Cour d'appel de Poitiers, 27 février 2018, 17/002421

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, 02, 27 févr. 2018, n° 17/00242
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 17/002421
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon, 12 décembre 2016
Dispositif : Autres décisions constatant le dessaisissement en mettant fin à l'instance et à l'action
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000036670496
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Sur les parties

Texte intégral

ARRET No164

R.G : 17/00242

CC/KP

X…

C/

Sté.coopérative Banque Pop. BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 27 FEVRIER 2018

Numéro d’inscription au répertoire général : 17/00242

Décision déférée à la Cour : jugement du 13 décembre 2016 rendu(e) par le Tribunal de Commerce de LA ROCHE SUR YON.

APPELANT :

Monsieur Laurent X…

né le […] […]

[…]

Ayant pour avocat plaidant Me B… C… de la Y… B…, avocat au barreau des SABLES D’OLONNE

INTIMEE :

BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés […]

Ayant pour avocat plaidant Me Philippe Z… de la SELARL ATLANTIC JURIS, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre

Madame Carole CAILLARD, Conseiller

Monsieur Laurent WAGUETTE, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous seing privé en date du 4 janvier 2012, la Société dénommée EURL Or et argent, a ouvert un compte courant numéro […] auprès de la Banque populaire Atlantique (ci après la Banque Populaire).

Par acte séparé du 27 novembre 2012, M. Laurent X…, gérant et associé unique, s’est porté caution solidaire et indivisible de l’EURL Or et argent pour toutes les sommes dues à la Banque Populaire, dans la limite de la somme de 100.000€, pour une durée de 10 ans.

Par acte sous seing privé en date du 28 octobre 2013, l’EURL Or et argent a contracté auprès de la Banque Populaire un prêt équipement amortissable no 07051548, d’un montant de 150.000€.

Par acte séparé du 30 octobre 2013, M. X… s’est porté caution solidaire et indivisible de l’EURL Or et argent pour toutes les sommes dues à la banque au titre de ce prêt, ce dans la limite de la somme de 180.000 € et pour une durée de 84 mois.

Par courrier du 11 décembre 2013, la Banque Populaire a informé la société Or et argent qu’après le déblocage du prêt du 30 octobre 2013, son compte devra fonctionner en ligne exclusivement créditrice, faute de quoi les valeurs se présentant au paiement seront rejetées.

L’EURL Or et argent a été placée en liquation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de La Roche sur Yon en date du 15 Janvier 2014.

La Banque Populaire a déclaré sa créance puis a mis en demeure M. X… en sa qualité de caution par courrier du 5 février 2014, avant de le faire assigner en paiement par acte du 18 novembre 2014 devant le tribunal de commerce de La Roche sur Yon.

Par jugement du 13 décembre 2016, le tribunal de commerce de La Roche sur Yon a :

Débouté M. X… de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Condamné M. X… à payer à la Banque Populaire les sommes suivantes :

* 7.076,41 € au titre du solde du compte courant no […], ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 20 Octobre 2015, date du dernier décompte, et jusqu’à parfait paiement, et ce, au titre de son engagement de caution consenti à hauteur de 100.000€,

* 151.397,50 € au titre du prêt équipement amortissable no 07051548, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 20 Octobre 2015, date du dernier décompte, et jusqu’à parfait paiement, et ce, au titre de son engagement de caution consenti à hauteur de 180.000€,

Ordonné la capitalisation annuelle des intérêts à compter du 18 novembre 2014, date de l’assignation, conformément à l’article 1154 du Code Civil.

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Condamné M. X… à payer à la Banque Populaire la somme de 500€ sur le fondement de l’Article 700 du Code de procédure civile,

Débouté la Banque Populaire de sa demande au titre de l’exécution forcée par l’intermédiaire d’un huissier,

Condamné M. X… aux entiers dépens et frais de l’instance.

Le tribunal a notamment retenu que la banque n’avait pas respecté le délai de 60 jours prévu par l’article L313-12 du Code monétaire et financier avant de mettre fin au découvert en compte précédemment accordé à l’EURL Or et argent mais a estimé que M. X… ne démontrait pas le préjudice distinct de celui de la société qu’il subissait de ce chef. Il a écarté le moyen tiré du caractère manifestement disproportionné des cautionnements aux revenus et biens de M. X… ainsi que le manquement au devoir de mise en garde, considérant que l’intéressé avait la qualité de caution avertie. Au sujet de la responsabilité de la banque fondée pour soutien abusif, il a considéré qu’il ne démontrait pas que la banque avait eu des informations auxquelles il n’avait pas accès, l’accès au fichier FIBEN, (ficher bancaire des entreprises), étant un élément insuffisant.

M. X… a formé appel le 18 janvier 2017 de la décision dont il sollicite la réformation dans ses dernières conclusions du 15 décembre 2017 demandant à la cour de :

Dire et juger recevable et bien fondé M. Laurent X… en son appel,

Réformer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de la Roche sur Yon le 13 décembre 2016,

En conséquence, In limine litis

Voir débouter la BPA de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, faute pour elle de verser aux débats,

— la convention de découvert autorisé et ses avenants.

— les études de solvabilité établies lors de l’octroi des concours

— cotation de la société Or et argent au fichier Fiben lors de l’octroi des concours

Sur le fond

A titre principal,

Vu l’article L313-12 du Code Monétaire et financier,

Dire et juger que la BPA a rompu de manière abusive l’ouverture de crédit en compte courant consentie à la société Or et argent

Dire et juger que cette rupture entraîne un préjudice personnel pour la caution,

Dire et juger que la BPA engage ainsi sa responsabilité à l’égard de M. Laurent X… En conséquence,

Condamner la Banque Populaire à verser à M. Laurent X… la somme de 170.000 € à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice.

A titre subsidiaire :

Vu l’article L.341-4 du Code de la consommation,

Dire et juger que les cautionnements de M. Laurent X… étaient au jour de leur signature manifestement disproportionnés par rapport à ses facultés contributives, et dont le patrimoine ne lui permettait pas au jour où il a été appelé de faire face à son obligation envers la banque.

En conséquence, condamner la Banque Populaire à verser à M. Laurent X… la somme de 170.000 € à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice.

Ordonner la compensation de la somme allouée avec le montant réclamé par la banque.

A titre subsidiaire

Vu l’article L650-1 du Code de commerce,

Vu les dispositions des articles 1110 et 1382 et 1383 du Code Civil,

Dire et juger que la Banque Populaire a commis une faute, d’une part en permettant l’exploitation artificielle de la Société Or et argent en lui consentant des découverts dépassant largement les facilités de caisse autorisées.

Dire et juger que la Banque Populaire a commis une faute en accordant à la Société Or et argent en octobre 2013 un prêt de 150.000 € dont il s’avère qu’il n’avait pour seul objet que la régularisation du découvert existant à l’époque sur le compte de la Société et l’obtention par la banque d’un nouveau cautionnement.

Dire et juger que la situation définitivement compromise de la Société à cette date résulte notamment de l’importance de son découvert, de la baisse de son chiffre d’affaires et du fait que le prêt de 150.000 € n’a pas permis le redressement de l’entreprise dont le compte bancaire s’est à nouveau retrouvé en situation débitrice dès le mois de novembre 2013.

Dire et juger qu’en agissant comme il l’a fait, la Banque Populaire a induit en erreur la caution sur la situation financière exacte de la Société Or et argent.

Dire et juger nuls et de nul effet les engagements de caution de M. Laurent X….

A titre infiniment subsidiaire, Vu l’article 1147 du Code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu la jurisprudence précitée, et notamment l’arrêt rendu par la Chambre Commerciale de la Cour de cassation le 20 septembre 2005,

Dire et juger que la Banque Populaire n’a pas contracté de bonne foi avec M. Laurent X…, qu’elle a manqué à son devoir de mise en garde et qu’elle a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité.

Condamner la Banque Populaire à payer à M. Laurent X… la somme de 170 000 €, à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice, outre intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir.

Ordonner la compensation entre les sommes allouées et le montant réclamé par la banque. En toutes hypothèses,

Vu l’article L313-22 du Code Monétaire et financier,

Prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels pour défaut d’information annuelle de la caution à compter de l’année 2012.

Dire n’y avoir lieu à capitalisation des intérêts. Sur l’article 700 et les dépens,

Condamner la Banque Populaire à payer à M. Laurent X… une indemnité de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés par ses soins, ainsi qu’aux entiers dépens.

Sur les faits, il explique :

— que la société Or et argent ayant un problème de trésorerie, la Banque Populaire lui a proposé en octobre 2013 un prêt de 150.000€ sur 60 mois pour « financer un besoin en fonds de roulement » qui a permis de renflouer le compte courant de la société qui fonctionnait largement à découvert mais moyennant le cautionnement de Monsieur X… à hauteur de 180.000 € et le nantissement des trois fonds de commerce.

— que deux jours après le déblocage des fonds, la Banque a écrit à la société qu’elle mettait fin au découvert autorisé au motif que le prêt avait pour objet de se substituer à la ligne court terme utilisée jusqu’alors, ce qui n’avait jamais été indiqué jusqu’à alors,

— qu’à compter du 11 décembre 2013, tous les chèques émis ont été rejetés et que la société a été placée en liquidation judiciaire le 15 janvier 2014.

M. X… soutient en premier lieu que la banque a abusivement rompu l’ouverture de crédit en compte courant qu’elle lui avait accordée et fait valoir que cette faute lui a causé, en sa qualité de caution, un préjudice personnel distinct de celui subi par la Société Or et argent, ainsi que l’admet la jurisprudence de la Cour de cassation depuis un arrêt du 18 juin 2007, consistant dans la perte d’une chance de sauvegarder tout ou partie de la valeur de son investissement et de conserver son poste à la tête de l’entreprise.

Il indique en second lieu que ses engagements de caution étaient manifestement disproportionnés à ses revenus et biens, ayant déclaré en 2012, des revenus mensuels de 2833 € et en 2014 des revenus à hauteur de 1.853 € par mois.

Il soulève ensuite la nullité du cautionnement et invoque une faute de la banque sur le fondement de l’article L650-1 du Code de commerce au motif que celle-ci a octroyé le prêt de 150.000€ en octobre 2013, qui s’analyse en un crédit ruineux, uniquement dans le but, d’une part de rembourser le découvert que la banque avait laissé s’accumuler en sachant qu’il serait rémunérateur pour elle, d’autre part de s’octroyer de nouvelles garanties consistant dans le cautionnement de M. X… et les nantissements sur ses fonds de commerce, dans la perspective d’une probable liquidation judiciaire.

Il met en cause la responsabilité de la banque pour manquement au devoir de mise en garde et indique :

— qu’il n’est pas caution d’avertie en dépit de sa situation de gérant, car il a une formation de moniteur permis bateau et est totalement novice en matière de cautionnement et de garanties personnelles.

— qu’au surplus, la banque manque à son devoir de mise en garde envers la caution avertie si celle-ci démontre qu’à la date où la banque a accordé le crédit litigieux, la banque disposait sur la situation d’informations, que par suite de circonstances exceptionnelles, les cautions auraient ignorées,

— que tel est le cas ici car elle avait connaissance par l’intermédiaire du fichier FIBEN, des difficultés rencontrées par la société Or et argent (faible solvabilité et des problèmes financiers importants de la société).

Il soutient enfin que la Banque Populaire ne justifie pas avoir rempli son obligation d’information annuelle de la caution car la preuve de l’envoi des courriers d’information versés aux débats n’est pas rapportée.

La Banque Populaire demande à la cour, par dernières conclusions du 11 décembre 2017 de :

Donner acte de ce que la société Banque Populaire Grand Ouest est la nouvelle dénomination de la société la Banque Populaire sans changement de la personnalité juridique de cette dernière,

Vu l’article 1134 et suivants du Code Civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016,

Vu l’article 1154 du Code Civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016,

Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil, Vu l’article 2288 du Code Civil,

Vu l’article L. 650-1 du Code de commerce,

Vu l’article L. 341-4 du Code de la consommation devenu L. 332-1 à compter du ler juillet 2016,

Vu les articles L. 313-12 et L. 313-22 du Code Monétaire et Financier,

Vu la jurisprudence citée, Vu les pièces sus énoncées,

Confirmer en tous points le jugement du Tribunal de Commerce de La Roche sur Yon du 13 décembre 2016,

Rejeter l’appel de M. Laurent X…, Le dire autant mal fondé qu’irrecevable.

En conséquence, par l’effet dévolutif de l’appel et statuant à nouveau,

Dire et juger que M. Laurent X… ne démontre ni l’existence ni le montant d’un découvert autorisé,

Dire et juger dans ces conditions qu’il ne peut démontrer aucune rupture abusive de crédit de la part de la Banque Populaire Grand Ouest anciennement dénommée Banque Populaire,

Dire et juger subsidiairement, que M. Laurent X…, en tant que caution, ne démontre pas l’existence d’un préjudice qui lui serait propre du fait de cette supposée rupture,

Plus subsidiairement, Dire et juger que M. Laurent X… ne démontre pas que les chèques rejetés n’excédaient pas l’autorisation de découvert à supposer que l’existence et le montant de cette dernière soient justifiés,

Dire et juger que M. Laurent X… ne démontre pas la disproportion des cautionnements souscrits au jour de la conclusion de ces derniers,

Dire et juger qu’aucune nullité des cautionnements ou responsabilité de la banque ne sont encourues sur le fondement de l’article L. 650-1 du Code de commerce du fait des concours consentis,

Dire et juger que la Banque Populaire Grand Ouest anciennement dénommée Banque Populaire n’était en l’espèce tenue à aucun devoir de mise en garde,

Subsidiairement, Dire et juger que M. Laurent X… n’a subi aucune perte de chance au regard du devoir de mise en garde et que ses demandes d’indemnisation doivent donc être rejetées,

Dire et juger que la Banque Populaire Grand Ouest anciennement dénommée Banque Populaire a justifié de l’accomplissement de son obligation d’information annuelle de la caution excepté pour l’année 2015,

Dire et juger que le décompte communiqué par la Banque Populaire Grand Ouest anciennement dénommée Banque Populaire prend en considération l’absence d’information de la caution en 2015.

En conséquence,

Condamner M. Laurent X… à payer à la Banque Populaire Grand Ouest anciennement dénommée Banque Populaire :

* la somme de 7.076,41 €, au titre du solde du compte courant numéro […], outre les intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2015, date du dernier décompte, et jusqu’à parfait paiement, et ce au titre de son engagement de caution consenti à hauteur de 100.000 € ;

* la somme de 151.397,50 €, au titre du prêt équipement amortissable no 07051548, outre les intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2015, date du dernier décompte, et jusqu’à parfait paiement, et ce au titre de son engagement de caution consenti à hauteur de 180.000 €

Débouter M. Laurent X… de l’intégralité de ses prétentions, fins, moyens et conclusions,

Ordonner la capitalisation annuelle des intérêts à compter de la date de l’assignation, conformément à l’article 1154 du Code Civil,

Condamner M. Laurent X… à payer à la Banque Populaire Grand Ouest anciennement dénommée Banque Populaire la somme de 4.000 € en cause d’appel à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Dire que dans l’hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier en application du décret du 10 mai 2007 no2007-774 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n 96/1080 (tarif des huissiers) devront être supportés par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du Code de Procédure Condamner M. Laurent X… aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la SELARL Atlantic Juris conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Sur la rupture abusive de crédit alléguée, la Banque Populaire indique en substance que M. X… ne la démontre pas car il n’établit ni l’existence de l’autorisation de découvert qu’aurait souscrite sa société, la simple existence d’un cautionnement à hauteur de 100.000€ étant insuffisante, ainsi que le fait que la banque ait parfois accepté un solde débiteur, ce qui constitue une simple tolérance contractuelle, ni le plafond de cette autorisation et car la responsabilité d’une banque pour rupture abusive de crédit suppose la triple preuve d’une faute de celle-ci, d’un préjudice personnel, et d’un lien de causalité entre les deux, non rapportée en l’espèce.

Elle soutient que M. X… ne démontre pas que les engagements de caution sont manifestement disproportionnés aux revenus et biens alors que la charge de la preuve lui incombe et qu’il est caution avertie, ce qui fait obstacle à la responsabilité de la manque pour manquement à son devoir de mise en garde.

Au sujet de l’article L650-1 du Code de commerce, elle fait valoir que les dirigeants et autres cautions averties telles que les associés ne peuvent mettre en oeuvre la responsabilité du banquier pour soutien abusif que si la banque a eu sur la situation de la société débitrice des informations sur les revenus, le patrimoine et les facultés de remboursement prévisibles non connues d’eux-même, ce que M. X… ne démontre pas,

Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 2 janvier 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rejet des demandes faute de production de certaines pièces

L’appelant sollicité in limine litis le rejet de toutes les demandes de la banque au seul motif, sans autre examen au fond, qu’elle ne produirait pas certaines pièces, c’est à dire la convention de découvert autorisé et ses avenants, les études de solvabilité établies lors de l’octroi des concours et la cotation de la société Or et argent au fichier FIBEN lors de l’octroi des concours.

Outre le fait que la Banque Populaire produit devant la cour l’étude de solvabilité établie avant l’octroi du prêt du 28 octobre 2013, c’est à bon droit que le tribunal a retenu que l’absence de production de certaines pièces ne justifiait pas à lui seul le débouté des demandes de la banque et qu’il lui appartenait de statuer au vu des pièces fournies aux débats. Il sera ajouté à ces motifs que la banque conteste l’existence d’une convention de découvert en compte courant et que c’est donc à M. X… qui se prévaut de l’existence d’un crédit tacite par découvert en compte d’en rapporter la preuve de même qu’il lui appartient de prouver le soutien abusif qu’il invoque.

Cette demande sera rejetée par confirmation du jugement de ce chef.

Sur la rupture abusive de crédit

L’article L313-12 du code monétaire et financier dispose dans sa rédaction applicable en la cause: "Tout concours à durée indéterminée, autre qu’occasionnel, qu’un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l’expiration d’un délai de préavis fixé lors de l’octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l’établissement de crédit ou la société de financement fournit, sur demande de l’entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées. (…)

L’établissement de crédit ou la société de financement n’est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l’ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise.

Le non-respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l’établissement de crédit ou la société de financement".

La convention d’ouverture de compte courant produite en pièce 1 par la banque ne contient aucune autorisation expresse de découvert et aucune autre convention portant autorisation de découvert sur ce compte ou facilité de caisse conclue entre la Banque Populaire et la société Or et Argent n’est versée aux débats.

Il ressort toutefois des relevés de compte de la société produits par la Banque Populaire en pièce 22, pour la période du 4 janvier 2012, date d’ouverture du compte, au 20 janvier 2014, peu après la liquidation judiciaire de la société, que le compte courant de la société Or et argent n’a été créditeur que durant les premiers mois, jusqu’au 13 juillet 2012 (sauf une position débitrice au 15 mai 2012) puis a fonctionné en position débitrice en juillet, août 2012, a connu un solde positif d’environ 2.000€ au 28 septembre 2012 puis, à compter du mois d’octobre 2012 n’a cessé d’être débiteur jusqu’à sa clôture, soit pendant 15 mois, pour des montants de plusieurs dizaines de milliers d’euros jusqu’en mai 2013 et pour un montant toujours supérieur à 100 000€ à partir du 31 mai 2013 (solde débiteur de 117.603,59€), pour atteindre, -159 009,30€, au 15 octobre 2013 et, -151 717,21€, au 29 novembre 2013.

Compte tenu du maintien du compte en position débitrice pendant 15 mois, il ne peut s’agir d’un simple concours occasionnel ainsi que le soutient la Banque Populaire qui n’allègue d’ailleurs ni ne démontre avoir demandé à la société Or et Argent de réduire ou cesser ce découvert en compte. Elle indique même dans le courrier du 11 décembre 2013 adressé à l’EURL Or et Argent qu’une « ligne court terme » de crédit a été utilisée jusqu’alors. Elle a en outre conclu avec M. X… le 27 novembre 2012, alors que le solde débiteur du compte courant de la société avoisinait les 50.000€ depuis quatre mois, un contrat de cautionnement à hauteur de 100.000€, la garantissant notamment au titre des soldes des comptes courants ouverts dans ses livres.

La preuve de l’existence d’une ouverture tacite de crédit octroyée par la banque à l’EURL Or et Argent est donc suffisamment rapportée.

Par courrier du 11 décembre 2013, la banque a informé cette société qu’après le déblocage du prêt (survenu le 9 décembre 2013 au vu des relevés de compte produit devant la cour) le compte devra fonctionner en ligne exclusivement créditrice faute de quoi les valeurs présentées au paiement seront rejetées, ce qu’elle a effectivement fait dès le 19 décembre 2012 ainsi qu’il résulte des relevés de compte.

Ce courrier met donc fin immédiatement au crédit tacitement octroyé jusque là, sans respecter le délai de préavis prévu par l’article L313-12 du Code monétaire et financier.

Si la Banque Populaire souligne les contradictions de M. X… dans ses écritures, qui lui reproche à la fois d’avoir rompu abusivement le crédit tacite accordé et d’avoir effectué un soutien abusif en lui octroyant un prêt de 150.000€, ruineux, alors la société était déjà en état de cessation des paiements, elle n’invoque pas l’existence d’un comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou d’une situation irrémédiablement compromise de ce dernier au sens des dispositions susvisées.

Au surplus, que la situation de l’EURL Or et Argent ait ou non été compromise lors de l’octroi du prêt le 28 octobre 2013, (ce qui relève de la question du soutien abusif évoquée à titre subsidiaire qui sera examinée ci-après), il demeure que le déblocage du prêt le 9 décembre 2013 a permis de replacer le compte en position créditrice (solde créditeur de 6.236,11€ au 13 décembre 2013) et qu’en l’absence d’autre élément versé aux débats, il n’est pas établi qu’au 11 décembre 2013, date à laquelle la rupture du crédit a été décidée, la situation de l’EURL était irrémédiablement compromise.

C’est donc à bon droit que le tribunal a retenu que la banque a rompu l’autorisation de découvert sans respecter le préavis de 60 jours, ce qui constitue un manquement de la part de la banque.

S’agissant du préjudice, il appartient à la caution de démontrer qu’elle a subi un préjudice qui lui est propre et est distinct de celui subi par la société cautionnée. M. X… invoque en page 12 de ses écritures, du fait de la rupture abusive de crédit, la responsabilité pécuniaire de la banque « à l’égard de la caution » et en page 13 le préjudice tiré de la perte de chance d’avoir pu sauvegarder la valeur de son investissement et conserver son poste à la tête de l’entreprise.

Le prêt de 150.000€ a été octroyé le 28 octobre 2013 par la Banque Populaire sur la base d’une étude prévisionnelle établie le 5 septembre 2013 qui prévoyait notamment, pour l’exercice 2014, la restructuration de la société en fermant quatre établissements pour n’en conserver que trois, ainsi que quatre salariés.

Ce prêt avait pour objet le « financement d’un besoin en fonds de roulement ». Il ne stipulait pas qu’il se substituait à la « ligne court terme utilisée » jusqu’alors, ainsi que la Banque Populaire le précisera a posteriori dans son courrier du 11 décembre 2013.

Or, compte tenu du montant du découvert en compte courant (144.246,45€ au 31 octobre 2013 peu après l’octroi du prêt et 151.717,21€ au 29 novembre 2011, peu avant le déblocage des fonds), les fonds versés ont été absorbés en totalité dans le comblement du découvert en compte, ce qui, certes pouvait permettre à la société de poursuivre son activité sans compte débiteur mais ne lui a pas donné de trésorerie permettant de financer pour l’avenir son besoin en fonds de roulement, alors qu’il s’agissait pourtant de l’objet du prêt.

Il ressort de ses relevés de compte que ses chèques ont été rejetés dès le 11 décembre 2013 ce qui a engendré un nouveau découvert de 7.122,55€ au 20 janvier 2014 et le placement en liquidation judiciaire de la société Or et Argent dès le 15 janvier 2014, avec une date de cessation des paiements fixée au 26 décembre 2013 soit quinze jours seulement après le courrier du 11 décembre 2013 mettant fin au découvert en compte tacitement accordé.

Compte tenu de la rupture brutale, deux jours après le dépôt des fonds résultant du prêt et sans préavis, de l’autorisation tacite de découvert pratiquée depuis 15 mois, pour ne tolérer strictement aucune dépense non provisionnée au compte, même pour des montants plus faibles que par le passé, la société n’a plus disposé d’aucune trésorerie lui permettant de financer son besoin en fonds de roulement. Elle n’a donc pas pu maintenir son activité le temps de mettre en place les mesures de restructuration annoncées dans son étude prévisionnelle du 5 septembre 2013 et elle devait en outre rembourser des échéances de prêt pour un montant de 2.852,70€ par mois ce qui constituait une nouvelle charge.

Le manquement susvisé de la banque a donc fait supporter à la société des difficultés financières supplémentaires dans un contexte déjà fragilisé et a accéléré la dégradation de sa situation financière jusqu’à la liquidation judiciaire.

Par ricochet, M. X…, en sa qualité de dirigeant et de caution pour les sommes dues au titre du solde débiteur du compte courant et du prêt a perdu une chance réelle d’avoir pu conserver son poste de dirigeant, ainsi que les revenus en résultant et son investissement personnel dans l’entreprise, si la liquidation judiciaire avait pu être évitée ou au moins retardée et de ne pas être poursuivi en sa qualité de caution.

Il subit donc un préjudice qui lui est propre et doit être indemnisé.

Néanmoins, la réparation de la perte de chance est à la seule mesure de la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. M. X… ne saurait donc prétendre à des dommages et intérêts à hauteur de la somme de 170.000€ qui ne s’appuie sur aucun élément précis et est supérieure à la somme de 158.473,91€ que lui réclame la Banque Populaire en sa qualité de caution.

L’amplitude du découvert installé depuis quinze mois, la fragilité de la situation de la société sur laquelle M. X… insiste tout au long de ses écritures et la rapidité avec laquelle la société s’est trouvée en liquidation judiciaire après la faute susvisée de la banque, démontrent que la chance d’avoir pu redresser l’activité de la société et éviter la liquidation judiciaire ainsi que la mise en oeuvre des engagements de caution, était relativement limitée. Elle sera évaluée à 30 %, concernant le préjudice personnel indemnisable de X….

Compte tenu du montant réclamé par la banque à hauteur de 158.473,91€, outre les intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2015, il sera alloué à M. X… la somme de 48.000€ à titre de dommages et intérêts , outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La demande principale de M. X… ayant été accueillie seulement partiellement, il convient d’examiner les autres moyens soulevés.

Sur la disproportion manifeste des cautionnements

L’article L332-1 du Code de la Consommation (ancien L 341-4) dispose : « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

Au sens de ces dispositions, la disproportion s’apprécie, lors de la conclusion du contrat de cautionnement, au regard du montant de l’engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution, en prenant en considération son endettement global dont le créancier avait ou pouvait avoir connaissance, y compris l’endettement résultant d’autres engagements de caution.

La charge de la preuve du caractère disproportionné du cautionnement au moment de sa souscription pèse sur la caution. Le prêteur peut en outre démontrer que le patrimoine de la caution lui permettait au moment où elle est appelée en paiement, de faire face à son obligation.

En l’espèce, s’agissant du cautionnement souscrit le 27 novembre 2012 à hauteur de 100.000€, il ressort des avis d’imposition versés aux débats que M. X… a déclaré un revenu annuel total pour l’année 2011 de 87.415€ (soit 7.284,58€ par mois) et pour l’année 2012 de 34.076€ (soit 2.839,67€ par mois). Il ne produit aucun élément concernant son patrimoine mais il ressort de la fiche de renseignements signée par lui et datée du 10 juillet 2012 (pièce 13 produite par l’intimée) qu’il a déclaré un patrimoine d’une valeur nette de 300.000€ pour les biens communs et 150.000€ pour les biens propres. Le cautionnement souscrit le 27 novembre 2012 n’est donc aucunement disproportionné de manière manifeste à ses revenus et biens.

S’agissant du cautionnement souscrit le 30 octobre 2013 à hauteur de 180.000€, M. X… ne produit pas son avis d’imposition 2014 relatif aux revenus 2013 et ne justifie pas de ses revenus en octobre 2013 ni de son patrimoine, alors que la charge de la preuve lui incombe. Il ressort de la fiche de renseignements signée par lui et datée du 25 septembre 2013 (pièce 11 produite par l’intimée) qu’il a déclaré un revenu de 35.000€ par an soit 2.916,67€ par mois et un patrimoine d’une valeur nette totale de 435.000€ qui couvre donc nettement le montant cumulé des deux cautionnements de 100.000€ et 180.000€.

M. X… ne rapporte donc pas la preuve d’une disproportion de ses engagements de caution à ses revenus et biens et sera débouté de ses demandes à ce titre, par confirmation du jugement.

Sur l’application des dispositions de l’article 650-1 du Code de commerce

Aux termes de l’article L.650-1 du Code de commerce:

« Lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

Pour le cas où la responsabilité d’un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge".

En application de ces dispositions, la caution peut rechercher la responsabilité délictuelle de l’établissement de crédit lorsqu’elle démontre d’une part que ce dernier a octroyé au débiteur principal, soit un crédit en connaissance de sa situation irrémédiablement compromise du débiteur principal, soit un crédit ruineux ou excessif eu égard à ses capacités de remboursement et d’autre part que la banque a commis une fraude ou une immixtion caractérisée ou a pris des garanties disproportionnées par rapport aux concours consentis.

Néanmoins, à l’égard de la caution dirigeante de la société débitrice, la responsabilité de la banque n’est engagée que si la caution démontre que le banquier disposait sur la viabilité ou les risques de l’opération ou sur la situation de la société débitrice principale, d’informations dont elle ne disposait pas.

En l’espèce, M. X…, caution dirigeante de l’EURL Or et Argent, reproche à la banque d’avoir soutenu abusivement cette dernière pendant plusieurs années et surtout de lui avoir fait souscrire un crédit de 150.000€ ruineux puisqu’à cette date, la société était depuis longtemps en état de cessation des paiements et qu’en réalité le prêt n’a fait que combler le découvert en compte courant.

Il ne produit toutefois aucun élément sur la situation de l’entreprise lors de l’octroi du prêt permettant d’établir qu’elle était irrémédiablement compromise à cette date, la cour disposant seulement de l’étude prévisionnelle établie le 5 septembre 2013 pour l’année 2014 à venir. Il ne démontre pas non plus que le crédit était ruineux, l’existence d’un découvert important étant insuffisante puisque le prêt a justement permis de le combler, ni que les garanties prises par la banque étaient disproportionnées ainsi qu’il l’invoque. Surtout il n’établit par aucun élément que la banque avait connaissance d’éléments sur l’état des finances de la société ou l’absence de viabilité du projet de financement que lui-même ignorait, le fait que la banque ait eu accès au fichier FIBEN étant insuffisant puisqu’il n’est pas établi que ce fichier ait fait état des éléments que M. X…, dirigeant de la société ignorait.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour octroi abusif de crédit.

Sur le manquement au devoir de mise en garde envers la caution

En droit, le banquier dispensateur de crédit est tenu, envers la caution d’un devoir de mise en garde et sa responsabilité peut être engagée pour manquement à ce devoir si l’engagement de caution n’est pas adapté soit aux capacités financières de la caution, soit au risque d’endettement né de l’octroi du prêt, lequel s’apprécie compte tenu d’un risque caractérisé de défaillance du débiteur. Il est toutefois nécessaire que la caution ne soit pas une caution avertie, ou encore que la banque ait eu sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l’état du succès escompté de l’opération cautionnée des informations que la caution ignorait.

Dans ses écritures, M. X… invoque le manquement de la Banque Populaire à son devoir de mise en garde concernant le second cautionnement souscrit, afférent au prêt de 150.000€.

Néanmoins, au regard de l’analyse faite ci-avant des revenus et du patrimoine de M. X… lors de la souscription de son engagement, ce cautionnement n’apparaît pas inadapté à ses capacités financières. En outre, et ainsi qu’il a été dit, le prêt de 150.000€ a permis de combler le découvert de la société et il n’est pas justifié des comptes de la société Or et Argent en 2013 de nature à établir que ce prêt représentait pour elle un risque particulier d’endettement, rendant la poursuite de la caution quasi inévitable. Par ailleurs, M. X… était gérant et associé de l’EURL Or et Argent depuis 2008, qui gérait plusieurs établissements. Il connaissait donc parfaitement la situation de sa société. Il ressort de la fiche patrimoniale produite par la banque en pièce 11 qu’il détient également des parts sociales dans une société civile familiale et a déjà souscrit un prêt par le passé, outre les deux cautionnements litigieux. Il ne peut donc être considéré comme une caution non avertie.

En conséquence, la Banque Populaire n’est pas tenue à un devoir de mise en garde et le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes à ce titre.

Sur la déchéance du droit aux intérêts et la créance de la banque

Au terme de l’article L 313-22 du code monétaire et financier :

« Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d’accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette".

En application de ces dispositions, il incombe à l’établissement de crédit de démontrer par tous moyens qu’il a effectivement adressé à la caution l’information requise. En revanche, il n’a pas à établir que celle-ci l’a effectivement reçue et l’envoi de l’information par lettre recommandée avec avis de réception n’est aucunement exigé.

En l’espèce, l’information susvisée devait être donnée pour la première fois avant le 31 mars 2013 pour le cautionnement souscrit le 27 novembre 2012 et avant le 31 mars 2014 pour celui souscrit le 30 octobre 2013.

La Banque Populaire produit en pièces 14 et 15 la copie des courriers établis à l’adresse de M. X… le 25 février 2013 et le 20 février 2014. Elle produit aussi en pièces 21 et 19 d’une part la copie du relevé de compte de la société EURL Or et Argent mentionnant le débit d’une somme de 32,50€ le 27 mars 2013 au titre des « frais info caution », d’autre part, la copie de procès verbaux de constat établis par Me A… huissier de justice à Toulouse le 8 mars 2013 et le 28 février 2014, dans lesquels l’huissier requis constate avoir vérifié de manière aléatoire la mise sous plis de diverses enveloppes affranchies et destinées à des clients de la Banque Populaire contenant effectivement des courriers d’information annuelle des cautions.

La preuve de l’envoi des informations annuelles est donc suffisamment rapportée pour les années 2012 et 2013, s’agissant d’un fait juridique pouvant être prouvé par tout moyen.

En revanche, aucune preuve de ce que l’obligation d’information a été exécutée pour les années 2014 (soit avant le 31 mars 2015) et suivantes n’est versée aux débats alors que cette obligation subsiste jusqu’à l’extinction de la dette. En conséquence, la Banque Populaire doit être déchue du droit aux intérêts contractuels à compter du 20 février 2014, date de la dernière information donnée et non à compter du 31 mars 2015 ainsi que l’indique la banque.

Les décomptes versés aux débats isolent le principal des créances arrêtées au 15 janvier 2014 mais le montant des intérêts contractuels du 15 janvier 2014 au 20 février 2014 n’est pas calculé. En conséquence, la Banque Populaire a droit au principal de la dette arrêtée au 15 janvier 2014 (c’est à dire 7.023,16€ pour le solde du compte courant selon cautionnement souscrit le 27 novembre 2012 et 150.804,45€ pour le solde du prêt, selon cautionnement du 30 octobre 2013), outre les intérêts au taux légal sur chacune de ces sommes, à compter du 5 février 2014, date de la première mise en demeure adressée à M. X….

M. X… sera condamné à payer ces sommes, le jugement étant infirmé du chef des montants des condamnations prononcées.

Sur les autres demandes

Il convient d’ordonner la compensation entre les dettes respectives des parties.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts.

Chacune des parties succombant pour partie dans ses demandes, il convient de laisser à la charge de chacune d’elles les dépens exposés et de dire n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, tant en première instance que devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

— Confirme le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes formées par M. Laurent X… in limine litis pour absence de pièces, au titre de la disproportion de ses engagements de caution, des dispositions de l’article L650-1 du Code de commerce et du manquement de la banque à son devoir de mise en garde et en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 (ancien) du Code civil ;

— Infirme en toutes ses autres dispositions le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

— Dit que la Banque Populaire Grand Ouest a rompu de manière abusive l’ouverture de crédit en compte courant tacitement consentie à l’EURL Or et Argent ;

— Condamne la Banque Populaire Grand Ouest à payer à M. Laurent X… la somme de 48.000€ au titre du préjudice subi à ce titre, outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

— Dit que la Banque Populaire Grand Ouest est déchue du droit aux intérêts contractuels à compter du 20 février 2014 ;

— Condamne M. Laurent X… à payer à la Banque Populaire Grand Ouest les sommes suivantes :

* 7.023,16€ au titre du cautionnement souscrit le 27 novembre 2012, outre les intérêts au taux légal à compter du 5 février 2014,

* 150.804,45€ au titre du cautionnement souscrit le 30 octobre 2013, outre les intérêts au taux légal à compter du 5 février 2014 ;

— Ordonne la compensation entre les dettes respectives des parties ;

— Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu’elle a exposés ;

Y ajoutant,

— Rejette le surplus des demandes ;

— Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour ;

— Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens d’appel qu’elle a exposés.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Poitiers, 27 février 2018, 17/002421