Cour d'appel de Poitiers, 1re chambre, 10 mai 2022, n° 20/01274

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, 1re ch., 10 mai 2022, n° 20/01274
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 20/01274
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Saintes, 21 novembre 2019
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°265

N° RG 20/01274

N° Portalis DBV5-V-B7E-GAWW

MUTAVIE

C/

[P]

[V]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 10 MAI 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 novembre 2019 rendu par le Tribunal de Grande Instance de SAINTES

APPELANTE :

SA MUTAVIE

9, rue des Iris

79000 BESSINES

ayant pour avocat postulant Me Stéphanie PROVOST-CUIF de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉS :

Madame [E] [P] épouse [N]

née le 13 Juillet 1955 à SARRANCOLIN (65)

27 Chemin des Protestants

17400 Saint-Jean d’Angely

ayant pour avocat postulant et plaidant Me Aurélie REMY membre de la SCP LEFEBVRE LAMOUROUX MINIER MEYRAND, avocat au barreau de SAINTES

Monsieur [R] [V]

12 rue du Calvaire

17400 FONTENET

défaillant bien que régulièrement assigné

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 28 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

— DÉFAUT

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS

M. [G] [V] a souscrit un contrat d’assurance-vie le 3 mars 1995 auprès de la société Mutavie SE.

Il avait désigné comme bénéficiaires son conjoint, puis ses enfants nés ou à naître, puis ses héritiers.

Par courrier du 18 avril 2006, M. [V] a désigné son fils [R] [V] comme bénéficiaire.

Par courrier du 2 décembre 2014, le bénéficiaire du contrat a de nouveau été modifié.

Ont été désignés [X] [V] et [R] [V], ses enfants, à parts égales.

Par courrier du 1er janvier 2015, Mme [E] [N] a été désignée comme 'nouveau et unique bénéficiaire’ .

Par courrier du 30 janvier 2015 adressé à M. [V], la compagnie Mutavie confirmait avoir reçu sa demande de modification. Elle lui demandait néanmoins de lui retourner la copie de sa demande après l’avoir signée, la signature n’étant pas conforme à celle figurant sur la demande de souscription du contrat.

M. [V] n’ a pas répondu à ce courrier, est décédé le 31 janvier 2015.

Par courrier du 5 février 2015, Mme [N] a fait valoir sa qualité de dernière et unique bénéficiaire désignée par courrier du 1er janvier 2015.

Elle rappelait que [G] [V] atteint d’un cancer récent mais fatal était décédé le 31 janvier 2015 , ' mais a conservé, comme cela peut être démontré, toutes ses facultés mentales jusqu’au dernier moment. (…).

A toutes fins utiles, l’entourage médical (2 infirmières) et sa soeur sont prêts à témoigner que M. [V] était très attaché à ce que sa volonté mentionnée dans le courrier du 1er janvier soit exécutée et qu’il agissait en parfaite conscience et en pleine connaissance de ses facultés intellectuelles et morales.'

Par courrier du 23 mars 2015, la société Mutavie SE lui a contesté cette qualité.

Le 15 mai 2015, elle virait à [R] [V] la somme de 29 493,94 euros, se fondant sur sa désignation dans le courrier du 18 avril 2006.

Par acte du 2 août 2016, Mme [N] a assigné la société Mutavie SE devant le tribunal de grande instance de Saintes aux fins de condamnation à lui verser le capital constitué.

Par acte du 24 novembre 2016, la société Mutavie SE a assigné M. [R] [V] devant le tribunal afin qu’il puisse ordonner le cas échéant la restitution des sommes perçues.

Par jugement du 10 novembre 2017, le tribunal a ordonné une expertise graphologique.

L’expert a déposé son rapport le 8 février 2019.

M. [R] [V] n’a pas constitué avocat.

Par jugement réputé contradictoire du 22 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Saintes a statué comme suit :

'

— dit que Madame [E] [N] était la bénéficiaire du contrat d’assurance-vie souscrit par Monsieur [G] [V] ;

— condamne en conséquence la société MUTAVIE SE à payer à Madame [E] [N] la somme de 29.493,94€ majorée des intérêts de droit à compter du 24 novembre 2016 ;

— condamne la société MUTAVIE SE à payer à Madame [E] [N] la somme de 1.000€ en réparation de son préjudice moral ;

— condamne Monsieur [R] [V] à rembourser la Société MUTAVIE SE la somme de 29.493,94€ qui lui a été indûment versée ;

— condamne la Société MUTAVIE SE aux entiers dépens ;

— condamne la Société MUTAVIE SE à payer à Madame [E] [N] la somme de 2.500€ sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

— ordonne l’exécution provisoire. '

Le premier juge a notamment retenu que :

La société Mutavie SE conteste que Mme [E] [N] soit la bénéficiaire du contrat d’assurance-vie souscrit par M. [G] [V].

Elle estime que M. [G] [V] n’est pas le signataire du courrier du 1er janvier 2015 qui la désigne en qualité de bénéficiaire.

Le simple examen des 3 courriers de désignation de bénéficiaires (18 avril 2006, 2 décembre 2014,1er janvier 2015) démontre qu’ils ont tous les 3 été rédigés par la même personne, Mme [E] [N].

L’expert graphologique le confirme.

L’expert estime que la signature qui figure sur les courriers du 18 avril 2006 et du 2 décembre 2014 semble non spontanée et dissemblable aux autres pièces retenues.

L’expertise est néanmoins peu convaincante dans la mesure où elle a été réalisée sur des photocopies, que des pièces de comparaison ont été écartées.

L’ analyse de l’expert s’ est en outre limitée aux signatures.

La société Mutavie SE a reconnu comme valable la désignation faite par courrier du 18 avril 2006 au profit de [R] [V] alors que l’ expert avait exclu ce courrier de la comparaison.

[E] [N] produit une attestation de la soeur de [G] [V], Mme [L].

Elle indique avoir été présente lors de la signature par son frère du document en date du 1er janvier 2015.

Mme [D], infirmière, indique par ailleurs que les capacités intellectuelles de M. [V] n’étaient en rien altérées par son état de santé.

La société Mutavie SE a commis une faute en décidant unilatéralement de tenir pour inexistantes les désignations faites les 1er janvier 2015, 2 décembre 2014, en appliquant celle du 18 avril 2006.

Elle sera condamnée à payer à Mme [N] la somme de 29 493,94 euros avec intérêts à compter du 24 novembre 2016.

Le préjudice moral de Mme [N] existe, sera évalué à la somme de 1000 euros.

M. [V] doit être condamné à restituer à l’assureur la somme de 29 493,94 euros qui lui a été versée à tort au titre de la répétition de l’indu.

LA COUR

Vu l’appel en date du 9 juillet 2020 interjeté par la société Mutavie

Vu l’article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 2 avril 2021 , la société Mutavie a présenté les demandes suivantes :

Dire et juger la société MUTAVIE recevable et bien fondée en son appel ;

Y faisant droit,

— Réformer et statuer à nouveau ;

Dire et juger que Madame [E] [P] (nom d’usage [N]) ne rapporte pas la preuve que feu Monsieur [G] [V] l’a désignée en qualité de bénéficiaire du contrat d’assurance « Livret Vie » (n°588080) ;

Dire et juger que la société MUTAVIE n’a pas commis de faute en réglant à Monsieur [R] [V] les capitaux décès ;

— Dire et juger libératoire ledit paiement ;

— Débouter Madame [E] [P] (nom d’usage [N]) de toutes ses demandes fins et conclusions ;

— Confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de SAINTES en date du 22 novembre 2019 ;

— Condamner Monsieur [R] [V] au paiement de la somme de 29.493,94 € ;

— Donner acte à la société MUTAVIE de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur la demande de comparution personnelle de Madame [L], formée par Madame [E] [N] ;

En toute hypothèse,

— Condamner Madame [E] [P] (nom d’usage [N]) au paiement d’une indemnité de 3.500,00 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— Condamner Madame [E] [P] (nom d’usage [N]) en tous les dépens, lesquels comprendront les frais d’expertise judiciaire, dont distraction, conformément à l’article 699 du C.P.C., au profit de la SELARL JURICA, avocats aux offres de droit ;

A l’appui de ses prétentions, la société Mutavie soutient notamment que :

— La société Mutavie avait assigné [R] [V] le 24 novembre 2016. Elle lui a viré la somme de 29 493,94 euros.

— [E] [N] a admis avoir écrit le courriel du 1 er janvier 2015.

— La signature est nécessaire à la perfection d’un acte juridique. Elle identifie son auteur.

C’est une formalité substantielle qui doit permettre de connaître avec certitude l’identité de l’auteur.

— M. [G] [V] n’a pas pu rédiger le courriel du 1er janvier 2015.

La signature ne correspond pas à signature d’une main affaiblie. Les contours sont nets sans traits parasites. L’ expert a relevé des incompatibilités, s’est appuyée sur 4 pièces de comparaison.

— La signature du courrier du 2 décembre 2014 écrit par [E] [N] comporte une signature très différente.

— La société Mutavie n’a pas commis de faute. Il existe une différence de signature entre les écrits de 2014 et 2015. La signature diffère de celle qui figure sur le bulletin d’adhésion, sur 18 avril 2006.

— Les attestations produites ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 202 du CPC ont été transmises le 7 août 2015.

— La société Mutavie a réglé le capital à [R] [V].

— L’ assureur doit verser le capital au bénéficiaire du contrat d’assurance vie dans le mois qui suit la réception des pièces nécessaires au paiement.

— Elle a fait preuve de prudence.

— Mme [N] n’a pas subi de préjudice moral.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 5 janvier 2021, Mme [P], épouse [N] a présenté les demandes suivantes :

Vu les articles L.132-1 et suivants du Code des assurances,

Vu les anciens articles 1147 et 1382 du Code civil applicables au moment des faits,

Vu les pièces 1 à 17

— Confirmer le jugement du Tribunal de Saintes du 22 novembre 2019 en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

— Condamner la société MUTAVIE à payer à Madame [N] la somme de 4.500€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure d’appel.

A titre infiniment subsidiaire,

Vu les articles 202 à 221 du Code de Procédure Civile,

— Ordonner une enquête ayant pour but de déterminer l’auteur de la signature du courrier du 1 er janvier 2015 et procéder à l’audition du témoin, Madame [K] [L], née le 23 juin 1962 à SAINT JEAN d’ANGELY, domiciliée 16 A, Allée des Poitevins 17160 CRESSE.

A l’appui de ses prétentions, Mme [N] soutient notamment que :

— Elle est la bénéficiaire du contrat.

— La soeur de M. [V], Mme [K] [L] atteste en ce sens, Mme [D] également.

M. [V] avait dit à Mme [D] qu’il voulait qu’elle fût récompensée de ses soins.

— L’ expertise graphologique est contestable.

— La société Mutavie est fautive Elle a commis une faute dans la gestion du dossier qui lui cause un préjudice. Elle n’a nullement été prudente.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

M. [R] [V] n’a pas constitué avocat.

La déclaration d’appel et les conclusions lui ont été signifiées par acte délivré à domicile les 11 septembre 2020 et 8 avril 2021.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 31 janvier 2022 .

SUR CE

— sur la désignation du bénéficiaire

L’article L.132-8 du code des assurances prévoit que l’assurance décès contractée par un tiers est un contrat payable lors du décès de l’assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés.

En l’absence de désignation ou à défaut d’acceptation, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre.

Cette désignation ou substitution peut être réalisée soit par voie d’avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l’article 1690 du code civil , soit par voie testamentaire.

Lorsque l’assureur est informé du décès de l’assuré, l’assureur est tenu de rechercher le bénéficiaire et si cette recherche aboutit de l’aviser de la stipulation effectuée à son profit.

Le droit de désigner le bénéficiaire est un droit personnel du souscripteur.

Il suffit que la désignation résulte de la volonté certaine et non équivoque du stipulant.

Il s’agit d’un acte unilatéral, une simple lettre adressée à l’assureur suffit.

L’assureur ne fait qu’enregistrer.

La société Mutavie SE considère que Mme [N] n’est pas le dernier bénéficiaire désigné au motif que la signature figurant sur le courrier daté du 1er janvier 2015 est douteuse.

L’expert judiciaire indique que la main qui a tracé la signature est lente, hésitante, n’est pas affaiblie par la maladie qui donne des traits parasites.

L’ expert graphologue ajoute que la morphologie de la signature litigieuse possède plusieurs incompatibilités de traçage au regard des pièces de comparaison ( nombre de levées de plume, inclinaison de la signature, étude du trait).

Les conclusions de l’expertise graphologique sont donc en faveur d’une imitation de la signature.

Mme [N] estime que l’expertise est contestable dans la mesure où l’expert a exclu de nombreuses pièces de comparaison et notamment les originaux remis, s’est fondée sur des photocopies au motif que le graphisme de la signature était peu changeant.

Elle produit des attestations dont elle estime qu’elles démontrent que M. [V] est la signataire du courrier du 1er janvier 2015.

Mme [K] [V], épouse [L], soeur de M. [V] atteste le 3 janvier 2017 'certifier sur l’honneur avoir été témoin de la rédaction par Mme [N] dans le changement de bénéficiaire du contrat d’assurance-vie Mutavie souscrit par M. [V] [G] mon frère la désignant comme nouveau bénéficiaire en totalité et certifie avoir été présente lors de la signature par mon frère du dit document en date du 1er janvier 2015 à 11 heure dans la chambre du domicile de M. [V] [G]. '

L’attestation reprend ce qu’elle avait déjà écrit sur papier libre le 20 avril 2015.

Mme [D], infirmière libérale, atteste que M. [V] , bien que très affaibli physiquement , avait conservé toutes ses capacités intellectuelles jusqu’à sa dernière hospitalisation le 29 janvier 2015.

L’attestation du 3 janvier 2017 reprend ce qu’elle avait écrit le 20 avril 2015.

Mme [N] produit en outre devant la cour une attestation qui a été rédigée le 11 août 2020 (après que le premier juge s’est prononcé) .

Mme [T] [J], née le 5 juillet 1952, indique qu’elle s’est occupée de M. [V] [G] pendant quelques mois jusqu’à son décès.

Elle évoque la relation de M. [V] avec ses enfants qu’elle décrit comme distante, voire froide.

Elle croyait que l’appel interjeté était le fait des enfants de M. [V], considérait qu’ils ne respectaient pas les dernières volontés de leur père.

Elle ajoutait : ' Il trouvait juste que Mme [N] soit récompensée pour tout ce qu’elle a fait pour lui, elle s’est investie financièrement et physiquement, moi j’ai vu cette femme épuisée moralement et physiquement au point de ne pas pouvoir aller travailler. (…)

M. [V] estimait qu’il avait laissé assez de biens à ses enfants pour qu’ils soient à l’abri du besoin et que ce qu’il désirait donner à Mme [N] ne leur ferait pas défaut '.

Le témoignage de Mme [J] est particulièrement intéressant dans la mesure où il émane d’un tiers, est assez détaillé, évoque les relations père-enfants.

Ce témoin a été en relation avec M. [V] durant les derniers mois de sa vie et a recueilli directement ses propos qu’il rapporte.

Celui de Mme [D], s’il est indirect permet de penser que M. [V] avait conservé ses capacités intellectuelles, était donc parfaitement en mesure de prendre la décision modificative qu’il a prise peu avant son décès.

Les attestations de Mmes [J], [V], [D] sont donc concordantes, convaincantes.

Elles établissent , malgré l’expertise en sens contraire, que M. [G] [V] a signé le courrier du 1er janvier 2015 et que la désignation de Mme [N] en qualité de bénéficiaire exclusive du contrat souscrit correspondait à sa volonté.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que Mme [N] était la bénéficiaire du contrat d’assurance-vie souscrit par M. [V].

Il le sera en conséquence aussi en ce qu’il a condamné [R] [V] à rembourser à la compagnie Mutavie SE la somme que celle-ci lui a versée, sans cause et indûment puisqu’il est jugé qu’il n’est pas le bénéficiaire du contrat.

— sur la faute commise par la société Mutavie SE

L’assureur doit être vigilant lors du versement des prestations dues et cela alors même qu’il n’a pas été informé de la substitution.

La personne qui demande à l’assureur d’exécuter la prestation est tenue de prouver qu’elle est effectivement bénéficiaire.

Si l’assureur n’a pas connaissance du bénéficiaire, le paiement est fait à celui qui, sans dernière désignation y aurait eu droit. Il est alors libératoire, l’ assureur étant de bonne foi.

Il résulte de l’expertise que les interrogations de l’assureur sur la signature figurant sur le courrier du 1er janvier 2015 n’ étaient pas illégitimes.

En revanche, l’assureur ne pouvait virer le 15 mai 2015 le capital à [R] [V] alors qu’il avait connaissance de la dernière substitution, fût-elle litigieuse, et alors que Mme [N] lui avait indiqué expressément le 5 février 2015 que plusieurs témoins et notamment la soeur du défunt étaient en mesure de confirmer ses dires.

De plus, l’assureur n’a pas viré le capital aux bénéficiaires désignés en dernier lieu le 2 décembre 2014 mais au bénéficiaire désigné le 18 avril 2006 alors même qu’il ne conteste pas avoir reçu le courrier du 2 décembre 2014 et ne soutient pas l’avoir alors contesté.

Il a donc commis une faute qui a causé un préjudice moral à Mme [N] qui a été dans l’obligation de démontrer que sa désignation correspondait à la volonté de M. [V] du fait des suspicions de l’assureur.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a condamné à lui payer une somme de 1000 euros

de ce chef.

— sur les autres demandes

Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. (…).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d’appel seront fixés à la charge de la société Mutavie SE.

Il est équitable de la condamner à payer à l’intimée la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort

— confirme le jugement entrepris

Y ajoutant :

— déboute les parties de leurs autres demandes

— condamne la société Mutavie SE aux dépens d’appel incluant les frais d’expertise judiciaire

— condamne la société Mutavie SE à payer à Mme [P], épouse [N] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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