Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 13 janvier 2022, n° 19/12685

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 - ch. 9 - a, 13 janv. 2022, n° 19/12685
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/12685
Décision précédente : Tribunal d'instance de Sucy-en-Brie, 10 avril 2019, N° 11-18-001617
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 13 JANVIER 2022

(n° , 10 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/12685 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAFZW


Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 avril 2019 – Tribunal d’Instance de SUCY EN BRIE – RG n° 11-18-001617

APPELANTE

Madame F Q R veuve X

née le […] à […]

[…]

[…]

représentée et assistée de Me Stella OHAYON, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 15

INTIMÉE

La société C2S, SARL prise en la personne de son gérant, Monsieur D E, domicilié en cette qualité audit siège social


N° SIRET : 537 535 593 00017

[…]

[…]

représentée et assistée de Me Assim BENLAHCEN, avocat au barreau de PARIS, toque : P572

PARTIE INTERVENANTE

Madame M K-O, Y, en sa qualité de curatrice de Madame F Q R veuve X

[…]

[…]


Représentée et assistée de Me Stella OHAYON, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 15 COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :


- CONTRADICTOIRE


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


- signé par Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère pour la Présidente empêchée et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES


Le 10 mai 2017, Mme F X a signé un bon de commande avec la société C2S exerçant sous l’enseigne Elite portant sur l’installation d’une cuisine équipée au prix de 11 151 euros. Un acompte de 150 euros était réglé le même jour.


Un bon de commande modificatif a été signé le 12 juillet 2017 et un nouvel acompte de 4 310 euros a été réglé le même jour.


Les équipements de cuisine ont été réceptionnés par la société C2S.

Mme X a été placée sous un régime de curatelle simple suivant jugement du 25 février 2020 pour une durée de 60 mois avec exécution provisoire, Mme M K-O, mandataire judiciaire à la protection des majeurs ayant été désignée en qualité de curatrice.


Saisi par la société C2S d’une demande tendant à la condamnation de Mme X au paiement du solde restant dû, le tribunal d’instance de Sucy-en-Brie en Brie, par jugement réputé contradictoire rendu le 11 avril 2019 auquel il convient de se reporter, a condamné Mme X à payer à la société C2S une somme de 6 691 euros au titre du solde du bon de commande modificatif du 12 juillet 2017 et la somme de 2 730 euros au titre des faits de stockages arrêtés au 31 mai 2018.


Suivant déclaration du 24 juin 2019, Mme X a relevé appel de cette décision.


Aux termes de conclusions remises le 8 novembre 2021 au bénéfice de Mme X et en intervention volontaire de Mme K-L, curatrice, il est demandé à la cour :


- de réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
- de prononcer la nullité de la vente intervenue entre Mme X et la société C2S et à titre subsidiaire, prononcer la caducité du contrat dépourvu d’objet et de cause,


- de débouter la société C2S de toutes ses demandes, fins et conclusions,


- de condamner la société C2S à lui payer les sommes de :


- 4 460 euros euros en remboursement de l’acompte déjà versé et de la facturation initiale d’un plan en 3D,


- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral,


- 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- à titre infiniment subsidiaire, de prononcer l’annulation de la clause du contrat relative aux frais de stockage comme étant abusive et débouter la société C2S de sa demande à ce titre,


- à titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour entrait en voie de condamnation à son encontre d’ordonner à la société C2S de mettre à sa disposition la totalité des meubles et éléments de cuisine visés dans le bon de commande sous quinzaine à compter de la signification de l’arrêt à intervenir.


Elle expose que l’objet de sa visite au magasin de la société C2S le 10 mai 2017 portait seulement sur une simulation d’une cuisine en 3D au prix de 150 euros et que la société lui a fait signer le 26 juin 2017, des documents antidatés pour établir un métré de la cuisine. Elle dénonce les erreurs affectant le métré, soutient avoir été manipulée par des pratiques trompeuses et conteste s’être fermement engagée. Elle indique avoir réglé 40 % de la somme réclamée sous pression et dans le cadre d’un abus de faiblesse.


Elle estime que le contrat doit être annulé pour méconnaissance des exigences des articles L. 111-1, L. 211-1 et L. 211-3, R. 616-1, L. 121-2, L. 121-3 du code de la consommation, pour défaut d’information, absence de devis, caractère illisible des clauses contractuelles, absence de mention relative à la procédure de médiation et pour pratiques trompeuses de la société. Elle invoque également une violation de l’article 1163 du code civil pour absence d’objet au contrat à défaut de métré réalisé à son domicile.


Elle soutient avoir été victime de man’uvres dolosives et d’abus de faiblesse au sens des articles 1137 et 1128 du code civil, fait état de sa vulnérabilité psychologique et de son placement sous curatelle en février 2020. Elle soutient que le projet n’était pas finalisé et les éléments de cuisine n’étaient pas posés, réclame la nullité de l’opération au visa de l’article L. 132-13 du code de la consommation et indique que ses déboires judiciaires lui ont causé un préjudice moral affectant son état de santé ainsi qu’un préjudice financier.


Elle rappelle que la société C2S avait renoncé à lui facturer les frais de stockage postérieurs au 31 mai 2018 alors qu’elle réclame désormais des frais facturés jusqu’au 17 mars 2020. Elle soutient que la société C2S ne produit pas de justificatif de la somme réclamée et invoque une fabrication de fausses preuves de nature à établir ce stockage.


Elle fait valoir que la clause relative aux frais de stockage contenue dans les conditions générales de vente est abusive et demande à ce qu’elle soit réputée non écrite.


Par des conclusions signifiées le 8 novembre 2021, la société C2S demande à la cour :


- de déclarer irrecevable et mal fondé l’appel de Mme X,
- de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a arrêté les frais de stockage à la date du 31 mai 2018,


- de débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes,


- de constater qu’elle n’a commis aucune man’uvre dolosive ni abus de faiblesse,


- de condamner Mme X à lui payer la somme de 20 640 euros au titre des frais de stockage à parfaire,


- de dire que l’ensemble de la cuisine équipée est à la disposition de Mme X et de constater que la société C2S accepte de livrer en sus des meubles de cuisine sur mesure les nouveaux modèles d’électroménagers commandés par Mme X, sans augmentation de prix du bon de commande,


- de condamner Mme X à lui payer la somme de 5 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


La société C2S soutient que le bon de commande est conforme aux dispositions impératives du code de la consommation et que le paiement de l’acompte caractérise pleinement l’engagement contractuel. Elle fait remarquer que les arguments tirés d’une « antidatation » des documents ou d’un abus de faiblesse ne sont pas étayés et que l’appelante est de mauvaise foi.


Elle soutient que l’appelante ne justifie d’aucune man’uvre dolosive lui étant imputable et conteste avoir exercé une pression à son encontre. Elle indique avoir correctement conservé les éléments de cuisine litigieux.


L’intimée précise que l’appelante était en possession de toutes ses capacités au moment de la conception de la cuisine, relève que la saisine du juge des tutelles s’inscrit curieusement entre le prononcé du jugement et la déclaration d’appel et que Mme X s’est rendue à la médiation judiciaire sans être accompagnée ni représentée et sans aucune difficulté. Elle rappelle en outre que le jugement de curatelle simple ne remet pas en cause les actes passés antérieurement.


Elle rappelle avoir renoncé en première instance à l’actualisation de ses frais de stockage en raison de la bonne foi de Mme X, laquelle n’est plus d’actualité. Elle note que l’appelante ne fait état d’aucun préjudice justifiant l’octroi de dommages et intérêts.


Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.


L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 novembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION


Il convient de recevoir l’intervention volontaire à la présente instance de Mme M K-O, mandataire judiciaire à la protection des majeurs en sa qualité de curatrice de Mme F X, désignée suivant jugement du 25 février 2020.

Sur la demande en annulation de la vente


Les pièces communiquées aux débats établissent que Mme F X a signé le 10 mai 2017 un bon de commande concernant l’achat une cuisine équipée comprenant du mobilier, des accessoires, du matériel sanitaire ainsi que des appareils électroménagers pour un montant de 11 157 euros TTC auprès de Cuisines Elite, enseigne de la société C2S. Une somme de 150 euros a été réglée le même jour par carte bancaire par Mme X qui a également a signé une attestation par laquelle elle indique que son logement est bien affecté à l’habitation et est construit ou achevé depuis plus de deux années. Le solde du prix soit 11 001 euros est indiqué comme étant payable à la mise à disposition des marchandises au dépôt. Est joint à ce bon de commande un document détaillant les mobiliers commandés avec précision de leur dimension.


Les conditions générales de vente ainsi que de garantie et le détail du bon de commande sont paraphés aux initiales « BA ».


Les conditions générales de vente précisent que le délai de mise à disposition est de 8 semaines à partir de la date de finalisation de la commande correspondant au versement d’un acompte de 40 % du montant total de la commande et la validation de la conception définitive après métré sur site.


Un métré et une perspective 3 D ont été réalisés le 10 mai 2017.


Un bon de commande modificatif a été signé le 12 juillet 2017 par Mme X portant le prix total de la commande à 11 151 euros et mentionnant le versement d’un acompte de 4 310 euros. Les conditions générales de vente ainsi que de garantie jointes au bon de commande sont paraphées aux initiales « BA ». Un nouveau métré et perspective 3 D a été réalisé le 12 juillet 2017.


La société C2S justifie avoir pris rendez vous avec Mme X pour la livraison dans le délai convenu, par suite de la réception des marchandises.


Le 16 octobre 2017, le conseil de Mme X faisait valoir par courriel au cuisiniste de ce que ses méthodes de vente s’apparenteraient à des man’uvres frauduleuses, que le plan soumis ne correspond pas aux desiderata de Mme X et qu’elle est bien fondée, en présence d’un vice du consentement tel que le dol, à solliciter l’annulation pure et simple de la vente et la restitution des fonds versés.

Mme X fonde sa demande d’annulation de la vente pour violation des articles L. 111-1, L. 211-1, L. 211-3, R. 616-1, L. 121-2, L. 121-3 du code de la consommation, pour défaut d’information claire et lisible, absence de devis et visite à son domicile, absence de mention relative à la procédure de médiation et pour pratiques trompeuses de la société.


Il résulte des dispositions de l’article L. 111-1 du code de la consommation en leur version applicable au litige, qu’avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service, au prix du bien ou du service, en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service, les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte, s’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles, la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.


Selon les articles L. 211-1, L. 211-3 et R. 616-1 du même code, les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible et le consommateur doit être informé de la possibilité de recourir, en cas de contestation, à la procédure de médiation de la consommation lors de la conclusion du contrat avec mention des coordonnées du ou des médiateurs de la consommation dont il relève.


En l’espèce, Mme X a signé ou paraphé les deux bons de commande des 10 mai et 12 juillet 2017, les conditions générales de vente et de garantie, l’attestation de domicile, les métrés des 10 mai et 12 juillet 2017, le bon de commande détaillé par élément, sans contestation quant à sa signature. Le bon de commande et les conditions générales de vente, rédigés en termes clairs et lisibles, portent désignation du vendeur et de ses coordonnées, des caractéristiques essentielles des biens vendus à savoir précision des éléments formant la cuisine et les éléments électroménagers (un four, des plaques cuissons, une hotte aspirante, un lave-vaisselle, un réfrigérateur, un micro-ondes) leur quantité, le prix total de la cuisine équipée et le délai maximum de mise à disposition de la commande pour livraison et pose, à savoir 8 semaines à compter de la validation de la conception définitive après métré sur site. Les modalités de garantie et de réclamation sont également mentionnées. Il est également précisé que l’acheteur peut dénoncer le contrat par lettre recommandée avec accusé de réception en cas de dépassement de 7 jours de la date de livraison.


Il résulte de ce qui précède que le bon de commande litigieux et les conditions générales de vente répondent aux exigences des textes susvisés, étant remarqué qu’aucune nullité n’est encourue sur ce fondement au regard des règles du code de la consommation.

***

Mme X soutient que le contrat devrait être annulé pour violation de l’article 1163 du code civil en ce qu’aucun cuisiniste ne s’est déplacé à son domicile pour prendre le métré de sorte qu’elle ne peut être valablement engagée, le métré étant entaché d’erreurs.


Aux termes des dispositions de l’article 1163 dudit code, l’obligation a pour objet une prestation présente ou future. Celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable. La prestation est déterminable lorsqu’elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu’un nouvel accord des parties soit nécessaire.


Les bons de commande des 10 mai et 12 juillet 2017 prévoient pour la société C2S la pose des meubles commandés, préalablement livrés, comprenant le transport, la fixation des meubles, la pose des équipements ménagers achetés et le raccordement sur le réseau existant de plomberie et d’électricité en place dans la cuisine. Il n’est pas démontré en quoi les deux métrés réalisés seraient irréguliers et priveraient ainsi d’objet les prestations sur lesquelles les parties se sont mises d’accord, l’appelante se contentant d’affirmer sans le démontrer que ces irrégularités résulteraient de la comparaison entre les plans d’origine établis en 1996 et les métrés réalisés en 2017.


Il n’est pas contesté que les deux métrés des 10 mai et 12 juillet 2017 ont été réalisés en magasin. Si Mme X laisse entendre qu’il n’y aurait pas eu de métré sur site, elle ne produit aucun élément en attestant alors qu’il résulte des éléments versés aux débats que le cuisiniste a organisé une visite à domicile le 26 juin 2017 à la suite de laquelle Mme X a pu solliciter des corrections au plan de cuisine établi le 10 mai 2017. La société C2S a accédé à sa demande et le 12 juillet 2017, un nouveau bon de commande modificatif accompagné d’un nouveau métré en magasin a été réalisé. Il est au demeurant constaté que ce n’est que par courrier du 16 octobre 2017, au moment de la livraison, qu’elle fait état pour la première fois de difficultés quant au métré pour un problème d’accès à une cave.


Le moyen ne peut donc prospérer.

***


L’annulation de la vente est également recherchée pour pratiques trompeuses du vendeur en violation des articles L. 121-2 et L. 121-3 du code de la consommation au regard des erreurs affectant le métré.


Les articles sur lesquels se fondent Mme X en leur version applicable au litige, définissent la pratique commerciale trompeuse. L’appelante ne démontre pas en quoi les erreurs affectant le métré, si tant qu’elles soient avérées, seraient constitutives d’une pratique trompeuse de la part de la société C2S, ni en quoi la nullité de la convention serait encourue sur ce fondement. Le moyen ne peut donc prospérer.

***


L’appelante soutient également qu’alors qu’elle était dans un état de fragilité psychologique manifeste portant sérieusement atteinte à ses capacités de discernement, elle a été victime de man’uvres dolosives ayant consisté à lui faire croire qu’elle était définitivement engagée dès le 10 mai 2017 alors qu’il ne s’agissait que d’une demande de renseignement. Elle fait valoir qu’on lui a fait croire qu’elle devait impérativement revenir en magasin, ce qu’elle a fait en juillet 2017 et sous pression, réussi à lui faire signer une série de documents antidatés tout en exigeant le paiement d’un acompte conséquent, en lui expliquant qu’elle n’avait pas le choix et que c’était la loi.


Elle invoque également un abus de faiblesse sur le fondement de l’article 1128 du code civil et L. 132-13 du code de la consommation, invoquant le fait que le vendeur a abusé de sa fragilité psychologique avérée pour lui faire signer un bon de commande.


Aux termes de l’article 1128 du code civil, sont nécessaires à la validité d’un contrat le consentement des parties, leur capacité de contracter, un contenu licite et certain.


Aux termes de l’article L. 132-13 du code de la consommation, le contrat conclu à la suite d’un abus de faiblesse est nul et de nul effet.


Aux termes de l’article 1137 du code civil en sa version applicable au litige, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.


En l’espèce, Mme X verse aux débats un certificat médical établi le 20 juin 2019 par le Docteur G H, médecin spécialiste habilité auprès des tribunaux qui indique : « certifie suivre régulièrement Mme X F d’une manière au moins hebdomadaire et que son état de santé s’est dégradé depuis fin 2016 et que cet état la rend vulnérable et qu’actuellement elle a accepté de faire une demande de mesure de protection ». Elle justifie également avoir fait l’objet suivant jugement du 25 février 2020, d’un placement sous un régime de curatelle simple pour une durée de 60 mois, étant constaté qu’il résulte du certificat médical du Dr A du 11 mars 2019 produit à l’appui de la requête, que l’altération des facultés mentales ou corporelles de Mme X l’empêche de pourvoir seule à ses intérêts. Elle communique différentes mains courantes, plaintes et procédures pénales de 2015 à 2017 concernant des faits de violences imputés à ses deux fils.


Elle produit :


- une copie de courrier du 3 juin 2021 d’une amie Mme B relatant que Mme X lui a fait part des difficultés qu’elle rencontrait avec la société C2S, de sa détresse psychologique et qu’elle avait pu écouter l’enregistrement au téléphone et qu’elle comprenait mieux les intentions frauduleuses du vendeur qui l’a harcelée plusieurs fois avec des propos injurieux,


- une attestation en bonne et due forme de M. I J établie le 7 avril 2021 par laquelle il indique avoir été le collègue du mari de Mme X, décédé en 2012 et qu’il avait été témoin de la faiblesse de Mme X à la suite du décès de son époux et qu’il avait été facile d’abuser de son état. Il indique qu’elle a été totalement manipulée pour aboutir à l’achat de cette cuisine, étant précisé que Mme X lui avait fait part des difficultés rencontrées avec la société C2S, du démarchage téléphonique du vendeur pour l’inciter à acheter une cuisine et qu’il a eu connaissance du message de M. C, lui mettant la pression pour la faire céder et pour obtenir un chèque de 4 310 euros de manière malhonnête.
Il résulte de ce qui précède que si Mme X présentait certes une vulnérabilité constatée médicalement en fin d’année 2016 et qu’elle a fait l’objet d’une mesure de protection à partir du 25 février 2020 sollicitée par elle le 3 juin 2019, il n’en demeure pas moins qu’elle ne démontre pas en quoi cette fragilité aurait altéré son discernement, ni les man’uvres pratiquées par les employés de la société qui auraient vicié son consentement pour lui faire signer un bon de commande. Si elle affirme ne s’être présentée au magasin que pour y faire réaliser une simulation d’une cuisine en 3 D réglée à hauteur de 150 euros et que des documents auraient ensuite été antidatés, elle n’apporte absolument aucun élément fondant ses affirmations et ne justifie d’aucune plainte pour escroquerie ou abus de faiblesse l’égard des salariés de la société C2S.


Il s’ensuit que le moyen ne peut prospérer.

Mme X soutient enfin que le contrat n’a pas de cause puisque l’obligation n’a pas pour corollaire l’existence de la cuisine visée dans le bon de commande comme l’établit le constat d’huissier versé aux débats par la société C2S, qui établit l’inexistence de la cuisine prétendument livrée, de sorte que la nullité doit être prononcée sur le fondement de l’article 1131 du code civil. Elle soulève également la caducité de la vente pour défaut d’objet et de cause.


Aux termes de l’article 1131 du code civil, les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.


La société C2S verse aux débats un constat d’huissier dressé le 12 juillet 2021, par lequel l’huissier instrumentaire certifie s’être rendu dans l’entrepôt sis […] à Sucy- en Brie en présence d’un représentant de la société C2S et a constaté la présence de meubles de cuisine et d’électroménager entreposés et sur les cartons le nom « X » , photographies à l’appui. Si Mme X soutient qu’il s’agit de pièces fabriquées et de fausses preuves destinées à établir le stockage des éléments objets du bon de commande alors que l’analyse des marques et des références à partir des photographies seraient de nature à établir le contraire, elle n’étaye aucunement ces graves affirmations et encore moins le lien avec une quelconque absence d’objet ou de cause du contrat, étant remarqué que depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, il n’est plus fait référence à la cause parmi les conditions de formation des contrats.


Le moyen ne saurait non plus prospérer.

Sur la demande d’annulation d’une clause du contrat

Mme X soutient que la clause des conditions générales de vente relatives aux frais de stockage serait illisible et abusive sur le fondement des articles L. 212-1 et L. 214-1 du code de la consommation définissant les clauses abusives comme celles qui créent un déséquilibre significatif au détriment du consommateur et de l’article 1171 du code civil.

Mme X n’énonce pas dans ses écritures la clause litigieuse. La seule mention de frais de stockage au sein des conditions générales de vente concerne le droit pour le vendeur, en cas de non prise de possession des biens vendus par l’acheteur et après mise en demeure, de mettre les marchandises en garde-meubles aux frais et risques du destinataire.


Au-delà de la simple énonciation des articles susvisés, Mme X ne démontre pas en quoi cette clause présenterait un caractère abusif, étant remarqué que la copie des conditions générales de vente produite par la société C2S est parfaitement lisible et rédigée en termes clairs et précis.


Il s’ensuit que le moyen ne peut prospérer.

Sur la demande d’indemnisation pour préjudice moral
Eu égard à l’absence de caractérisation de quelconques man’uvres frauduleuses ou abus de faiblesse de la part de la société C2S, la demande formulée au titre d’un préjudice moral est rejetée.

Sur la demande en paiement


Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Mme X à payer à la société C2S la somme de 6 691 euros au titre du solde du bon de commande modificatif du 12 juillet 2017.


La société C2S s’engage à livrer l’ensemble des meubles de cuisine accompagné de nouveaux modèles d’électroménagers commandés par Mme X, sans augmentation de prix du bon de commande. Il convient de condamner la société C2S à exécuter cette obligation de livraison dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt.


La société C2S justifie de l’entreposage de la marchandise commandée en garde-meubles depuis le 1er décembre 2017 d’abord au […] à Limeil Brévannes puis au […] à Sucy en Brie. Elle réclame la somme de 20 640 euros au titre des frais de stockage arrêtés au 29 février 2020.


Les factures communiquées pour la période du 1er décembre 2017 au 29 février 2020 sont des factures à en-tête Cuisine Elite au nom de Mme X. Il est retenu par le vendeur une base de calcul de 15 euros par jour multiplié par le nombre de jours de stockage. Aucune facture du garde-meubles n’est produite permettant de vérifier la tarification applicable alors que les conditions générales de vente renvoient précisément aux frais de garde-meubles.


Il s’ensuit une impossibilité de procéder à la vérification du bien-fondé de la demande de sorte que la société C2S doit être déboutée de sa demande à ce titre et le jugement infirmé de ce chef.


Le surplus des demandes des parties est rejeté.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,


Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt contradictoire, par décision mise à disposition au greffe,


- Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne les frais de stockage,


Statuant à nouveau,


- Déboute Mme F X de ses demandes d’annulation de la vente, de caducité de la vente, d’annulation d’une clause du contrat et d’indemnisation,


- Condamne la société C2S à procéder à la livraison et à la pose des mobiliers objets de la vente dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt,


- Déboute la société C2S de sa demande en paiement de frais de stockage,


- Rejette le surplus des demandes,


- Condamne Mme F X aux dépens de première instance et d’appel,


- Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière Pour la présidente empêchée
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