Cour d'appel de Paris, Pôle 3 chambre 1, 16 novembre 2022, n° 20/12118

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 3 ch. 1, 16 nov. 2022, n° 20/12118
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/12118
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Paris, JAF, 14 juin 2020, N° 16/32847
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 4 décembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022

(n° 2022/ , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/12118 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCIR3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2020 – Juge aux affaires familiales de PARIS – RG n° 16/32847

APPELANTE

Madame [D] [N]

née le 20 Décembre 1960 à [Localité 6] (08)

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée et plaidant par Me Barbara VAUCOULEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : C1472

INTIME

Monsieur [F] [B]

né le 24 Mars 1959 à [Localité 5] (27)

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [D] [N] et M. [F] [B] se sont mariés le 26 janvier 1991 à [Localité 8] (94) sans contrat de mariage préalable de sorte que les époux étaient soumis au régime matrimonial légal de la communauté de biens réduite aux acquêts.

Par ordonnance de non-conciliation en date du 12 février 2002, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a notamment :

— attribué la jouissance du domicile conjugal et du mobilier du ménage à Mme [N],

— dit que M. [B] assumera le paiement du loyer, les charges de copropriété et assurances ainsi que le paiement des impôts locaux afférent à ce logement,

— fixé à 1 067 euros la pension alimentaire que doit verser l’époux à l’épouse, laquelle percevra en sus le loyer du studio actuellement loué par le couple, à charge pour Mme [N] d’assumer les charges et taxes revenant au propriétaire des lieux,

— ordonné une expertise confiée à Me [E] [X], notaire, avec mission d’établir l’existence et l’importance des patrimoines des époux, déterminer les ressources revenus et charges respectives des époux et donner une évaluation des dépenses de chacun, déterminer les besoins des parties en tenant compte du niveau de vie antérieur et établir un projet de règlement des prestations et pensions après divorce.

Par ordonnance du 8 juillet 2003, le juge de la mise en état a fixé, à compter de la notification de l’ordonnance, à la somme de 2 567,14 euros la pension alimentaire mensuelle due par M. [B] à son épouse et déchargé à compter de la même date l’époux de l’obligation d’acquitter les indemnités, charges et taxes afférents à l’occupation du logement familial dont l’épouse est expulsée.

Par ordonnance du 12 avril 2005, le juge de la mise en état a fixé, à compter du 7 mars 2005, à la somme mensuelle de 1 000 euros la pension alimentaire au titre du devoir de secours.

Par ordonnance du 13 décembre 2005, le juge de la mise en état a déchargé M. [B] du paiement de toutes les pensions alimentaires mises à charge par les précédentes décisions.

Par arrêt du 18 janvier 2007, la cour d’appel de Paris a partiellement infirmé cette décision en fixant à 450 euros la pension alimentaire au titre de la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant et y ajoutant, a ordonné une nouvelle expertise confiée à M. [P] avec pour mission d’examiner les revenus et les comptes de chacune des parties et donner tous éléments permettant d’apprécier leur situation patrimoniale. La consignation était fixée à 2 000 euros à la charge de Mme [N].

Par acte d’huissier en date du 17 avril 2002, M. [B] a assigné son conjoint en divorce.

Par jugement du 8 février 2007, le juge aux affaires familiales de Paris a sursis à statuer sur la demande en divorce dans l’attente du résultat de la procédure pénale engagée à la suite d’une plainte déposée par Mme [N] à l’encontre de M. [B] du chef d’organisation frauduleuse d’insolvabilité.

Le divorce des époux a été prononcé à leurs torts partagés par jugement du 13 janvier 2011 confirmé sur ce point par arrêt du 23 février 2012.

Les parties n’ayant pu parvenir à un partage amiable de leurs intérêts patrimoniaux, M. [B] a, par acte d’huissier du 5 janvier 2016, fait assigner Mme [N] aux fins de voir ordonner l’ouverture des opérations de compte liquidation partage judiciaire de leurs intérêts patrimoniaux et de trancher leurs désaccords.

Par jugement du 15 juin 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Paris a notamment :

— débouté M. [B] de sa demande principale en homologation du projet d’état liquidatif établi par Me [L],

en conséquence,

— débouté M. [B] de ses demandes principales subséquentes,

— ordonné qu’il soit procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux de M. [B] et Mme [N],

— constaté que la communauté matrimoniale est dissoute depuis l’assignation en divorce délivrée le 17 avril 2002,

— désigné Me Hélène Boidin pour procéder conformément aux dispositions des articles 1364 et suivants du code de procédure civile aux opérations de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des ex-époux,

statuant sur les désaccords,

— débouté Mme [N] de sa demande visant à juger M. [B] coupable de recel de communauté au titre des récompenses qui seraient dues à celle-ci par M. [B],

— dit n’y voir lieu d’autoriser le notaire à solliciter directement les établissements financiers et compagnies d’assurance pour obtenir une liste des assurances-vie souscrites par M. [B] pendant la vie commune,

— dit qu’en l’état des pièces produites, la présente juridiction ne dispose pas des éléments permettant de trancher la demande de fixation d’une récompense de la communauté au profit de M. [B] concernant l’encaissement par la communauté de fonds issus de la vente d’un bien propre et l’injection de fonds propres dans le financement d’un bien commun et les parties seront renvoyées devant le notaire désigné,

— invité M. [B] à présenter au notaire les éléments repris nécessaires à l’évaluation précise des mouvements de valeurs intervenus entre ses fonds personnels et la communauté à compter du mariage sur ce point,

— fixé la récompense due par la communauté à M. [B] au titre de la part de l’indemnité de licenciement indemnisant son préjudice personnel à la somme de 30 489,80 euros,

— dit que le prix de vente du véhicule Porsche d’un montant de 18 000 euros doit être intégré à l’actif de communauté,

— dit que les parties seront renvoyées devant le notaire désigné concernant l’indemnité d’assurance incendie d’un montant de 109 086,61 euros perçue par Mme [N],

— invité Mme [N] à produire devant le notaire désigné les éléments descriptifs et d’évaluation du mobilier versés à l’assureur lors de la souscription du contrat d’assurance habitation ainsi que les pièces versées dans le cadre du sinistre avec les factures afférentes aux objets qu’elle indique avoir acheté personnellement lors de l’entrée dans les lieux,

— dit n’y avoir lieu de statuer à ce stade de la procédure sur le recel de communauté invoqué en défense du chef de comptes bancaires et assurances-vie ouverts au nom de M. [B],

— renvoyé les parties devant le notaire désigné concernant les comptes d’indivision relativement à la gestion des biens communs situés à [Localité 7] et la dette fiscale afférente au redressement fiscal,

— dit que M. [B] dispose d’une créance sur l’indivision d’un montant de 28 135,93 euros du chef du solde débiteur du compte BNP Paribas.

Par déclaration du 16 août 2020, Mme [N] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :

— a constaté que la communauté matrimoniale est dissoute depuis l’assignation en divorce délivrée le 17 avril 2002,

— l’a déboutée de sa demande visant à juger M. [B] coupable de recel de communauté au titre des récompenses qui seraient dues à celle-ci par M. [B],

— a dit n’y avoir lieu de statuer à ce stade de la procédure sur le recel de communauté invoqué en défense du chef de comptes bancaires et assurances-vie ouverts au nom de M. [B],

— a fixé la récompense due par la communauté à M. [B] au titre de la part de l’indemnité de licenciement indemnisant son préjudice personnel à la somme de 30 489,80 euros,

— a dit que le prix de vente du véhicule Porsche d’un montant de 18 000 euros doit être intégré à l’actif de communauté,

— a dit que M. [B] dispose d’une créance sur l’indivision d’un montant de 28 135,93 euros du chef du solde débiteur du compte BNP Paribas.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 22 juin 2022, l’appelante demande à la cour :

— d’infirmer le jugement rendu le 15 juin 2020 en ce qu’il a :

* fixé la récompense due par la communauté à M. [B] au titre de la part de l’indemnité de licenciement indemnisant son préjudice personnel à la somme de 30 489,80 euros,

* dit que le prix de vente du véhicule Porsche d’un montant de 18 000 euros doit être intégré à l’actif de communauté,

* dit que M. [B] dispose d’une créance sur l’indivision d’un montant de 28 135,93 euros du chef du solde débiteur du compte BNP Paribas,

* débouté Mme [N] de sa demande visant à juger M. [B] coupable de recel de communauté au titre des récompenses qui seraient dues à celle-ci par M. [B],

* dit n’y avoir lieu de statuer à ce stade de la procédure sur le recel de communauté invoqué en défense du chef de comptes bancaires et assurances- vie ouvert au nom de M. [B],

et statuant de nouveau :

sur les dommages et intérêts pour rupture abusive perçus par M. [B] :

— juger que la somme de 330 489,80 francs perçue par M. [B] à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive suivant jugement rendu le 1er avril 1997 par le conseil des prud’hommes de Paris est un bien commun et indemnisant une « absence de revenu pendant un an » n’ouvrant pas droit à récompense,

— débouter M. [B] de sa demande de récompense due par la communauté,

sur le véhicule de marque Porsche :

— juger que le véhicule de marque Porsche est un bien propre de Mme [N] n’entrant pas dans la liquidation de la communauté,

à titre subsidiaire

— juger que le véhicule de marque Porsche est un bien commun entrant dans la liquidation de la communauté et renvoyer les parties sur ce point devant le notaire judiciairement nommé afin d’en justifier du prix de vente,

sur le prétendu paiement du solde débiteur BNP Paribas :

— débouter M. [B] de sa demande de créance sur l’indivision d’un montant de 28 135,93 euros du chef du solde débiteur du compte BNP Paribas,

à titre subsidiaire

— dire et juger que Mme [N] n’est tenue de la dette commune de 28 135,93 euros du chef du solde débiteur du compte BNP Paribas que pour sa moitié, soit la somme de 14 317,97 euros,

sur le recel de communauté :

— juger M. [F] [B] coupable de recel de communauté sur :

* le prêt immobilier pour le bien propre à [Localité 8] contracté par M. [B] auprès de la BNP avant le mariage et dont les échéances de remboursement ont été payées par la communauté à qui M. [B] doit récompense,

* la valeur de rachat de ses assurances vie, notamment :

> un contrat d’assurance vie n°006068 souscrit auprès de Generali France,

> un contrat d’assurance vie n°P 150 4 numéro d’adhérent 284222 01 souscrit auprès de ICIRS Prévoyance,

> tout contrat se révélant après recherches FICOVIE et entrant dans la liquidation,

* ses comptes bancaires et de titres et notamment :

> son compte titres américain JP Morgan n°330083191

> son compte titres américain Sand Brothers & CO LTD n°4ny-166438

> son compte titres américain Chase H&Q n°H10-685715

> son compte courant UBS (Suisse) n°240-190272.19 B

> son compte courant Bank of America n°10982-05136

> son compte courant Deutsch Bank n°247-15364

> son compte épargne livret B BNP

> son plan d’épargne populaire BNP

> son compte courant n°1905516590 HSBC

> son compte plan d’épargne en actions (PEA) n°00196938710 HSBC

> tout autre compte révélé par FICOBA et/ou EVAFISC ne figurant pas sur la déclaration sur l’honneur rédigée par M. [B] le 11 octobre 2002,

— en conséquence, juger M. [B] coupable de recel de communauté à hauteur du montant de la récompense due à la communauté pour le financement de ces biens et valeurs et dire que M. [B] sera privé de ses droits sur ces sommes,

— condamner M. [B] à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. [B] aux dépens.

Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 15 février 2021, M. [F] [B], intimé, demande à la cour de :

— le recevoir en ses demandes et l’y dire fondé,

— confirmer le jugement déféré,

— débouter Mme [N] de ses demandes concernant les récompenses dues par la communauté à M. [B],

— débouter Mme [N] de sa demande au titre d’un recel « successoral » (sic),

— condamner Mme [N] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction à la SELARL Guizard et Associés, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 juin 2022.

L’affaire a été appelée à l’audience du 13 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il sera rappelé qu’aux termes de l’alinéa 3 de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Bien que la déclaration d’appel mentionne le chef de dispositif du jugement entrepris ayant constaté que la communauté matrimoniale est dissoute depuis l’assignation en divorce délivrée le 17 avril 2002, il convient de constater, au vu des écritures des parties, que ce chef de dispositif n’est pas discuté.

Il sera donc confirmé.

Sur l’indemnité pour rupture abusive

Il résulte des articles 1401 et 1404, alinéa 1er, du code civil, cités par le juge de première instance, que les indemnités allouées à un époux entrent en communauté, à l’exception de celles qui sont exclusivement attachées à la personne du créancier.

Le juge de première instance a rappelé qu’il était constant que M. [B] avait perçu pendant la vie commune une indemnisation ayant bénéficié à la communauté d’un montant total de 1 506 940 francs (soit 229 731,52 euros) pour son licenciement, dont la somme de 200 000 francs (30 489,80 euros) à titre dommages et intérêts pour rupture abusive ; il a dit que cette dernière indemnité a eu pour objectif de réparer le préjudice moral subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse imposé à M. [B], et constitue la réparation d’un préjudice personnel de ce dernier et non la compensation des salaires non perçus ; il a retenu par conséquent que la communauté doit récompense à M. [B] de ce chef pour la somme de 30 489,80 euros.

Alors que M. [B] soutient en effet que cette indemnité avait pour objet de réparer son préjudice moral, l’appelante affirme qu’elle tendait à compenser son absence de revenu pendant un an et correspondait donc à un substitut de salaire.

Par jugement du 1er avril 1997, le conseil des prud’hommes a alloué à M. [B] notamment une somme de 200 000 francs à titre de dommages et intérêts suite à son licenciement en motivant comme suit :

« Attendu évidemment que le salarié ayant moins de 2 ans d’ancienneté ne saurait réclamer les indemnités définies par l’article L. 122-14-4 du code du travail et qu’il ne peut tout au plus que demander l’attribution de dommages et intérêts pour rupture abusive en rapportant la preuve du préjudice subi.

« Attendu s’agissant du préjudice qu’il s’est trouvé aggravé par le fait qui n’est peut-être qu’une coïncidence mais qui demeure dommageable, que le départ de M. [B] est intervenu quelques jours avant l’expiration du délai requis pour que s’applique le régime spécial de couverture contre le chômage.

« Attendu que les griefs adressés à M. [B] sur son utilisation des frais professionnels n’apparaissent pas constituer la cause effective de son licenciement, qui est donc abusif.

« Qu’en conséquence, compte tenu de l’absence de revenu pendant un an, le conseil fixe à 200 000 francs les dommages et intérêts dus à M. [B]. »

Il découle de cette décision que l’indemnité allouée n’avait pas exclusivement pour objet de réparer un dommage affectant uniquement la personne de M. [B] puisque le conseil des prud’hommes mentionne expressément, dans le paragraphe conclusif de sa motivation sur ce point, le caractère causal de la perte de revenus subie par M. [B] pendant un an.

Puisque l’indemnité de 200 000 francs a donc été allouée en réparation du préjudice résultant de la perte par M. [B] de son emploi, il n’y a pas lieu à récompense par la communauté.

Le jugement frappé d’appel sera infirmé de ce chef.

Sur le prix de vente du véhicule de marque Porsche

Mme [N] soutient que ce véhicule lui avait été offert par son époux en remerciement de son soutien lors de la procédure devant le conseil des prud’hommes, et qu’il s’agit d’un présent d’usage.

M. [B] le conteste.

Le juge de première instance a rejeté la prétention de Mme [N] tendant à voir reconnaître que le prix de vente de ce véhicule, de 18 000 euros, constitue un bien propre et a dit qu’il serait intégré à l’actif de la communauté, au motif que Mme [N] ne produisait aucun élément permettant de justifier que le véhicule lui avait été offert.

Il y a lieu de constater que Mme [N] ne produit pas davantage de pièce corroborant ses allégations quant à une volonté libérale de son époux devant la cour, la circonstance qu’un incendie a eu lieu dans son appartement n’étant pas de nature à écarter la charge qui lui incombe en vertu de l’article 9 du code de procédure civile de rapporter la preuve des faits nécessaires au succès de sa prétention tendant à voir juger que le véhicule de marque Porsche était son bien propre.

Sa carence conduit à confirmer le jugement entrepris en ce que, rejetant cette prétention, il a dit que le prix de vente de ce véhicule, d’un montant de 18 000 euros, doit être intégré à l’actif de communauté.

Sur le solde débiteur BNP Paribas

Le juge de première instance a retenu une créance de M. [B] sur l’indivision d’un montant de 28 135,93 euros au titre du paiement d’une dette indivise mentionnée dans le rapport du notaire désigné par le juge conciliateur pour établir l’existence et l’importance des patrimoines des époux, déterminer les ressources revenus et charges respectives des époux et donner une évaluation des dépenses de chacun, déterminer les besoins des parties en tenant compte du niveau de vie antérieur et établir un projet de règlement des prestations et pensions après divorce.

Il résulte de toute façon des écritures des parties que la somme de 28 135,93 euros correspond à celle que Mme [N] a été condamnée à payer à la société BNP Paribas par jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 27 mai 2003 au titre du solde débiteur d’un compte ouvert auprès de cette banque.

Mme [N], sans nier cette condamnation, souligne que M. [B] ne produit pas le jugement du 27 mai 2003.

Comme le juge de première instance qui a relevé que Mme [N] disposait nécessairement de la minute de ce jugement de condamnation la concernant et en a conclu qu’il n’était pas nécessaire d’en produire une copie dans le cadre de la procédure pendante devant lui, la cour note que Me [X] a d’ailleurs indiqué dans son rapport que ce jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 27 mai 2003 lui a été communiqué par l’avocat même de Mme [N].

Quoi qu’il en soit, il y a lieu de retenir que l’existence de la dette, que Me [X] a qualifiée de commune, est un fait constant.

Mme [N] fait surtout valoir une absence de preuve du paiement de cette dette par M. [B].

En effet, l’intimé ne verse aux débats aucune pièce relative à ce paiement, dont même la date est inconnue, alors que l’appelante lui a, le 22 juin 2022, fait sommation de produire le justificatif du versement de la somme de 28 135,93 euros à la BNP Paribas.

La mention, au rapport de Me [X], qu’ « il apparaît que M. [B] s’est acquitté du paiement » de cette dette, et l’affirmation, dans le projet d’état liquidatif rédigé par le notaire que M. [B] a unilatéralement désigné pour procéder au règlement des intérêts patrimoniaux des ex-époux, selon laquelle il « a payé le solde débiteur d’un compte à vue et d’un compte réserve pour un débit arrêté au 14 janvier 2002 (6 555,35 + 21 580,58 euros), 28 135,93 euros » ne sauraient suffire à établir la réalité de ce paiement.

M. [B] échouant dans la charge de la preuve qui lui incombe du paiement de la dette commune sur ses seuls deniers personnels, le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit que M. [B] dispose d’une créance sur l’indivision d’un montant de 28 135,93 euros du chef du solde débiteur du compte BNP Paribas.

M. [B] n’ayant pas judiciairement formé de demande de créance à ce titre, il ne saurait en être débouté comme le sollicite l’appelante ; il sera seulement dit qu’il ne justifie pas d’un droit à créance de 28 135,93 euros au titre du règlement du solde débiteur du compte BNP Paribas.

Sur le recel de communauté imputé à M. [B] par Mme [N]

Aux termes de l’article 1477 du code civil, celui des époux qui aurait détourné ou recelé quelques effets de la communauté est privé de sa portion dans lesdits effets.

La constatation d’un recel de communauté implique la réunion de deux éléments : d’une part, le détournement d’effets de la communauté, et, d’autre part, l’intention frauduleuse de rompre l’égalité du partage.

Mme [N] soutient que la demande en homologation du projet d’état liquidatif établi par Me [L] formée à titre principal par M. [B] caractérise la volonté de ce dernier de la frustrer de sa part de communauté puisque ce projet ne porte mention ni de la récompense qu’elle revendique pour le compte de la communauté à raison du paiement des échéances de remboursement du prêt immobilier contracté par M. [B] auprès de la BNP avant le mariage pour l’acquisition d’un bien propre de [Localité 8], ni des assurances-vie, comptes bancaires et comptes-titres étrangers dont elle affirme que M. [B] est titulaire.

1) Sur l’omission de la récompense qui serait due à la communauté

Le premier juge a écarté le recel de ce chef au motif qu’il s’agit seulement d’un désaccord entre les copartageants quant aux montants des récompenses dues et à l’appréciation des éléments de preuve produits au soutien du calcul des récompenses, étant relevé que les deux notaires ayant eu à connaître du dossier ont fait état de récompenses et de compensations.

M. [B] souligne à juste titre que, si le projet d’état liquidatif établi par Me [L] retient une récompense à son profit pour le prix de vente de l’appartement qui lui appartenait en propre encaissé par la communauté, la partie correspondant au montant du prêt remboursé par la communauté doit être déduite de la récompense due à M. [B].

Il en ressort que M. [B] n’a nullement dissimulé le remboursement des échéances par la communauté et les droits qui en découlent au bénéfice de celle-ci.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Mme [N] de sa demande visant à juger M. [B] coupable de recel de communauté au titre de la récompense qui serait due par ce dernier de ce fait.

2) Sur l’absence de déclaration par M. [B] de plusieurs contrats d’assurances-vie, comptes bancaires et comptes-titres

Mme [N] reproche à M. [B] d’avoir omis certains comptes bancaires et des assurances vie dans sa déclaration sur l’honneur du 11 octobre 2002 et dans le projet d’état liquidatif établi par le notaire qu’il a unilatéralement désigné.

M. [B] réplique que les comptes mentionnés par Mme [N] « n’existent plus depuis années » et qu’elle ne l’ignore pas. Il rappelle qu’il a été relaxé par jugement correctionnel du 1er septembre 2009 des faits d’organisation d’insolvabilité pour lesquels Mme [N] avait déposé plainte. Il ajoute que celle-ci procède par simples allégations sans rapporter la preuve des détournements qu’elle lui impute.

Le premier juge a retenu que la réalité de la dissimulation de deniers communs n’est pas démontrée « à ce stade » et a alors jugé prématuré de statuer sur l’existence d’un recel à ce titre.

La cour constate quant à elle, s’agissant des contrats d’assurances-vie, que, si l’appelante affirme que M. [B] est titulaire notamment du contrat n°006068 souscrit auprès de Generali France, et du contrat n° P 150 4 numéro d’adhérent 284222 01 souscrit auprès de ICIRS Prévoyance, elle ne fournit aucun document de nature à établir leur existence, l’identité du souscripteur, l’origine des éventuels fonds versés, etc.

S’agissant des comptes-titres étrangers, M. [B] a déclaré, dans son attestation sur l’honneur du 11 octobre 2002 remise à Me [X] dans le cadre de la mission d’expertise contradictoire qui lui avait été confiée par le juge conciliateur, être titulaire d’un compte Sand Brother et d’un compte JP Morgan. Dès lors, il ne saurait être considéré qu’il les a dissimulés même s’ils ne figurent pas dans le projet d’état liquidatif établi par Me [L].

Il en va de même pour deux comptes bancaires étrangers UBS (Suisse) n°240-190272.19 B et Bank of America n°10982-05136.

Mme [N] évoque par ailleurs un compte Chase H&Q n°H10-6857154 et produit un relevé datant de juillet 2000 faisant état d’une valeur nette au 31 juillet 2000 de 75 635,54 dollars. Si cette pièce montre bien l’existence d’un compte dont M. [B] était alors titulaire, elle ne suffit pas à établir l’existence d’un solde positif à la date de dissolution de la communauté ni le caractère commun des fonds détenus.

Il en va de même du compte n°247-15364 détenu par M. [B] auprès de la Deutsche Bank.

Mme [N] reproche encore à M. [B] d’avoir omis les comptes suivants ouverts en France, mentionnés dans le procès-verbal de police du 9 octobre 2006 versé aux débats :

— auprès de la BNP :

* un compte épargne livret B

* un plan d’épargne populaire

— auprès de HSBC :

* le compte « courant » n°1905516590 clôturé le 31 décembre 2002

* le compte plan d’épargne en actions n°00196938710 clôturé le 8 juin 2004.

Il n’est établi pour aucun d’entre eux que des fonds communs y aient été déposés, étant observé par exemple que le compte épargne livret B a été ouvert auprès de la BNP par M. [B] le 27 janvier 1989, soit antérieurement au mariage célébré le 26 janvier 1991, et le solde de ces comptes à la date de dissolution de la communauté n’est pas connu.

Dans ces conditions, bien que tout recel de communauté soit exclu s’agissant des comptes-titres Sand Brother et JP Morgan et les comptes bancaires UBS (Suisse) n°240-190272.19 B et Bank of America n°10982-05136, le jugement entrepris sera, eu égard aux prétentions respectives des parties, confirmé en ce qu’il a dit n’y avoir lieu de statuer à ce stade sur le recel de communauté invoqué en défense du chef de comptes bancaires et assurances-vie ouverts au nom de M. [B].

Sur les frais et dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Il convient, eu égard à la nature du litige et alors qu’il n’est que partiellement fait droit aux prétentions de l’appelante, de dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leurs droits dans le partage.

En l’absence de partie 'condamnée aux dépens', il n’y a pas lieu de faire application de l’article 699 du code de procédure civile ou de l’article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement prononcé le 15 juin 2020 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a :

— fixé la récompense due par la communauté à M. [F] [B] au titre de la part de l’indemnité de licenciement indemnisant son préjudice personnel à la somme de 30 489,80 euros,

— dit que M. [F] [B] dispose d’une créance sur l’indivision d’un montant de 28 135,93 euros du chef du solde débiteur du compte BNP Paribas ;

Statuant à nouveau,

Dit que la somme de 200 000 francs (30 489,80 euros) allouée à M. [F] [B] à titre dommages et intérêts pour rupture abusive dans le cadre de sa procédure de licenciement n’ouvre pas droit à récompense à la charge de la communauté ;

Dit que M. [F] [B] ne justifie pas d’un droit à créance de 28 135,93 euros au titre du règlement du solde débiteur du compte BNP Paribas ;

Confirme le jugement prononcé le 15 juin 2020 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Paris en tous ses autres chefs de dispositif dévolus à la cour ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leurs droits dans le partage ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Paris, Pôle 3 chambre 1, 16 novembre 2022, n° 20/12118