Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 21 décembre 2017, n° 14/08430

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 4e ch., 21 déc. 2017, n° 14/08430
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 14/08430
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

4e Chambre

ARRÊT N°562

R.G : 14/08430

L D H/ F D

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 21 DECEMBRE 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Louis-E HUBERT, Président de chambre,

Assesseur : Madame Florence BOURDON, Conseiller,

Assesseur :Madame Catherine PELTIER-MENARDAIS, Conseiller,

GREFFIER :

Mme C D, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 26 Octobre 2017

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 21 Décembre 2017 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

SARL CLOAREC

[…]

[…]

Représentée par Me LECLERC, de la SCP BEURRIER-LECLERC, Plaidant, avocat au barreau de

SAINT-BRIEUC

Représentée par Me Natacha BERNARD, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉES :

SCI Z

[…]

[…]

Représentée par Me Katell GOURGAND, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

SA AXA FRANCE IARD

[…]

[…]

Représentée par Me CAILLERE-LABOURDETTE, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

FAITS ET PROCÉDURE

Messieurs X et E F, associés de la SARL CONSTRUCTION ÉCONOMIQUE D’ARMORIQUE (CEA Entreprise F) ont constitué la SCI Z aux fins de faire édifier un bâtiment à ETABLES SUR MER (Côtes-d’Armor).

La réalisation d’une chape liquide et la pose du carrelage y compris la fourniture de la colle ont été effectuées par la SARL CLOAREC.

La SCI Z a fait constater par huissier le 14 mai 2010 des fissures et des décollements du carrelage.

Un procès-verbal de réception faisant état d’une réception « sous réserve de travaux cités à l’annexe jointe » a été signé le 19 mai 2010 uniquement par la SARL CLOAREC.

Une expertise amiable a été diligentée par le cabinet Y à la demande de la compagnie AXA FRANCE IARD, assureur de la responsabilité décennale de la SARL CLOAREC.

Par courrier du 12 mai 2011, la société AXA a refusé sa garantie au motif que lors de la réception des réserves ont été faites en relation avec les désordres constatés.

Les 17 mai 2011, la SCI Z a fait assigner la SARL CLOAREC et son assureur AXA en référé-expertise.

Par ordonnance du 16 juin 2011, une mesure d’expertise a été confiée à Monsieur A qui a déposé son rapport le 5 avril 2012.

Par acte d’huissier en date des 16 et 21 mai 2012, la SCI Z a fait assigner la SARL CLOAREC et la compagnie AXA.

À titre principal sur le fondement de l’article 1792-6 du Code civil et subsidiairement de l’article 1147 du même code, la SCI Z a sollicité, à titre essentiel, la condamnation de la société CLOAREC au paiement de la somme de 67'688,10 euros au titre des travaux préparatoires, de celle de 3965 € au titre de la location de bungalows et de celle de 9266 € au titre de son préjudice de jouissance. Elle a, à titre subsidiaire, sollicité la condamnation in solidum de la SARL CLOAREC et de la compagnie AXA sur le fondement de l’article 1792 du Code civil.

Par jugement en date du 19 septembre 2014 le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc a

— condamné sur le fondement de la garantie de parfait achèvement de l’article 1792-6 du Code civil la SARL CLOAREC à verser à la SCI Z :

—  67'688,10 euros au titre des travaux de reprise, avec actualisation en fonction de l’évolution de l’indice BT 01 du coût de la construction, l’indice de référence étant celui d’avril 2012, date du dépôt du rapport de l’expert judiciaire, et celui de variations étant celui de septembre 2014,

—  3965 € au titre du coût de la location des bungalows nécessaires au logement des locataires le temps des travaux de reprise ;

— condamné la SARL CLOAREC aux entiers dépens, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire dont distraction pour ceux qui le concerne au profit de Maître B en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

— condamné la SARL CLOAREC à verser au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

— à la SCI Z la somme de 2500 €,

— à la société AXA FRANCE IARD ASSURANCES la somme de 1500€ ;

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La SARL CLOAREC a interjeté appel de ce jugement le 24 octobre 2014.

Les parties ont conclu.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2017.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions en date du 17 juillet 2015 de la SARL CLOAREC qui demande à la cour de

— dire et juger recevable et bien fondé l’appel interjeté par la SARL CLOAREC à l’encontre du jugement rendu le 9 septembre 2014 par le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc ;

Réformant le jugement entrepris,

— voir rejeter les demandes formées par la SCI Z à l’encontre de la SARL CLOAREC ;

À titre subsidiaire,

— dire et juger que la société AXA FRANCE IARD ASSURANCES devra garantir la SARL CLOAREC de toute condamnation à son encontre au profit de la SCI Z tant en principal qu’en intérêts et frais ;

— dire et juger que la SCI Z a contribué à la réalisation du dommage;

— fixer sa part de responsabilité à 50 % ;

— limiter la condamnation prononcée à l’encontre de la SARL CLOAREC à 50% ;

y ajoutant,

— condamner la SCI Z ou tout autres parties succombant à payer la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître BERNARD, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’argumentation de la SARL CLOAREC est pour l’essentiel la suivante :

— La signature par la société Z de deux 'Bons de satisfecit’ postérieurement au procès-verbal de réception avec réserves prouve la levée de ses réserves. La garantie de parfait achèvement n’est donc pas applicable. La société Z était libre de renoncer aux réserves même en l’absence de réalisation de travaux visant à lever celles-ci.

À titre subsidiaire,

— la garantie de la société AXA est due en raison de la nature physique décennale des désordres affectant le carrelage.

— En sa qualité de maître d’ouvrage averti et de son immixtion dans les travaux, la SCI Z doit assumer la moitié de la responsabilité des désordres. Les associés de la SCI Z, professionnels du bâtiment, devaient relever la violation élémentaire des règles de l’art dans la pose des carreaux de 1 m sur 1 m sans double encollage. La demande de partage de responsabilité est recevable en application de l’article 564 du code de procédure civile.

Vu les conclusions en date du 2 octobre 2017 de la SCI Z qui demande à la cour de,

Vu l’article 1792-6 du Code civil,

[…]

— Déclarer irrecevable la demande nouvelle de la Société CLOAREC visant à dire et juger que la SCI Z a contribué à la réalisation du dommage et de fixer la part de responsabilité de celle-ci à 50% et donc de limiter la condamnation de la Société CLOAREC à hauteur de 50% ;

— Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a considéré que les désordres avaient fait l’objet de réserves à la réception ;

— Confirmer le jugement en ce qu’il a mis en cause la garantie de parfait achèvement de la Société CLOAREC ;

— Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la Société CLOAREC à payer à la SCI Z la somme de 67 688,10 €, au titre des travaux réparatoires, avec actualisation suivant l’indice du bâtiment BT01, l’indice de départ étant celui du mois d’avril 2012, date du dépôt du rapport d’expertise, au titre de la garantie de parfait achèvement ;

— Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la Société CLOAREC à payer à la SCI Z la somme de 3965€, au titre de la location de bungalows;

— Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SARL CLOAREC à verser à la SCI Z la somme de 2500€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

Y additant

— Condamner la Société CLOAREC à payer à la SCI Z la somme de 9266€ au titre de son préjudice de jouissance ;

— La condamner à payer à la SCI Z la somme de 4000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens qui comprendront les frais d’expertise judiciaire ;

— Débouter la Société CLOAREC et la Société AXA de leurs demandes, fins et conclusions

Vu l’article 1147 du Code civil

[…]

— Déclarer irrecevable la demande nouvelle de la Société CLOAREC visant à dire et juger que la SCI Z a contribué à la réalisation du dommage et de fixer la part de responsabilité de celle-ci à 50% et donc de limiter la condamnation de la Société CLOAREC à hauteur de 50% ;

— Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a considéré que les désordres avaient fait l’objet de réserves à la réception ;

— Condamner la Société CLOAREC à payer à la SCI Z la somme de 67 688,10€, au titre des travaux réparatoires, avec actualisation suivant l’indice du bâtiment BT01, l’indice de départ étant celui du mois d’avril 2012, date du dépôt du rapport d’expertise, au titre de sa responsabilité contractuelle ;

— Condamner la Société CLOAREC à payer à la SCI Z la somme de 3965€, au titre de la location de bungalows

Y additant

— Condamner la Société CLOAREC à payer à la SCI Z la somme de 9266€ au titre de son préjudice de jouissance ;

— La condamner à payer à la SCI Z la somme de 4000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens qui comprendront les frais d’expertise judiciaire ;

— Débouter la Société CLOAREC et la Société AXA de leurs demandes, fins et conclusions.

Vu l’article 1792 du Code civil

[…]

— Déclarer irrecevable la demande nouvelle de la Société CLOAREC visant à dire et juger que la SCI Z a contribué à la réalisation du dommage et de fixer la part de responsabilité de celle-ci à 50% et donc de limiter la condamnation de la Société CLOAREC à hauteur de 50% ;

— Condamner la Société CLOAREC et son assureur AXA à payer, in solidum, à la SCI Z la somme de 67 688,10€, au titre des travaux réparatoires, avec actualisation suivant l’indice du bâtiment BT01, l’indice de départ étant celui du mois d’avril 2012, date du dépôt du rapport

d’expertise ;

— Condamner la Société CLOAREC et son assureur AXA à payer, in solidum, à la SCI Z la somme de 3965€, au titre de la location de bungalows;

— Condamner la Société CLOAREC et son assureur AXA à payer à la SCI Z, in solidum, la somme de 9266€ au titre de son préjudice de jouissance ;

— Les condamner à payer à la SCI Z la somme de 4000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens qui comprendront les frais d’expertise judiciaire ;

— Débouter la Société CLOAREC et la Société AXA de leurs demandes, fins et conclusions

La SCI Z fait essentiellement plaider que :

— Les conclusions du rapport d’expertise judiciaire relatives aux causes du désordre de décollement généralisé des carreaux, aux fautes de la société CLOAREC dans leur mise en 'uvre ainsi qu’au chiffrage des travaux réparatoires à la somme de 67'688,10 euros outre 3965 € de location de bungalows doivent être approuvées.

À titre principal,

— Les travaux ont été réceptionnés le 19 mai 2010 avec des réserves figurant sur deux annexes appelées 'bons de satisfecit'. Le propre assureur de la société CLOAREC fait état, dans son courrier du 12 mai 2011, de l’existence d’une réserve non levée en relation avec le dommage constaté. Le constat d’huissier du 14 mai 2010 fait état des vaines tentatives de reprise des désordres par la société CLOAREC par injection de résine. L’absence de levée des réserves a rendu nécessaire le courrier de la SCI Z en date du 16 juin 2010 à la société CLOAREC lui demandant de déclarer le sinistre à sa compagnie d’assurances qui a immédiatement organisé une expertise amiable confiée au cabinet Y. Les bons de satisfecit font eux-mêmes état des réserves relatives au carrelage, ce qui prouve qu’elles n’ont pas été levées. La SARL CLOAREC ne prouve pas que la SCI CLOAREC a renoncé aux réserves faites lors de la réception. L’action engagée moins d’un an après la réception par la société Z contre la société CLOAREC sur le fondement de la garantie de parfait achèvement est recevable et fondée.

À titre subsidiaire, à défaut de réception,

— la société CLOAREC est tenue à une obligation de résultat avant réception et elle doit répondre de ses fautes dans la mise en 'uvre des carreaux sur le fondement de la théorie des dommages intermédiaires.

A titre infiniment subsidiaire, en cas de réception sans réserves,

— les conclusions de l’expert judiciaire permettent d’affirmer l’impropriété à destination de l’ouvrage avant l’expiration du délai décennal. La responsabilité décennale de la société CLOAREC est donc engagée.

Sur la demande partage de responsabilité:

— il s’agit d’une demande nouvelle présentée par la SARL CLOAREC irrecevable devant la cour.

— La société AXA doit être déboutée de cette même demande. La SCI Z est une société immobilière qui n’a pas pour objet social la maîtrise de travaux du bâtiment. Elle n’est pas non plus un maître de l’ouvrage qualifié et n’avait aucun moyen de contrôler le travail de la société

CLOAREC notamment la mise en 'uvre d’un double encollage. L’expert judiciaire n’est pas formel sur la responsabilité de la SCI Z. La compagnie AXA n’a pas appelé à la procédure la société de maçonnerie CEA F qu’elle prétend être intervenue dans le chantier.

Sur le préjudice de jouissance de la SCI Z

— la SCI Z a subi un préjudice de jouissance à hauteur de la somme de 9266 € correspondant à deux mois de loyer de ses locataires.

Vu les conclusions en date du 29 septembre 2017 de la société AXA FRANCE IARD qui demande à la cour de

Vu les articles 1792 et 1382 du Code Civil,

Dire bien juge, mal appelé.

En conséquence,

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a considéré que les désordres avaient fait l’objet de réserves à la réception ;

A défaut,

— constater en tant que de besoin que le maître d’ouvrage a « purgé les vices »

Subsidiairement,

— constater en tout état de cause que les désordres ne rendent pas les ouvrages impropres a leur destination ;

En tout état de cause, dire et juger bien fondée la Société AXA en son refus de garantie ;

— Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes présentées à l’encontre de la Société AXA par la SARL CLOAREC principalement, et par la SCI Z à titre subsidiaire ;

Subsidiairement,

— constater que la SCI Z, maître d’ouvrage, dont les associes sont ceux de la SARL CONSTRUCTION ECONOMIQUE D’ARMOR-CEA, Entreprise F, est notoirement compétente ;

En conclusions et en homologation du rapport d’expertise,

— dire et juger qu’elle a contribué à la réalisation du dommage ;

— Fixer sa part de responsabilité à 50 % ;

— Limiter en conséquence la condamnation prononcée a l’encontre de la Société AXA à la quote-part de la responsabilité de son assure CLOAREC, soit 50 %;

— Condamner in solidum les parties succombantes a payer a la Société AXA une somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

— Condamner les mêmes sur la même solidarité aux entiers dépens conformément aux dispositions de

l’article 699 du Code de Procédure Civile, et ce au profit de la SCP BREBION CHAUDET, Avocats aux offres de droit.

La société AXA FRANCE IARD soutient pour l’essentiel que :

— La société AXA ne garantit que les désordres non réservés de nature physique décennale apparus après la réception.

— Le procès-verbal de réception et le document numéro 2 signés uniquement par la société CLOAREC n’ont pas de valeur pour la SCI Z maître de l’ouvrage. Le « bon de satisfecit » fait état de réserves concernant le décollement des carreaux sur 90 % de la surface. L’assignation en référé du 17 mai 2011 ainsi que l’assignation au fond du 21 mai 2012 délivrées par la SCI Z prouvent qu’elle ne considère pas que les travaux ont été réceptionnés. En l’absence de réception, elle ne peut invoquer la responsabilité décennale de la société CLOAREC.

— Les désordres objet du litige sont ceux décrits dans le cadre des réserves à la réception. La garantie de parfait achèvement est donc seule mobilisable alors que la garantie décennale ne l’est pas.

— S’il est admis que la SCI Z a renoncé aux réserves formulées à la réception, elle ne peut prétendre à une indemnisation ni sur le fondement contractuel ni sur le fondement décennal.

— En tout état de cause, les désordres affectant le carrelage ne présentent pas un caractère physique décennal à défaut d’impropriété à destination dans le délai d’épreuve. La SCI Z ne rapporte pas la preuve d’une aggravation entraînant une telle impropriété à destination.

À titre subsidiaire,

— si la responsabilité décennale de la société CLOAREC est retenue ainsi que la garantie de la compagnie AXA, le fait que la SCI Z est un maître de l’ouvrage notoirement qualifié qui s’est immiscé fautivement dans le chantier justifie qu’elle conserve la moitié de la responsabilité des désordres.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions ci-dessus rappelées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les conclusions procédure

Par conclusions en date du 12 octobre 2017, la société AXA FRANCE IARD demande à la cour le rejet des pièces 31 à 34 communiquées par la SARL Z.

Par avis adressé aux conseils des parties via le RPVA le 21 octobre 2016, la date de l’ordonnance de clôture a été fixée au 3 octobre 2017 et la date de plaidoirie au 26 octobre suivant.

Après avoir conclu le 27 mars 2015, la SCI Z a remanié dans la forme ses conclusions le 2 octobre 2017 avant de transmettre le 3 octobre 2017 à 13h31 quatre nouvelles pièces numérotées de 31 à 34.

L’article 15 du code de procédure civile impose aux parties de se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

L’article 16 du même code, dispose que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

En communiquant quelques instants avant l’ordonnance de clôture des pièces qu’elle n’avait pas jointes à ses conclusions déjà tardives du 2 octobre 2017, la SCI Z a privé les autres parties à l’instance d’un débat contradictoire.

Ce manquement au principe de loyauté des échanges entre les parties justifie que soient écartées des débats les pièces litigieuses.

Sur la responsabilité de la SARL CLOAREC

La SCI Z, maître de l’ouvrage, sollicite, à titre principal, la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité de la SARL CLOAREC sur le fondement de la garantie de parfait achèvement.

L’article 1792-6 alinéa 3 du code civil dispose : « La garantie de parfait achèvement, à laquelle l’entrepreneur est tenu pendant un délai d’un an, à compter de la réception, s’étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception. »

La garantie de parfait achèvement exige donc une réception.

En l’espèce, la SCI Z se prévaut d’un « Procès-verbal de réception définitive des travaux » daté du 19 mai 2010 aux termes duquel, après avoir visité les travaux de sa construction à ETABLES SUR MER, elle « déclare que les travaux sont recevables à titre définitif pour les entreprises énumérées ci-dessous, sous réserve des travaux cités à l’annexe jointe. »

L’entreprise concernée par le procès-verbal de réception est l’entreprise CLOAREC dont les travaux sont précisés : « Chape liquide » et « Pose carrelage y compris fourniture de colle ».

Bien que ne supportant la signature que la SARL CLOAREC, le caractère contradictoire du procès-verbal de réception n’est pas sérieusement contestable puisque la participation de la SCI Z qui le revendique ne fait pas de doute.

Au surplus, la SARL CLOAREC ne conteste pas en cause d’appel la réalité de la réception.

Ce procès-verbal a été précédé d’un procès-verbal de constat d’huissier dressé le 14 mai 2010 à la demande du maître de l’ouvrage pour « préserver et faire valoir ses droits et intérêts ultérieurs » en faisant constater « que la quasi-totalité du carrelage se décolle » et « que le phénomène va en s’accentuant alors que les locaux à usage de bureaux sont occupés suite à l’aménagement de la société CEA F. » Ce procès-verbal confirme l’existence de fissurations ainsi que la réalité du phénomène de décollement des carreaux APPIANI de 1m sur 1m qui, en divers endroits, se décollent par simple pression d’un pied. L’huissier constate aussi l’existence de trous par lesquels l’entreprise CLOAREC a tenté de remédier aux désordres par injection de résine. Le gérant de la société CLOAREC a confirmé cette vaine tentative devant l’expert judiciaire.

Il se déduit de ce procès-verbal que la SCI Z avait, le 14 mai 2010, l’intention de formuler des réserves relatives aux désordres qu’elle avait pris la précaution de faire constater par huissier sachant que en l’absence de réserves à la réception, leur caractère apparent lui interdirait ensuite de rechercher la responsabilité civile de la société CLOAREC.

Postérieurement à la réception, le courrier recommandé avec avis de réception adressé par la SCI

Z à la SARL CLOAREC le 16 juin 2010 prouve la persistance des désordres à cette date ainsi que sa volonté de les voir repris puisqu’elle confirme à l’entreprise « qu’une majorité du carrelage du rez-de-chaussée est décollée ce qui rend impropre à sa destination ce risque » et qu’elle lui demande de déclarer ce sinistre à sa compagnie d’assurances « au plus vite ».

La société CLOARECa déféré à cette demande et a participé à l’expertise amiable réalisée le 18 août 2010 au contradictoire du maître de l’ouvrage par le cabinet Y à la demande de la compagnie AXA, son assureur responsabilité civile décennale.

Même si, comme les premiers juges, la cour relève que l’annexe de l’acte de réception auquel ce dernier et les « Bons de satisfecit » font référence n’est pas produite aux débats, la cour conclut de ce qui précède que la SCI Z a entendu réceptionner le 19 mai 2010 le lot confié à la SARL CLOAREC avec les réserves portant sur les désordres affectant le carrelage qu’elle avait fait précédemment décrire dans le constat d’huissier.

La société appelante ne conteste d’ailleurs pas la réception avec réserves puisqu’elle indique dans ses conclusions que « un procès-verbal de réception a été signé le 19 mai 2010 dans lequel il est fait état de réserves concernant les travaux réalisés par la société CLOAREC » (Pièce SCI Z n°3).

Pour contester la créance au titre de la garantie de parfait achèvement, la société CLOAREC soutient que le document intitulé « Bon de satisfecit » reproduit ci-dessous prouve que les réserves ont été levées ou que la SCI Z a renoncé à les faire lever.

Le premier « Bon de satisfecit » non daté relatif au carrelage se présente ainsi:

« SCI Z

[…]

[…]

[…]

Je soussigné qu’en vertu du devis du 19/06/2 et de l’acte de réception définitive des travaux prononcés le 19 mai 2010 déclare accepter signature de ce bon satisfecit pour travaux de pose de carrelage y compris fourniture de colle de l’entreprise CLOAREC ayant (ou n’ayant pas fait l’objet de réserve énoncée à l’annexe de l’acte de réception.

SCI Z [signature]

Réserves: -faïence

-décollement des carreaux 1,00m*1,00 sur 90 % de la surface.»

Le courrier du 16 juin 2010 dont la teneur a été rappelée précédemment ainsi que l’expertise Y prouvent qu’en août 2010, les désordres n’avaient pas été repris et que le maître de l’ouvrage comme la société CLOAREC souhaitaient qu’ils le soient, étant précisé que les seules tentatives de reprise des désordres ont été effectuées par la société appelante avant la réception.

Dans ce contexte, les premiers juges ont, par des motifs pertinents adoptés par la cour, retenu que le

« Bon de satisfecit » forcément postérieur ou annexé au procès-verbal de réception définitive des travaux auquel il fait référence, a pour objet, sous une terminologie certes inappropriée, de confirmer

ou de réitérer la réception avec réserves et non de les lever.

L’action indemnitaire ayant été engagée dans le délai annal prévu à l’article 1792 -6 du Code civil, c’est donc à bon droit que le jugement déféré a retenu le principe de l’engagement de la responsabilité de la société CLOAREC sur le fondement de la garantie de parfait achèvement.

Cette action portant sur des désordres réservés à la réception, c’est à bon droit que la société AXA, qui n’assure que la responsabilité civile décennale de la société CLOAREC, a été mise hors de cause, sa garantie étant exclue en présence d’une réserve à la réception en relation avec les désordres dont l’indemnisation est sollicitée.

Sur le quantum des demandes indemnitaires présentées par la SCI Z

Sur le fondement de l’article 1792-6 du Code civil, la société CLOAREC doit garantir dans le cadre d’une obligation de résultat tous les désordres réservés à la réception quelque soit leur nature et leur origine à condition qu’ils soient imputables à ses travaux.

Monsieur A, l’expert judiciaire, constate, au rez-de-chaussée et dans la coursive de l’étage, des décollements généralisés au pourtour des carreaux ainsi qu’un effritement de certains joints et un phénomène de fissuration. Il indique que ces désordres ne rendent pas actuellement les ouvrages impropres à leur destination mais qu’ils engendreront progressivement et nécessairement des désordres de nature à rendre dans un proche avenir l’ouvrage impropre à sa destination. Il attribue les désordres à la société CLOAREC pour insuffisance de nettoyage de la surface de la chape anhydrique après séchage ainsi que pour non-respect des prescriptions techniques des fabricants notamment l’absence de double encollage et de joints de dilatation.

Monsieur A préconise, sans être contesté sur ce point, la démolition et la réfection des ouvrages à l’identique pour un coût de 67'688,10 euros TTC. Il estime que les travaux entraîneront des troubles de jouissance pendant trois semaines et la nécessité de reloger les locataires de l’immeuble dans des bungalows pour un coût de 3965 €.

Ces constatations et conclusions suffisamment détaillées, argumentées et circonstanciées ne sont pas utilement critiquées par les parties.

La cour, par voie de confirmation, condamnera donc que la société CLOAREC à payer à la SCI Z la somme de 67'688,10 euros TTC avec indexation sur l’indice BT 01 ainsi que celle de 3965 €.

La SCI Z demande en outre la somme de 9266 € en indemnisation de son préjudice de jouissance calculé sur la base de deux mois de loyer de ses locataires.

Cependant, en sa qualité de personne morale, la SCI Z ne peut prétendre être indemnisée au titre d’un préjudice de jouissance. Par ailleurs elle ne prouve pas avoir dû renoncer à percevoir tout ou partie des loyers normalement dus par ses locataires en raison des désordres affectant le carrelage ou des travaux futurs. La cour confirmera donc le jugement déféré en ce qu’il débouté la SCI Z de sa demande au titre de son préjudice moral.

Sur la demande de partage de responsabilité présentée par la SARL CLOAREC

S’agissant d’une demande destinée à faire écarter en partie la prétention de la SCI Z qui conclut à sa responsabilité totale, la demande de partage de responsabilité présentée pour la première fois en cause d’appel par la SARL CLOAREC est recevable.

Au soutien de sa demande, la société CLOAREC fait valoir que la SCI Z a contribué à ses

propres préjudices en sa qualité de maître de l’ouvrage averti et particulièrement compétent en matière de travaux de construction et en raison de son immixtion dans le chantier.

Cependant, si la SCI Z est composée des mêmes associés que la CEA F, l’objet social de la société maître de l’ouvrage est exclusivement la propriété, l’administration et l’exploitation de l’immeuble objet des travaux effectués par la société CLOAREC, sa mise en valeur ainsi que l’achat, la prise à bail et la location de tous autres immeubles bâtis ou non bâtis ainsi que leur administration et leur exploitation. Cet objet social est donc purement immobilier et non relatif à la construction.

Rien ne permet d’affirmer que Messieurs X et E F étaient chargés du suivi du chantier et qu’ils avaient la compétence technique suffisante en matière de carrelage pour relever le non-respect des prescriptions techniques des fabricants des carreaux et l’absence de double encollage.

La cour relève par ailleurs que la SCI Z a jugé utile de faire appel à un professionnel du carrelage et que l’expert judiciaire est particulièrement prudent sur ce point puisqu’il indique en page 13 de son rapport : « La SCI Z, société fondée par le CEA Entreprise F et pouvant de ce fait être considérée comme un maître de l’ouvrage qualifié, aurait peut-être pu relever l’absence de double encollage en cours de chantier, ayant, de plus elle-même fourni les carreaux mis en 'uvre. »

S’agissant de l’immixtion du maître de l’ouvrage en cours de chantier, ni le rapport d’expertise ni les pièces versées aux débats par la société CLOAREC ne permettent de prouver sa réalité, son caractère fautif et l’éventuel lien de causalité entre elle et les désordres que la société CLOAREC est tenue d’indemniser.

Il résulte de ce qui précède que la cour déboutera la société CLOAREC de sa demande de partage de responsabilité.

Sur les autres demandes

La société CLOAREC, partie perdante, sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel ainsi qu’à payer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de leur frais non répétibles de procédure d’appel, la somme de 2000 € à la SCI Z et la même somme à la société AXA.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

ECARTE des débats les pièces 31 à 34 communiquées le jour de l’ordonnance de clôture par la SCI Z ;

CONFIRME le jugement rendu le 9 septembre 2014 par le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SARL CLOAREC, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de leurs frais non répétibles de procédure d’appel, à payer à la SCI Z la somme de 2000 €, et la même somme à la société AXA FRANCE IARD ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la SARL CLOAREC au paiement des entiers dépens d’appel, lesquels seront recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile au profit du conseil de la société AXA FRANCE IARD qui en présente la demande.

Le Greffier Le Président

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 21 décembre 2017, n° 14/08430