Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 18 juin 2015, n° 13/03569

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. de la proximité, 18 juin 2015, n° 13/03569
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 13/03569
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Évreux, 5 juin 2013
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 13/03569

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

ARRÊT DU 18 JUIN 2015

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL DE COMMERCE D’EVREUX du 06 Juin 2013

APPELANTS :

Monsieur X Z

XXX

XXX

Représenté et assisté par Me Nicole DAUGE, avocat au barreau de ROUEN

Monsieur G-H Z

XXX

XXX

Représentée par Me Véronique GREFF BOULITREAU, avocat au barreau de ROUEN

assisté de Me SENET, avocat au barreau de ROUEN

INTIMÉE :

SA BANQUE POPULAIRE DE L’OUEST

XXX

XXX

XXX

Représentée et assistée par Me LEBEL de la SCP PICARD LEBEL, avocat au barreau de l’Eure

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 20 Avril 2015 sans opposition des avocats devant Mme BRYLINSKI, Président, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme BRYLINSKI, Président

Madame LABAYE, Conseiller

Madame POITOU, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Mme NOEL-DAZY, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 20 Avril 2015, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 Juin 2015 date à laquelle le délibéré a été prorogé pour être rendu ce jour

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement le 18 Juin 2015, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

Signé par Mme BRYLINSKI, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE

La société Banque Populaire de l’Ouest, par acte sous seing privé en date du 17 janvier 2005, a consenti à la SARL DLB ( Détente-loisirs-bowling ) un prêt professionnel d’un montant de 68 000 € remboursable en 60 mensualités de 1261,55 €.

M. X Z et Mme Y Z née Lefeuvre d’une part, M. G H Z et Mme C Z née Giraud d’autre part, par actes sous seing privé datés des 11 et 17 janvier 2005, se sont portés chacun caution solidaire et indivisible des engagements de la SARL DLB à hauteur de la somme de 34.000 € pour une durée de 60 mois plus deux ans.

La société SARL DLB a été déclarée en redressement judiciaire par jugement du 20 janvier 2009, puis en liquidation judiciaire le 26 mai 2009, clôturée pour insuffisance d’actif par jugement du 5 octobre 2010.

Les échéances du prêt étant restées impayées à partir de janvier 2009, la Banque Populaire de l’Ouest, après les avoir mis en demeure d’exécuter leur engagement de caution, a assigné M. X Z et M. G H Z en paiement.

M. X Z n’a pas comparu ; M. G-H Z s’est opposé aux prétentions de la banque, arguant de la nullité de son engagement au visa de l’article L.341-2 du code de la consommation, et se prévalant de la limitation dans le temps de celui-ci.

Le tribunal de commerce d’Evreux par jugement rendu le 6 juin 2013, a

— déclaré recevables les demandes de la Banque Populaire de l’Ouest ;

— débouté M. G H Z de l’intégralité de ses demandes ;

— condamné M. X Z à payer à la Banque Populaire de l’Ouest la somme de 16 797,60 €, outre intérêts au taux contractuel à compter du 12 mars 2012, date du décompte et jusqu’à parfait paiement ;

— condamné M. G H Z à payer à la Banque Populaire de l’Ouest la somme de 16 797,60 €, outre intérêts au taux contractuel à compter du 12 mars 2012, date du décompte et jusqu’à parfait paiement ;

— dit que les intérêts échus des capitaux-(au taux légal ou contractuel mentionné dans le décompte)-porteront intérêts de la date du décompte (soit) jusqu’à complet paiement en vertu de l’article 1154 du code civil ;

— condamné solidairement Messieurs X et G H Z en tous les dépens.

M. X Z a interjeté appel à l’encontre de la Banque Populaire de l’Ouest, M. G-H Z a interjeté appel à l’encontre de M. X Z et de la Banque Populaire de l’Ouest ; les deux procédures ont été jointes.

***

M. X Z, aux termes de ses dernières écritures en date du 12 décembre 2013 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour, sous le visa des articles L.313-10, L.313-22, L.341-4 du code de la consommation et 1153 du code civil, infirmant le jugement entrepris et statuant à nouveau, de :

— constater que la Banque Populaire de l’Ouest ne justifie pas avoir déclaré sa créance et avoir été admise sur l’état des créances de la société DLB et en conséquence dire son action non fondée à son encontre ;

— dire que le cautionnement donné par X Z à la

Banque Populaire de l’Ouest est disproportionné et en conséquence

prononcer sa nullité ;

— débouter la Banque Populaire de l’Ouest de sa demande en paiement, en principal, intérêts et frais ;

— à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour considérerait la demande en paiement de la Banque Populaire de l’Ouest recevable et bien fondée, dire que la Banque Populaire de l’Ouest est déchue de son droit aux intérêts à compter de janvier 2009 et qu’aucun intérêt n’est dû pour la période du 16 janvier 2009 au 24 février 2009, et que les intérêts au taux légal ne pourront courir qu’à compter de la réception de la mise en demeure en date du 2 juin 2012 ;

— condamner la Banque Populaire de l’Ouest au paiement à M. X Z d’une somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance ainsi que ceux d’appel dont recouvrement direct.

***

M. G-H Z, aux termes de ses dernières écritures en date du 17 mars 2015 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour, sous le visa des articles L. 313-10, L.313-22, L.341-4 du code de la consommation, 1315 et 1153 du code civil, infirmant le jugement entrepris et statuant à nouveau, de

— à titre principal, dire que le cautionnement donné par M. G H Z à la Banque Populaire de l’Ouest est disproportionné et donc inopposable, et débouter la Banque Populaire de l’Ouest BRED de sa demande en paiement en principal, tant qu’en intérêts et accessoires ;

— à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour considérerait la demande en paiement de la Banque Populaire de l’Ouest recevable et bien fondée, dire que la Banque Populaire de l’Ouest est déchue de son droit aux intérêts à compter de janvier 2009 et qu’aucun intérêt n’est dû pour la période du 16 janvier 2009 au 24 février 2009, et que les intérêts au taux légal ne pourront courir qu’à compter de la réception de la mise en demeure en date du 2 juin 2012 sur la somme en principal de 14.791,86 € ;

— en tout état de cause condamner la Banque Populaire de l’Ouest au paiement à M. G-H Z d’une somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance ainsi que ceux d’appel dont recouvrement direct.

***

La Banque Populaire de l’Ouest, aux termes de ses dernières écritures en date du 10 avril 2015 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour, sous le visa de l’article 1134 du code civil, de :

— confirmer le jugement entrepris ;

— en conséquence, condamner M. G-H Z a payer à la société Banque Populaire de l’Ouest la somme de 16.797,60 € avec intérêts au taux contractuel à compter du 12 mars 2012, date du décompte, et jusqu’ à parfait paiement ;

— dire que les intérêts échus des capitaux – (au taux légal ou contractuel mentionné dans le décompte)- porteront intérêts de la date du décompte (soit) jusqu’à complet paiement en vertu de l’article 1154 du code civil ;

— condamner solidairement M. G-H Z et M. X Z au paiement de la somme de 2.000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans caution par application des dispositions des articles 514 et suivants du code de procédure civile ;

— condamner solidairement M. X Z et G-H Z en tous les dépens.

DISCUSSION

L’article L. 341-4 du code de la consommation dispose qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La Banque Populaire de l’Ouest prétend opposer à M. X Z et G-H Z leurs propres déclarations quant à leurs revenus et patrimoine ; mais cette référence est dénuée de toute pertinence, dès lors que les fiches de renseignements remplies par ceux-ci sont datées d’avril 2002 et sont ainsi antérieures de près de trois ans aux engagements de caution, et qu’il n’est ni établi ni même prétendu que M. G-H Z et M. X Z auraient été invités à les actualiser en considération de l’évolution de leur situation.

***

M. G-H Z et son épouse, en avril 2002, ne déclaraient aucun patrimoine, indiquaient bénéficier ensemble de revenus annuels de 303 881 F soit 3 860 € par mois, supporter le remboursement d’un crédit automobile sur lequel restait dû un capital de 80 000 F arrivant à échéance en 2006 et avoir 2 enfants à charge.

A la date de l’engagement, le couple n’était propriétaire d’aucun patrimoine, et percevait un revenu annuel de (16 157 +10472) soit 2 219 €/mois, pour assurer les charges de la vie courante d’une famille constituée de 4 personnes.

M. G-H Z se trouvait déjà engagé par un cautionnement consenti le 1er avril 2004 à Sodelem filiale du Crédit Mutuel à hauteur de la somme de 60 000 €, en garantie de la bonne exécution d’un crédit bail consenti à la société DLB dont les échéances mensuelles étaient de

387 000 x 1,3206% HT plus TVA, ainsi que par une reconnaissance de dette d’un montant de 60 000 € signée le 7 avril 2004 correspondant à un emprunt destiné à financer un placement exclusivement destiné à être nanti au bénéfice de Sodelem pour satisfaire aux exigences de cette dernière.

L’emprunt auprès de la Banque Populaire de l’Ouest, cautionné à hauteur de la somme de 34 000 €, représentait des échéances mensuelles de 1 261,23 €.

Ces éléments permettent de caractériser une disproportion manifeste à la date de l’engagement.

La Banque Populaire de l’Ouest ne rapporte pas le moindre commencement de preuve, dont la charge lui incombe, de ce que le patrimoine de M. G-H Z lui permettrait à la date à laquelle il est appelé, de faire face à son obligation. Le couple ne dispose pas davantage de patrimoine ; M. G-H Z justifie pour sa part de ce que le couple a perçu un revenu mensuel en 2012 de 4076,58 € et en 2014 de 3 297,45 € et supporte mensuellement des charges fixes à hauteur de 3 235 € uniquement pour l’entretien et la vie courante de la famille de 4 personnes ; dans le même temps les échéances du crédit bail cautionné s’élevaient mensuellement à 3 690,19 € HT, la Banque Populaire de l’Ouest a déclaré sa créance au passif de la SARL DLB pour la somme de 16 799,24 €.

Dans ces conditions, par application des dispositions de l’article L. 341-4 du code de la consommation, la Banque Populaire de l’Ouest ne peut se prévaloir de l’engagement de caution donné par M. G-H Z et doit en conséquence être déboutée de l’ensemble de ses prétentions à l’encontre de celui-ci ; le jugement sera réformé en ce sens.

***

M. X Z et son épouse en 2002 ne déclaraient aucun patrimoine, et indiquaient bénéficier ensemble de revenus annuels de 179 185 F soit 2 276 € par mois et avoir un enfant à charge.

Il justifie qu’à la date de son engagement, le couple percevait un revenu mensuel de (878,08 + 803,33) 1 681,41 €, ne disposait toujours d’aucun patrimoine et supportait toujours la charge de l’éducation et l’entretien d’un enfant.

L’emprunt cautionné à hauteur de la somme de 34 000 € représentait des échéances mensuelles de 1 261,23 €.

Les pièces produites aux débats démontrent que M. X Z était par ailleurs tenu par des engagements identiques à ceux de M. G-H Z.

Ces éléments permettent de caractériser une disproportion manifeste à la date de l’engagement.

La Banque Populaire de l’Ouest ne rapporte pas le moindre commencement de preuve, dont la charge lui incombe, de ce que le patrimoine de M. X Z lui permettrait à la date à laquelle il est appelé, de faire face à son obligation. Le couple ne dispose toujours d’aucun patrimoine ; M. X Z justifie pour sa part de ce que le couple perçoit un revenu professionnel mensuel de (1 287 + 867) 2 154 € et supporte désormais la charge de l’éducation et l’entretien de trois enfants ; il a été admis au bénéfice d’une procédure de surendettement en février 2014, les ressources toutes causes confondues étant mensuellement de 2 855,59 € et la capacité de remboursement ayant été fixée à la somme mensuelle de 113 €, pour un passif total de 117 089,89 €.

Dans ces conditions, par application des dispositions de l’article L. 341-4 du code de la consommation, la Banque Populaire de l’Ouest ne peut se prévaloir de l’engagement de caution donné par M. X Z et doit en conséquence être déboutée de l’ensemble de ses prétentions à l’encontre de celui-ci ; le jugement sera réformé en ce sens.

***

Le jugement sera réformé en ses dispositions relatives aux indemnités de procédure et dépens de première instance.

La Banque Populaire de l’Ouest supportera les entiers dépens, mais il n’y a pas lieu de prévoir l’allocation d’indemnités sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et, y ajoutant,

Déboute la Banque Populaire de l’Ouest de l’ensemble de ses prétentions à l’encontre de M. X Z et M. G-H Z sur le fondement de leur engagement de caution ;

Dit n’y avoir lieu à allocation d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Banque Populaire de l’Ouest aux entiers dépens de première instance, ainsi que ceux d’appel dont recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

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