Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 4, 7 décembre 2022, n° 17/08009

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 4, 7 déc. 2022, n° 17/08009
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/08009
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Créteil, 3 mai 2017, N° 13/03278
Dispositif : Autre décision avant dire droit
Date de dernière mise à jour : 12 décembre 2022
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Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRET DU 07 DÉCEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/08009 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3PZ4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mai 2017 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de CRÉTEIL – RG n° 13/03278

APPELANT

Monsieur [C] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Jérôme WATRELOT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100

INTIMEE

SA SANOFI CHIMIE

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga’l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 9 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; prorogé à ce jour.

— signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Figen HOKE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Sanofi Chimie a pour activité la conception et la commercialisation de produits médicamenteux. Elle appartient au groupe international Sanofi Aventis. Elle comprend neuf établissements, dont [Localité 3], [Localité 5], [Localité 4] et [Localité 6].

M. [C] [J] a été mis à disposition de la société Sanofi Chimie dans le cadre d’un contrat de mission du 22 juin 2010 au 31 décembre 2010, en qualité d’opérateur de fabrication, pour un accroissement temporaire de l’activité.

M. [C] [J] a été embauché par la société Sanofi Chimie selon contrat à durée déterminée du 7 février 2011 au 6 février 2012, en qualité de technicien d’atelier pour « remplacement d’un salarié dont le poste est supprimé ». Ce contrat a été renouvelé par avenant jusqu’au 6 février 2013.

Il a été affecté tout au long de sa relation contractuelle auprès de l’établissement de [Localité 5].

Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des industries chimiques.

La société a fait l’objet d’un premier plan de sauvegarde pour l’emploi en 2008, dans le cadre d’un projet de reconversion du site de [Localité 6] qui avait une double activité de production chimique et de développement des procédés biotechnologiques, pour le centrer exclusivement sur la biotechnologie, c’est-à-dire les activités de recherches, de développement et de production commerciale.

Au cours du premier trimestre 2010, un nouveau PSE a été mis en place et a été adopté le 20 octobre 2010, dans le cadre d’un nouveau projet de restructuration afin de se concentrer plus encore sur la biotechnologie avec suppression des établissements de [Localité 4], d'[Localité 3] et de [Localité 5].

L’intéressé a saisi le conseil des prud’hommes de Créteil le 11 octobre 2013, aux fins d’obtenir la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée, la nullité du licenciement pour défaut de mise en oeuvre d’un PSE, alors que le nombre de licenciements sur une courte période rendait nécessaire un plan de sauvegarde pour l’emploi. Il demandait sa réintégration et la condamnation de l’employeur à lui payer les sommes suivantes :

—  3 211,37 euros d’indemnité de requalification ;

—  112 397,95 euros de rappel de salaire au titre de la période écoulée avant sa réintégration ;

—  11 239,80 euros d’indemnité de congés payés y afférents ;

—  274,41 euros de rappel de prime d’habillage et de déshabillage ;

—  2 332,80 euros de rappel de prime de douche ;

—  2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, il sollicitait ladite requalification, la reconnaissance de l’absence de cause réelle et sérieuse de la rupture et la condamnation de la partie adverse à lui verser les sommes suivantes :

—  3 211,37 euros d’indemnité de requalification ;

—  6 422,74 euros d’indemnité de préavis ;

—  642,27 euros d’indemnité de congés payés y afférents ;

—  274,41 euros de rappel de prime d’habillage et de déshabillage ;

—  2 332,80 euros de rappel de prime de douche ;

—  2 080,97 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

—  32 113,70 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  50 000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d’un PSE ;

—  2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en formation de départage du 4 mai 2017, la relation de travail entre M. [C] [J] et la société Sanofi Chimie entre le 7 février 2011 et le 6 février 2013 a été requalifiée en contrat à durée indéterminée, la demande de nullité du licenciement a été rejetée, la rupture à la fin de la période précédente a été déclarée dépourvue de cause réelle et sérieuse et la société a été condamnée à verser au demandeur les sommes suivantes :

—  3 211,37 euros d’indemnité de requalification ;

—  2 024,07 euros d’indemnité de licenciement ;

—  6 422,74 euros d’indemnité de préavis et 642,27 euros d’indemnité de congés payés y afférents ;

—  19 268,22 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  750 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseil a rappelé que l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l’indemnité de licenciement portent intérêt au taux légal à compter de la date de convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et que le surplus des sommes allouées est assorti des intérêts au taux légal à compter de la décision.

Il a également ordonné le remboursement aux organismes intéressés par la société Sanofi Chimie, de tout ou partie des indemnités chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite d’un mois d’indemnités de chômage et dit qu’une copie du jugement serait transmise au Pôle emploi.

Le conseil a ordonné l’exécution provisoire de la décision pour ses dispositions qui n’en bénéficient pas dans les conditions des articles R. 1454-14 et R. 1454-28 du code du travail et fixé la moyenne mensuelle brute des trois derniers salaires à la somme de 3 211,37 euros, les charges sociales devant être déduites pour le recouvrement des créances salariales.

Le conseil a rejeté les autres demandes et condamné la société Sanofi Chimie aux dépens.

Appel a été interjeté par le salarié le 8 juin 2017.

Par conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 20 avril 2022, le salarié demande l’infirmation de la décision déférée sur le montant de l’indemnité de requalification, sur le rejet des demandes au titre de la prime d’habillage et de déshabillage et de la prime de douche, sur la nullité du licenciement, sur la demande de réintégration, et des condamnations subséquentes.

Il prie la cour de dire que la rupture produit les effets d’un licenciement nul et d’ordonner sa réintégration. Il soutient la confirmation du jugement sur le principe et le quantum de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité de préavis et de l’indemnité de congés payés y afférents. Il prie en conséquence la cour de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

—  9 634,11 euros d’indemnité de requalification ;

—  358 067,76 euros de dommages-intérêts au titre des salaires dont le salarié a été privé avant sa réintégration et sauf à parfaire ;

—  35 806,78 euros d’indemnité de congés payés y afférents ;

—  19 268,22 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul à défaut de réintégration possible, en sus de la somme de 19 268,22 euros octroyée par le conseil des prud’hommes ;

—  6 352,02 euros au titre de la prime d’habillage et de déshabillage ;

—  6 358,51 euros au titre de la prime de douche.

Subsidiairement, il soutient la confirmation sur la qualification de licenciement sans cause réelle et sérieuse de la rupture, mais conclut à l’infirmation sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu’il entend voir fixer à la somme de 19 268,22 euros en sus de la somme de 19 268,22 euros accordée par le conseil des prud’hommes et celle de 128 170,55 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier d’un PSE, ou à tout le moins la somme de 50 000 euros à ce titre.

Il s’oppose aux prétentions adverses et demande l’allocation de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 4 mai 2022, la société Sanofi Chimie demande à la cour de dire n’y avoir lieu à statuer à raison de l’absence d’effet dévolutif de l’appel de M. [C] [J].

Subsidiairement, elle demande la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et s’oppose à l’ensemble des prétentions adverses.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande le rejet des demandes du salarié de réintégration, de rappels de salaires et de dommages et intérêts y afférents et, le cas échéant, la limitation à la somme de 253,44 euros du montant du rappel de prime d’habillage et de déshabillage et à 2 133,12 euros le montant du rappel au titre des deux primes d’habillage et déshabillage et de douche.

Encore plus subsidiairement, pour le cas où la cour ordonnerait la réintégration et le condamnerait en conséquence à des rappels de salaire, elle demande que les revenus quelle que soit leur nature, y compris les revenus de remplacement dont aurait bénéficié le salarié jusqu’à sa réintégration soient déduits de la somme allouée, M. [C] [J] devant en justifier dans un délai de 10 jours à compter de la signification de l’arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

En tout état de cause, la société soutient l’irrecevabilité ou le rejet de la demande d’indemnité de congés payés afférents au rappel de salaire.

Enfin elle sollicite la condamnation du salarié à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens tant de première instance que d’appel.

Pour plus ample exposé sur le litige, la cour se réfère aux conclusions des parties en application de l’article 455 du Code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 10 mai 2022.

MOTIFS

1 : Sur l’effet dévolutif de l’appel

La société Sanofi Chimie soulève l’absence de saisine de la cour, faute d’effet dévolutif de l’appel, en application de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa version applicable à la date de l’appel, en ce que tout en se disant partiel, l’acte ne précisait pas les chefs de jugement contestés.

M. [C] [J] objecte qu’en l’état des textes applicables à l’époque de l’appel, la dévolution s’opérait pour le tout lorsque l’appel n’était pas limité à certains chefs et qu’en tout état de cause, la mention « appel partiel » figurant sur la déclaration d’acte portait implicitement sur les chefs du jugement défavorables à l’auteur du recours.

Sur ce

Aux termes de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à la date de l’appel du 13 janvier 2015, l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent. La dévolution s’opère pour le tout lorsque l’appel n’est pas limité à certains chefs, lorsqu’il tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

En déclarant faire appel partiel sans plus de précision, l’auteur du recours entendait implicitement déférer à la cour tous les chefs de jugement qui ne lui donnait pas satisfaction, ce qui correspond d’ailleurs au dispositif de ses conclusions.

Ainsi l’effet dévolutif joue à l’égard desdits chefs.

2 : Sur la requalification des contrats en contrat à durée indéterminée

La requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée n’est pas frappée d’appel.

M. [C] [J] sollicite la condamnation de la partie adverse à lui payer la somme de 9 634,11 euros d’indemnité de requalification. L’employeur sollicite la confirmation.

Aux termes de l’article L. 1245-2 alinéa 2 du Code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

En l’absence d’explications et d’éléments de preuve de nature à justifier qu’il soit alloué au salarié une somme supérieure à un mois de salaire, la cour confirme le jugement déféré.

3 : Sur la prime d’habillage et de déshabillage et la prime de douche

M. [C] [J] demande la condamnation de la société Sanofi Chimie à lui payer une prime d’habillage et de déshabillage et une prime de douche, sur le fondement des articles L. 3121-3 et R. 4228-8 du Code du travail. Il ajoute à l’obligation légale imposée à l’employeur de lui verser de telles primes, l’égalité de traitement par rapport aux salariés qui travaillaient sur le site de [Localité 6], qui ont droit à de telles primes pour l’exercice des mêmes fonctions, alors que tel ne serait pas le cas des salariés qui comme lui travaillaient, à une certaine période à [Localité 5].

La société Sanofi Chimie oppose qu’il n’est pas démontré que les métiers occupés par les salariés de [Localité 6] et de [Localité 5] étaient les mêmes et qu’en tout état de cause, lorsque les salariés de ce dernier établissement devaient se changer ou prendre des douches, cela se faisait pendant le temps de travail, de sorte qu’ils se trouvaient de ce fait rémunérés.

Sur ce

Lorsque des salariés sont placés dans une situation identique au regard d’un avantage, l’employeur qui n’attribue cet avantage qu’à une seule catégorie doit justifier cette différence de traitement par des raisons objectives et pertinentes.

En application de l’article'1315 du code civil, s’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Le salarié estime qu’ayant une activité identique à celle des salariés travaillant dans un autre établissement de la société Sanofi Chimie à savoir celui de [Localité 6], il doit être indemnisé de la même manière au titre du temps d’habillage et de déshabillage et du temps de douche.

Le salarié se compare ainsi à des salariés d’un autre établissement, ayant la même qualification que lui, à savoir celle d’opérateur de fabrication, mais pas nécessairement le même poste que le sien, qui consiste en la conduite de fabrication de produits chimiques, requérant un équipement individuel de sécurité, tels que des chaussures de sécurité, blouse, gants et lunettes de sécurité.

Il ne rapporte pas la preuve que les salariés de cet autre établissement avaient des fonctions comparables à la sienne.

Il n’en demeure pas moins qu’aux termes de l’article L. 3121-3 du Code du travail, dans sa version en vigueur au présent litige, le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage fait l’objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d’une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l’habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de travail.

Ces contreparties, poursuit le texte, sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d’entreprise ou d’établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d’habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif.

Il ressort du règlement intérieur de l’établissement de [Localité 5] comme de Vitry, que les membres du personnel voient mis à leur disposition des moyens de protection individuels tels que lunettes, blouses, gants, masques, chaussures, vêtements et combinaisons de travail, qui ne doivent en aucun cas être portés ou emportés à l’extérieur de l’établissement. Un vestiaire individuel est fourni à chaque salarié.

Il s’en déduit que ceux-ci devaient utiliser une tenue de sécurité et qu’ils devaient se changer pour prendre leur travail.

En l’absence de dispositions contractuelles ou conventionnelles assimilant le temps d’habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif, ce temps doit être considéré comme pris préalablement à la prise de poste et doit être rémunéré.

Aucune convention ou accord collectif de travail ou disposition du contrat de travail, convention collective, de branche, d’entreprise ou d’établissement, usage ne prévoit les modalités de la rémunération du temps ainsi passé par le salarié.

Au vu des éléments peu précis qui lui sont apportés par M. [C] [J] à cet égard, la cour fixe à la somme de 253,44 euros le rappel de rémunération.

S’agissant du temps de douche, aux termes de l’article L. 3121-2 du Code du travail en cas de travaux insalubres et salissants, le temps passé à la douche en application de l’article R. 4228-9 est rémunéré au tarif normal des heures de travail sans être pris en compte dans le calcul de la durée du travail effectif.

Toutefois, le règlement intérieur de l’établissement de [Localité 5], comme de [Localité 6] dispose que des douches sont mises à la disposition des salariés effectuant des travaux insalubres ou salissants, et que le temps nécessaire à la douche fait totalement partie du temps de travail.

Il s’ensuit que l’intéressé ne peut prétendre à aucune rémunération à cet égard.

4 : Sur le licenciement

4.1 : Sur la nullité du licenciement

M. [C] [J] soutient qu’eu égard au nombre de salariés dont la relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée et dont la collaboration a pris fin pour des motifs économiques, un PSE devait être mis en place en application des articles L. 1233-61, 1235-10 et 1235-11 du code du travail, à peine de nullité en application de l’article L. 1235-11 du code du travail. Il sollicite la nullité du licenciement et sa réintégration.

La société Sanofi Chimie répond que la nullité n’est pas encourue, en l’absence d’atteinte à une liberté fondamentale et dès lors que la rupture ne repose pas sur un motif économique. Subsidiairement, l’employeur objecte qu’aucune réintégration n’est possible dans ses établissements, qu’en particulier le dernier site où l’intéressé a travaillé, celui de [Localité 5], est fermé, alors qu’en tout état de cause, aucun poste équivalent à celui du salarié n’est disponible. Il en veut pour preuve que les salariés du centre de [Localité 6] ont été contraints de suivre une formation de reconversion de plus de deux ans pour assurer les nouveaux postes créés en son sein.

Sur ce

Il ne saurait être admis que soit contournée la réglementation des PSE en permettant que l’évitement permis par ce plan des licenciements économiques envisagés soit obtenu par le biais de pseudo contrats à durée déterminée devant être requalifiés légalement en contrat à durée indéterminée, dont la rupture serait traitée comme une fin de contrat précaire.

Lorsque les ruptures des contrats à durée déterminée requalifiés en contrat à durée indéterminée s’inscrivent dans un processus de réduction des effectifs pour motif économique dont elles sont l’une des modalités, ces ruptures doivent être prises en compte pour déterminer la procédure d’information et de consultation des représentants du personnel applicable ainsi que les obligations de l’employeur en matière de plan de sauvegarde de l’emploi.

Aux termes de l’article L. 1235-10 du code du travail, dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le licenciement intervenu en l’absence de toute décision relative à la validation ou à l’homologation d’un plan de sauvegarde pour l’emploi ou alors qu’une décision négative a été rendue est nul.

Ce texte a pour objet d’éviter le contournement des règles imposant la mise en place d’un PSE.

Aux termes de l’article L. 1233-61 du Code du travail dans les entreprises de cinquante salariés et plus, lorsque le projet de licenciement concerne dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, l’employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l’emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre.

Ces textes sont intégrés dans le chapitre du code du travail relatif au licenciement pour motif économique.

Aux termes de l’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel de son contrat de travail, consécutive notamment à des difficultés économiques ou des mutations technologiques.

Une réorganisation de l’entreprise, lorsqu’elle n’est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition quelle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l’emploi.

De l’aveu même de la société Sanofi Chimie, les contrats précaires requalifiés en contrat à durée indéterminée ont été conclus en vue d’accompagner la mise en oeuvre du PSE de 2010 lié à une réorganisation de l’entreprise pour sauvegarder sa compétitivité, et qui a permis d’éviter les licenciements de salariés en contrat à durée indéterminée, en leur substituant des départs anticipés et des reclassements externes et internes.

Il en résulte que la cause de la rupture est économique et plus précisément trouve sa source comme l’indique le PSE dans la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise.

Ce PSE s’appliquait à tous les salariés de l’entreprise et non pas seulement à ceux des établissements supprimés puisqu’il dispose dans son préambule, partie II du plan : "Ce plan de sauvegarde de l’emploi définit l’ensemble des dispositions applicables aux salariés des établissements de Sanofi-Chimie en accompagnement des suppressions de postes sur les sites d'[Localité 3] (développement des procédés) – [Localité 5] – [Localité 4], pour autant qu’ils remplissent la condition nécessaire d’avoir été inscrit à l’effectif au 28/02/2010« ou encore »Les mesures prévues dans le plan de sauvegarde pour l’emploi seront – sauf exceptions précisées dans le corps du texte- ouvertes à l’ensemble des salariés de Sanofi Chimie".

Dès lors que ces ruptures de contrats précaires s’inscrivaient dans l’organisation du PSE, la condition posée par l’article L. 1235-10 tenant au projet de licenciement de plus 10 salariés au moins dans un délai d’un mois est remplie. Au demeurant, les parties n’ont pas émis d’objection sur ce point.

Il s’ensuit que la rupture du contrat à durée déterminée requalifié en contrat à durée indéterminée trouve sa cause dans un motif économique et remplit les conditions voulues d’effectifs et de nombre de licenciements envisagés sur une période d’un mois.

Le licenciement est donc nul en application de l’article L. 1235-10 du Code du travail.

Aux termes de l’article L. 1235-11 du code du travail dans sa version applicable à l’époque du licenciement, lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l’article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l’établissement ou du site ou de l’absence d’emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.

Il appartient à l’employeur de démontrer l’impossibilité de réintégrer le salarié dans sn emploi ou dans un emploi équivalent, au sein de l’entreprise, cette obligation ne s’étendant pas au groupe.

L’analyse des plans de sauvegarde de l’emploi de 2008 et 2010 révèle l’existence de plusieurs établissements en dehors de ceux qui ont été restructurés. Il n’est pas démontré qu’au-delà du changement intervenu dans le fonctionnement de certains de ces établissements, aucune réintégration n’était possible. La reconversion de certains salariés des établissements réorganisés tels que celui de Vitry n’exclut pas que des postes équivalents à celui du salarié fûssent encore disponibles.

Par suite il sera ordonné la poursuite du contrat de travail.

4.2 : Sur les conséquences financières

M. [C] [J] sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser des dommages-intérêts à parfaire au titre des salaires échus entre la rupture et la réintégration et l’indemnité de congés payés y afférents, à parfaire également.

La société Sanofi Chimie oppose que le salarié ne peut réclamer à titre de rappel de salaire plus que ce dont il a été privé et qu’il doit déduire des salaires réclamés les salaires et revenus de remplacement qu’il a perçus depuis la rupture. Enfin la société estime que l’intéressé n’a pas droit à des congés payés puisqu’il demande les salaires perçus sur des années entières qui recouvrent nécessairement les congés payés.

Sur ce

Dès lors que le salarié sollicite sa réintégration, ses demandes d’indemnité de préavis et d’indemnité de congés payés y afférents et de complément d’indemnité de licenciement ne peuvent qu’être rejetées.

Le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé. Il en résulte que doivent être déduits de la réparation du préjudice subi les revenus qu’il a tirés d’une autre activité et le revenu de remplacement qui lui a été servi pendant cette période.

Sauf lorsque le salarié a occupé un autre emploi durant la période d’éviction comprise entre la date du licenciement nul et celle de la réintégration dans son emploi, il conserve ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du Code du travail.

Avant dire droit sur le montant de l’indemnité due il convient donc d’enjoindre au salarié de justifier de ses périodes de chômage et de travail entre la rupture et le jour de clôture qui sera fixé au dispositif et de chiffrer en conséquence son préjudice.

Il sera statué sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens à l’issue de cette réouverture des débats.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Constate l’effet dévolutif de l’appel sur tous les chefs de jugement défavorables à M. [C] [J] ;

Confirme le jugement déféré sur la requalification et l’indemnité de requalification et sur la prime de douche ;

Infirme le jugement déféré sur la nullité du licenciement, sur la demande de réintégration, sur les demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de préavis, d’indemnité de congés payés y afférents, d’indemnité de licenciement et de prime d’habillage et de déshabillage ;

Statuant à nouveau ;

Déboute M. [C] [J] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de préavis, d’indemnité de congés payés y afférents et d’indemnité de licenciement ;

Condamne la société Sanofi Chimie à payer à une prime d’habillage et de déshabillage de 253,44 euros ;

Dit que la fin de la relation de travail produit les effets d’un licenciement nul ;

Ordonne la réintégration de M. [C] [J] ;

Avant dire droit sur les autres demandes ;

Enjoint à M. [C] [J] de justifier dans un délai de quatre mois de sa situation professionnelle et de ses revenus tels que salaires et indemnités de chômage perçus entre le licenciement et le jour de la production ;

Enjoint à M. [C] [J] de conclure avant le 26 avril 2023 ;

Enjoint à la société Sanofi Chimie de conclure avant le 30 août 2023 ;

Fixe la clôture au 7 février 2024 ;

Renvoie l’affaire à l’audience du 26 mars 2024 à 13 heures 30, salle Louise HANON 2-H-01 ;

Dit que le présent arrêt vaut convocation ;

Réserve les dépens ;

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 4, 7 décembre 2022, n° 17/08009