Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 20 octobre 2020, n° 19/00787

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Riom, ch. soc., 20 oct. 2020, n° 19/00787
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 19/00787
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

20 OCTOBRE 2020

Arrêt n°

ChR/EB/NS

Dossier N° RG 19/00787 – N° Portalis DBVU-V-B7D-FGHZ

D Y

/

C.C.E. CCE DE LA BANQUE DE FRANCE, Organisme BANQUE DE FRANCE, .M. […]

Arrêt rendu ce VINGT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Diane AMACKER, Conseiller

Madame Claude VICARD, Conseiller

En présence de Mme Erika BOUDIER greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. D Y

[…]

[…]

Comparant, assisté par Me Jean-louis BORIE de la SCP BORIE & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

C.C.E. CCE DE LA BANQUE DE FRANCE

[…]

[…]

Représenté par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Aurélie SEGONNE-MORAND de la SCP LMC PARTENAIRES, avocat au barreau de VERSAILLES

Organisme BANQUE DE FRANCE

[…]

[…]

Représenté par Mme Sophie FERNANDES, juriste, en vertu d’un pouvoir général du 11 septembre 2020

.M. […]

[…]

[…]

INTIMES

Après avoir entendu Monsieur RUIN, Président en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 14 Septembre 2020, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur D Y, né le […], a été recruté sur concours par la Banque de France en 1977, en qualité d’ouvrier statutaire à VIC-LE-COMTE (63), emploi dont il a démissionné le 31 décembre 1983 après avoir obtenu un diplôme d’ingénieur. Il a réintégré la Banque de France le 1er janvier 1987, en qualité de contractuel, aux fonctions de chef de service maintenance à la papeterie. Il a été muté en juillet 1999 sur le site de l’imprimerie, à CHAMALIÈRES (63), pour exercer les fonctions de responsable de formation de la direction générale de la fabrication des billets. Le 1er juillet 2010, Monsieur D Y a été nommé chef de projet, afin de piloter la mise en 'uvre de la méthode de management « Lean 6 Sigma ».

À la suite de l’abandon des projets pilotes 2TD et IPP le 11 août 2011, trois propositions de postes ont été présentées par l’employeur à Monsieur D Y qui a indiqué souhaiter continuer la démarche 'Lean'.

Après une entrevue avec le directeur général (Monsieur X) en date du 26 janvier 2012, un poste à VIC-LE-COMTE a été proposé à Monsieur D Y le 6 février 2012.

Monsieur D Y a été placé en arrêt de travail du 8 février 2012 au 19 mars 2012.

Le 2 avril 2012, Monsieur D Y a souscrit une déclaration d’accident du travail, faisant mention de son incapacité à rester dans un bureau désert, accompagnée d’un certificat médical constatant un état dépressif et déficitaire consécutif à une souffrance au travail.

Monsieur D Y a été placé en arrêt de travail de façon continue à compter de l’accident du travail du 2 avril 2012.

Cet accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par décision en date du 11 septembre 2012 de la commission de recours amiable du Comité Central d’Entreprise de la Banque de France, gestionnaire du régime d’accident du travail pour la Banque de France, qu’il avait saisi d’une contestation de la décision de refus de prise en charge prononcée par la caisse accident du travail le 2 juillet 2012.

Après expertise médicale, Monsieur D Y a été déclaré consolidé à la date du 30 novembre 2014, avec la reconnaissance d’un taux d’incapacité permanente partielle de 25 % donnant lieu à l’attribution d’une rente à compter du 1er décembre 2014 (7.293,68 euros par an à cette époque sur la base d’un taux multiplicateur de 12,5%).

Le 1er décembre 2014, le médecin du travail a déclaré, après la deuxième visite, Monsieur D Y inapte à tous les postes dans l’entreprise.

Monsieur D Y a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier du 13 janvier 2015.

Par lettre recommandée du 13 octobre 2015, Monsieur D Y a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Puy-de-Dôme d’une demande tendant à voir juger que son accident du travail résulte de la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement rendu contradictoirement en date du 30 juin 2016 (audience du 26 mai 2016), le tribunal des affaires de sécurité sociale de CLERMONT-FERRAND a débouté Monsieur D Y de toutes ses demandes.

Par déclaration au greffe en date du 7 juillet 2016, Monsieur D Y a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 6 mars 2018 (audience du 15 janvier 2018), la chambre sociale de la cour d’appel de Riom a :

— infirmé le jugement, et statuant à nouveau, dit que l’accident du travail dont a été victime Monsieur D Y est imputable à la faute inexcusable de l’employeur, la Banque de France ;

— fixé au maximum (25%) la majoration de la rente à laquelle Monsieur D Y peut prétendre ;

— avant dire droit sur l’indemnisation du préjudice complémentaire de Monsieur D Y, ordonné une expertise médicale et commis pour y procéder : * le docteur E F- Faculté de Médecine 28, […]-ferrand ; * ou, à défaut, le docteur M J Z -[…] ; * ou, à défaut, le docteur G H -CHU […],

Avec mission, après avoir convoqué les parties, de :

- Se faire communiquer le dossier médical de M. D Y;

- Se faire communiquer par la victime ou tout tiers détenteur, tous documents médicaux relatifs à l’accident, en particulier le certificat médical initial ;

- Fournir le maximum de renseignements sur l’identité de la victime, ses conditions d’activité professionnelle ;

- Procéder à l’examen de la victime et recueillir ses doléances ;

- A partir des déclarations de la victime imputables au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d’hospitalisation et, pour chaque période d’hospitalisation, la nature et le nom de l’établissement, le ou les service(s) concerné(s) et la nature des soins;

- Indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables à l’accident et, si possible, la date de la fin de ceux-ci ;

- Retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial et, si nécessaire, reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de l’évolution ;

- Fixer la date de consolidation, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu’un traitement n’est plus nécessaire, si ce n’est pour éviter une aggravation ;

- Indiquer si, avant la date de consolidation de son état de santé, la victime s’est trouvée atteinte d’un déficit fonctionnel temporaire constitué par une incapacité fonctionnelle totale ou partielle, par le temps d’hospitalisation et par les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante; dans l’affirmative en faire la description et en quantifier l’importance ;

- Indiquer si la présence ou l’assistance constante ou occasionnelle d’une tierce personne a été nécessaire auprès de la victime durant la période antérieure à la consolidation de son état de santé et dans l’affirmative, en préciser les conditions d’intervention, notamment en termes de spécialisation technique, de durée et de fréquence des interventions ;

- Décrire les douleurs physiques, psychiques ou morales endurées avant consolidation du fait des blessures subies. Les évaluer selon l’échelle habituelle de sept degrés en distinguant les souffrances endurées avant et après consolidation ;

- Donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique, en précisant s’il est temporaire (avant consolidation) ou définitif. L’évaluer selon l’échelle habituelle de sept degrés ;

- Donner son avis sur l’existence d’un préjudice d’agrément constitué par l’empêchement total ou partiel de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir ;

- Préciser la situation professionnelle de la victime avant l’accident, ainsi que le rôle qu’auront joué les conséquences directes et certaines de l’accident sur l’évolution de cette situation: perte ou diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;

- Indiquer si l’état de la victime nécessite des aménagements de son logement et/ou de son véhicule à son handicap et les déterminer ;

- Dire s’il existe un préjudice sexuel ; dans l’affirmative le décrire en précisant s’il recouvre l’un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la morphologie, l’acte sexuel (libido, impuissance) et la fertilité (fonction de reproduction) ;

- Si le cas le justifie, procéder selon la méthode du pré-rapport afin de provoquer les dires écrits des parties dans tel délai de rigueur déterminé de manière raisonnable et y répondre avec précision,

— dit que l’expert devra déposer rapport de ses opérations au secrétariat-greffe de la cour d’appel dans les deux mois suivant la date de sa saisine ;

— désigné le président de cette chambre, ou le cas échéant l’un ou l’autre conseiller la composant, pour suivre les opérations d’expertise et le cas échéant procéder au remplacement de l’expert sur simple requête ;

— fixé à 500 euros le montant de la provision à valoir sur sa rémunération ;

— dit que cette somme devra être avancée par le Comité Central d’Entreprise de la Banque de France et consignée au secrétariat-greffe de la cour avant le 6 avril 2018 ;

— dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation des parties et de leurs conseils ;

— accordé à Monsieur D Y une provision de 5.000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice ;

— dit que le Comité Central d’Entreprise de la Banque de France réglera la majoration et la provision et en récupérera le montant auprès de l’employeur, la Banque de France ;

— condamné la Banque de France à payer à Monsieur D Y une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— renvoyé l’affaire à l’audience du 1er octobre 2018 ;

— dit n’y avoir lieu à paiement de droits prévus à l’article R.144-10 du code de la sécurité sociale.

Le 15 juin 2018, le Docteur J Z a déposé son rapport d’expertise au greffe de cour d’appel de RIOM qui a notifié ce document aux parties et à leurs conseils par lettre recommandée avec accusé de réception.

Les conclusions du rapport d’expertise daté du 13 juin 2018 sont les suivantes :

— accident du travail : 02/04/2012 état anxio-dépressif suite à des difficultés professionnelles ;

— date de consolidation : 30/11/2014 ;

— IPP barème AT : 25% ;

— IFP taux de 40% : 02/04/2012 au 02/05/2012 ;

— IFP taux de 25% : 03/05/2012 au 30/11/2014 ;

— présence plus spécifique de son épouse : 1 heure par jour du 02/04/2012 au 02/05/2012 puis 2 heures par semaine du 03/05/2012 au 13/01/2015. Pas d’assistance rémunérée ;

— douleurs physiques, psychiques et morales endurées : 3,5/7 ;

— pas de préjudice esthétique ;

— préjudice d’agrément temporaire jusqu’à la date de consolidation sans limitation actuelle imputable ;

— il n’est pas retenu de préjudice sexuel ;

— au plan professionnel, Monsieur Y a eu une progression remarquée à la Banque de France y obtenant de nombreux diplômes. Il n’a pas été démontré qu’au delà de 62 ans, il aurait pu obtenir d’autres progressions.

Par arrêt du 1er octobre 2018, la cour d’appel de Riom a ordonné le retrait de l’affaire du rôle des affaires en cours à la demande de toutes les parties.

Le 16 avril 2019, Monsieur D Y a fait réinscrire ce dossier au rôle des affaires en cours par conclusions déposées le même jour au greffe.

Le 14 octobre 2019, un calendrier de procédure, mentionnant que Monsieur D Y devait conclure avant le 20 novembre 2019 et que les intimés devaient conclure avant le 2 janvier 2020 pour une audience fixée au 20 janvier 2020, a été notifié aux parties.

Appelée à l’audience du 20 janvier 2020, l’affaire a été renvoyée contradictoirement (sauf pour Monsieur le chef de l’antenne MNC RHÔNE-ALPES AUVERGNE) à l’audience du 14 septembre 2020 à la demande des parties représentées à l’audience pour cause de mouvement de grève des avocats.

Vu les dernières conclusions notifiées à la cour par le comité social et économique central d’entreprise de la Banque de France,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 13 juillet 2020 par la Banque de France,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 6 août 2020 par Monsieur D Y.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, oralement reprises à l’audience, Monsieur D Y demande à la cour de :

— ordonner à la Banque de France de lui restituer ses effets personnels et notamment sa facturière Burroughs ;

— fixer l’indemnisation de son préjudice aux sommes suivantes :

* 8.323,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel,

* 20.000 euros au titre des souffrances endurées,

* 30.000 euros au titre du préjudice d’agrément,

* 20.000 euros au titre du préjudice sexuel,

* 30.650 euros au titre de l’assistance par tierce personne,

* 58.645 euros au titre de la perte de chance et de promotion professionnelle,

* 23.580 euros au titre du non-respect de l’obligation de maintien de salaire par l’employeur pendant la période d’arrêt due à son accident de travail,

* 43.641 euros au titre de l’incidence financière de l’AT après consolidation et licenciement ;

— à titre subsidiaire, si la cour ne s’estimait pas suffisamment informée, ordonner une contre-expertise qui sera confiée à tel expert qu’il plaira, avec la mission d’usage, et notamment de se prononcer sur tous les postes de préjudice qu’il évoque au regard notamment des pathologies non prises en compte par l’expert, dire qu’il devra remettre un pré-rapport ;

— dans tous les cas, dire et juger que les sommes qui lui sont allouées seront avancées en deniers ou quittances par le CCE de la Banque de France, sous réserve de son éventuelle action récursoire à l’encontre de la Banque de France ;

— déclarer l’arrêt à intervenir commun au Comité Central d’Entreprise de la Banque de France ;

— condamner la Banque de France à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, oralement reprises à l’audience, la Banque de France demande à la cour de :

— débouter Monsieur Y de sa demande subsidiaire de contre-expertise ;

— réduire à de justes proportions l’indemnisation du DFT partiel et l’indemnisation du préjudice lié aux souffrances physiques et morales endurées;

— débouter Monsieur Y de ses demandes d’indemnisation au titre des postes de préjudices suivants : préjudice sexuel, assistance par son épouse, promotion professionnelle ;

— rejeter les demandes de Monsieur Y relatives au maintien de salaire avant consolidation, à l’incidence sur sa pension de retraite et à la restitution de ses effets personnels.

Dans ses dernières écritures, oralement reprises à l’audience, le comité social et économique central de la Banque de France demande à la cour de:

— entériner le rapport du Docteur Z rendu le 13 juin 2018 dans toutes ses conclusions ;

— fixer l’indemnisation de Monsieur Y à la somme de 4.945 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel ;

— fixer l’indemnisation de Monsieur Y à la somme de 4.048,57 euros au titre de l’assistance par une tierce personne ;

— ramener l’indemnisation du préjudice lié aux souffrances physiques et morales endurées, du préjudice d’agrément, du préjudice sexuel à de plus justes proportions ;

— débouter Monsieur Y de ses demandes d’indemnisation au titre de la perte de chance de promotion professionnelle, au titre du non-respect de l’obligation de maintien de salaire par l’employeur pendant la période d’arrêt due à son accident de travail, au titre de l’incidence financière de l’accident du travail après consolidation et licenciement ;

— débouter Monsieur Y de sa demande subsidiaire de contre-expertise médicale ;

— écarter toute demande de condamnation à son encontre au titre des dépens et frais irrépétibles.

Monsieur le chef de l’antenne MNC RHÔNE-ALPES AUVERGNE, bien que régulièrement convoqué (accusé de réception signé le 23 janvier 2020), n’est ni présent ni représenté à l’audience. Il n’a pas fait parvenir d’écritures ou de demandes à la cour.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions ou écritures des parties régulièrement notifiées et oralement reprises à l’audience.

DISCUSSION

Aux termes de l’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale : 'Sous réserve des dispositions prévues aux articles L.452-1 à L. 452-5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2 aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit.'.

Aux termes de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale : 'Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.'.

Aux termes de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale :

'Dans le cas mentionné à l’article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.

Lorsqu’une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité.

Lorsqu’une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d’incapacité totale.

En cas d’accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l’ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel ; lorsque la rente d’un ayant droit cesse d’être due, le montant de la majoration correspondant à la ou aux dernières rentes servies est ajusté de façon à maintenir le montant global des rentes majorées tel qu’il avait été fixé initialement ; dans le cas où le conjoint, le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant recouvre son droit à la rente en application du troisième alinéa de l’article L. 434-9, la majoration dont il bénéficiait est rétablie à son profit.

Le salaire annuel et la majoration visée au troisième et au quatrième alinéa du présent article sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes par l’article L. 434-17.

La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans des conditions déterminées par décret.'.

Aux termes de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale :

' Indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Si la victime est atteinte d’un taux d’incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

De même, en cas d’accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n’ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l’employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.

La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur.'.

Aux termes de l’article L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale : 'Quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l’obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L. 452-1 à L. 452-3.'.

Aux termes de l’article L. 452-4 du code de la sécurité sociale :

'À défaut d’accord amiable entre la caisse et la victime ou ses ayants droit d’une part, et l’employeur d’autre part, sur l’existence de la faute inexcusable reprochée à ce dernier, ainsi que sur le montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l’article L. 452-3, il appartient à la juridiction de la sécurité sociale compétente, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d’assurance maladie, d’en décider. La victime ou ses ayants droit doivent appeler la caisse en déclaration de jugement commun ou réciproquement.

L’auteur de la faute inexcusable est responsable sur son patrimoine personnel des conséquences de celle-ci.

L’employeur peut s’assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable ou de la faute de ceux qu’il s’est substitués dans la direction de l’entreprise ou de l’établissement. Des actions de prévention appropriées sont organisées dans des conditions fixées par décret, après consultation des organisations représentatives des employeurs et des salariés.

Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable d’un employeur garanti par une assurance à ce titre, la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail peut imposer à l’employeur la cotisation supplémentaire mentionnée à l’article L. 242-7. Le produit en est affecté au fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. '.

En cas de réalisation d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, le salarié a droit à une indemnisation automatique et forfaitaire compensant la perte de revenus professionnels. Le caractère forfaitaire de la réparation est la contrepartie de son automaticité.

La victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle bénéficie donc d’une réparation forfaitaire se traduisant par la prise en charge de ses frais médicaux et paramédicaux nécessités par son état (prestations en nature). Elle a également droit à des indemnités journalières en cas d’interruption temporaire de travail et à une rente en cas d’atteinte définitive à sa capacité de travail après consolidation.

La victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle bénéficie, qu’il y ait ou non interruption de travail, jusqu’à sa guérison ou sa consolidation, et postérieurement pour les soins directement consécutifs à l’accident ou à la maladie, sans qu’une déclaration de rechute soit exigée, d’une prise en charge :

— des frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires;

— des frais d’appareillage divers (prothèses…) ;

— des frais de transport de la résidence habituelle à l’établissement hospitalier ou de rééducation ;

— des frais de déplacement pour répondre à une convocation du service médicale de la caisse ou se soumettre à une expertise ou un contrôle ;

— d’une façon générale, de tous les frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle, le reclassement et la reconversion professionnelle de la victime.

Les indemnités journalières, destinées à compenser la perte de salaire résultant de l’accident ou de la maladie, sont, en principe, accordées en cas de cessation totale de travail.

En cas d’accident du travail, l’indemnité journalière est due à partir du premier jour qui suit l’arrêt de travail. La journée de travail au cours de laquelle l’accident du travail est survenu est intégralement payée par l’employeur.

En cas de maladie professionnelle, l’indemnité journalière est due à partir de la date du certificat médical initial où, pour les maladies professionnelles déclarées à partir du 1er juillet 2018, à partir de la date de première constatation médicale de la maladie, dans la limite, en cas de déclaration postérieure à cette constatation, des deux années précédant la déclaration.

Le versement de l’indemnité journalière prend fin à la date à laquelle le salarié peut exercer une activité salariée quelconque et pas nécessairement son emploi antérieur à l’arrêt de travail, ou au plus tard à celle de la guérison, de la consolidation de la blessure ou du décès de la victime.

La consolidation s’entend de l’état où, à la suite de la période de soins, la lésion se fixe et prend un caractère permanent tel qu’un traitement n’est plus en principe nécessaire, si ce n’est pour éviter une aggravation, et qu’il est possible d’apprécier un certain degré d’incapacité permanente de travail découlant de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle, sous réserve des rechutes et des révisions possibles. La guérison se distingue de la consolidation par l’absence de séquelles.

La date de consolidation ou de guérison est fixée par la caisse sur avis du médecin traitant fourni dans le certificat médical final. À défaut de certificat médical final du médecin traitant, la caisse notifie à la victime, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la date qu’elle entend retenir et en informe également le médecin traitant. Si le certificat médical final n’est pas fourni dans les 10 jours de la notification, la date fixée par la caisse devient définitive. Lorsque le médecin de la caisse conteste l’avis du médecin traitant, la date est fixée après expertise médicale technique.

La date de consolidation ou de guérison fixée définitivement par la caisse ne peut pas être remise en cause lors d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

L’incapacité permanente s’entend d’une atteinte partielle ou totale à la capacité de travail même si elle ne se traduit pas par une perte de salaire effective.

Le taux d’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelles, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.

La rente d’incapacité permanente, viagère, versée à compter du lendemain de la date de consolidation, indemnise les pertes de gains professionnels futurs et les incidences professionnelles de l’incapacité.

La réparation forfaitaire assurée par la sécurité sociale en matière d’accident du travail et de maladie professionnelle interdit au salarié victime d’engager une action judiciaire dans les conditions de droit commun pour obtenir la réparation intégrale de son préjudice. La loi prévoit toutefois une réparation complémentaire en cas de faute inexcusable ou intentionnelle de l’employeur.

La faute inexcusable de l’employeur ouvre droit à une majoration de la rente ou du capital alloué à la victime, calculée en fonction de la réduction de capacité dont celle-ci est atteinte. Toutefois, la rente majorée ne peut pas dépasser soit le salaire annuel de la victime en cas d’incapacité totale, soit la fraction de salaire correspondant aux taux d’incapacité s’il s’agit d’une incapacité permanente partielle. En cas d’indemnité en capital, la majoration ne peut pas excéder le montant de celle-ci.

Indépendamment de la majoration de rente, selon le code de la sécurité sociale (L. 452-3 du code de la sécurité sociale), la victime peut demander à l’employeur devant la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale la réparation de ses préjudices esthétiques et d’agrément et des préjudices causés par ses souffrances physiques et morales ou par la perte ou la diminution de ses capacités de promotion professionnelle.

La jurisprudence reconnaît, en outre, à la victime le droit de demander devant la juridiction du contentieux de la sécurité sociale la réparation de tous les autres dommages subis en conséquence de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle qui ne sont pas couverts par le code de la sécurité sociale (préjudice sexuel, frais d’aménagement du domicile ou d’adaptation du véhicule nécessités par l’état de la victime, déficit fonctionnel temporaire qui est distinct des préjudices pour souffrances et d’agrément, préjudice lié à un refus d’assurance pour un prêt, frais d’emploi ou de recours à une tierce personne, préjudice d’établissement ou perte d’espoir et de chance de réaliser un projet familial, préjudice permanent exceptionnel…).

La victime peut obtenir notamment l’indemnisation :

— des frais d’aménagement de son domicile et d’adaptation de son véhicule à son état ;

— de son préjudice sexuel ;

— du déficit fonctionnel temporaire ;

— du préjudice lié à un refus d’assurance pour un prêt immobilier;

— du préjudice lié à la nécessité de recourir à une tierce personne ;

— du préjudice d’établissement consistant en la perte d’espoir et de chance de réaliser un projet familial ;

— de son préjudice permanent exceptionnel correspondant à un préjudice extra-patrimonial atypique, directement lié au handicap permanent qui prend une résonnance particulière pour certaines victimes.

En revanche, la victime ne peut pas obtenir réparation ou indemnisation des frais médicaux, des frais de transports et assimilés ainsi que du déficit fonctionnel permanent ou définitif puisque ces dommages sont couverts par les prestations de sécurité sociale versées par la caisse en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle en application des dispositions de l’article L. 431-1 du code de la sécurité sociale.

La rente majorée servie à la victime d’un accident du travail dû à la faute inexcusable de l’employeur répare notamment les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle résultant de l’incapacité permanente partielle qui subsiste le jour de la consolidation ainsi que le déficit fonctionnel permanent. La perte de droits à la retraite, même consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude d’origine professionnelle, est ainsi couverte de manière forfaitaire par le versement de la rente majorée qui présente un caractère viager. Le déficit fonctionnel permanent ne peut pas faire l’objet d’une réparation complémentaire en application de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale dans la mesure où ce préjudice est également déjà indemnisé au titre du livre IV du code de la sécurité sociale. Le bouleversement de la vie familiale et personnelle fait partie du déficit fonctionnel permanent.

Dès lors que la prestation fait partie de celles qui sont prises en charge par la sécurité sociale, le simple fait que le salarié ne remplisse pas les conditions pour en bénéficier ne suffit pas à la transférer dans les préjudices dont il est possible de demander réparation complémentaire en cas de faute inexcusable de l’employeur.

Le juge ne doit indemniser que les préjudices résultant directement du fait dommageable à l’exclusion des préjudices imputables à un état pathologique antérieur. Mais le droit de la victime à obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en est issue n’a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable.

— Sur le rapport d’expertise -

Monsieur D Y conteste les conclusions de l’expert Z, notamment en ce que celui-ci n’aurait pas pris en compte dans les préjudices en rapport avec l’accident du travail certaines pathologies l’affectant (exogénose, soit intoxication par absorption d’un élément toxique, en l’espèce de l’alcool / algodystrophie de la cheville gauche / stéatose du foie / troubles sexuels / troubles du sommeil / troubles urinaires / troubles de la concentration / problèmes dermatologiques / infections des voies respiratoires : bronchites aigues et résistantes).

Monsieur D Y se réfère notamment dans ce cadre au certificat établi en date du 11 septembre 2018 par son médecin traitant (Docteur A), soit postérieurement aux opérations d’expertise, et au dossier médical détenu par ce même médecin traitant, ainsi qu’à l’attestation établie par l’épouse de Monsieur D Y, Madame K L (pièce 46).

La Banque de France relève que l’avis du médecin traitant de Monsieur D Y ne saurait faire preuve, compte tenu de la relation de dépendance qui unit le médecin traitant et son patient, alors que l’expert judiciaire dispose de cette indépendance et a rédigé un rapport objectif, impartial, circonstancié et complet.

La pathologie en rapport avec l’accident du travail dont Monsieur D Y a été victime le 2 avril 2012 est un état dépressif important d’origine professionnelle (souffrance au travail).

Comme suite à l’accident du travail du 2 avril 2012, Monsieur D Y n’a jamais été hospitalisé, mais il a été suivi sur le plan médical par son médecin traitant et un psychiatre, avec une prise de médicaments dans le cadre du traitement d’un syndrome anxio-dépressif.

L’expert Z a décrit et analysé de façon documentée les antécédents médicaux de Monsieur D Y. Il apparaît que la victime présentait déjà avant l’accident du travail du 2 avril 2012 une fragilité psychique (de type névrotique) avec un état chronique de stress et d’anxiété, un syndrome dépressif ponctuel (2006 dans le cadre d’un divorce, prise d’antidépresseur), des troubles érectiles ponctuels (janvier 2012, dans un contexte d’asthénie et de stress / amélioration avec la prise d’un médicalement). Monsieur D Y a également présenté d’autres pathologies après l’accident du travail, notamment sur le plan urologique (troubles urinaires), B et osseux (algodystrophie de la cheville gauche) ainsi que des troubles du sommeil, une consommation excessive d’alcool etc.

L’expert Z a entendu les doléances de Monsieur D Y, procédé à un examen clinique de la victime, analysé le dossier médical de Monsieur D Y, pris en compte les dires des parties comme suite au pré-rapport. Il a répondu de façon motivée aux observations du conseil de Monsieur D Y. Il a relevé que les attestations du médecin traitant de Monsieur D Y (3 mai 2018) et de l’épouse de la victime ont été établies peu avant les opérations d’expertise et n’étaient pas appuyées par des pièces objectives.

Il apparaît au regard des pièces versées aux débats, et notamment du rapport d’expertise, qu’avant l’accident du travail il existait chez Monsieur D Y une structure de personnalité hyperactive avec tendance obsessionnelle et perfectionniste, une fragilité névrotique, un état de stress chronique, une exogénose (prise excessive d’alcool). L’expert relève que compte tenu de son état psychique antérieur et ancien, Monsieur D Y s’est trouvé débordé par les difficultés professionnelles, la baisse de capacités du fait de l’âge s’y ajoutant. L’expert expose que toutes les pathologies présentées par Monsieur D Y ne peuvent en conséquence être imputées de façon certaine à l’accident du travail du 2 avril 2012.

Les travaux réalisés par l’expert Z sont documentés, complets, motivés, circonstanciés et justifiés par un examen clinique et l’analyse de nombreuses pièces médicales. Ils ne sont pas sérieusement contredits par les critiques du médecin traitant de la victime, dont la compétence médicale ne saurait être mise en cause mais qui entretient une relation forcément particulière avec son patient ne permettant pas de comparer son analyse à celle d’un expert judiciaire indépendant, et les dires de l’épouse de la victime, sauf à constater que les observations des proches de la victime sont fondées sur des pièces objectives, notamment médicales, non prises en compte ou analysées de

façon manifestement erronée par le médecin expert. Tel n’est pas le cas en l’espèce puisque la cour ne trouve pas dans les pièces versées aux débats, notamment médicales, d’éléments d’appréciation objectifs non pris en compte par l’expert ou manifestement mal analysés par ce dernier.

Il n’y a donc pas lieu d’écarter, en tout ou partie, les travaux du médecin expert, pas plus que les pièces versées aux débats par les parties, sauf à apprécier la valeur probante de chacun des documents en fonction des éléments objectifs qu’il contient et à rappeler qu’en l’espèce le juge ne doit indemniser que les préjudices résultant directement de l’accident du travail du 2 avril 2012, à l’exclusion des préjudices imputables à un état pathologique antérieur, mais tous les préjudices provoqués par l’accident du 2 avril 2012, y compris en cas de prédisposition pathologique.

La cour étant suffisamment éclairée en l’espèce par le rapport d’expertise et les pièces versées aux débats qui lui permettent de trancher toutes les questions litigieuses soumises, il n’y a pas lieu à ordonner une nouvelle mesure d’instruction.

— Sur le déficit fonctionnel temporaire partiel ou DFTP -

L’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire partiel correspond à l’aspect non économique de l’incapacité temporaire. C’est l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu’à sa consolidation. Le déficit fonctionnel temporaire ne peut être indemnisé au-delà de la date de consolidation retenue et à partir de laquelle est indemnisé le déficit fonctionnel permanent. Cela correspond au préjudice résultant de la gêne dans les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant la maladie traumatique (séparation familiale pendant l’hospitalisation, privation temporaire de qualité de vie…).

L’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire partiel pourra être majorée pour prendre en compte un préjudice d’agrément temporaire ou un préjudice sexuel temporaire ; cette majoration suppose une période de déficit fonctionnel temporaire importante. Le poste de préjudice de déficit fonctionnel temporaire, qui répare la perte de qualité de vie de la victime et des joies usuelles de la vie courante pendant la maladie traumatique, intègre le préjudice sexuel subi pendant cette période et le préjudice d’agrément temporaire. En revanche, le préjudice esthétique temporaire est un poste autonome.

Ce déficit fonctionnel temporaire partiel n’est réparé ni par les indemnités journalières servies à la victime ni par la rente majorée qui n’indemnisent que l’aspect économique, il peut donc faire l’objet d’une réparation complémentaire en cas de faute inexcusable de l’employeur.

L’expert Z indique dans son rapport que Monsieur D Y n’a jamais été hospitalisé du fait de l’accident du travail et que l’état dépressif d’origine professionnelle a été d’une intensité supérieure pendant le premier mois d’arrêt de travail après l’accident, soit du 2 avril 2012 au 2 mai 2012, avant de diminuer en gravité s’agissant du DFTP. Il évalue en conséquence le taux de déficit fonctionnel temporaire à 40% du 02/04/2012 au 02/05/2012 (30 jours) ; à 25% du 03/05/2012 au 30/11/2014 (940 jours).

Monsieur D Y demande à la cour de fixer l’indemnisation de son préjudice au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à la somme de 8.323,50 euros.

Monsieur D Y conteste l’évaluation faite par l’expert au motif de l’absence de proportionnalité entre les pourcentages retenus et l’étendue du préjudice subi, et ce du fait de l’absence de prise en compte de certaines pathologies organiques pourtant en lien au moins partiellement avec l’accident du travail (cf supra).

Monsieur D Y soutient que ce poste de préjudice doit être arrêté aux valeurs suivantes (base de 30 euros par jour) :

—  75% du 2 avril 2012 au 2 mai 2012 (30 jours) = 675 euros,

—  40% du 3 mai 2012 au 13 septembre 2012 (133 jours) = 1.596 euros,

—  25% du 14 septembre 2012 au 30 novembre 2014 (807 jours) = 6.052,50 euros.

La Banque de France s’en rapporte aux conclusions de l’expert, relève la faible valeur probante des attestations du médecin traitant et de l’épouse de Monsieur D Y, le caractère excessif d’un taux de base de 30 euros par jour. Elle soutient que l’expert a pris en compte des pathologies organiques de Monsieur Y dans l’évaluation de l’incapacité partielle permanente et a étayé son analyse au moyen d’une reconstitution précise de l’évolution organique et fonctionnelle ainsi qu’à l’aune des traitements suivis par Monsieur Y, une telle analyse ayant permis à l’expert d’évaluer ce qui est directement imputable à l’accident du travail du salarié.

Le comité social et économique central d’entreprise de la Banque de France conclut que la cour devra accorder à Monsieur Y une somme de 4.945 euros au titre de l’indemnisation de ce préjudice selon les périodes et taux retenus par l’expert et sur la base d’un montant journalier de base de 20 euros.

Pendant la période du 2 avril 2012 au 30 novembre 2014, Monsieur Y a souffert d’un syndrome anxio-dépressif important, toutefois sans hospitalisation ni décompensation majeure (pas de manifestations suicidaires ou excessivement dangereuses ou marquées sur le plan comportemental), mais nécessitant un suivi médical régulier, notamment sur le plan psychiatrique, et une prise médicamenteuse prolongée (antidépresseur). Il a subi des symptômes courants du syndrome anxio-dépressif : asthénie, perte d’élan vital, irritabilité, anxiété, perte de confiance, idées noires, repli sur soi etc. Il a également vu certains troubles antérieurs réactivés ou majorés en rapport avec l’accident du travail, notamment s’agissant de la consommation d’alcool et de nourriture, de la qualité du sommeil, voire des difficultés érectiles. Par contre, il n’est pas établi de lien de causalité entre l’accident du travail et d’autres pathologies présentées par Monsieur Y comme les troubles urinaires, osseux (algodystrophie) ou de la sphère B.

Les répercussions sur la vie courante de la victime ont été majorées, comme l’a relevé l’expert, dans le premier mois après l’accident du travail du fait du caractère brutal de l’accident et du temps d’adaptation, de réaction et d’organisation dans la prise en charge médicale et l’organisation de la vie quotidienne.

En conséquence, les conclusions de l’expert seront retenues sur ce point.

Sur la base d’une indemnité journalière de 25 euros par jours pour un DFTP de 100%, ce poste de préjudice sera réparé par l’allocation d’une somme globale de 6.175 euros (30 x 25 x 40% + 940 x 25 x 25%).

— Sur les souffrances endurées -

Ce poste de préjudice correspond à l’indemnisation de toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu’à la consolidation. Il échet de rechercher dans l’expertise et les pièces communiquées les éléments de ce préjudice, et notamment les circonstances du dommage, les hospitalisations, les interventions chirurgicales, l’âge de la victime etc. Après consolidation, s’il subsiste des souffrances permanentes, elles relèvent du déficit fonctionnel permanent. Le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, il ne peut être indemnisé séparément au titre d’un préjudice distinct.

L’expert Z relève une souffrance psychique, avec atteinte narcissique, sentiment de dévalorisation et d’échec, responsable de ruminations anxieuses avec phénomènes obsessionnels et troubles persécutoires.

Sur le plan des souffrances physiques, l’expert expose que Monsieur D Y a présenté plusieurs pathologies fonctionnelles digestives, B (troubles de la déglutition), sexuels (dysfonction érectile), troubles locomoteurs avec algodystrophie, mais que tous ces phénomènes ne peuvent être directement imputables et en relation certaine avec le traumatisme afférent à l’accident du travail, d’autant que certaines avaient déjà justifiées des consultations antérieures.

L’expert Z a évalué ce poste de préjudice à 3,5/7.

Monsieur D Y demande à la cour de fixer l’indemnisation de son préjudice au titre des souffrances endurées (physiques et morales) à la somme de 20.000 euros.

Il conteste la fixation par l’expert du pretium doloris à 3,5/7 en raison de l’exclusion erronée des pathologies fonctionnelles digestives, B, sexuelles et troubles locomoteurs avec algodystrophie (ces éléments sont imputables à l’accident du travail), et de la non prise en compte de l’intégralité des souffrances endurées entre l’accident et la date de sa consolidation, notamment sur le plan moral du fait de son investissement dans le travail et des mises en causes injustes et déceptions subies dans ce cadre. Il demande que ce poste soit évalué à 4,5/7.

La Banque de France s’en rapporte aux conclusions de l’expert et à une juste évaluation de ce poste de préjudice.

Le comité social et économique central d’entreprise de la Banque de France s’en rapporte aux dires de l’expert et à une juste indemnisation sur ce point.

Il sera renvoyé aux attendus qui précèdent s’agissant des pathologies subies en rapport avec l’accident du travail du 2 avril 2012.

L’expert Z a parfaitement intégré dans ses motivations et conclusions les souffrances morales de Monsieur D Y en relation avec la sphère professionnelle, notamment les atteintes ou dommages narcissiques subis en conséquence.

Au regard des éléments médicaux et témoignages versés aux débats, le syndrome anxio-dépressif important subi par Monsieur D Y pendant la période du 2 avril 2012 au 30 novembre 2014 a engendré pour la victime des souffrances, physiques et morales, que l’expert judiciaire a justement évalué à un niveau de 3,5/7 et qui doivent être indemnisées à hauteur de 7.500 euros.

— Sur le préjudice d’agrément -

Le préjudice d’agrément réparable en cas de faute inexcusable de l’employeur au titre des principes susvisés est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisir, qu’elle pratiquait antérieurement à son accident. Ce préjudice concerne donc les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues

impossibles ou limitées en raison des séquelles de l’accident.

La définition du déficit fonctionnel permanent prend en compte l’indemnisation des douleurs physiques et morales permanentes ainsi que l’indemnisation de la perte de qualité de vie et des troubles dans les conditions d’existence. Les troubles dans les conditions d’existence n’ont donc plus lieu d’être indemnisés sous couvert d’un préjudice d’agrément.

La simple limitation d’une pratique sportive ou de loisirs antérieure constitue un préjudice d’agrément indemnisable. S’il n’existe pas d’inaptitude fonctionnelle à la pratique des activités de loisirs, l’état psychologique de la victime à la suite de l’accident peut caractériser l’impossibilité pour cette dernière de continuer à pratiquer régulièrement cette activité sportive ou de loisir.

Il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités (licences sportives, adhésions d’associations, attestations…) et de l’évoquer auprès du médecin expert afin que celui-ci puisse confirmer qu’elle ne peut plus pratiquer ces activités.

L’expert Z relève que Monsieur D Y n’a pas présenté de contre-indication à la marche et que les activités de bricolage et de rénovation de bâtiment pratiquées antérieurement par la victime ont été perturbées le temps de la procédure judiciaire, qu’il n’y a désormais pas de contre-indication à leur reprise en tenant compte des capacités d’un homme de son âge.

Monsieur D Y demande à la cour de fixer l’indemnisation de son préjudice au titre du préjudice d’agrément à la somme de 30.000 euros. Il conteste l’évaluation de l’expert au motif de sa minoration erronée (pas de réparation intégrale) en l’absence de prise en compte de la symptomatologie psychologique et psychiatrique à l’origine de son empêchement à la poursuite des

activités d’agrément réalisées avant l’accident du travail, soit une activité de construction et de rénovation de bâtiment.

La Banque de France s’en rapporte aux conclusions de l’expert et à une juste évaluation de ce poste de préjudice. Elle relève que Monsieur D Y ne démontre pas comment il aurait pu achever à la fois un chantier de construction d’une maison à VIC-LE-COMTE et un chantier de rénovation de maison à BEAUMONT tout en travaillant jusqu’à l’âge de 65 ans et qu’en tout état de cause, comme le souligne l’expert, ces activités peuvent aujourd’hui être reprises, même si elles doivent être adaptées à l’âge de la victime.

Le comité social et économique central d’entreprise de la Banque de France s’en rapporte à une juste indemnisation sur ce point.

Monsieur D Y a indiqué à l’expert Z qu’il pratiquait, à titre d’agrément, la marche, la construction et la rénovation immobilière.

Il résulte du témoignage de l’épouse de l’appelant et de celui de Madame C, ainsi que de photographies versées aux débats, que Monsieur D Y s’adonnait, au moment de l’accident du travail, à titre de loisir, à la construction et à la rénovation de deux bâtiments lui appartenant, à BEAUMONT et à VIC-LE-COMTE. Il est établi que depuis l’accident du travail, et encore après la consolidation de son état de santé, Monsieur D Y a délaissé ou réduit considérablement cette activité de loisir en raison d’une perte d’énergie ou de vitalité.

À la lecture des éléments d’appréciation versés aux débats, si l’état de santé après consolidation de Monsieur D Y n’interdit ou ne contre-indique pas la poursuite du loisir susvisé, il apparaît que les séquelles des pathologies ou symptômes persistants en rapport avec l’accident du travail (état psychique) font que la victime n’a plus l’énergie ou l’élan vital lui permettant de reprendre son activité de construction, rénovation ou bricolage, en tout cas au même niveau qu’avant l’accident du travail, et ce indépendamment de la question du vieillissement et de l’existence de syndromes sans lien de causalité avec l’accident du travail.

Ainsi, la dégradation persistante de l’état psychologique de la victime à la suite de l’accident du travail engendre un préjudice d’agrément qui doit être indemnisé, vu les éléments d’appréciation dont la cour dispose, à hauteur de la somme de 5.000 euros.

— Sur le préjudice sexuel -

Lorsque l’accident du travail est la conséquence d’une faute inexcusable de l’employeur, le préjudice sexuel doit être indemnisé séparément du préjudice d’agrément mentionné à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, et selon sa définition en droit commun dans la nomenclature DINTILHAC.

Le préjudice sexuel doit donc être différencié du préjudice d’agrément et du déficit fonctionnel permanent. Ce préjudice recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : l’aspect morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l’acte sexuel (libido, perte de capacité physique, frigidité), et la fertilité

(fonction de reproduction).

L’évaluation de ce préjudice doit être modulée en fonction du retentissement subjectif de la fonction sexuelle selon l’âge et la situation familiale de la victime.

L’expert Z relève que Monsieur D Y :

— avait déjà consulté un urologue avant l’accident du travail du 2 avril 2012 pour des troubles érectiles ;

— présentait antérieurement un état anxieux avec une structure perfectionniste sans lien avec l’accident du travail et reconnue comme fréquemment responsable de dysfonctions érectiles ;

— présentait antérieurement une exogénose (consommation excessive d’alcool) avec surcharge du foie dont on sait qu’elle est également responsable d’asthénie sexuelle.

L’expert conclut que compte tenu des éléments susvisés, il ne peut établir un lien de causalité certain entre l’accident du travail et les troubles érectiles de Monsieur D Y sur le plan médico-légal.

Monsieur D Y demande à la cour de fixer l’indemnisation de son préjudice au titre du préjudice sexuel à la somme de 20.000 euros. Il fait valoir son droit à indemnisation au motif de l’absence d’antériorité à l’accident du travail des troubles sexuels rencontrés.

La Banque de France s’en rapporte aux conclusions de l’expert. L’intimée fait valoir l’absence de bien fondé de la demande d’indemnisation présentée par Monsieur Y au titre de ce chef de préjudice, au motif, comme l’a relevé l’expert judiciaire, de l’antériorité des troubles érectiles de Monsieur Y à l’accident du travail et de l’absence de lien direct et exclusif entre l’accident du travail et ces troubles.

Le comité social et économique central d’entreprise de la Banque de France s’en rapporte aux dires de l’expert et conclut à un rejet de la demande d’indemnisation du préjudice sexuel, à défaut à une juste indemnisation sur ce point.

En l’espèce, Monsieur Y se plaint de troubles érectiles ou perte de libido en rapport direct avec l’accident du travail. Ces dires sont confirmés par l’épouse de la victime ainsi que par le médecin traitant et le psychiatre de l’appelant.

L’expert judiciaire a relevé un épisode de troubles érectiles antérieur au 2 avril 2012 et d’autres causes possibles à des troubles érectiles persistants en relation avec des pathologies ne résultant pas de l’accident du travail.

Au regard des éléments d’appréciation versés aux débats, il apparaît que les troubles érectiles de Monsieur Y peuvent avoir plusieurs causes sur le plan médical dont toutes ne sont pas en rapport direct avec l’accident du travail. Toutefois, il n’est pas sérieusement contesté que le syndrome anxio-dépressif persistant subi par Monsieur Y (état psychique), en lien direct avec l’accident du travail, est à tout le moins en rapport avec une majoration des difficultés que rencontre la victime pour bénéficier d’une vie sexuelle. En cette matière, la preuve ne peut résulter que d’exclusions médicales, ce qui n’est pas le cas, ou de doléances corroborées par le ou les partenaires sexuels de la victime. Or l’épouse de Monsieur Y confirme une dégradation importante de la qualité de vie sexuelle de leur couple depuis l’accident du travail du 2 avril 2012.

L’existence d’un préjudice sexuel sera retenue et vu les circonstances de la cause, notamment en ce qui concerne l’âge, les pratiques antérieures et la situation familiale de la victime, ce préjudice doit être réparé par l’allocation d’une somme de 5.000 euros.

— Sur l’assistance par une tierce personne -

La tierce personne est la personne qui apporte de l’aide à la victime incapable d’accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante. La jurisprudence admet une indemnisation à ce titre en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée, et ce afin de favoriser l’entraide familiale. La Cour de cassation a jugé à maintes reprises pour favoriser l’entraide familiale que l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce-personne ne saurait être réduite en cas d’assistance bénévole par un proche de la victime.

Lorsqu’un proche cesse son activité professionnelle pour apporter à la victime l’aide humaine que son état nécessite, cela ne modifie pas l’indemnisation de la victime directe en fonction du besoin de tierce personne, mais la perte de revenus du proche doit également être indemnisée.

L’assistance d’une tierce personne ne peut s’appliquer à l’activité professionnelle dès lorsqu’elle ne concerne que l’aide apportée à la victime dans l’accomplissement des actes ordinaires de la vie courante.

Même en l’absence de justificatif, on peut indemniser la victime sur la base d’un tarif horaire d’un organisme d’aide à la personne (tarif prestataire) pour dégager la victime des soucis afférents au statut d’employeur.

Le besoin d’assistance par une tierce personne après consolidation est indemnisé dans les conditions prévues à l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, de sorte que ce préjudice est couvert, même de manière restrictive, par le livre IV du code de la sécurité sociale. En conséquence, même si le taux d’incapacité permanente de la victime n’atteint pas 80%, le besoin d’assistance par une tierce personne ne peut donner lieu à indemnisation sur le fondement de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale que jusqu’à la date de consolidation et pas au-delà.

L’expert Z indique dans son rapport que Monsieur D Y n’a jamais bénéficié de l’assistance rémunérée d’une tierce personne en rapport avec l’accident du travail, qu’une telle assistance n’était pas nécessaire car la victime n’a pas subi de décompensation ou hospitalisation.

L’expert judiciaire relève toutefois que l’épouse de Monsieur D Y a accompagné son mari dans l’épreuve et a dû limiter ses activités de loisir antérieures pour être plus présente auprès de son mari. Il considère qu’une présence plus spécifique de son épouse était justifiée par l’état de santé de la victime en rapport avec l’accident du travail dans les conditions suivantes : 1 heure par jour du 02/04/2012 au 02/05/2012 puis 2 heures par semaine du 03/05/2012 au 13/01/2015.

Monsieur D Y demande à la cour de fixer l’indemnisation de son préjudice au titre de l’assistance par tierce personne à la somme de 30.650 euros. Il conteste l’appréciation expertale forfaitaire et fait valoir que son épouse a passé beaucoup plus de temps à l’assister quotidiennement eu égard à l’impossibilité dans laquelle il se trouvait de pourvoir seul à ses besoins quotidiens.

La Banque de France fait valoir l’absence de bien fondé de la demande d’indemnisation présentée par Monsieur Y au titre de ce chef de préjudice puisqu’il n’est pas établi que l’aide apportée par l’épouse excède ce qui relève des charges courantes des époux, ou du devoir de solidarité légal entre époux, comme le fait d’accomplir des tâches quotidiennes de la vie courante (courses, repas, entretien du lieu de vie, maintien des liens sociaux et familiaux) et d’accompagner son époux à des rendez-vous.

Le comité social et économique central d’entreprise de la Banque de France s’en rapporte aux dires de l’expert sur ce point et à une juste indemnisation de l’assistance assurée par l’épouse de Monsieur Y, à hauteur d’un montant de 4.048 euros, sur la base d’un taux horaire de 13 euros.

En l’espèce, hors les dires de l’appelant, le besoin d’assistance d’une tierce personne résulte du témoignage de l’épouse de Monsieur Y (attestation du 2 mai 2018) qui expose que pendant le mois d’avril 2012 elle a dû abandonner tous ses loisirs pour accompagner son mari, à raison de 4 à 5 heures par jours, en raison de l’état de santé de celui-ci qui était devenu dépendant et ne pouvait plus conduire. Elle indique que par la suite, et jusqu’au licenciement de son époux (janvier 2015), elle a consacré une heure par jour à son mari pour le soutenir, sans autre précision.

Au regard de ces seuls éléments d’appréciation, la cour s’en rapporte aux dires et conclusions de l’expert médecin s’agissant des heures réellement consacrées par l’épouse de Monsieur Y pour apporter de l’aide à la victime afin d’accomplir certains actes essentiels de la vie courante avant la date de consolidation, c’est-à-dire du 2 avril 2012 au 30 novembre 2014, en tout cas s’agissant du besoin d’assistance par une tierce personne que nécessitait l’état de santé de Monsieur Y en rapport avec l’accident du travail.

Sur la base d’un taux horaire de 15 euros, d’une assistance d’une heure par jour pendant 30 jours (30 x 15 = 450) et d’une assistance de deux heures par semaine pendant 135 semaines (2 x 135 x 15 = 4050), ce préjudice doit être réparé par l’allocation d’une somme de 5.000 euros.

— Sur la perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle -

La victime peut prétendre à la réparation de sa perte de possibilités de promotion professionnelle, peu importe le cadre dans lequel ces dernières étaient susceptibles de se réaliser, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise, par exemple en cas d’impossibilité de donner suite à un

engagement pris à l’égard d’une autre entreprise, mais encore faut-il que ces possibilités soient réelles ou sérieuses et non hypothétiques.

La victime ne peut prétendre à aucune indemnité du fait de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle dès lors qu’elle ne démontre pas avoir eu des chances sérieuses de promotion professionnelle avant l’accident et ne justifie donc pas d’un préjudice distinct de celui résultant de son déclassement professionnel, déjà compensé par l’attribution d’une rente à titre viager.

L’expert Z relève que Monsieur D Y ne lui a pas démontré qu’il aurait pu, au-delà de 60 ans, bénéficier d’une promotion professionnelle particulière.

Monsieur D Y demande à la cour de fixer l’indemnisation de son préjudice au titre de la perte de chance de promotion professionnelle à la somme de 58.645 euros. Il estime ce préjudice caractérisé dès lors qu’il a été licencié pour inaptitude par suite de l’accident du travail à l’âge de 64 ans et qu’il ne souhaitait faire valoir ses droits à la retraite qu’après 66 ans, qu’il a perdu la chance d’être promu au grade DA1, précisant qu’il disposait des compétences et qualifications utiles à l’obtention de ce grade.

La Banque de France fait valoir l’absence de bien fondé de la demande d’indemnisation présentée par Monsieur Y au titre de ce chef de préjudice alors que le salarié, qui était cadre supérieur contractuel et non titulaire, avait atteint le niveau de cadre supérieur en 2003, que le salarié ne pouvait désormais changer d’indice que sur décision du gouverneur de la Banque de France sur proposition du directeur général de la fabrication des billets, ce qui n’avait nullement un caractère automatique, que les dernières évaluations professionnelles de Monsieur Y étaient nuancées, que l’appelant n’établit pas l’existence de chances sérieuses de promotion ni le fait que le préjudice allégué n’était pas déjà réparé au titre de l’incidence professionnelle par le versement de la rente.

Le comité social et économique central d’entreprise de la Banque de France s’en rapporte aux dires de l’expert et à un rejet de la demande d’indemnisation.

Il échet de rappeler qu’il appartient à Monsieur Y de démontrer qu’il avait des chances sérieuses de promotion professionnelle, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise, avant l’accident du travail du 2 avril 2012.

Monsieur Y était âgé d’environ 62 ans au moment de l’accident du travail d’avril 2012. Il était agent contractuel de la Banque de France et cadre supérieur depuis 2003. Il n’est nullement démontré qu’il aurait pu bénéficier de façon automatique ou très probable d’une promotion ou d’un avancement avant de faire valoir ses droits à la retraite. Au contraire, il apparaît que les dernières évaluations professionnelles de ce salarié, de même que les appréciations portées par son supérieur hiérarchique (DRH) sur la qualité de son travail et son comportement (cf arrêt du 6 mars 2018), n’étaient pas de nature à lui faire espérer une évolution favorable de carrière au sein de la Banque de France. En outre comme suite à l’abandon programmé du projet 'lean 6 sigma', loin de lui promettre un avancement ou une promotion, l’employeur lui avait proposé une mutation sur un poste de catégorie inférieure ou une rupture conventionnelle. Monsieur Y ne démontre donc pas qu’il avait des chances sérieuses de promotion professionnelle à l’intérieur de l’entreprise avant l’accident du travail du 2 avril 2012. S’agissant de ses chances de promotion professionnelle à l’extérieur de l’entreprise, Monsieur Y ne produit aucun justificatif particulier et, compte tenu notamment de l’âge du salarié et d’une carrière très longue et typée au sein la Banque de France, notamment dans le cadre de la fabrication de billets, elles apparaissent en l’état avoir été très hypothétiques.

Monsieur Y sera débouté de sa demande d’indemnisation au titre de la perte de possibilités de promotion professionnelle.

— Sur le non-respect de l’obligation de maintien de salaire par l’employeur pendant la période d’arrêt due à son accident de travail -

Monsieur D Y demande à la cour de fixer l’indemnisation de son préjudice au titre du non-respect de l’obligation de maintien de salaire par l’employeur pendant la période d’arrêt due à son accident de travail à la somme de 23.580 euros.

Monsieur D Y fait valoir qu’il a été rémunéré par son employeur à compter de l’accident du travail (2 avril 2012) et jusqu’à la date de consolidation (30 novembre 2014), percevant ensuite (à compter du 1er décembre 2014) une rente d’incapacité, mais que la Banque de France ne lui a pas versé la part variable de sa rémunération pendant la période du 2 avril 2012 au 30 novembre 2014.

La Banque de France soutient avoir versé sa rémunération contractuelle à Monsieur D Y pendant la période du 2 avril 2012 au 30 novembre 2014. Elle fait valoir également que tout litige sur ce point relèverait d’un autre contentieux et non d’une réparation de préjudice corporel par le juge de la sécurité sociale comme suite à la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur en rapport avec un accident du travail.

L’aspect économique de la perte de gains est indemnisé au titre du code de la sécurité sociale par le versement d’indemnités journalières jusqu’à la date de consolidation et l’allocation d’une rente d’incapacité permanente au-delà. Pour le surplus, le litige précité, s’agissant du respect des dispositions contractuelles sur la rémunération liant le salarié, Monsieur D Y, à son employeur, la Banque de France, ne relève pas du contentieux de sécurité sociale en matière d’indemnisation des préjudices subis en relation avec un accident du travail résultant de la faute inexcusable de l’employeur.

Monsieur D Y sera débouté de sa demande d’indemnisation à ce titre.

— Sur l’incidence financière de l’accident du travail après consolidation et licenciement -

Monsieur D Y demande à la cour de fixer l’indemnisation de son préjudice au titre de l’incidence financière de l’accident du travail, après consolidation et licenciement, à la somme de 43.641 euros. Il fait valoir qu’il a été licencié le 13 janvier 2015 à l’âge de 64 ans et a de la sorte été contraint de faire valoir ses droits à la retraite, alors qu’il souhaitait poursuivre son travail jusqu’à l’âge de 66 ans, qu’il a donc perdu deux années d’activité salariée, préjudice non compensé par sa pension de retraite.

La Banque de France Prétention fait valoir l’absence de bien fondé de la demande d’indemnisation présentée par Monsieur Y au titre de ce chef de préjudice puisque la prétendue perte de salaires correspond à un préjudice patrimonial ayant déjà été compensé par l’allocation de la rente d’incapacité permanente qui a été servie à l’appelant.

Comme il a été rappelé dans les attendus qui précèdent, la rente majorée servie à la victime d’un accident du travail dû à la faute inexcusable de l’employeur répare notamment les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle résultant de l’incapacité permanente partielle qui subsiste le jour de la consolidation ainsi que le déficit fonctionnel permanent. La perte de droits à la retraite, même consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude d’origine professionnelle, est ainsi couverte de manière forfaitaire par le versement de la rente majorée qui présente un caractère viager.

Monsieur D Y sera débouté de sa demande d’indemnisation à ce titre.

— Sur la restitution des effets personnels -

Monsieur D Y demande à la cour d’ordonner à la Banque de France de lui restituer ses effets personnels, notamment sa facturière Burroughs, deux pistons de véhicule Renault R20 et d’un tableau représentant un bouquet de fleurs. Il fait valoir que ces objets sont sa propriété et ont une valeur symbolique et affective. Il produit une attestation de son épouse en ce sens (10 décembre 2017).

La Banque de France conteste les dires de l’appelant et relève qu’une telle demande est sans rapport avec les conséquences de l’accident du travail.

S’agissant des seuls objets précisément décrits et éventuellement identifiables, Monsieur D Y ne démontre ni en être le propriétaire ni le fait que l’employeur les aurait gardés en sa possession.

Surabondamment, un tel litige ne relève pas du contentieux de sécurité sociale en matière d’indemnisation des préjudices subis en relation avec un accident du travail résultant de la faute inexcusable de l’employeur.

Monsieur D Y sera débouté de sa demande.

— Sur l’intervention du comité social et économique de la Banque de France -

Monsieur D Y sollicite qu’il soit jugé que les sommes allouées lui seront avancées, en deniers ou quittances, par le comité social et économique de la Banque de France, sous réserve de l’éventuelle action récursoire de celui-ci à l’encontre de la Banque de France, et que le présent arrêt soit déclaré commun et opposable au comité social et économique de la Banque de France à ce titre.

Sans opposition des autres parties, il sera fait droit à ces demandes.

— Sur les dépens et frais irrépétibles -

L’ancien article R 144-10 du code de la sécurité sociale, qui stipulait que la procédure était gratuite et sans frais, a été abrogé, à effet du 1er janvier 2019, par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale, dont l’article 17 III prévoit que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours.

Dorénavant, les juridictions du contentieux de la sécurité sociale doivent donc statuer sur les dépens en fonction des règles de droit commun et notamment de l’article 696 du code de procédure civile qui prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, la Banque de France, qui succombe au principal, sera condamnée aux entiers dépens d’appel, en ce compris les frais d’expertise, et à verser à Monsieur D Y, outre la somme déjà allouée par l’arrêt du 6 mars 2018, une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu l’arrêt de la cour d’appel de céans en date du 6 mars 2018,

— Fixe l’indemnisation du préjudice de Monsieur D Y en rapport avec l’accident du travail du 2 avril 2012 aux sommes suivantes :

* 6.175 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel,

* 7.500 euros au titre des souffrances endurées,

* 5.000 euros au titre du préjudice d’agrément,

* 5.000 euros au titre du préjudice sexuel,

* 5.000 euros au titre de l’assistance par une tierce personne ;

— Dit qu’en conséquence, le montant de l’indemnisation du préjudice complémentaire de Monsieur D Y s’élève à la somme totale de 28.675 euros dont devra être déduite la provision déjà éventuellement versée à ce titre (5.000 euros selon l’arrêt du 6 mars 2018) ;

— Dit que les sommes susvisées allouées à Monsieur D Y seront avancées, en deniers ou quittances, par le comité social et économique de la Banque de France, sous réserve de l’éventuelle action récursoire de ce dernier à l’encontre de la Banque de France ;

— Dit le présent arrêt commun et opposable au comité social et économique de la Banque de France ;

— Condamne la Banque de France à verser à Monsieur D Y une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamne la Banque de France aux dépens d’appel ;

— Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

E. BOUDIER C. RUIN

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Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 20 octobre 2020, n° 19/00787