Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 4, 20 mars 2024, n° 21/09854

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 4, 20 mars 2024, n° 21/09854
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/09854
Importance : Inédit
Sur renvoi de : Cour de cassation, 1er juin 2021
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 26 mars 2024
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Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRÊT DU 20 Mars 2024

(n° /2024, 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/09854 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXVQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes de Paris en date du 24 juillet 2014, infirmé par l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris en date du 18 décembre 2018, cassé partiellement par l’arrêt de la Cour de Cassation en date du 2 juin 2021

APPELANT

Monsieur [C] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Comparant en personne, assisté de Me Rachel SPIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0335

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/038026 du 29/09/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

La société UBIQUS Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Sa représante légale comparante en personne, assistée de Me Sonia FUSCO OSSIPOFF de l’AARPI Cabinet FUSCO OSSIPOFF, avocat au barreau de PARIS, toque : B0793

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport et Mme. Florence MARQUES, conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DE CHANVILLE Jean-François, président de chambre rédacteur

Mme. BLANC Anne-Gaël, conseillère

Mme. MARQUES Florence, conseillère

Greffier : Madame Clara MICHEL, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

— signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Clara MICHEL, Greffière, présent lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société Ubiqus propose à ses clients des prestations de rédaction des échanges intervenus à l’occasion de rencontres professionnelles (réunions d’assemblées générales, de comités d’entreprises, de conseils municipaux, de sessions parlementaires …).

Elle emploie plus de dix salariés et n’applique aucune convention collective.

Elle recourt pour l’exécution de ses missions à des rédacteurs employés par contrat à durée indéterminée à hauteur de 80% des effectifs relevant du statut cadre et à hauteur de 20% des effectifs, de rédacteurs indépendants engagés par contrat à durée déterminée relevant du statut employé.

M. [S], né en 1970, a été engagé à compter du 26 novembre 2002 et jusqu’au 24 janvier 2013 en qualité de rédacteur, suivant 408 contrats à durée déterminée successifs dits d’usage, puis pour accroissement temporaire d’activité.

Ne se voyant plus confier de missions après le 24 janvier 2013, il a saisi le 18 septembre 2013 le conseil de prud’hommes de Paris de demandes tendant à la requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée à temps complet et à la condamnation de la société Ubiqus au paiement de diverses sommes à titre indemnitaire.

Par jugement du 24 juillet 2014, le conseil de prud’hommes a débouté le demandeur de ses demandes et l’a condamné aux dépens.

Celui-ci a régulièrement interjeté appel le 23 octobre 2014.

Par un arrêt du 18 décembre 2018 (n°RG 14/11608), la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement déféré et, statuant à nouveau, a requalifié les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 26 novembre 2002 et condamné l’employeur à payer à M. [S] les sommes suivantes :

—  1.221,63 euros d’indemnité de requalification,

—  800,92 euros de rappel de salaire,

—  880,09 euros d’indemnité de congés payés afférents,

—  814,42 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  81,44 euros d’indemnité de congés payés afférents,

—  823,46 euros d’indemnité de licenciement,

— Ces sommes étant assorties de l’intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes,

—  5.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Le conseil a en outre dit que les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, ordonné à la société Ubiqus le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de six mois d’indemnités, condamne la société Ubiqus à payer à Maître [U], avocat de M. [S] bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile, rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires et condamné la société Ubiqus aux dépens de première instance et d’appel et aux éventuels frais d’exécution.

M. [C] [S] a formé un pourvoi n° G 19-16.183.

Par arrêt du 2 juin 2021 la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt, mais seulement en ce qu’il condamne la société Ubiqus à payer à M. [S] les sommes de 1 221,63 euros au titre de l’indemnité de requalification, 8 800,92 euros à titre de rappel de salaire dû au titre des périodes interstitielles, 880,09 euros au titre des congés payés afférents, 814,42 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 81,44 euros au titre des congés payés afférents, 823,46 euros d’indemnité de licenciement et 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour suprême fait grief à l’arrêt :

— D’avoir retenu pour base de calcul du montant des rappels de salaire dû la durée moyenne mensuelle de travail obtenue par l’addition des contrats à durée déterminée exécutés rapportée au mois, et non la réalité de la situation de chaque période interstitielle telle que résultant de chacun des contrats à durée déterminée l’ayant précédée ;

— De s’être basé pour évaluer l’indemnité de préavis sur le salaire moyen perçu pour les seules périodes contractuelles antérieures à la rupture, et non sur le salaire que le salarié aurait dû percevoir s’il avait pu exécuter le préavis.

Le 29 novembre 2021. M. [S] a saisi la cour d’appel de Paris, désignée comme cour de renvoi.

Dans ses dernières conclusions adressées par le réseau privé virtuel des avocats le 15 mai 2023, M. [S] demande à la cour d’infirmer le jugement du 24 juillet 2014 et de condamner la Société Ubiqus à verser à M. [S] les sommes suivantes :

—  20 664 euros net, en réparation du préjudice subi en raison du recours illicite à l’emploi précaire, sur le fondement de l’article L. 1245-2 du Code du travail ;

—  150 843,45 euros de rappel de salaire pour les périodes inter-contrats, sur la période non prescrite de septembre 2008 à janvier 2013, ainsi que 9 480,59 euros à titre de congés payés afférents, correspondant à ;

1- 39 335,27 euros brut pour l’année 2008 ;

2- 58 553,39 euros brut et 4 185,11 euros brut au titre des congés payés pour l’année 2009 ;

3- 17 284,48 euros brut et 1 728,45 euros brut au titre des congés payés pour l’année 2010 ;

4- 18 026,67 euros brut et 1 802,67 euros brut au titre des congés payés pour l’année 2011 ;

5- 15 324,74 euros brut et 1 532,47 euros brut au titre des congés payés pour l’année 2012 ;

6- 2 318,90 euros brut et 231,89 euros brut au titre des congés payés pour l’année 2013 ;

—  3 519,81 euros à titre d’indemnité de licenciement sur le fondement des articles L. 1234-9 et R. 1234-2du Code du travail ;

—  3 444,04 euros, soit deux mois de salaire, à titre d’indemnité compensatrice de préavis sur le fondement de l’article L. 1234-1 du Code du travail, ainsi que 344,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

—  41 328,48 euros net, soit 24 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi à la suite de la perte injustifiée de son emploi, sur le fondement de l’article L. 1235-3 du Code du travail ;

—  8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— ainsi qu’aux dépens et éventuels frais d’exécution.

Il priait aussi la cour de condamner la Société Ubiqus :

— À lui fournir des bulletins de paie au mois le mois conformes au jugement à intervenir, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes à l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard et par document à compter du 8ème jour suivant sa notification, le conseil se réservant la liquidation de l’astreinte ;

— À régulariser sa situation auprès des organismes sociaux sous astreinte de 300 euros par jour de retard et par organisme ;

— À assortir les condamnations de l’intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes avec capitalisation.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 30 octobre 2023, la société Ubiqus conteste le mode de calcul de la rémunération des périodes interstitielles proposé par la partie adverse et demande à la cour la compensation avec les sommes déjà versées par la Société UBIQUS à M. [C] [S] en exécution de l’arrêt cassé et en tout état de cause, de limiter le montant des sommes allouées.

L’affaire a été appelée à l’audience du 6 décembre 2022. Des notes en délibéré ont été produites le 15 décembre 2022 et le 1er janvier 2023.

L’affaire est appelée à l’audience du 14 novembre 2023.

Par arrêt du 15 février 2023, la cour a ordonné la réouverture des débats dans les termes suivants :

' Constate qu’elle n’est pas saisie de la demande de M. [C] [S] en paiement d’une Indemnité de travail dissimulé ;

'Statuant sur les demandes de M. [C] [S] en paiement d’une indemnité de requalification, de salaires au titre des heures interstitielles, de l’indemnité congés payés y afférents, de l’indemnité de préavis, de l’indemnité de congés payés y afférents, de l’indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile et de délivrance de bulletins de paie, attestation Pôle Emploi et certificat de travail, de régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux ;

'Dit que la rémunération de chaque période interstitielle est déterminée par le temps partiel stipulé par le dernier contrat à durée déterminée ayant précédé la période interstitielle étudiée et le salaire horaire fixé par ledit contrat à durée déterminée sous la dénomination, « rémunération forfaitaire » ;

'Dit que le salaire mensuel constituant le minimum de l’indemnité de requalification prévue par l’article L. 1253-2 du Code du travail est déterminé par la moyenne des salaires mensuels perçus lors du dernier contrat à durée déterminée précédant la saisine du conseil de prud’hommes, y compris la rémunération des périodes d’intercontrats ;

'Dit que les moyennes qui servent de base au calcul de l’indemnité de licenciement prévues par l’article R. 1234-2 du Code du travail doivent être calculées en additionnant les salaires versés en exécution des contrats à durée déterminée échus et les salaires des périodes d’intercontrats ;

'Dit que l’indemnité de préavis et l’indemnité de congés payés y afférents sont déterminées par la moyenne des salaires des trois derniers mois, lesquels comprennent les rémunérations prévues par les contrats à durée déterminée requalifiés et la rémunération des périodes interstitielles ;

'Dit que le montant minimum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévu par l’article L. 1235-3 du Code du travail est égal aux six derniers mois de salaire couvrant les rémunérations obtenues au moyen des contrats à durée déterminée requalifiés augmentés de la rémunération des périodes interstitielles ;

'Avant dire droit ;

'Ordonne la réouverture des débats, afin que M. [C] [S] recalcule ses demandes sur la base des principes ci-dessus fixés ;

'Renvoie l’affaire à l’audience du 14 novembre 2023 à 13h30 ;

'Invite M. [C] [S] à conclure avant le 15 mai 2023 ;

'Invite la société Ubiqus à conclure avant le 01 septembre 2023 ;

'Réserve les dépens'.

Par conclusions remises via le réseau privé virtuel des avocats le 8 décembre 2023, M. [C] [S] demande à la cour de :

INFIRMER le jugement du Conseil prud’hommes de PARIS du 24 juillet 2014 dans

l’intégralité de ses dispositions,

1) FIXER le salaire de référence à 1 722,02 € bruts mensuels,

2) CONDAMNER la Société UBIQUS à verser à M. [S] la somme de

20 664 € nets soit l’équivalent de douze mois de salaire, en réparation du préjudice

subi en raison du recours illicite à l’emploi précaire, sur le fondement de l’article L.

1245-2 du Code du travail ;

3) CONDAMNER la Société UBIQUS à verser à M. [S] la somme de

150 843,45 € à titre de rappel de salaire pour les périodes inter-contrats, sur la période

non prescrite de septembre 2008 à janvier 2013, ainsi que 9 480,59 € à titre de

congés payés afférents, correspondant à ;

—  39 335,27 € brut pour l’année 2008 ;

—  58 553,39 € brut et 4 185,11 € brut au titre des congés payés pour l’année 2009 ;

—  17 284,48 € brut et 1 728,45 € brut au titre des congés payés pour l’année 2010 ;

—  18 026,67 € brut et 1 802,67 € brut au titre des congés payés pour l’année 2011 ;

—  15 324,74 € brut et 1 532,47 € brut au titre des congés payés pour l’année 2012 ;

—  2 318,90 € brut et 231,89 € brut au titre des congés payés pour l’année 2013.

4) CONDAMNER la Société UBIQUS à verser à M. [S] en conséquence de la rupture du contrat de travail intervenue sans motif licite le 24 janvier 2013 :

—  3 519,81 € à titre d’indemnité de licenciement sur le fondement des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du Code du travail,

—  3 444,04 €, soit deux mois de salaire, à titre d’indemnité compensatrice de préavis sur le fondement de l’article L. 1234-1 du Code du travail, ainsi que 344,40 € à titre d’indemnité compensatrice de congés-payés,

—  41 328,48 € nets, soit 24 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi suite à la perte injustifiée de l’emploi, sur le fondement de l’article L. 1235-3 du Code du travail ;

5) CONDAMNER la Société UBIQUS à fournir à M. [S], sous astreinte de 300€ par jour de retard et par document à compter du 8ème jour suivant sa notification, le conseil se réservant le contentieux de la liquidation de l’astreinte :

— Bulletins de paie au mois le mois conformes au jugement à intervenir, attestation Pôle Emploi conforme,

— Certificat de travail conforme,

6) CONDAMNER la Société UBIQUS à régulariser la situation de M. [S]

auprès des organismes sociaux sous astreinte de 300 € par jour de retard et par

organisme

7) ASSORTIR l’ensemble des condamnations de l’intérêt au taux légal à compter de la

réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes ;

8) CONDAMNER la Société UBIQUS à payer les intérêts sur les intérêts dus au taux

légal (anatocisme), au bénéfice de M. [S], conformément à l’article 1343-2

du Code Civil ;

9) CONDAMNER la Société UBIQUS au paiement de la somme de 8 000 € au cabinet

[L] [U] sur le fondement de l’article 700, alinéa 2, du Code de procédure

civile ;

10) CONDAMNER la Société UBIQUS aux entiers dépens et éventuels frais

d’exécution ;

11) DEBOUTER la société UBIQUS de l’ensemble de ses demandes.

Par conclusions remises via le réseau privé virtuel des avocats le 30 octobre 2023,

DIRE la Société UBIQUS recevable et bien fondée dans ses conclusions

CONDAMNER la Société UBIQUS au paiement d’un solde de rappel de salaire sur les périodes interstitielles conforme aux modalités de calcul retenues par la Société UBIQUS,

ORDONNER la compensation avec les sommes déjà versées à ce titre par la Société UBIQUS à Monsieur [S] en exécution de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de

Versailles,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

LIMITER le montant de l’indemnité de requalification à la somme de 1250,90 €,

ORDONNER la compensation avec les sommes déjà versées à ce titre par la Société UBIQUS à Monsieur [S] en exécution de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Versailles,

LIMITER le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 2.221,38 €.,

ORDONNER la compensation avec les sommes déjà versées à ce titre par la Société UBIQUS à Monsieur [S] en exécution de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Versailles,

LIMITER le montant de l’indemnité légale de licenciement à la somme de 2.452,99 €

ORDONNER la compensation avec les sommes déjà versées à ce titre par la Société UBIQUS à Monsieur [S] en exécution de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Versailles,

LIMITER le montant de pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 7.368,52 €

ORDONNER la compensation avec les sommes déjà versées à ce titre par la Société

UBIQUS à Monsieur [S] en exécution de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de

Versailles.

MOTIFS

La clôture est révoquée et une nouvelle date de clôture est fixée à la date de l’audience, compte tenu des nouvelles demandes formées par l’une et l’autre des parties, afin de pouvoir accueillir les conclusions et demandes formulées par les parties en exécution de l’arrêt mixte avant dire droit de la présente cour.

1 : Sur la demande de rappel de salaire

M. [C] [S] sollicite la condamnation de la société Ubiqus à lui payer la somme de 150 843,45 euros de rappel de salaire en rémunération des périodes interstitielles écoulées entre septembre 2008 et février 2013.

Cependant, il postule que le salarié se tient constamment à la disposition de l’employeur y compris les jours non ouvrés, ce qui n’est pas démontré, de sorte qu’il ne peut prétendre à une rémunération pour les samedis et dimanches.

Il ne peut se plaindre de ce que certaines missions duraient plus que prévu, alors que d’autres duraient moins que prévue.

Il ne tient pas compte du caractère forfaitaire de la rémunération du salarié, qui ressort de la variation d’un mois à l’autre du salaire horaire, en fonction de l’importance variable de la mission. A partir du 24 mars 2009 ce forfait était traduit par un salaire horaire majoré correspondant au temps de la réunion mais incluant le temps de rédaction postérieur à leur temps de présence en réunion ainsi que le temps de déplacement pour se rendre à la réunion et en revenir.

Aussi, en considérant que la rémunération de chaque jour des périodes interstitielles doit être rémunérée sur la base du contrat à durée déterminée précédent, sans tenir compte de ce que celui-ci rémunérait non pas seulement le temps de présence à la réunion, mais un temps de travail en amont et en aval, le décompte du salarié a rémunéré des débuts ou des fins de périodes interstitielles déjà rémunérées au titre des périodes de travail.

Ainsi, le calcul de M. [C] [S] n’est pas pertinent et sera écarté.

La société Ubiqus, reprenant le salaire horaire de 10, 50 euros fixé pour une heure de travail effectif par l’accord du 17 janvier 2013 modifiant le système de rémunération forfaitaire et majorée jusqu’alors appliqué aux salariés en contrat à durée déterminée travaillant à domicile, propose à titre principal une première modalité, qui consiste à recalculer l’ensemble des rémunérations de M. [C] [S] sur la base de ce taux horaire pendant les réunions sur site et pendant les périodes interstitielles. En conséquence :

— Il recalcule l’ensemble des rémunérations de Monsieur [S] comme s’il avait travaillé avec un taux horaire applicable aux contrats à durée indéterminée pendant les réunions sur site et pendant les périodes interstitielles.

— Il duplique les heures du contrat fictivement sur la période interstitielle qui suit, 'capées’ à hauteur de 35 h hebdomadaires ;

— Il exclut les week-ends et les jours fériés du calcul.

Cette modalité répond aux principes posés par l’arrêt avant dire droit, sous réserve du taux horaire de 10,50 euros qui n’a pas de valeur contractuelle.

La deuxième modalité, dite modalité 2, se limite à calculer le rappel de salaire pendant les périodes interstitielles sur la base du taux horaire majoré, mais n’échappe par à la critique faite quant au mode de calcul préconisé par le salarié, à savoir rémunérer le salarié pour les périodes antérieures et postérieures au contrat à durée déterminée, ce qui revient à rémunérer une seconde fois une partie du travail effectué pendant les périodes de contrat à durée déterminée.

Force est de retenir la somme de 21 862,64 euros offerte par l’employeur en l’absence de demande pertinente du salarié selon la modalité retenue par la cour avec compensation avec les sommes payées au titre de l’application de l’arrêt cassé du 18 décembre 2018, ainsi que l’indemnité de congés payés.

2 : Sur les conséquences financières de la rupture

2.1 : Sur l’indemnité de préavis et l’indemnité de congés payés y afférents

L’employeur, se fixant par rapport à son mode d’estimation du salaire des périodes interstitielles du salaire de référence écartées ci-dessus par la cour et se référant au salaire de référence requis pour l’indemnité de licenciement à savoir au salaire moyen des douze derniers mois, méconnaît prescriptions de l’arrêt du 15 février 2023, qui a décidé, souverainement que le salaire qu’aurait perçu le salarié s’il avait effectué son préavis aurait été égal à la moyenne des salaires des trois derniers mois, lesquels comprennent les rémunérations prévues par contrat à durée déterminée requalifiés et la rémunération des périodes interstitielles.

Dans ces conditions, force est d’accepter l’indemnité offerte par l’employeur, s’agissant de l’indemnité de préavis, comme de l’indemnité de congés payés.

2.2 : Sur l’indemnité de licenciement

Pareillement la demande du salarié doit être rejetée puisque son mode de reconstitution des salaires est erroné. Par conséquent, la cour retiendra à ce titre encore l’indemnité proposée par le salarié.

2.3 : Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié sollicite l’allocation de la somme de 24 mois de salaire sur la base du mois de salaire évalué selon son mode de calcul en faisant valoir qu’il a été mis fin à sa relation de travail sans motif, qu’il n’a pu être indemnisé par Pôle Emploi que pour un montant particulièrement faible de 15,90 euros par jour, que le versement des allocations de solidarité spécifiques s’est arrêté le 31 décembre 2013, après quoi il a été contraint de s’inscrire comme auto entrepreneur.

L’article L.1235-3 applicable dans sa version en vigueur jusqu’au 24 septembre 2017 au regard de la date de rupture des relations contractuelles dispose :

« Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9 ».

Dés lors que le calcul des six derniers mois proposé par le salarié repose sur des bases erronées, force est d’adopter la moyenne offerte par l’employeur, soit la somme de 7 368,52 euros.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [C] [S], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, il ya lieu de lui allouer, en application de l’article L 1235-3 du Code du travail une somme de 12 500 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au vu des motifs qui précèdent, il sera ordonné la délivrance des documents de fin de contrat sollicités dans les conditions prévues au dispositif, sans qu’il soit nécessaire de fixer une astreinte.

Il sera également ordonné la régularisation de la situation de M. [C] [S] auprès des organismes sociaux dans les trois mois de la signification du présent arrêt, à peine d’une astreinte de 100 euros par jour de retard.

3 : Sur l’indemnité de requalification

M. [C] [S] sollicite la condamnation de la partie adverse à lui payer la somme de 20 664 euros d’indemnité de requalification correspondant selon lui à douze mois de salaire en réparation d’une indemnisation des temps de transport minorés par rapport aux collaborateurs permanents, de l’absence de statut de cadre conféré aux salariés en contrat à durée indéterminée, de l’absence d’augmentation pendant 11 ans de carrière, de l’absence de suivi médical et de la privation du bénéfice des normes légales et conventionnelles applicables au télétravail, de l’absence de la comptabilisation de l’ensemble des heures effectivement travaillées par lui, de la perte de droits au titre de Pôle Emploi de ce fait et de l’impossibilité de participer aux élections professionnelles et bénéficier des avantages qui résultent des institutions représentatives.

La société Ubiqus objecte que l’indemnité de requalification n’a pas pour objet de réparer la précarité, déjà indemnisée par l’indemnité de fin de contrat, ni une éventuelle rupture d’égalité, ni une absence de suivi par la médecine du travail. Au surplus, elle conteste tous les griefs évoqués à ce titre et précise que, selon le mode de calcul proposé par elle et se référant au dernier mois travaillé, soit le mois de janvier, elle offre la somme de 1250,90 euros.

Sur ce

L’indemnité ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, n’a pas pour objet de réparer les différents prétendus préjudices allégués par le salarié, mais de sanctionner le manquement de l’employeur qui a conduit à la requalification.

Le salaire minimal invoqué par M. [C] [S] ayant été écarté, la cour retient comme indemnité minimale le salaire mensuel proposé par le salarié, soit la somme de 1250,90 euros.

Au vu des circonstances de la cause, l’employeur sera condamné à verser à ce titre la somme de 1 500 euros.

4 : Sur la compensation, les intérêts et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Il convient d’ordonner la compensation entre les sommes allouées et l’obligation par le salarié de restituer les sommes versées en application de l’arrêt cassé.

Les sommes allouées de nature contractuelle, porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes. Les autres sommes de nature indemnitaire porteront intérêts à compter de la décision qui les a prononcées. Il sera ordonné la capitalisation des intérêts courus pour une année entière ainsi qu’il l’est demandé, dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

Il est équitable au regard de l’article 700 du code de procédure civile et condamner la société Ubiqus qui succombe à verser à M. [C] [S] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles. L’employeur qui succombe sera débouté de ces chefs.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Statuant sur les demandes de M. [C] [S] en paiement d’une indemnité de requalification, d’un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles, de l’indemnité de congés payés y afférents, de l’indemnité de préavis, de l’indemnité de congés payés y afférents, de l’indemnité de licenciement, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile et de délivrance de bulletins de paie, attestation Pôle Emploi et certificat de travail ;

ORDONNE la révocation de l’ordonnance de clôture ;

DIT que la clôture est du 14 novembre 2023 ;

INFIRME le jugement déféré ;

Statuant à nouveau ;

CONDAMNE la société Ubiqus à payer à M. [C] [S] les sommes suivantes :

—  1 500 euros d’indemnité de requalification ;

—  21.862,64 euros de rappel de salaire au titre des périodes interstitielles ;

—  2 186,26 euros d’indemnité de congés payés y afférents ;

—  2.452,99 d’indemnité de licenciement ;

—  2.221,38 euros d’indemnité de préavis ;

—  222,13 euros d’indemnité de congés payés y afférents ;

—  12 500 de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ORDONNE la délivrance par la société Ubiqus à M. [C] [S] d’un bulletin de paie récapitulatif, d’une attestation Pôle Emploi et d’un certificat de travail conformes au présent arrêt dans les deux mois de la signification du présent arrêt ;

CONDAMNE la société Ubiqus aux dépens de première instance ;

Y ajoutant ;

ORDONNE la régularisation de la situation de M. [C] [S] auprès des organismes sociaux par la société Ubiqus dans les trois mois de la signification du présent arrêt à peine d’une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

ORDONNE la compensation des créances nées des condamnations qui précèdent contre la société Ubiqus avec les sommes déjà versées au titre de ces chefs de condamnation, pour chacune d’entre elles, par la société Ubiqus à M. [C] [S] en exécution de l’arrêt cassé rendu par la cour d’appel de Paris du 18 décembre 2018 ;

DIT que les sommes allouées de nature contractuelle, porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de la société Ubiqus devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes et les sommes de nature indemnitaire porteront intérêts à compter de la décision qui les a prononcées ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts courus pour une année entière dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

CONDAMNE la société Ubiqus à payer à M. [C] [S] la somme de 2 000 euros au cabinet [L] [U] en application de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Ubiqus aux dépens d’appel ;

Le greffier Le président de chambre

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 4, 20 mars 2024, n° 21/09854