Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 19 avril 2018, n° 17/00679

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, ch. soc., 19 avr. 2018, n° 17/00679
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 17/00679
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

MHD/SB

Numéro 18/01455

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 19/04/2018

Dossier : 17/00679

Nature affaire :

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

Z Y

C/

SA THEVENIN SA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 19 Avril 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 21 Décembre 2017, devant :

Madame X, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame DEBON, faisant fonction de greffière.

Madame X, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame THEATE, Présidente

Madame NICOLAS, Conseiller

Madame X, Conseiller qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur Z Y

[…]

[…]

Représenté par Maître DUALE de la SCP DUALE-LIGNEY-MADAR-DANGUY, avocat au barreau de PAU assisté de Maître SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU,

INTIMÉE :

SA THEVENIN SA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège de la société

[…]

[…]

Représentée par Maître CREPIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU, assistée de Maître FERREIRA de la SELARL FERREIRA-SCHMITT-EVREUX-LEJEUNE, avocat au barreau de TOURS

sur appel de la décision

en date du 24 JANVIER 2017

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE DAX

RG numéro : F 16/00156

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 20 août 1996, Monsieur Z Y a été embauché par la société ISOA en qualité d’Agent commercial.

Il a successivement été promu le 6 janvier 1997 au poste de vendeur, puis le 2 juin 1997 au poste de premier vendeur et enfin le 1er septembre 1997 au poste de responsable d’agence.

La société ISOA, placée en redressement judiciaire, a fait l’objet d’une reprise par la société ISOA FRANCE.

Par jugement du Tribunal de commerce de PERIGUEUX en date du 2 septembre

2011, le contrat de travail de Monsieur Y a été transféré, dans ses conditions antérieures d’exécution et de rémunération à la société ISOA France.

A compter du 1er août 2012, Monsieur Y a été promu en qualité de Chef des Ventes pour

le département des Landes.

Par jugement en date du 10 juin 2014, le tribunal de commerce de Périgueux a placé la société ISOA FRANCE en redressement judiciaire.

Par jugement en date du 16 septembre 2014, le Tribunal de commerce, statuant

sur les conséquences du redressement judiciaire, a notamment ordonné la cession de la société ISOA FRANCE au profit de la société SAS THEVENIN et a ordonné en application de l’article L.1224-1 du Code du travail le transfert à compter de la prise de jouissance des contrats de travail attachés à l’activité de la société ISOA FRANCE.

Le 8 octobre 2014, la société THEVENIN a proposé à Monsieur Y dont le contrat de travail avait été repris, une proposition d’avenant à son contrat de travail visant à l’engager en qualité de chef des ventes exclusif à temps plein aux conditions générales du statut des VRP, avec effet rétroactif au 1er octobre 2014.

Le 16 octobre 2014, le salarié l’a informée de son refus de l’avenant et de son absence au stage de formation commerciale.

Le 31 octobre 2014, il a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle

mesure de licenciement en raison de son absence audit stage.

Le 19 novembre 2014, il a été licencié pour un motif disciplinaire.

Par requête en date du 6 mars 2015, il a saisi le Conseil de Prud’hommes de PAU aux fins de solliciter la condamnation de la société THEVENIN au paiement des sommes et autres chefs suivants :

. dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 40.000€

. article 700 du Code de Procédure Civile : 2.500 €

avec exécution provisoire et intérêts légaux à compter du 6 mars 2015, outre la capitalisation des intérêts.

Par voie de conclusions, il a ajouté les demandes suivantes :

.dommages et intérêts pour lui avoir imposé une clause de respect de clientèle

s’analysant en une clause de non concurrence : 25.000 €

.dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation : 10.000 €

.dommages et intérêts pour occupation sans contrepartie financière de son domicile à des fins professionnelles à la demande de l’employeur: 3.000€

. dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 75.000€

Par jugement en date du 7 mars 2016, ledit conseil s’est déclaré territorialement incompétent au profit du Conseil de prud’hommes de DAX.

Par conclusions additionnelles, il a soulevé, le 18 octobre 2016, la nullité de son licenciement pour

absence de mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi et a sollicité le versement de douze mois de salaire à titre de dommages et intérêts.

La tentative de conciliation a échoué et l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement du 24 janvier 2017, le conseil des prud’hommes de DAX a :

. dit que le licenciement reposait sur un motif réel et sérieux,

. débouté Monsieur Y de l’intégralité de ses demandes,

. débouté la société THEVENIN de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. condamné Monsieur Y aux dépens.

Par déclaration en date du 16 février 2017, Monsieur Y a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions en date du 30 mars 2017, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Monsieur Z Y demande à la Cour de :

. Vu les articles L 1235-11 et 1233-25 à L 1233-27,

. Vu l’article L 1315 du Code civil, dans sa rédaction applicable au litige,

. Vu l’article L. 1224-1 du Code du travail,

. réformer ou infirmer, dans son intégralité, le jugement du Conseil de prud’hommes de DAX du 24 janvier 2017.

. statuant à nouveau,

. dire et juger que l’intimée ne prouve pas, en application de l’article 1315 du Code civil, dans sa rédaction applicable au litige, qu’elle pouvait s’abstenir de mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi, alors qu’il résulte du registre du personnel que les contrats de travail de plus de 18 salariés ont été rompus, sur une période de un an,

. prononcer la nullité du licenciement en l’absence du plan de sauvegarde de l’emploi, ou subsidiairement, dire et juger que la tentative de modification du contrat de travail avec effet rétroactif le jour-même du transfert prononcé par le Tribunal de commerce constitue une violation des dispositions d’ordre public de l’article L.1224- 1 du Code du travail, rendant le licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

. prononcer, de plus, la nullité de la clause de respect de clientèle ;

. condamner en conséquence la société THEVENIN à payer :

—  75.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle ni séreuse,

—  15.000 € à titre de dommages-intérêts relatifs au préjudice distinct du licenciement pour absence

d’information-consultation du comité d’entreprise,

—  25.000 € à titre de dommages-intérêts pour avoir imposé au salarié une clause de respect de clientèle s’analysant en une clause de non-concurrence nulle,

—  10.000 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de formation,

—  3.000 € à titre de dommages-intérêts pour occupation sans contrepartie financière du domicile à des fins professionnelles.

. dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal depuis la saisine du Conseil de Prud’hommes du 5 mars 2015 outre la capitalisation des intérêts.

. condamner la société THEVENIN SA à payer 2.500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens et frais d’exécution éventuels.

Par conclusions en date du 30 mai 2017, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SAS THEVENIN demande à la Cour de :

. confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de DAX le 24 janvier 2017 ;

. condamner Monsieur Y au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

. condamner Monsieur Y aux entiers dépens de l’instance.

***

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 20 octobre 2017.

SUR QUOI

I – SUR LA PROCEDURE DE LICENCIEMENT :

A – Sur l’absence de Plan de sauvegarde de l’emploi :

En application des articles :

. L1233-25 du code du travail : ' Lorsqu’au moins dix salariés ont refusé la modification d’un élément essentiel de leur contrat de travail, proposée par leur employeur pour l’un des motifs économiques énoncés à l’article L. 1233-3 et que leur licenciement est envisagé, celui-ci est soumis aux dispositions applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique.

. L1233-61 dudit code, issu de l’article 43 de la loi n°2012-387 du 22 mars 2012 :

' Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l’employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l’emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre.

Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile.'

Ainsi, la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi suppose la réunion de deux conditions ayant trait pour l’une à un effectif d’au moins 50 salariés et pour l’autre au projet de licencier au moins 10 salariés dans une même période de 30 jours.

En l’espèce, Monsieur Y reproche à la société THEVENIN de ne pas avoir mis en place de plan de sauvegarde de l’emploi à la suite du refus de la modification de leur contrat de travail par au moins quinze salariés.

Cependant, ce grief est inopérant dans la mesure où les 23 salariés qui ont quitté la société THEVENIN en octobre 2014 n’ont pas tous fait l’objet d’un licenciement pour motif économique.

En effet, au vu des pièces qu’elle produit ( pièces 7 à 26 ) relatives aux vingt trois salariés et qui sont constituées par les courriers de licenciement qui leur ont été adressés soit pour faute grave, soit pour insuffisance professionnelle, soit pour motif économique, soit en réponse à leur démission et à leur demande de rupture conventionnelle pour mettre fin à une procédure disciplinaire, seuls neuf salariés ont été effectivement licenciés pour motif économique.

Il en résulte donc que même si la société comptait au moins 50 salariés – et au cas présent environ 500 – elle n’était pas tenue de mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi, moins de 10 salariés ayant été licenciés en trente jours.

En conséquence, Monsieur Y sera débouté de ses prétentions formées de ce chef.

B – Sur l’absence de consultation du comité d’entreprise

N’ayant pas à mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi, la société THEVENIN n’avait pas à consulter le comité d’entreprise.

Elle n’avait pas davantage l’obligation de le consulter dans le cadre de la procédure de licenciement disciplinaire qu’elle avait engagée contre Monsieur Y.

En conséquence, ce dernier sera débouté de ses prétentions formées de ce chef.

II – SUR LE LICENCIEMENT :

A – Sur le respect des dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail :

En application de l’article L1224-1 du code du travail :

' Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.'

Le nouvel employeur ne peut sans l’accord du salarié apporter des modifications aux éléments essentiels du contrat. Il peut seulement apporter des aménagements afin d’adapter celui-ci aux conditions de fonctionnement de l’activité qui lui a été transférée. Toute autre modification lui fait encourir la responsabilité de la rupture du contrat de travail.

En l’espèce, le jugement prononcé le 16 septembre 2014 par le tribunal de commerce de Périgueux a ' …. ordonné le transfert, à compter de la prise de jouissance, des contrats de travail attachés à l’activité de la société ISOA FRANCE selon la liste ci-dessous. ..' et a ' fixé la date de prise en jouissance des cessionnaires au 1er octobre 2014 à 00 heure''

Or, le 8 octobre 2014, soit huit jours après le transfert des contrats de travail à son profit, la société THEVENIN a proposé à Monsieur Y un avenant, modifiant son contrat de travail, étant précisé que cette modification intervenait avec effet rétroactif au 1er octobre 2014, soit le jour même de la prise d’effet du transfert dudit contrat.

Cependant, il n’est pas contesté que le salarié a parfaitement été informé de la possibilité de refuser les modifications – dont d’ailleurs le caractère substantiel n’a pas été rapporté – et des conditions d’exercice de ce refus.

Il a d’ailleurs très clairement exprimé son refus et a bénéficié de la poursuite de son contrat de travail selon ses modalités initiales.

En conséquence, toutes ses demandes formées du chef d’une fraude aux dispositions légales seront rejetées.

B – Sur le licenciement :

1 – Sur le bien fondé du licenciement :

En application de l’article L1232-1 du code du travail ' Tout licenciement pour motif personnel…. est justifié par une cause réelle et sérieuse.'

La charge de la preuve du caractère réel et sérieux du motif n’incombe spécialement ni à l’une ou ni à l’autre des parties et de ce fait, en application de l’ article L. 1235-1 du Code du travail, le juge forme sa conviction « au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il juge utiles ».

Néanmoins, l’employeur doit se cantonner à la preuve des faits articulés dans la lettre de licenciement.

En l’espèce, la lettre de licenciement, notifiée le 19 novembre 2014 à Monsieur Y et qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :

' … nous déplorons que vous vous soyez dispensé de participer à la session de formation à laquelle nous vous avions convié début octobre, étape obligatoire permettant à la force commerciale issue de la société ISOA de mieux connaître notre entreprise, nos produits, nos méthodes de vente, notre fonctionnement, notre personnel'

L’objectif de cette formation était de vous permettre de poursuivre l’exécution de vos obligations contractuelles initiales (consistant notamment en la prise de rendez-vous, en l’établissement et l’envoi de compte rendu, et si possible à la concrétisation de ventes’ ainsi que d’autres de vos collègues ISOA l’ont loyalement fait),…

… , la participation à une formation, selon directives écrites, relève d’une obligation du contrat de travail, dont vous ne pouviez vous dispenser unilatéralement. Un tel manquement relève d’une faute dans l’exécution de vos obligations qui vous empêche en toute hypothèse d’exercer loyalement vos fonctions pour le compte de notre entreprise….'

Ainsi, l’employeur fait grief au salarié de ne pas avoir participé à une session de quatre jours de formation obligatoire et de lui manifester par là son opposition.

Cependant, il convient de relever que le projet d’avenant (pièce 2 Y) que Monsieur Y a refusé de signer présente ce stage comme devant lui permettre de se former aux fonctions de chef des ventes exclusif à temps plein aux conditions générales du statut des VRP.

L’utilisation de l’adverbe ' en conséquence’ dans la phrase (page 2) venant clôturer l’exposé des fonctions et des missions du chef des ventes, libellée de la façon suivante : ' la société fait en conséquence effectuer au chef des ventes un stage de formation en salle qui se déroulera du lundi 20 octobre 2014 au vendredi 24 octobre 2014…' le confirme.

En conséquence, c’est à bon droit que Monsieur Y a refusé d’effectuer le stage.

La date d’envoi de la convocation au stage – 8 octobre 2014 – qui est également celle de l’envoi du projet d’avenant réduit à néant les explications de la société qui veut présenter les deux événements comme étant étrangers l’un à l’autre alors qu’en réalité la convocation au stage n’est que la conséquence des stipulations du projet d’avenant.

Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse et le jugement doit être infirmé.

2 – Sur les conséquences financières du licenciement :

Au regard du nombre de salariés employés par la société THEVENIN à la date du licenciement de Monsieur Y et de l’ancienneté de ce dernier, le montant de l’indemnité due est au moins égal à 6 mois de salaire (article L 1235-3 du Code du travail).

Il appartient pour le surplus à l’appelant de fournir des éléments personnalisés d’appréciation du préjudice.

Dès lors, au vu des éléments dont il justifie, à savoir : son âge à la date du licenciement (43 ans) son ancienneté (18 ans), son niveau de qualification, à l’exclusion de toutes pièces démontrant des recherches d’emploi infructueuses, il y a lieu d’évaluer le montant du préjudice à 22.000€.

La société THEVENIN est donc condamnée à lui en verser le montant, avec intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2015, avec application des règles en matière de capitalisation des intérêts pour ceux dus sur une année entière.

III – SUR LES INDEMNITES ANNEXES :

En application de l’article L1224-2 du code du travail :

' Le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :

1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire …'.

Il en résulte que si le transfert des contrats de travail s’accompagne d’un transfert des obligations de l’ancien employeur à la date de la modification de la situation de celui-ci par application de l’ article L. 1224-2 du Code du travail, il n’en demeure pas moins que dans le cadre d’une procédure collective, le nouvel employeur cessionnaire n’est pas tenu à l’égard des salariés dont il a repris les contrats de travail, des dettes et obligations nées antérieurement à la cession qui incombaient à l’ancien employeur cédant.

A – Sur la clause de respect de clientèle :

Une clause dite de « respect de la clientèle » doit être requalifiée en clause de non-concurrence dès lors qu’elle porte atteinte au libre exercice d’une activité professionnelle.

En l’espèce, Monsieur Y soutient que :

. la clause figurant sous l’article VII intitulé ' loyauté exclusivité ' (page 3) du contrat de travail passé avec la Société ISOA et qui est ainsi libellée ' compte tenu de la nature de ses fonctions, le salarié est amené à connaître le fichier clients de l’entreprise. Il s’oblige en cours d’exécution de son contrat de travail et pendant une durée de deux ans après cessation des fonctions, à respecter la clientèle de la société. À ce titre, le salarié s’engage à ne pas démarcher, solliciter, détourner ou tenter de démarcher ou de détourner les clients et les prospects de la société à son profit ou pour le compte d’un tiers. Cette interdiction vise exclusivement la clientèle et les prospects de la société, entendus comme toutes les personnes qui, au cours des 36 derniers mois précédant la date de cessation effective des fonctions du salarié, auront eu recours aux services de la société ou auront formulé officiellement une demande de services, ou auront bénéficié d’une présentation de ses produits et services. Le salarié reconnaît que cette obligation de respect de clientèle ne porte nullement atteint à sa liberté de travail en ce qu’elle ne lui interdit pas de travailler, dès la cessation de son contrat de travail, pour le compte de sociétés concurrentes, de créer lui-même une société concurrente ou encore d’exercer sous quelque forme que ce soit une activité concurrente à celle de la société….' reprise dans l’avenant à son contrat de travail relatif à la remise d’un extrait client du fichier clients de l’entreprise signé entre ISOA FRANCE et lui-même, constitue en réalité une clause de non-concurrence illicite comme édictant une interdiction générale, illimitée dans l’espace, pendant deux ans, sans la moindre contrepartie financière.

Il demande la réparation du préjudice qui en est résulté pour lui.

Le fait que cette clause – qui interdit au salarié tout accès à la clientèle de la société sans limite géographique – constitue en réalité une clause de non-concurrence n’est finalement pas contesté par l’employeur.

Si le contrat de travail qui la contient n’a pas été signé en son temps par les parties, il n’en demeure pas moins qu’elle est reprise in extenso dans l’avenant qui, lui, a été signé par les deux parties – salarié et employeur – et qui précise qu’il vient compléter l’article III du contrat, toutes les autres dispositions du contrat demeurant inchangées.

Ainsi, l’employeur ne peut pas soutenir que la clause ne s’applique pas en raison du défaut de signature du contrat de travail initial.

De même, il ne peut pas invoquer l’article L 1224-2 du code du travail sus-énoncé pour se dégager de toute responsabilité ; cette obligation de non-concurrence ne prenant effet qu’à compter de la rupture du contrat de travail auquel il a procédé lui-même le 19 novembre 2014, c’est-à-dire postérieurement au transfert du contrat de travail litigieux.

En conséquence, les dispositions de l’article L 1224- 2 du code du travail ne s’appliquent pas en l’espèce.

***

Pour être licite, une clause de non-concurrence doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporter l’obligation pour l’employeur de verser à ce dernier une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

Lorsqu’elle est déclarée nulle, le salarié qui l’a respectée a droit à des dommages et intérêts, à condition d’établir la réalité de son préjudice.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le principe de l’instauration d’une clause de non-concurrence répondait à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise en raison des fonctions de chef des ventes exercées par Monsieur Y.

En revanche, comme ce dernier le soutient très justement, cette interdiction est dépourvue de toute contrepartie financière.

En conséquence, au vu des principes sus- rappelés, cette clause est nulle.

En revanche, à défaut de justifier d’un préjudice sérieux, Monsieur Y qui se contente d’alléguer qu’il est limité dans ses recherches d’emploi par l’existence de la clause litigieuse mais ne verse aucun justificatif de quelque recherche d’emploi que ce soit, doit être débouté de sa demande en dommages intérêts.

En conséquence, il doit être débouté de ses demandes formées de ce chef.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

B – Sur le droit à formation :

En application de l’article L6321-1 du code du travail, issu de l’article 5 de la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 :

' L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme.

Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l’article L. 6312-1.'

Monsieur Y soutient que son employeur ne lui a jamais offert de suivre des formations professionnelles et n’a jamais assuré son adaptation à son poste de travail.

Il demande en conséquence, la réparation du préjudice qui en est résulté pour lui.

Cependant, en application de l’article L 1224-2 du code du travail, la demande en dommages intérêts pour violation du droit à formation ne peut concerner que la période du 1er octobre 2014 au 19 novembre 2014, courant de la date du transfert du contrat à celle du licenciement du salarié ; le nouvel employeur ne pouvant répondre des manquements de l’ancien employeur ayant fait l’objet du prononcé d’une liquidation.

Or, il n’est pas démontré que sur cette courte période – quarante neuf jours – la société THEVENIN aurait pu faire bénéficier le salarié d’une formation correspondant aux termes de son contrat de travail initial.

De même, Monsieur Y ne rapporte pas la preuve du préjudice résultant pour lui de l’absence de formation durant ce laps de temps.

En conséquence, il sera débouté de sa demande formée de ce chef.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

C – Sur l’occupation du domicile du salarié aux fins professionnelles :

Monsieur Y soutient qu’il exécutait pour partie ses prestations de travail à son domicile et réclame de ce chef une somme de 3.000 € à ce titre.

Cependant, d’une part ni son contrat de travail, ni l’avenant qu’il a signé ne prévoient qu’il occupe son domicile à des fins professionnelles.

De surcroît, il se garde bien d’en rapporter la preuve, se contentant de soutenir qu’en qualité de VRP il devait non seulement démarcher les clients à l’extérieur mais également effectuer des tâches administratives chez lui.

En conséquence, il doit être débouté de ses prétentions formées de ce chef.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

IV – SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

Les dépens seront supportés par la société SAS THEVENIN.

***

Il est équitable d’accorder à Monsieur Y une somme de 1.500€ en application de l’article 700 du code de procédure civile tout en rejetant la demande de la SAS THEVENIN présentée en application des mêmes dispositions.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe ;

• Confirme le jugement prononcé le 24 janvier 2017 par le conseil des prud’hommes de DAX en ce qu’il a :

. débouté Monsieur Y de ses demandes en dommages intérêts au titre des clauses de respect de clientèle, du droit à formation et de l’indemnité d’occupation du domicile à des fins professionnelles,

. débouté la SAS THEVENIN de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile,

• Infirme pour le surplus

• Statuant à nouveau,

• Déboute Monsieur Y de ses demandes relatives à la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi et à l’absence d’information- consultation du comité d’entreprise,

• Déclare le licenciement de Monsieur Y sans cause réelle et sérieuse,

• Condamne la SAS THEVENIN à verser à Monsieur Y une somme de 22.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, avec intérêts au taux légal courant à compter du 5 mars 2015, avec application des règles en matière de capitalisation des intérêts pour ceux dus sur une année entière,

• Condamne la SAS THEVENIN à verser à Monsieur Y une somme de 1.500 € sur

le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

• Déboute la SAS THEVENIN de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile,

• Condamne la SAS THEVENIN aux dépens.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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