Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 8, 18 février 2022, n° 20/13824

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Chronologie de l’affaire

Commentaires3

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Dimeglio Avocat · 15 janvier 2024

En ce début d'année, on peut légitimement se demander si on n'assiste pas à une forme d'extinction de notre droit, en particulier dans le domaine de l'internet. Ce qui peut paraître paradoxal à l'heure où l'inflation législative dans ce domaine bat son plein. Mais voilà que sous le flot continu de nouveaux textes, une révolution en catimini s'est opérée. Comme nous l'avions déjà constaté[1], par une loi du 30 juillet 2021[2], il n'est tout d'abord plus possible d'effectuer d'identification de personnes à des fins de procédure civile. A la suite de plusieurs arrêts de la Cour de justice de …

 

Dimeglio Avocat · 16 mai 2023

Le site Wikipédia accessible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org, est l'un des plus consulté au monde (7eme position). Il est détenu par l'organisation américaine à but non lucratif Wikimedia Foundation. Les internautes peuvent librement en modifier, ainsi qu'en reproduire le contenu. Son rayonnement conduit nécessairement à des comportements illicites, dont la preuve peut être difficile à rapporter, en raison du caractère anonyme de ses contributeurs. WIKIPEDIA a néanmoins l'obligation de détenir les données permettant d'identifier ces personnes. 1/Communication des données …

 

www.cabinetlombard.net · 20 juillet 2022

Par un jugement du 22 juin 2022, la 17ème chambre civile du Tribunal judiciaire de Paris a condamné au paiement de 3.000 euros, au titre du préjudice moral, une personne auteure de faux avis dénigrants publiés sur la page Google my business d'une entreprise. Il s'agissait ici de commentaires très négatifs concernant le travail et les prestations d'une société d'architecture d'intérieur par une personne n'ayant jamais recouru aux services de celle-ci mais étant en conflit avec le dirigeant de l'entreprise. Si l'exception de nullité de l'assignation soulevée en défense, selon laquelle …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 8, 18 févr. 2022, n° 20/13824
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/13824
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Paris, 9 juillet 2020, N° 20/51760
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRET DU 18 FEVRIER 2022

(n° , 15 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/13824 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCNB4


Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Juillet 2020 -Président du TJ de PARIS – RG n° 20/51760

APPELANTE

Mme Z X

[…]

[…]


Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090


Assistée par Me Arnaud DIMEGLIO, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE

D E P, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[…], suite 1600, B C, CA

94104 ETATS-UNIS


Représentée et assistée par Me Christine GATEAU du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J033

EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC

COMPOSITION DE LA COUR :


L’affaire a été débattue le 13 janvier 2022, en audience publique, Florence LAGEMI, Président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :


Florence LAGEMI, Président,


Rachel LE COTTY, Conseiller,


Bérengère DOLBEAU, Conseiller, qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Marie GOIN

ARRÊT :


- CONTRADICTOIRE


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


- signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier.

Mme X, spécialisée dans le secteur des télécommunications, est directrice de la relation client du groupe Iliad (Free et Free mobile) et présidente de plusieurs sociétés spécialisées dans ce même secteur. Elle a acquis une certaine notoriété relayée par de nombreux media et un article lui est consacré dans l’encyclopédie en ligne Wikipédia, alimenté par plusieurs contributeurs.


Considérant que cet article critique ses compétences professionnelles et remet en cause la politique managériale qu’elle a mise en oeuvre dans les centres d’appel de Free, Mme X a sollicité l’identification des contributeurs, lesquels n’interviennent que sous pseudonyme.


Elle a ainsi déposé une requête auprès du président du tribunal judiciaire de Paris qui, par décision du 10 avril 2019, a ordonné à D E de lui communiquer les données permettant l’identification d’un contributeur, '[…]'.


Aucune réponse satisfaisante ne lui ayant été apportée, Mme X a, par acte du 18 décembre 2019, ultérieurement complété, fait assigner D E devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins, notamment, d’obtenir sur le fondement des articles 145, 834 et 835 du code de procédure civile, 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) et des décrets n° 2011-219 du 25 février 2011 relatif à la conservation et la communication des données et n° 2007-1527 du 24 octobre 2007 relatif au droit de réponse,

• les données d’identification des personnes ayant contribué au contenu diffusé sur sa page Wikipédia, sous les pseudonymes '[…]', 'Kumkum', '[…]', 'AntonierCH', 'Celette', 'Durifon', 'Rodonal', la suppression de passages critiqués de l’article en cause,•

• l’insertion par elle-même ou ses contributeurs de réponses au titre de l’exercice de son droit de réponse et de la liberté d’expression,

• le rétablissement de la fonction permettant la modification de la page https://fr.wikipedia.org/wiki/Z X, le rétablissement de la fonction permettant d’utiliser le compte utilisateur de 'JulusSalia'.•

• Par ordonnance du 10 juillet 2020, ce magistrat a :

• déclaré irrecevables les demandes formées par Mme X au titre du droit de réponse et de la liberté d’expression, dit n’y avoir lieu à référé,•

• condamné Mme X aux dépens et à payer 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à D E ; débouté les parties du surplus de leurs demandes.•


Par déclaration en date du 1er octobre 2020, Mme X a relevé appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif.


Par arrêt du 11 juin 2021, cette cour a ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties de présenter leurs observations sur les conséquences de l’arrêt du Conseil d’Etat du 21 avril 2021, qui a, notamment :

• annulé les décisions du Premier ministre ayant, notamment, refusé d’abroger le décret du 25 février 2011 relatif à la conservation et à la communication des données permettant d’identifier toute personne ayant contribué à la création d’un contenu mis en ligne en tant que ces dispositions réglementaires, d’une part, ne limitent pas les finalités de l’obligation de conservation généralisée et indifférenciée des données de trafic et de localisation autres que les données d’identité civile, les coordonnées de contact et de paiement, les données relatives aux contrats et aux comptes et les adresses IP à la sauvegarde de la sécurité nationale et, d’autre part, ne prévoient pas un réexamen périodique de l’existence d’une menace grave, réelle et actuelle ou prévisible pour la sécurité nationale ;

• enjoint au Premier ministre de procéder à cette abrogation dans un délai de six mois à compter de la décision.


Le 30 juillet 2021 a été adoptée la loi n° 2021-998 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement modifiant les conditions de conservation et de communication de telles données.


Le décret du 25 février 2011 a été abrogé et remplacé par le décret n°2021-1362 du 20 octobre 2021.

Mme X a saisi la cour d’une demande de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 17 de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021, modifiant l’article 6 II de la LCEN, susceptible, selon elle, de porter atteinte aux principes de valeur constitutionnelle d’égalité devant la loi et de droit à un recours juridictionnel effectif.


Par arrêt de ce jour, la cour a dit n’y avoir lieu de transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme X.


Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 28 décembre 2021, Mme X demande à la cour de :

• à titre liminaire, prendre acte qu’elle a, par conclusions distinctes, saisi la cour d’une demande de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation,

• dans l’hypothèse où la cour ferait droit à cette demande, surseoir à statuer jusqu’à la décision du Conseil constitutionnel, infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :•

• rejeté sa demande de communication des données personnelles des auteurs des propos litigieux,

• déclaré irrecevables ses demandes formées au titre du droit de réponse et de la liberté d’expression, rejeté ses autres demandes,•

• prononcé une condamnation à son encontre au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile,


Statuant à nouveau,•

1. Sur la communication des éléments d’identification :

• juger qu’elle justifie de plusieurs motifs légitimes permettant d’ordonner la communication des éléments d’identification des personnes ayant :
• diffusé le contenu ci-après souligné sur sa page Wikipédia accessible à l’adresse URL : https ://fr.wikipedia.org/wiki/Z-X

'Personnage contrasté, l’Institut Choiseul la classe en 2013 parmi les '100 leaders économiques de demain’ en France. D’autres titres de presse citent son ego, ses présumés manquements au droit du travail et la répression antisyndicale.'

'En 2012, alors que le groupe de F G débute son activité en téléphonie mobile après le rachat du groupe Y, Z H est directrice de la relation client d’Iliad, dont dépendent les anciens centres d’appel d’Y. Le journal Le Monde, Rue89 et des sections syndicales dont la section télécoms de l’Union syndicale Solidaires, de la Confédération générale du travail et de la Confédération générale du travail – Force ouvrière dénoncent des abus signalés à Colombes (le centre Mobipel) et à Casablanca, parmi lesquels un 'management expéditif’ et des 'licenciements en public'. Z H déclare dans une publication interne titrée 'Elle se tait la rumeur, elle se tait’ : 'Free Mobile revient étrangement dans les titres médisants que l’on retrouve dans la presse : il s’agit bien d’une critique indirecte et déguisée'.

'En 2013 Z H, responsable des centres d’appel de Free, est citée dans le contexte d’un conflit provoqué par des 'humiliations’ et des manquements présumés au droit du travail ayant conduit à une saisie de l’inspection du travail et à une action d’une section syndicale. Z H déclare à ce propos : 'Nous sommes fiers de nos conditions de travail. Nous avons mis en place un nouveau système de primes motivant'.'

'En mai 2016 Politis réalise une enquête sur le 'système Free', dans laquelle Z H occupe une place centrale. Cette dernière y est décrite par ses salariés comme une 'femme à l’ego surdimensionné, intelligente, mais dans une quête permanente et éperdue de reconnaissance’ et se distingue par une politique managériale autoritaire basée, entre autres, sur la répression anti-syndicale, dans des centres d’appel de petite taille, mis en concurrence entre eux et où règne une 'ambiance délétère'. En 2017, elle est mise en cause par un reportage de Cash Investigation, dans lequel ses méthodes de management sont critiquées ; est notamment pointé du doigt un mail envoyé à son collègue Maxime Lombardini, où elle écrit : 'Nous liquiderons les 50 détracteurs', en parlant de 50 grévistes'.

supprimé :•


- le 20 mai 2020 les contenus diffusés pour son compte par 'JulusSalia',


- le 10 juin 2021 les contenus diffusés pour son compte par 'Gui456',

bloqué sa page Wikipédia :•


- le 20 mai 2020 pour une durée d’un an, puis


- le 10 juin 2021 pour une durée de deux ans (jusqu’au 9 juin 2023) ;

juger qu’elle justifie des motifs légitimes suivants :•

• manquement des personnes anonymes en leur qualité d’éditeurs non professionnels à leur obligation d’identification, dénigrement,• non-respect de la clause 'anti-dénigrement',• violation des règles et usages de Wikipédia,• atteinte au secret des correspondances,• faux et usage de faux,• entrave à sa liberté d’expression,• • condamner D E, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, 10 jours à compter de la signification de l’arrêt, à lui communiquer :

• les éléments d’identification visés par l’article 6 III 1 de la LCEN (par application des articles 6 III 2 et 6 II, alinéa 2) des éditeurs non professionnels suivants :


- 'Dereckson',


- 'Durifon',


- 'Kumkum',


- 'Celette',


- 'Hexasoft',


- '[…]',


- 'Jules*' anciennement dénommé '[…]',


- 'Cantons-de-l’Est',


- 'Hyméros',


- 'M J’ ;


- Subsidiairement, les données visées à l’article 1 2° et 3°du décret n° 2011-219 du 25 février 2011 de nature à permettre l’identification des personnes susvisées ;


- Très subsidiairement, les données visées par les décrets n° 2021-1361 et 2021-1362 du 20 octobre 2021 permettant d’identifier les personnes susvisées ;


Dereckson ayant écrit, le 26 novembre 2016, à 6 h 21, les propos suivants :•

'D’autres titres de presse citent son ego, ses présumés manquements au droit du travail et la répression antisyndicale.'


Ainsi que les personnes ayant remis en ligne ce contenu :


- 'Kumkum', le 16 février 2017 à 13h46 ;


- 'Jules*', anciennement dénommé '[…]', le 27 septembre 2017 à 4h58 et le 20 mai 2020 à 19h25 ;


-'Hexasoft', le 27 septembre 2017 à 15h48 ;


- '[…]', le 6 octobre 2017 à 12 h35, le 28 mai 2018 à 13h21, le 17 juillet 2018 à 9h16 et le 11 décembre 2018 à 13h06 ;


- 'Durifon', le 30 mai 2018 à 11h33 ;


- 'Jules*', anciennement dénommé '[…]', le 20 mai 2020 à 19h25 ;

• 'Kumkum’ ayant écrit, le 25 novembre 2016, à 21h56 les propos suivants : 'parmi lesquels un 'management expéditif’ et des 'licenciements en public',
Ainsi que les personnes ayant remis en ligne ce contenu :


- 'Kumkum', le 16 février 2017 à 13h46 ;


- 'Hexasoft', le 27 septembre 2017 à 15h48 ;


- '[…]', le 28 mai 2018 à 13h21 et le 11 décembre 2018 à 13h06 ;


- 'Jules*', anciennement dénommé '[…]', le 20 mai 2020 à 19h25 ;

• 'Kumkum’ ayant écrit le 25 novembre 2016 à 21h23, les propos suivants : 'des 'humiliations’ et des manquements présumés au droit du travail ayant conduit à une saisie de l’inspection du travail et à une action d’une section syndicale',


Ainsi que les personnes ayant remis en ligne ce contenu :


- 'Kumkum', le 16 février 2017 à 13h46 ;


- 'Hexasoft', le 27 septembre 2017 à 15h48 ;


- '[…]', le 28 mai 2018 à 13h21 et le 11 décembre 2018 à 13h06 ;


- 'Jules*', anciennement dénommé '[…]', le 20 mai 2020 à 19h25 ;

• 'Kumkum’ ayant écrit, le 25 novembre 2016, à 22h38, les propos suivants : ' et se distingue par une politique managériale autoritaire basée, entre autres, sur la répression anti-syndicale, dans des centres d’appel de petite taille, mis en concurrence entre eux et où règne une 'ambiance délétère'',


Ainsi que les personnes ayant remis en ligne ce contenu, à savoir :


- 'Kumkum', le 16 février 2017 à 13h46 ;


- 'Hexasoft', le 27 septembre 2017 à 15h48 ;


- '[…]', le 25 septembre 2017 à 9h46, le 28 mai 2018 à 13h21 et le 11 décembre 2018 à 13h06 ;

• 'Celette’ ayant écrit, le 29 septembre 2017, à 0h23 les propos suivants : 'ses méthodes de management sont critiquées ; est notamment pointé du doigt un mail envoyé à son collègue Maxime Lombardini, où elle écrit : 'Nous liquiderons les 50 détracteurs', en parlant de 50 grévistes' ;


Ainsi que les personnes ayant remis en ligne ce contenu : '[…]' le 28 mai 2018 à 13 h 21 et le 11 décembre 2018 à 13h06 ;

'Jules*' ayant le 20 mai 2020 supprimé le contenu diffusé par 'JulusSalia',•

'Canton-de-l’Est, ayant les 20 et 21 mai 2020 bloqué pour un an sa page,•

'Hyméros’ ayant le 20 mai 2020 supprimé le contenu diffusé par 'Gui456",•

'I J’ ayant le 10 juin 2021 bloqué pour deux ans sa page ;•

2. Sur la communication d’un moyen permettant aux éditeurs non professionnels de s’identifier :
• juger que D E, en sa qualité d’hébergeur, n’offre pas la possibilité aux éditeurs non professionnels qui souhaitent rester anonymes, de s’identifier dans le respect de l’article 6 II alinéa 2 et III.2 de la LCEN ;

• condamner, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, D E à fournir aux éditeurs non professionnels, qui souhaitent rester anonymes, les moyens techniques de s’identifier conformément aux articles 6 II, alinéa 2 et III. 2 de la LCEN ;

3. Sur la transmission de son droit de réponse :

• juger qu’elle est recevable à exercer son droit de réponse en vertu de l’article 6 IV de la LCEN ;

• condamner D E, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, 10 jours à compter de la signification de l’arrêt, à transmettre à 'Jules*' au titre de l’exercice de son droit de réponse, les réponses suivantes :


Réponse 1 :


Après le paragraphe suivant : 'D’autres titres de presse citent son ego, ses présumés manquements au droit du travail et la répression syndicale'


Réponse à insérer :

' Néanmoins, selon une enquête publiée, 81 % des collaborateurs de ses sociétés affirment que le management de Mme X est ouvert au dialogue'.

Source : Le Figaro, MCRA cultive la symétrie des attentions, par K L, publié le […]

https://www.lefigaro.fr/decideurs/management/mcra-cultive-la-symetrie-des-attentions-20200324"


Réponse 2 :


Après le paragraphe suivant :

'Le journal Le Monde, Rue89 et des sections syndicales dont la section télécoms de l’Union syndicale Solidaires, de la Confédération générale du travail et de la Confédération générale du travail – Force ouvrière dénoncent des abus signalés à Colombes (le centre Mobipel) et à Casablanca, parmi lesquels un 'management expéditif’ et des 'licenciements en public'.


Réponse à insérer :

' Néanmoins, concernant les 'licenciements en public', l’article du Monde précité indique que 'aucun de ces trois anciens employés ne fait état de licenciements annoncés en public ou abusifs'. Par ailleurs, un accord a été conclu entre Mobipel et les syndicats'.

Source : Le Figaro, Cession d’un centre d’appel Free : accord conclu entre syndicats et direction, p u b l i é l e 1 3 . 0 9 . 2 0 1 8 , https://www.lefigaro.fr/flash-eco/2018/09/13/97002-20180913FILWWW00261-cession-d-un-centre-d-appel-free-accord-conclu-entre-syndicats-et-direction.php'

4. Sur le déblocage de sa page

• juger que 'Canton-de-l’Est’ et 'M J', en bloquant sa page, ont manifestement porté atteinte à sa liberté d’expression ; condamner D E, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, 10 jours• après la signification de l’arrêt, à supprimer, par elle-même ou ses contributeurs, la semi-protection étendue de la page : https://fr.wikipedia.org/wiki/Z-X, permettant de bloquer sa modification jusqu’au 9 juin 2023 ; débouter D E de toutes ses prétentions ;•

• la condamner au paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.


Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 14 décembre 2021, D E demande à la cour de :

• à titre liminaire, se prononcer sur la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme X portant sur l’article 17 de la loi du 30 juillet 2021 ;

• dans l’hypothèse où il serait fait droit à une telle de demande, autoriser les parties à produire une note en délibéré dans un délai raisonnable à la suite de la décision de la Cour de cassation ou, le cas échéant, du Conseil constitutionnel, puis, statuant sur l’appel de Mme X,• confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :•

• déclaré irrecevables les demandes formées par Mme X au titre du droit de réponse et de la liberté d’expression, dit n’y avoir lieu à référé,•

• condamné Mme X à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ; débouté les parties du surplus de leurs demandes ;•


Statuant à nouveau,


Sur la demande de communication des données,

• confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de communication des données permettant l’identification des contributeurs utilisant les pseudonymes 'Kumkum', 'Jules*', '[…]', 'Durifon’ et 'Celette’ pour défaut de motif légitime ;

• rejeter les demandes nouvelles de Mme X de communication des données permettant l’identification de cinq nouveaux contributeurs utilisant les pseudonymes 'Cantons-de-l’Est', 'Dereckson', 'Hexasoft', 'Hyméros’ et 'M J’ pour défaut de motif légitime ;


Sur la demande nouvelle portant sur l’obligation des hébergeurs de fournir aux éditeurs non professionnels un moyen technique permettant de s’identifier,

• juger qu’elle fournit aux éditeurs non professionnels les moyens techniques permettant de s’identifier conformément aux articles 6 II et 6 III 2 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 ; rejeter les demandes de Mme X sur ce fondement ;•


Sur la demande au titre du droit de réponse,


A titre principal,•

• confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a déclaré irrecevables les demandes formées au titre du droit de réponse faute d’avoir été présentées selon les formes requises par l’article 6 IV de la LCEN et l’article 1er du décret n°2007-1527 relatif au droit de réponse applicable aux services de communication au public en ligne et les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse ;
• rejeter la demande nouvelle de Mme X tendant à la condamner à transmettre au contributeur 'Jules*' les réponses qu’elle souhaite voir publiées ;

à titre subsidiaire, dire la demande de droit de réponse irrecevable car prescrite ;•

• à titre infiniment subsidiaire, dire que le droit de réponse ne s’applique pas à l’encyclopédie en ligne Wikipédia du fait de la nature du service proposé, qui permet aux utilisateurs de formuler directement leurs observations ;


Sur la demande de rétablissement de la fonction permettant la modification de la page Wikipédia sur Mme X :

• confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande tendant à rétablir la fonction permettant la modification de la page dédiée à Mme X ;


En tout état de cause,

rejeter les prétentions de Mme X ;•

• la condamner à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.


Par avis remis et communiqué aux parties le 14 décembre 2021, le ministère public demande à la cour de :

dire n’y avoir lieu à référé ;• confirmer l’ordonnance entreprise ;•

• déclarer irrecevables les demandes de Mme X au titre du droit de réponse et du dénigrement.


La clôture de la procédure a été prononcée le 5 janvier 2022.


A l’audience du 13 janvier 2022, la cour a invité les parties à présenter des observations sur la recevabilité de la demande de Mme X tendant à la condamnation de D E à communiquer un moyen permettant aux éditeurs non professionnels de s’identifier, demande non formulée en première instance et, donc nouvelle en appel.

Mme X et D E ont respectivement remis à la cour et notifié une note en délibéré les 18 et 28 janvier 2022.


Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu’aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR


Il est constant que le site Wikipédia, hébergé par D E, consacre une page au nom de Mme X au contenu de laquelle plusieurs contributeurs ont participé sous les pseudonymes Dereckson, Kumkum, Jules*, Hexasoft, […], Durifon, Celette, Canton-de-l’Est, Hyméros et M J.

Mme X considère que l’article qui lui est dédié comprend des propos dénigrants et mensongers, qui lui sont préjudiciables, ci-après reproduits en italiques :

'D’autres titres de presse citent son ego, ses présumés manquements au droit du travail et larépression anti-syndicale' ;

• des articles de presse et des sections syndicales dénoncent des abus 'parmi lesquels un 'management expéditif’ et 'des licenciements en publics'. ' ;

• 'En 2013, Z H, responsable des centres d’appel de Free, est citée dans le contexte d’un conflit provoqué par des 'humiliations’ et des manquements présumés au droit du travail ayant conduit à une saisie de l’inspection du travail et à une action d’une section syndicale' ;

• en mai 2016, Politis réalise une enquête sur le 'système Free', dans laquelle Mme X occupe une place centrale. Cette dernière y est décrite par ses salariés comme une 'femme à l’ego surdimensionné, intelligente, mais dans une quête permanente et éperdue de reconnaissance’ et 'se distingue par une politique managériale autoritaire basée entre autres, sur la répression anti-syndicale, dans des centres d’appel de petite taille, mis en concurrence entre eux et où règne une 'ambiance délétère'.

'En 2017, elle est mise en cause par un reportage de Cash Investigation, dans lequel ses méthodes de management sont critiquées ; est notamment pointé du doigt un mail envoyé à son collègue Maxime Lombardini, où elle écrit : 'Nous liquiderons les 50 détracteurs’ en parlant de 50 grévistes'.


Elle indique encore que les contributions qu’elle a apportées sur sa page, par l’intermédiaire de deux contributeurs agissant pour son compte, 'JulusSalia’ et 'Gui456', ont été censurées par 'Jules*' anciennement dénommé '[…]', et par 'Hyméros', ce qui porte atteinte à sa liberté d’expression.


Enfin, elle déplore que sa page ait été bloquée, une première fois, le 20 mai 2020, pour une durée d’un an, par 'Canton-de-l’Est', lequel a octroyé un statut de protection de la page en n’autorisant les possibilités de modification qu’aux utilisateurs d’un compte créé depuis au moins 90 jours et avec au moins 500 contributions, et, une seconde fois, le 10 juin 2021, pour une durée de deux ans, par 'M J', lequel a ajouté le commentaire dégradant suivant 'A peine la dernière protection échue le ripolinage reprend', estimant que ce blocage porte également atteinte à sa liberté d’expression.

Mme X qui ne connaît pas les auteurs de ces propos, souhaite vérifier leur identité, indiquant qu’ils pourraient être d’anciens salariés ou concurrents. Elle indique que ces auteurs, qui disposent de pouvoirs d’administration importants de l’encyclopédie en ligne Wikipédia, sont susceptibles d’être qualifiés d’éditeurs de sorte que D E doit lui communiquer les données dont elle dispose.

Sur la demande de communication des données permettant l’identification des contributeurs intervenus sur la page de l’appelante


Pour obtenir communication des données d’identification des contributeurs, Mme X fait état de motifs légitimes au sens de l’article 145 du code de procédure civile tenant à l’existence d’un manquement des éditeurs non professionnels à l’obligation d’identification, infraction pénale réprimée par l’article 6 VI. 2 de la LCEN, au caractère dénigrant et mensonger des propos contenus dans l’article qui lui est consacré susceptible de justifier une action en dénigrement, à une possible violation d’une clause contractuelle anti-dénigrement dans l’hypothèse où les écrits litigieux seraient diffusés par un ancien salarié, au non-respect des règles de Wikipédia, aux délits d’atteinte au secret des correspondances, recel, faux et usage de faux et d’entrave à sa liberté d’expression.


Elle fonde sa demande de communication des données sur les dispositions du texte susvisé mais aussi de l’article 6 de la LCEN. Dans ses dernières conclusions, elle opère une distinction entre les données d’identification visées à l’article 6 II, alinéa 1 de la LCEN, relatives à 'quiconque a contribué à la création' d’un contenu dans un service de communication au public en ligne, qu’elle prétend ne pas être applicable en l’espèce, et celles visées à l’article 6 III de la LCEN, relatives aux seuls éditeurs, ces dernières ne relevant pas, selon elle, des décrets n° 2011-219 du 25 février 2011 et n° 2021-1362 du 20 octobre 2021, ce dernier ayant abrogé le premier.


L’article 6 II de la LCEN, dans sa rédaction issue de l’article 17 de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021, d’application immédiate, dispose que :

'Dans les conditions fixées aux II bis, III et III bis de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, les personnes mentionnées aux 1 et 2 du I du présent article détiennent et conservent les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l’un des contenus des services dont elles sont prestataires.

Elles fournissent aux personnes qui éditent un service de communication au public en ligne des moyens techniques permettant à celles-ci de satisfaire aux conditions d’identification prévues au III

Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les données mentionnées au premier alinéa et détermine la durée et les modalités de leur conservation.'.


L’article 6 III de ladite loi, non modifié par la loi du 30 juillet 2021, vise, au 1, les données que les éditeurs professionnels sont tenus de mettre à disposition du public dans un standard ouvert et énonce au 2 que 'Les personnes éditant à titre non professionnel un service de communication au public en ligne peuvent ne tenir à la disposition du public, pour préserver leur anonymat, que le nom, la dénomination ou la raison sociale et l’adresse du prestataire mentionné au 2 du I, sous réserve de lui avoir communiqué les éléments d’identification personnelle prévus au 1'


Il en résulte que l’article 6 III relatif à la seule mise à disposition du public des éléments d’identification des éditeurs professionnels et des éditeurs non professionnels, n’exclut pas l’application de l’article 6 II relatif à la conservation et, par suite, à la communication, des données de quiconque (en ce compris les éditeurs) a contribué à la création d’un contenu dans un service de communication au public en ligne.


Ainsi, au regard de la demande de communication formée par l’appelante, celle-ci ne peut sérieusement soutenir que l’article 6 II, alinéa 1er ne serait pas applicable au présent litige, alors qu’elle a soutenu le contraire pour justifier la question prioritaire de constitutionnalité qu’elle a posée.


La conservation des données d’identification par les fournisseurs d’accès à internet et de services d’hébergement est désormais strictement encadrée aux seuls besoins des procédures pénales et ce, afin de concilier le droit au respect de la vie privée, le droit à la protection des données et le droit à la liberté d’expression des utilisateurs des services en ligne, d’une part, et les objectifs de valeur constitutionnelle relatifs à la sauvegarde de l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions, d’autre part.


Il en résulte que l’article 6 II, qui déroge à l’obligation d’effacement ou d’anonymisation des données imposée aux fournisseurs d’accès à internet et de services d’hébergement, ne prévoit plus la possibilité de communiquer les données conservées pour les besoins des procédures civiles.


Ainsi, Mme X ne saurait solliciter, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, la communication de telles données en vue d’engager une action civile future (dénigrement, violation d’une clause anti-dénigrement ou encore non-respect des règles de Wikipédia).


A supposer que la communication de certaines données soit possible, sur le fondement du texte susvisé, pour les besoins d’une future action pénale qu’entendrait engager Mme X, il lui incombe de démontrer l’existence d’un motif légitime suffisamment sérieux pour permettre d’accueillir sa demande, d’autant qu’en l’espèce, la mesure sollicitée ne tend pas à la conservation ou à l’établissement de la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, mais à la seule communication de données permettant d’identifier des personnes contre lesquelles une action pénale pourrait être envisagée. Il lui appartient, donc, de justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions.


Au surplus, il doit être relevé que les éditeurs non professionnels, qualité des contributeurs que l’appelante ne conteste plus dans ses dernières conclusions, ne sont pas tenus aux termes de l’article 6 III. 2 de la LCEN, de mettre à la disposition du public d’autres éléments que ceux relatifs à l’hébergeur et qu’ainsi, Mme X ne peut prétendre obtenir la communication de leurs données d’identification personnelle visées à l’article 6 III. 1 relatifs aux éditeurs professionnels, sans préalablement démontrer un motif légitime à une telle communication.


La cour relève en effet que Mme X ne peut se prévaloir d’un droit à la levée de l’anonymat, qui est le principe de fonctionnement de l’encyclopédie en ligne et alors que les données personnelles font, par principe, l’objet d’une protection garantie au titre des droits fondamentaux.

Mme X se prévaut d’une atteinte au secret des correspondances et du délit de recel en soutenant que les écrits litigieux font référence à 'une publication interne ' et 'un mail envoyé à son collègue Maxime Lombardini'. Elle soutient qu’il s’agit de documents privés protégés par le secret des correspondances dont l’auteur des propos commet un recel, de sorte que les contributeurs à l’origine de ces contenus sont susceptibles d’avoir commis des infractions pénales.


Elle indique encore que les contributeurs 'Celette’ et […]' commettent l’infraction de faux et usage de faux puisque dans le mail susvisé, Maxime Lombardini la vouvoie alors qu’ils se tutoient habituellement et qu’à la date de son envoi, le 12 avril 2012, elle ne portait pas encore le nom d’usage de X, contrairement à ce qui est mentionné dans ce mail, ce qui lui permet d’en déduire que ce document est un faux.


Or, la publication interne est visée dans un article intitulé 'Free Flux tendus', qui a été publié le 16 mai 2012, sur le site du journal Le Monde, lequel cite l’extrait de cette publication reproduit entre guillemets sur la page Wikipédia en cause.


Le mail provient du reportage 'Cash Investigation’ intitulé 'Comment Free a brisé la grève dans l’un de ses centres d’appel au Maroc' diffusé le 26 septembre 2017, ainsi qu’il résulte de la capture d’écran produite.


Ces documents proviennent donc de sources librement disponibles, publiquement diffusées, ce qui exclut leur obtention frauduleuse de la part des contributeurs.


Il n’est, de surcroît, ni démontré ni même allégué que des poursuites auraient été engagées contre le réalisateur du reportage, que la véracité du mail litigieux aurait été contestée et sa fausseté établie, les éléments produits par l’appelante en pièce 20 pour critiquer la crédibilité du reportage 'Cash Investigation’ étant taisant sur le mail litigieux. Ainsi, l’usage de ce document, accessible du fait de sa diffusion, apparaît, de manière évidente, ne pouvoir revêtir la qualification pénale invoquée à l’encontre des contributeurs.


En outre, le délit d’entrave à la liberté d’expression, qui nécessite pour être constitué, l’existence de menaces et d’une concertation préalable supposant une entente collective entre deux ou plusieurs personnes, n’apparaît pas établi de la part des contributeurs ayant appliqué une mesure de protection de l’article en cause et bloqué la page de l’appelante dès lors que ces mesures, qui sont générales et ne visent donc pas spécifiquement Mme X, apparaissent relever des règles de fonctionnement de l’encyclopédie en ligne et qu’en tout état de cause, cette dernière n’est pas privée de la liberté de s’exprimer par d’autres moyens que cette encyclopédie.


Il n’apparaît pas davantage que Mme X pourrait engager une action pénale pour une absence d’identification des contributeurs auprès de l’hébergeur, sur le fondement de l’article 6 VI. 2 de la LCEN, alors, au surplus, qu’elle échoue à justifier d’un motif légitime pour exercer une action pénale contre ces derniers.


Il en résulte que Mme X ne démontrant pas l’existence d’un tel motif au sens de l’article 145 du code de procédure civile, il n’y a pas lieu d’acueillir sa demande de communication.

Sur la demande tendant à la condamnation de D E à fournir aux éditeurs les moyens techniques de s’identifier conformément aux articles 6 II alinéa 2 et III de la LCEN


Il résulte des articles 564, 566 et 567 du code de procédure civile, qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ; elles ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; enfin, les demandes reconventionnelles sont recevables en cause d’appel.


Devant le premier juge, Mme X a sollicité, dans un premier temps, la communication des données d’identification des contributeurs et la suppression de certains passages de l’article, puis l’insertion, par elle-même ou ses contributeurs, au titre de l’exercice du droit de réponse et de la liberté d’expression, de différents passages et, enfin, le rétablissement de la fonction permettant la modification de sa page.


A hauteur de cour, Mme X sollicite la condamnation de D E à fournir aux éditeurs non professionnels, souhaitant rester anonymes, un dispositif technique permettant de s’identifier conformément aux articles 6 II alinéa 2 et 6 III. 2 de la LCEN.


Or, cette demande, qui tend à faire juger que D E, en sa qualité d’hébergeur, n’offre pas la possibilité aux éditeurs non professionnels de s’identifier, n’a pas pour finalité d’opposer une compensation, ni d’écarter une demande adverse ou de faire juger une question née de l’intervention d’un tiers, de la survenance ou de la révélation d’un fait.


Elle ne saurait davantage être considérée comme l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions initiales, d’autant qu’au regard des motifs qui précèdent, l’appelante échoue à justifier d’un motif légitime qui lui permettrait d’obtenir la communication des données sollicitées.


Il s’agit donc d’une demande additionnelle, nouvelle, dont l’objet est de faire juger un manquement de l’intimée et d’obtenir qu’il y soit mis fin par une condamnation prononcée contre elle.


Cette demande est donc irrecevable.

Sur la transmission d’un droit de réponse


L’article 6 IV de la LCEN dispose que 'toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne dispose d’un droit de réponse, sans préjudice des demandes de correction ou de suppression du message qu’elle peut adresser au service.

La demande d’exercice du droit de réponse est adressée au directeur de la publication ou, lorsque la personne éditant à titre non professionnel a conservé l’anonymat, à la personne mentionnée au 2 du I qui la transmet sans délai au directeur de la publication.

Elle est présentée au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition du public du message justifiant cette demande. Le directeur de la publication est tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le service de communication au public en ligne sous peine d’une amende de 3.750 euros, sans préjudice des autres peines et dommages et intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu.

Les conditions d’insertion de la réponse sont celles prévues par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 (…)

Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application du présent IV'.


Le décret n°2007-1527 du 24 octobre 2007 précise que la demande d’exercice d’un droit de réponse est adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen garantissant l’identité du demandeur et apportant la preuve de la réception de la demande ; que celle-ci indique les références du message, ses conditions d’accès sur le service de communication au public en ligne et, s’il est mentionné, le nom de son auteur, qu’elle précise s’il s’agit d’un écrit, de sons ou d’images et qu’elle contient la mention des passages contestés ; que la réponse prend la forme d’un écrit quelle que soit la nature du message auquel elle se rapporte, qu’elle est limitée à la longueur du message qui l’a provoquée ou, lorsque celui-ci ne se présente pas sous forme alphanumérique, à celle de sa transcription sous forme d’un texte ; qu’elle ne peut être supérieure à 200 lignes.


Le droit de réponse applicable aux services de communication au public en ligne est ainsi strictement encadré par ces textes.


Le refus d’insertion de la réponse peut être constitutif d’un trouble manifestement illicite et justifier que l’insertion soit ordonnée judiciairement afin de mettre fin à ce trouble.


Or, préalablement à l’introduction de la présente procédure, Mme X n’a pas adressé de demande d’exercice d’un droit de réponse à l’hébergeur dans les conditions précitées, sa demande ayant seulement été formée, par voie de conclusions, au cours de la procédure.


C’est donc par une exacte appréciation des faits qui lui ont été soumis que le premier juge a déclaré la demande d’insertion forcée irrecevable puisque celle-ci n’a pas été précédée d’un refus qui lui aurait préalablement été opposé.

Sur le déblocage de la page Wikipédia

Mme X sollicite qu’il soit mis fin au blocage de sa page en soutenant que celui-ci n’est justifié que par la procédure en cours, qu’il constitue une entrave à sa liberté d’expression garantie par l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et, par suite, un trouble manifestement illicite.


D E contestant la censure dont l’appelante prétend faire l’objet, explique la mesure de protection appliquée par de nombreuses modifications intervenues sur la page, ne respectant pas les principes de l’encyclopédie et traduisant une guerre d’édition. Elle rappelle qu’il s’agit d’une mesure de nature générale s’appliquant à tout contributeur disposant d’un compte depuis moins de trois mois ou ayant réalisé moins de 500 contributions et qu’elle ne vise pas spécifiquement à exclure l’appelante.


La demande de Mme X tend au rétablissement de la fonction permettant de modifier sa page, laquelle a été déclarée irrecevable par le premier juge. Toutefois, cette demande fondée sur l’article 835 du code de procédure civile, apparaissant recevable, il convient de réformer de ce chef la décision entreprise.


Il est constant que la page dédiée à Mme X a fait l’objet d’une mesure de protection en mai 2020, renouvelée en juin 2021, ayant pour effet de faire obstacle aux contributions qu’elle a fait apporter par des personnes agissant pour son compte.


Cependant, il n’apparaît pas que cette mesure de protection soit contraire aux principes de fonctionnement de l’encyclopédie Wikipédia, lesquels sont incompatibles avec le conflit d’intérêt, situation dans laquelle un contributeur n’intervient qu’afin de promouvoir ses propres intérêts, et la guerre d’édition, situation dans laquelle des contributeurs expriment un profond désaccord sur un point particulier, à l’origine, notamment, de modifications incessantes de l’article, de commentaires agressifs ou d’absence de discussion sur le sujet de l’article entre les protagonistes.


En outre, il n’est pas contesté qu’en dépit du blocage de la page, il est possible de proposer une modification et donc, de s’exprimer en page de discussion de l’article, qui reste librement accessible (pièce 27 de l’intimée).


Enfin, il n’existe aucun droit à participer à cette encyclopédie en ligne de sorte que la mesure de protection étendue à sa page ne constitue pas une atteinte à la liberté d’expression de l’appelante, qui, au demeurant, n’est pas empêchée de s’exprimer sur ses méthodes de management et de gestion de ses sociétés ni de promouvoir sa personne par d’autres moyens.


Ainsi, l’atteinte à la liberté d’expression de l’appelante n’apparaît pas caractérisée. Le blocage de la page litigieuse n’étant pas constitutif d’un trouble manifestement illicite, il n’y a pas lieu à référé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles


Le sort des dépens de première instance et l’indemnité allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ont été exactement appréciés par le premier juge.


Succombant en ses prétentions, Mme X supportera les dépens d’appel sans pouvoir prétendre à l’allocation d’une indemnité au titre des frais irrépétibles.


Il sera alloué à D E, contrainte d’exposer de tels frais pour assurer sa défense, la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS


Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a déclaré irrecevable la demande de Mme X au titre de la liberté d’expression ;


Statuant à nouveau de ce chef,


Déclare la demande de Mme X tendant à la suppression de la mesure de semi-protection étendue de la page Wikipédia qui lui est consacrée, permettant de bloquer sa modification jusqu’au 9 juin 2023, recevable ;


Dit n’y avoir lieu à référé de ce chef ;


Confirme en ses autres dispositions l’ordonnance entreprise ;


Y ajoutant,


Déclare irrecevable la demande tendant à la condamnation de D E à fournir aux éditeurs non professionnels les moyens techniques de s’identifier conformément aux articles 6 II alinéa 2 et III de la loi du 21 juin 2004 ;
Condamne Mme X aux dépens d’appel et à payer à D E la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.


Le Greffier, Le Président,
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Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 8, 18 février 2022, n° 20/13824