diverses » ;

— ordonner en conséquence, et en tant que de besoin, la restitution à la société Haltae des sommes versées en première instance en exécution de l’ordonnance ;

— condamner M. X au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

À titre subsidiaire :

— réformer l’ordonnance du conseil de prud’hommes faute pour M. X de détailler le chiffrage de sa demande et le débouter de l’intégralité de sa demande ;

— en tout état de cause, juger que M. X ne peut se prévaloir à son encontre d’aucune créance salariale au titre d’heures supplémentaires antérieurement au 30 novembre 2018 ;

— ordonner en conséquence, en tant que de besoin, la restitution à la société Haltae des sommes indûment versées en première instance en exécution de l’ordonnance.

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 27 mai 2021, M. Z X demande à la cour de :

— débouter la société Haltae de son appel ;

— débouter la société Haltae de sa demande d’irrecevabilité de ses demandes ;

— débouter la société Haltae de l’ensemble de ses demandes ;

— le recevoir en son appel incident ;

— dire qu’il n’y a pas lieu à contestation sérieuse ;

— confirmer partiellement l’ordonnance de référé en date du 3 février 2020 en ce qu’elle a condamné la société Haltate au titre des heures supplémentaires et statuant à nouveau :

— condamner la société Haltae à verser 5 548,23 euros à M. X au titre des RTT sur la période du 07 février 2018 au 30 novembre 2018 ;

— condamner la société Haltae à verser 554,82 euros à M. X au titre des congés payés sur RTT sur la période du 07 février 2018 au 30 novembre 2018 ;

— condamner la société Haltae à verser 5 754,65 euros à M. X au titre des heures supplémentaires et heures 'diverses’ effectuées du 1er décembre 2018 au 20 décembre 2019 ;

— condamner la société Haltae à verser 575,47 euros à M. X au titre des congés payés sur heures supplémentaires et 'diverses’ sur la période du 1er décembre 2018 au 20 décembre 2019 ;

— condamner la société Haltae à verser à M. X la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la société Haltae aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu’elles ont déposées et à la décision déférée.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des demandes faites en cause d’appel

La société Haltae (dite la Société) demande de déclarer irrecevables les demandes nouvelles formées par M. Z X (dit le Salarié), qui sollicite le paiement de sommes au titre de RTT, de congés payés sur RTT et d’heures « diverses ».

Aux termes de l’article 565 du code de procédure civile, « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ».

En l’espèce les demandes du salarié portent sur des RTT et des « heures diverses » qui concourent aux mêmes fins que les heures supplémentaires sollicitées en première instance, s’agissant de demandes liées à la durée du travail.

Ainsi, elles ne constituent pas une demande nouvelle.

En conséquence, ces demandes seront déclarées recevables.

Sur le pouvoir du juge des référés

Au soutien de sa demande, la société expose que le juge des référés n’est pas compétent pour statuer sur le litige en présence d’une contestation sérieuse

En réplique, le salarié soutient qu’il y a lieu à référé en l’absence de contestation sérieuse.

Sur ce,

En application des dispositions de l’article R. 1455-5 du code du travail, « Dans tous les cas

d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes,

ordonner des mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence

d’un différend ».

L’article R. 1455-6 énonce que « La formation de référé peut toujours, même en présence d’une

contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit

pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».

L’article R. 1455-7 prévoit que « Dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement

contestable, elle peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation

même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

Ainsi, les demandes formulées doivent présenter un caractère d’urgence et ne doivent se heurter à

aucune contestation sérieuse, le demandeur devant disposer des preuves nécessaires.

Le juge du référé ne peut examiner que le provisoire sans entamer le fond sauf à vouloir outrepasser

les pouvoirs qu’il détient des articles R. 1455-5 à R. 1455-7 du code du travail et à méconnaître la

portée des articles 484 et 488 du code de procédure civile.

Le non-paiement de créances salariales constitue un trouble manifestement illicite.

En conséquence, il y a lieu à référé.

Sur les heures supplémentaires.

La société fait valoir que les heures supplémentaires sollicitées par le salarié ne sont pas dues et expose que le salarié ne démontre aucunement que les heures supplémentaires qu’il aurait accomplies auraient été rendues nécessaires par les tâches qui lui ont été confiées, ni que la société y aurait consenti. Elle explique Aux termes de l’article L. 3128 du code du travail, « Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent ».

Le salarié expose en réplique qu’il a effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été réglées alors qu’il saisissait chaque mois son temps de travail sur l’outil « Luca Timmi », à la demande de l’employeur, et que celui-ci avait accepté la réalisation de ces heures. Ainsi, il demande le paiement de ces heures supplémentaires pour un montant de 12 433,17 euros,

Sur ce,

Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, « En cas de litige relatif au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ».

Ainsi, si l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Aux termes de l’article L. 1224-2 du code du travail, « Le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :

1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;

2° Substitution d’employeurs intervenue sans qu’il y ait eu de convention entre ceux-ci.

Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s’il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux ».

En l’espèce, il convient de relever qu’à la suite d’un plan de cession dans le cadre d’un redressement judiciaire, ordonné par jugement du tribunal de commerce du 30 novembre 2018, le contrat de travail de M. Z X a été transféré à la société Haltae qui a repris l’activité de la société Stootie.

Le plan de cession produit aux débats, issu du jugement du tribunal de commerce, mentionne dans le dispositif, en page 11 du jugement, « dit que les contrats seront exécutés aux conditions en vigueur au jour de l’ouverture de la procédure (') prise en charge de l’intégralité des congés payés, des RTT et des primes contractuelles des salariés repris ».

Par ailleurs une annexe 2 au jugement du tribunal de commerce, répertoriant la liste des catégories professionnelles pour 'les postes repris et non repris' par la nouvelle société, précise, s’agissant du poste de « développeur Y », « 5 » dans la colonne « repris » et « 0 » dans la colonne « non repris ».

Ainsi, il peut en être déduit que le poste de M. X, développeur Y, était repris par la nouvelle société aux mêmes conditions contractuelles que lorsqu’il était au sein de la société Stootie et que les heures supplémentaires éventuellement dues, avant le 30 novembre 2018, incombent à la

société Haltae.

Le contrat de travail du salarié mentionne à l’article 7 que « la durée mensuelle de travail est fixée à 151,67 heures », soit 35 heures hebdomadaires et « Le salarié sera assujetti aux horaires collectifs en vigueur dans l’entreprise ».

Pour justifier sa demande de paiement d’heures supplémentaires, le salarié communique un courriel en date du 30 décembre 2019, adressé à son responsable au sein de la société précisant « comme discuté ce matin, je vous informe de ma requête concernant les heures supplémentaires non rémunérées et non récupérées. Depuis mon embauche chez Stootie, mes horaires sont renseignés par jour et par projets dans ilucca, pour un total de 40 heures par semaine. Or ma rémunération repose sur une base de 35 heures hebdomadaires. Hormis 9 jours de RTT par an qui ont été récupérés, ce sont 42 jours restants qui restent à indemniser sur les années 2018 et 2019 ».

Il produit également un tableau reprenant les heures de travail qu’il aurait effectuées du 7 février 2018 au 22 décembre 2019, représentant 42,46 jours, soit 296,55 heures, sans que l’entreprise ne justifie de son côté des horaires réels effectués au titre de cette période.

Ainsi, le salarié apporte des éléments à l’appui de sa demande, lesquels ne sont pas utilement contestés par l’employeur.

La société Haltae ayant repris les activités de la société Stootie à la suite du jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 novembre 2018, le contrat de travail du salarié lui a été transféré dans les conditions qui étaient les siennes avec la société Stootie.

Il en résulte que la société Haltae est redevable du paiement des heures supplémentaires dues au salarié au titre de la période considérée.

Ainsi, la société Haltae sera condamnée à payer à titre de provisions à M. Z X la somme brute de 11 034 euros, en rappel des 295,33 heures supplémentaires non réglées au titre de la période du 7 février 2018 au 22 décembre 2019, sans qu’il soit nécessaire d’ajouter à ce montant les congés payés afférents, ceux-ci étant déjà inclus contractuellement dans le montant du salaire brut mensuel retenu.

En conséquence, la décision du conseil de prud’hommes sera confirmée de ce chef.

Sur les autres demandes

S’agissant en outre de la demande de paiement de jours de RTT et heures « diverses », la cour constatant le droit à paiement des heures supplémentaires dès la 36ème heure, il sera relevé qu’elle a déjà statué sur ces demandes, le salarié étant assujetti à l’horaire collectif de 35 heures hebdomadaires.

En conséquence, le salarié sera débouté de ces demandes.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il n’y a pas lieu à condamner au paiement d’indemnités au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie supportera ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire par mise à disposition au greffe,

Déclare recevables les demandes formées par M. Z X ;

Décide y avoir lieu à référé ;

Confirme l’ordonnance du conseil de prud’hommes de Paris du 3 février 2020 en toutes ses dispositions ;

Rejette toute demande autre, plus ample ou contraire ;

Dit que chaque partie supportera ses propres dépens.

La Greffière, Le Président,

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