Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 23 janvier 2020, n° 18/00199

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, ch. soc., 23 janv. 2020, n° 18/00199
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 18/00199
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bayonne, 14 décembre 2017
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

SDA/SB

Numéro 20/379

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 23/01/2020

Dossier : N° RG 18/00199 – N° Portalis DBVV-V-B7C-GZGW

Nature affaire :

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

C X

C/

L M N RUGBY PRO

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 23 Janvier 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 20 Novembre 2019, devant :

Madame DEL ARCO SALCEDO, Président

Madame DIXIMIER, Conseiller

Monsieur LAJOURNADE, Conseiller

assistés de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur C X

[…]

4170 QUEENSLAND

AUSTRALIE

Représenté par Maître VAIS, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

L M N RUGBY PRO agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.

Garage de la Nive

[…]

[…]

Représentée par Maître DUALE de la SCP DUALE-LIGNEY-MADAR-DANGUY, avocat au barreau de PAU, et Maître DUBERNET DE BOSCQ, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 15 DECEMBRE 2017

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE

RG numéro : 17/00003

EXPOSE DU LITIGE

M. X, de nationalité australienne, a été embauché à compter du 1er juillet 2011 par la L M N Rugby Pro, en qualité de joueur de rugby professionnel, suivant contrat à durée déterminée conclu pour une durée de deux saisons sportives 2011/2012 et 2012/2013, contrat régi par la convention collective du rugby professionnel et homologué par la ligue nationale de rugby le 5 janvier 2012.

Sa rémunération, pour la saison sportive 2011/2012 était fixée à un salaire mensuel brut de 14 250 € et pour la saison sportive 2012/2013 à 19 800 €, le salarié bénéficiant en outre de primes mensuelles d’assiduité et d’éthique, de la mise à disposition d’un véhicule et d’un logement avec prise en charge par le club du loyer mensuel.

Suivant avenant du 10 décembre 2012, les parties ont convenu de poursuivre leurs relations contractuelles sur les saisons sportives 2013/2014, 2014/2015, 2015/2016 et 2016/2017. Cet avenant, homologué par la commission juridique de la ligue nationale de rugby le 5 août 2013, a fixé la rémunération brute mensuelle du joueur à 20 294 € pour la saison 2013/2014, 21 408€ pour les saisons 2014/2015 et 2015/2016, puis 22 522 € pour la saison 2016/2017, avec maintien des

avantages en nature.

Le 22 juillet 2013, les parties ont signé un nouvel avenant homologué par la ligue le 17 janvier 2014, ayant pour effet « la novation totale des contrats de travail proposés ou conclus antérieurement ». Celui-ci prenait effet le 1er juillet 2013. M. X était engagé en qualité de joueur de rugby professionnel dans le cadre d’un contrat à durée déterminée conclu pour la durée de 4 saisons sportives (2013/2014, 2014/2015, 2015/2016, 2016/2017). La rémunération mensuelle brute était fixée respectivement aux sommes de 24 255 €, 25 318 € et 26 415 € sous réserve que le club évolue en TOP 14, le joueur bénéficiant également de primes d’assiduité et d’éthique. Un véhicule était également mis à sa disposition.

Le 3 juin 2015, l’employeur a adressé un mail à l’agent sportif de son salarié proposant la baisse de la rémunération du joueur, au regard de la situation financière du club à la suite à sa relégation en Pro D2. Le salarié a fait valoir qu’il ne pouvait accepter cette baisse de revenus eu égard à ses charges de famille.

Le 2 juillet 2015, l’employeur a remis en mains propres au salarié une convocation à un entretien préalable à une éventuelle rupture anticipée de son contrat de travail, entretien fixé au 10 juillet, et l’a dispensé de tout travail durant cette procédure, sa rémunération étant cependant maintenue.

Le 10 juillet 2015, le salarié s’est présenté à l’entretien accompagné de son conseil.

Aucune suite n’a été donnée à ce projet de rupture anticipée de contrat.

Par courrier du 21 juillet 2015, le salarié a été invité à reprendre les entraînements.

Le 28 juillet 2015, les parties ont adressé à la Fédération Française de Rugby une demande conjointe de renouvellement d’affiliation.

La relation contractuelle a pris fin, pour le salarié le 3 juillet 2015 et pour l’association, le 4 août 2015 aux termes d’un avenant de résiliation du contrat de travail avec effet immédiat.

Le 5 août 2015, les médias ont annoncé que M. X avait signé pour deux ans avec le club de rugby irlandais de Munster.

Le 6 janvier 2017, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Bayonne pour voir reconnaître le caractère irrégulier de la rupture de son contrat de travail et obtenir la condamnation de la L M N Rugby Pro à lui verser une indemnité de rupture anticipée évaluée à 674 952 €. En sus, il demandait la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et sollicitait la condamnation de son employeur à lui verser un rappel de salaire et diverses indemnités .

Par jugement du 15 décembre 2017, le conseil de prud’hommes de Bayonne a :

— dit qu’il n’y a pas lieu à requalifier le contrat de travail à durée déterminée signé le 11 juin 2011, entre la L M N Rugby Pro et M. X, ainsi que les avenants et contrats qui lui ont succédé,

— débouté M. X de l’ensemble des demandes indemnitaires,

— dit que le contrat de travail à durée déterminée signé le 22 juillet 2013 entre la L M N Rugby Pro et M. X a été rompu d’un commun accord des parties le 4 août 2015,

— débouté en conséquence M. X de l’ensemble des demandes indemnitaires,

— dit que M. X ne justifie pas du préjudice moral qu’il invoque et le déboute en sa demande de dommages et intérêts formulée à ce titre,

— débouté M. X du surplus de ses demandes,

— débouté la L M N Rubgy Pro en sa demande reconventionnelle,

— condamné M. X aux entiers dépens de l’instance ainsi qu’à verser à la L M N Rugby Pro la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit qu’il n’y a pas lieu à prononcer l’exécution provisoire du présent jugement,

— dit qu’il n’y a pas lieu à décompte d’intérêt légaux.

Par déclaration transmise au greffe de la cour par la voie électronique, le 17 janvier 2018, M. X, par son conseil, a interjeté appel de cette décision dans des conditions de régularité qui ne sont pas contestées.

Selon ses dernières conclusions transmises au greffe le 21 mars 2018, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des moyens, M. X demande à la cour de:

— réformer le jugement rendu par la Section Activités Diverses du Conseil de

Prud’hommes de Bayonne le 15/12/2017 en ce qu’il a :

*dit qu’il n’y a pas lieu de requalifier le contrat de travail à durée déterminée signé le 11 juin 2011 ainsi que les avenants qui lui ont succédé,

*débouté en conséquence M. X de l’ensemble de ses demandes indemnitaires formulées à ce titre,

*dit que le contrat de travail à durée déterminée signé le 22 juillet 2013 a été rompu d’un commun accord des parties le 4 août 2015,

*débouté M. X de l’ensemble de ses demandes indemnitaires formulées à ce titre,

*débouté M. X du surplus de ses demandes,

*condamné M. X aux entiers dépens de l’instance ainsi qu’à verser à la L M N Rugby Pro la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 CPC,

— et statuant à nouveau,

A titre principal,

— juger que le CDD de M. X a fait l’objet d’une rupture anticipée par la L M N Rugby Pro le 3 août 2015,

— juger nul et/ou inopposable le document intitulé 'avenant de résiliation',

— condamner la L M N Rugby Pro à payer à M. X une indemnité de rupture anticipée de CDD de 674 952 € en application de L.1243-4 du code du travail,

Outre,

— juger que le poste occupé par M. X a pour objet et/ou effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de la L M N Rugby Pro,

— juger que le « cas de recours » inscrit dans le CDD de M. X est insuffisamment précis,

— prononcer la requalification du CDD de M. X en CDI,

— condamner la L M N Rugby Pro à payer à M. X une indemnité de requalification de 41 490€ en application de l’article L. 1245-2 du code du travail,

— condamner la L M N Rugby Pro à payer à M. X une indemnité de licenciement de 674 952 € en réparation de son préjudice en application de L.1235-3 du code du travail,

— condamner la L M N Rugby Pro à payer à M. X une indemnité légale de licenciement de 22 128 €,

— condamner la L M N Rugby Pro à payer à M. X une indemnité compensatrice de préavis de 55 320 € en application de l’article L.1234-5 du code du travail,

— condamner la L M N Rugby Pro à payer à M. X une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis de 5 532 € en application de l’article L.1234-5 du code du travail,

En toutes hypothèses,

— condamner la L M N Rugby Pro à réparer l’important préjudice moral subi par M. X en lui versant la somme de 27 489 €,

— condamner la L M N Rugby Pro à verser à M. X les intérêts légaux sur les sommes ci-dessus, en application de l’article 1153 du code civil à compter du 6 janvier 2017, jour de la saisine du conseil de prud’hommes,

— débouter la L M N Rugby Pro de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la L M N Rugby Pro à payer à M. X la somme de 4 000€ au titre des frais irrépétibles qu’il serait inéquitable de laisser à la charge du salarié en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la L M N Rugby Pro aux entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions transmises au greffe le 19 juin 2018, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des moyens, la L M N Rugby Pro demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en toutes ces dispositions sauf en ce qu’il a débouté la L M N Rugby Pro en sa demande reconventionnelle

Y ajoutant, à titre subsidiaire, si la cour annulait l’accord donné le 4 août 2015 :

— juger que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée est intervenue à l’initiative de M. X en application de l’article L.1243-3 du code du travail,

— condamner, en conséquence, M. X à verser à la L M N Rugby Pro la somme de 641 825 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le club en application des dispositions de l’article L.1243-3 du code du travail,

En tout état de cause,

— débouter M. Y de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— condamner M. X à verser à la L M N Rugby Pro la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture porte la date du 21 octobre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la régularité de la rupture du contrat de travail

M. X estime que l’employeur a procédé à une rupture anticipée de son contrat de travail le 3 août 2015 et conteste la validité de l’avenant de résiliation du 4 août 2015 produit par ce dernier. Il fait valoir qu’il n’a pas le souvenir d’avoir signé ce document lequel ne mentionne pas le nombre d’exemplaires originaux signés, au mépris des dispositions de l’article 1325 du code civil, précisant que l’employeur ne lui avait pas transmis ce document par lettre recommandée ou par email après sa signature. Il invoque le vice du consentement puisque le club n’avait pas convié son agent ou son avocat pour l’assister à la signature de cet avenant lequel était établi dans une langue qu’il ne maîtrisait pas, en violation du principe du parallélisme des formes entre la conclusion et la résiliation du contrat à durée déterminée et des principes procéduraux relatifs à l’assistance du salarié prévus par l’article L1237-12 du code du travail. Il relève que l’avenant de résiliation est établi en 2 versions différentes, qu’il présente un caractère équivoque au regard de l’absence de clause l’informant qu’il se voyait privé de tous ses droits résultant de l’article L 1243-4 du code du travail et de l’absence de mention de la possibilité de se faire assister, qu’il comportait une clause de renonciation à recours illégale et qu’en outre, la date de la fin de contrat au 4 août 2015 n’a pas un caractère certain puisque son certificat de travail, l’attestation pôle emploi et ses bulletins de salaire confirment que la date de fin du contrat est intervenue le 3 août 2015. Il estime que l’avenant de résiliation du 4 août 2015 établi après la rupture intervenue 3 août 2015 est entaché de nullité et en tout état de cause, lui est inopposable.

La société intimée soutient au contraire que la rupture du contrat de travail est intervenue d’un commun accord entre les parties qui ont signé le 4 août 2015 un avenant de résiliation du contrat de travail validé par la commission juridique de la ligue nationale de rugby le 28 août 2015, M. X E s’engager au Munster en Irlande, ce qu’il a ainsi pu réaliser. Elle soutient qu’un exemplaire de l’avenant a été remis au joueur le jour-même de sa signature conformément aux exigences de l’article 1325 du code civil, que ce dernier n’a pas demandé que le document fasse l’objet d’une traduction dans sa langue maternelle, qu’il était conseillé par son agent sportif, le cabinet Ingefinance, et son avocat de sorte qu’il ne pouvait valablement arguer d’un vice du consentement. Elle déclare encore que les documents de fin de contrat, lesquels avaient été réclamés par la conseillère financière de M. X suivant mail du 11 août 2015, étaient entachés d’une simple erreur matérielle puisqu’ils mentionnaient une date de fin de contrat erronée, à savoir le 3 août 2015 au lieu du 4 août. Elle estime n’avoir jamais contesté le droit pour le salarié d’ester en justice, la clause de renonciation insérée dans l’avenant de résiliation n’étant pas de nature à emporter la nullité du document.

…………………………

Il sera rappelé qu’un contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu de façon anticipée que

dans des cas précis, notamment par accord des parties, la volonté de mettre fin au contrat devant être claire et non équivoque.

1- Sur la rupture du contrat de travail fixée au 3 août 2015 par le salarié

M. X estime que l’employeur a procédé à la rupture anticipée de son contrat de travail le 3 août 2015 et en veut pour preuve la remise par l’employeur du certificat de travail en date du 3 août 2015, d’une attestation pôle emploi datée du 4 août 2015, mentionnant tous deux comme dernier jour d’activité le 3 août 2015, le paiement de son salaire ayant également été interrompu à cette date.

Il produit l’attestation de Mme Z, relation amicale, dans laquelle celle-ci déclare que le 3 août 2015, elle avait vu le certificat de travail remis à M. X le jour même et avait confirmé à ce dernier à la lecture dudit certificat que la fin de la relation de travail s’était achevée à compter de ce jour. Le témoin atteste que les époux X ne maîtrisaient pas le français.

Mme F G, autre relation de M. X atteste dans le même sens.

M. X produit également un email portant le planning de la semaine du 3 au 9 août 2015 adressé à tous les membres de l’équipe sauf lui.

Cependant, cet élément est insuffisant à établir la volonté du club de l’exclure dès le 3 août ( journée débutant à 15H15 par une réunion du staff ) au lieu du 4 août.

Pour établir l’erreur purement matérielle intervenue sur la date du certificat du travail et de l’attestation pôle emploi, la société intimée produit l’attestation en la forme légale de Mme A, responsable financière, dont le lien de subordination avec la société ne permet pas, à lui seul, d’écarter le contenu précis et vérifiable des faits qu’elle relate.

Mme A H ainsi avoir établi les documents de rupture de M. X après avoir reçu l’avenant de résiliation signé par ce dernier et y avoir porté par erreur la date du 3 août 2015 au lieu du 4 août 2015. Mme A précise que le 11 août 2015, alors que le salarié n’était pas venu chercher les documents de fin de contrat mis à sa disposition, Mme B, sa conseillère financière, lui avait demandé un « envoi scanné », ce qu’elle avait fait immédiatement.

Les emails échangés entre Mme B et Mme A, entre le 11 et le 14 août 2015 confirment que les documents de fin de contrat n’étaient pas en possession de M. X le 3 août 2015 et ne lui ont été adressés que le 14 août par l’intermédiaire de sa conseillère financière.

Il en ressort que, nonobstant les déclarations des relations amicales de M. X ci-dessus rappelées, l’employeur n’avait pas remis à ce dernier les documents de fin de contrat le 3 août 2015 de sorte que celui-ci ne peut être suivi dans son argumentation lorsqu’il affirme qu’à compter de cette date, il savait qu’il n’était plus employé par la société intimée laquelle avait procédé à une rupture anticipée du contrat de travail en dehors des cas autorisés.

La cour considère comme les premiers juges que le moyen invoqué par le salarié doit être rejeté.

2- Sur le caractère suspect de l’avenant de résiliation signé le 4 août 2015

L’employeur produit deux exemplaires d’un avenant de résiliation tous deux dactylographiés, comportant les mêmes dispositions mais présentant un graphisme légèrement différent lequel est insuffisant à faire douter de son authenticité, étant observé que la signature de M. X figure sur les deux exemplaires. Le fait que ce dernier soutienne qu’il ne se souvient pas d’avoir signé ces documents et affirme même qu’il est certain de ne pas les avoir signés le 4 août 2015 (page 9 de ses écritures), ne constitue pas pour autant une dénégation de sa signature.

L’avenant ainsi signé a été envoyé à la Ligue Nationale de Rugby et a été validé par la commission juridique le 28 août 2015.

La cour considère comme les premiers juges que l’appelant ne peut donc nier l’existence d’un tel document qu’il a pour le moins par deux fois, signé.

3- Sur le défaut de mention du nombre d’exemplaires originaux dans lequel l’avenant de résiliation a été établi

Par application des dispositions de l’article 1325 du code civil dans sa rédaction applicable à la présente cause, les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques ne sont valables qu’autant qu’ils ont été faits en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct.

Les alinéas 3 et 4 précisent :

«  Chaque original doit contenir la mention du nombre des originaux qui en ont été faits.

Néanmoins, le défaut de mention que les originaux ont été faits en double, triples, etc, ne peut être opposé par celui qui a exécuté de sa part la convention portée dans l’acte."

Il n’est pas contestable et n’est d’ailleurs pas contesté que M. X a exécuté la convention portée dans l’acte conformément à son objet puisqu’il ne s’est plus présenté à son poste de travail postérieurement à la signature de l’avenant de résiliation – à un moment où les documents de rupture ne lui avaient pas encore été remis- de sorte qu’il ne peut se prévaloir du défaut de mention que les originaux ont été faits en double.

Par ailleurs, dans une attestation établie en la forme légale – laquelle ne peut être considérée comme de pure complaisance au seul motif qu’elle émane d’une personne ayant des liens avec l’employeur, sans éléments objectifs permettant de remettre en cause sa sincérité- M. I, responsable administratif et juridique de la société déclare avoir été présent lors de la signature de l’avenant de résiliation, et confirme que cet avenant a été signé en deux exemplaires originaux dont un avait été remis en mains propres à M. X.

Les premiers juges ont donc justement jugé inopérant le moyen soulevé par le salarié.

4 – Sur le vice du consentement

Par application de l’article L1221-3 alinéa 3 du code du travail, lorsque le salarié est étranger et le contrat constaté par écrit, une traduction du contrat est rédigée à la demande du salarié, dans la langue de ce dernier.

Il est constant que M. X, de nationalité australienne, et dont la langue maternelle est l’anglais mais vivant et travaillant en France depuis mi -2011, n’a pas demandé une traduction de l’avenant de résiliation en date du 4 août 2015 dans sa langue maternelle.

La traduction de cet avenant n’était donc pas une obligation pour l’employeur.

Cependant, M. I, déjà cité, qui atteste qu’il était présent lorsque le salarié « est venu au club le 04/08/2015 pour confirmer sa décision de rompre son contrat de travail », précise qu’il lui avait été demandé de préparer le document formalisant l’accord des parties sur une rupture du contrat à cette date, que M. X s’exprimait très correctement en langue française mais que toutefois, il avait procédé à une « lecture mot à mot, dans les deux langues, de l’accord donné par le club à sa demande de résiliation » sans que le salarié le demande mais par pure courtoisie.

Il en découle que M. X a eu une parfaite connaissance de la teneur du document soumis à sa signature, lequel lui était indispensable pour pouvoir s’engager avec le club irlandais de la province de Munster.

S’agissant de l’absence d’assistance du salarié lors de la signature de ce document, les premiers juges ont justement relevé qu’aucun texte n’en faisait obligation, que M. X avait choisi de se présenter seul, le 4 août 2015, pour signer l’avenant de résiliation.

En définitive, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a débouté M. X de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité de l’avenant de résiliation signé le 4 août 2015 ou son inopposabilité à son égard ainsi que de sa demande tendant à voir juger que son contrat de travail à durée déterminée avait fait l’objet d’une rupture anticipée le 3 août 2015 et de ses demandes subséquentes d’indemnité de rupture anticipée, de dommages et intérêts en application de l’article L1235-3 du code du travail, et au titre des indemnités de rupture.

Sur la demande de requalification en contrat à durée indéterminée

M. X, pour obtenir la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée soutient que les contrats de travail et les avenants qu’il a signés ne respectent pas les règles régissant les contrats à durée déterminée, que le cas de recours indiqué n’est pas suffisamment déterminé et que le poste de joueur de rugby ne pouvait être pourvu dans le cadre d’un contrat à durée déterminée car il correspond à un emploi permanent au sein de l’entreprise.

La société intimée considère au contraire que la relation de travail conclue entre les parties est conforme aux règles de droit et n’encourt pas la requalification.

Aux termes de l’article L 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

En application de l’article L 1242-2 du même code, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et dans des cas déterminés, notamment, pour des emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère temporaire de ces emplois.

Cependant, même dans ce secteur d’activité, l’employeur ne peut pourvoir un emploi correspondant à une activité permanente de l’entreprise par le moyen d’un contrat à durée déterminée d’usage.

Enfin, par application de l’article L 1242-12, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif.

A défaut de respect de ces dispositions légales, le contrat de travail à durée déterminée est réputé conclu pour une durée indéterminée, étant rappelé que la convention collective ne peut déroger, de façon défavorable pour le salarié, aux dispositions d’ordre public relatives aux conditions de recours et de forme du contrat de travail à durée déterminée.

En l’espèce, M. X a été embauché en qualité de joueur de rugby professionnel suivant différents contrats rappelés dans l’exposé du litige et notamment suivant contrat du 22 juillet 2013.

L’article D 1242-1 du même code, pris en application de l’article précité, cite expressément le sport professionnel comme faisant partie des secteurs d’activité dans lesquels il est d’usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée.

La cour considère comme les premiers juges que tel est le cas des joueurs de rugby professionnels dont l’emploi est par nature temporaire pour être soumis à la périodicité annuelle des saisons sportives et à l’incertitude des résultats sportifs obtenus par l’équipe de nature à conduire le club à changer de catégorie ou de stratégie sportive.

S’agissant de la définition précise du motif de recours à un contrat à durée déterminée, il doit être relevé que le contrat de travail de l’intéressé indique d’une part, le cadre légal spécifique dans lequel il est conclu, à savoir l’article L1242-2 du code du travail relatif au contrat à durée déterminée d’usage et l’article D 1242-1 qui énumère les secteurs d’activité dans lesquels il est d’usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée dont le sport professionnel fait partie, et d’autre part, la nature du poste lié à cette activité pour lequel M. X a été recruté à savoir le rugby professionnel.

Il emporte donc définition précise de son motif, conformément à ce qu’ont retenu les premiers juges.

En définitive, le jugement entrepris doit recevoir confirmation en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de requalification de son contrat de travail et de ses demandes indemnitaires subséquentes.

Sur la demande en dommages et intérêts pour préjudice moral

Le salarié fait grief à son employeur d’avoir mis en place une procédure disciplinaire avec dispense d’activité évoquant une mise à pied à titre conservatoire, de lui avoir interdit pendant près d’un mois les entraînements collectifs sans aucun motif disciplinaire ou médical, d’avoir changé sans cesse de position sur son futur et le devenir de sa carrière, d’avoir tenté de lui imposer une baisse de plus de la moitié de son salaire, et d’avoir abusé de son statut précaire de travailleur étranger non ressortissant de l’Union Européenne, la préfecture ne lui ayant pas délivré un titre de séjour valable avant la rupture du contrat de travail, ce qui est contesté par la société intimée.

Sur le premier point, il doit être relevé que dans sa lettre du 2 juillet 2015, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien fixé au 10 juillet suivant dans le cadre d’une éventuelle rupture anticipée du contrat de travail et l’a dispensé d’activité tout en maintenant sa rémunération.

L’entretien a eu lieu à la date fixée, le salarié étant assisté par son conseil.

M. X se prévaut lui-même dans ses écritures de l’article de RMC Sport en date du 23 juillet 2015 lequel fait état des négociations menées avec la société M N Rugby Pro et précise :

«  La semaine passée, C X n’avait pas hésité à faire partager ses états d’âme sur les réseaux sociaux envers la direction de l’M N.Comme expliqué par RMC Sport, le deuxième ligne australien s’offusquait notamment que le nouveau président J K soit revenu sur l’accord de principe qu’il avait négocié avec Manu Mérin, l’ex-président, pour une libération anticipée de sa dernière année de contrat (-----).

Mais selon nos informations, C X pourrait finalement rester à Bayonne la saison prochaine. Les discussions ont repris et le joueur pourrait même conserver son salaire actuel."

Il s’en déduit, outre que le joueur négociait son départ du club M N, que la dispense d’activité rémunérée prononcée dans le cadre de négociations poursuivies par les parties ne peut être considérée comme une mesure disciplinaire par application de l’article 3.2 intitulé « Obligations du club » figurant dans la convention collective applicable.

Après cet entretien avec le salarié, l’employeur n’a donné aucune suite à son projet de rupture

anticipée du contrat de travail et par courrier du 21 juillet 2015, M. X a été invité à reprendre les entraînements.

Ce dernier, au regard des jours de repos habituels accordés aux joueurs tels qu’ils se déduisent des planning et du fait que le 14 juillet étant un jour férié, a cessé ses entraînements pendant seulement 4 jours.

Il ne produit aucun élément de nature à établir la nature du préjudice qu’il a subi de ce fait.

S’agissant de la proposition faite au salarié tendant à voir baisser sa rémunération, aucune faute ne peut être reprochée à l’employeur alors même qu’il est constant que le club avait été relégué en PRO D2 ce qui ne pouvait qu’avoir une incidence négative sur sa trésorerie, et qu’en tout état de cause, M. X a eu entière liberté de refuser la proposition ainsi émise.

Par ailleurs, l’employeur justifie avoir présenté le 18 mai 2015 aux autorités compétentes une demande d’autorisation de travail pour le salarié pour une période de 12 mois. Aucun élément ne permet de retenir que le fait pour l’employeur de ne pas avoir mentionné qu’il était lié par un CDD expirant fin juin 2017 ait eu une quelconque incidence sur la demande ainsi présentée.

Le salarié a obtenu un récépissé de demande de carte de séjour valable jusqu’au 29 septembre 2015.

A cette date, il avait été embauché par le club de Munster en Irlande comme cela ressort du bulletin de salaire établi par ce club versé aux débats.

La cour considère comme les premiers juges que M. X échoue dans la démonstration qui lui incombe de la réalité d’un préjudice moral imputable aux agissements fautifs de l’employeur.

Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a débouté M. X de la demande de dommages et intérêts présentée à ce titre.

Sur le surplus des demandes

M. X ne présente aucune demande dans le dispositif de ses écritures relative au rappel de salaire pour jours de congés acquis et non payés, étant rappelé que les premiers juges ont retenu que sa demande sur ce point était satisfaite au regard du paiement effectué par l’employeur à ce titre de la somme nette de 3526,44 €.

Le jugement entrepris doit recevoir confirmation sur ce point.

La société intimée doit être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 641 825€ à titre de dommages et intérêts par application des dispositions de l’article L1243-3 du code du travail alors que la rupture anticipée du contrat de travail est intervenue d’un commun accord entre les parties.

Le jugement dont appel sera complété sur ce point.

………………………..

Il apparaît équitable de condamner M. X à payer à la société intimée la somme de 4000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, somme qui s’ajoutera à celle prévue en première instance.

M. X qui succombe sera condamné aux dépens de première instance, par confirmation du jugement entrepris, et aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe,

• Confirme le jugement entrepris,

• Y ajoutant,

• Déboute la L M N Rugby Pro de sa demande de dommages et intérêts par application des dispositions de l’article L1243-3 du code du travail,

• Condamne M. X à lui payer la somme de 4000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile,

• Condamne M. X aux dépens.

Arrêt signé par Madame DEL ARCO SALCEDO, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 23 janvier 2020, n° 18/00199