Cour d'appel de Rouen, 18 février 2016, n° 14/00345

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, 18 févr. 2016, n° 14/00345
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 14/00345
Décision précédente : Tribunal de commerce de Rouen, 5 janvier 2014, N° 20136981

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 14/00345

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 18 FÉVRIER 2016

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2013 6981

TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 06 Janvier 2014

APPELANTE :

SARL C.B.I.

XXX

XXX

représentée par Me Marie-christine COUPPEY, avocat au barreau de ROUEN, postulant

assistée de Me WEDRYCHOWSKY, avocat au barreau d’ORLEANS, plaidant

INTIME :

Me Z Y – Mandataire judiciaire de Monsieur X C

XXX

XXX

XXX

Monsieur C X

né le XXX à BRIONNE

XXX

XXX

représentés et assistés de Me François AGUERA, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 10 Décembre 2015 sans opposition des avocats devant Monsieur FARINA, Président, en présence de Madame BERTOUX, Conseiller,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur FARINA, Président

Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller

Madame BERTOUX, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Mme JEHASSE, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 décembre 2015, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 février 2016, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 18 février 2016 .

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 Février 2016, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par le conseiller Madame BERTOUX pour le Président Monsieur FARINA, empêché et par Mme JEHASSE, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

Depuis le 2 octobre 1994 la société CBI exerce une activité de vente d’extincteurs, de matériels d’F et de sécurité .

En octobre 1994 M. X a conclu avec elle une convention d’agent commercial non formalisée par écrit.

M. X indique avoir fait valoir ses droits à la retraite en juin 2007 tout en poursuivant, dans un contexte de 'cumul emploi-retraite', son activité d’agent commercial pour le compte de la société CBI .

Depuis lors il n’a pas réglé les cotisations dues à l’URSSAF à raison de l’exercice de son activité d’agent commercial .

Au cours de leurs relations contractuelles M. X et la société CBI ont signé le 4 février 2008 un contrat écrit d’agent commercial.

Par lettre du 2 juillet 2012 (reçue le 5 juillet 2012 ) M. X a indiqué à la société CBI « notifier compte tenu de son âge et surtout des problèmes de santé… la rupture du contrat d’agent commercial » ;

N’obtenant pas le paiement des commissions afférentes aux trois mois ayant précédé la résiliation, M. X a assigné en référé le 17 septembre 2012 la société CBI en paiement de provisions ; le 24 septembre 2012 il s’est inscrit au registre du commerce à titre personnel pour exercer sous l’enseigne FBI une activité de vente

d’extincteurs .

A la suite du rejet des demandes qu’il avait présentées en référé il a assigné le 7 août 2013 la société CBI devant le tribunal de commerce de Rouen en sollicitant, le paiement de commissions et d’une indemnité de rupture de contrat ; la société CBI s’est portée demanderesse reconventionnelle en paiement d’indemnité pour actes de concurrence déloyale .

Par jugement du 6 janvier 2014, assorti du bénéfice de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce :

— a condamné la société CBI à payer à M. X avec intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2012 et capitalisation des intérêts, les sommes de :

—  22'291,54 euros pour commissions,

— de 256'731,81 euros pour indemnité de rupture de contrat,

—  3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— a dit que « les sommes ainsi libérées seront réglées au bénéficiairesdéduction faite de la somme de 94'164 euros due à l’URSSAF et mises sous séquestre » en l’étude de l’avocat de la société CBI ;

— s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Lille, pour connaître de l’action en concurrence déloyale.

Par acte du 6 juin 2014 la société CBI a interjeté appel de cette décision.

Par acte séparé elle avait formé contredit à l’encontre des dispositions du jugement déféré relatives à l’action en concurrence déloyale.

Par arrêt du 22 mai 2015 la cour d’appel a déclaré irrecevable le contredit, l’affaire devant être jugée dans son ensemble dans le cadre de l’appel interjeté contre le jugement déféré.

Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l’égard de M. X par jugement du 24 mars 2015.

Par conclusions du 10 juin 2015 la société CBI demande à la cour de :

— la recevoir en son appel pour la partie concernant la demande principale de M. X ,

— dire que la société CBI pourra séquestrer entre les mains de qui il appartiendra les commissions restant dues à M. X tant que celui-ci n’aura pas justifié de la régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux et notamment de l’URSSAF,

— Vu les articles 134 – 13 alinéa 2 du code de commerce et 1134 du Code civil,

— dire que M. X a, de sa propre initiative, rompu son contrat d’agent commercial en date du 4 février 2008,

— dire que M. X ne saurait invoquer ni son âge ni des raisons médicales puisqu’il a repris avant la date d’expiration de son préavis ( 5 octobre 2012 ) la même activité que précédemment, mais en qualité de commerçant, personne physique avec un début d’exploitation au 17 septembre 2012,

— débouter en conséquence M. X de sa demande d’indemnité compensatrice présentée au visa de l’article L 134 – 12 du code de commerce,

— faire au contraire application de l’article L 134 – 13 du code de commerce en ce qu’il précise que la réparation prévue à l’article L 134 – 12 n’est pas due lorsque la cessation du contrat résulte de l’initiative de l’agent commercial,

— inscrire au passif de M. X la somme de 118'231,55 euros correspondant à la restitution des sommes prélevées par M. X dans le cadre de la saisie attribution effectuée le 11 mars 2014,

— inscrire au passif de M. X les intérêts sur cette somme à hauteur de 10'000 euros sauf à parfaire .

— recevoir la société CBI en sa demande reconventionnelle

— dire n’y avoir lieu à application de l’article L 422 – 6 du code de commerce au regard de la demande tendant à sanctionner la concurrence déloyale de M. X,

— infirmer le jugement entrepris,

— et statuant à nouveau,

— Vu l’article 1147 du Code civil à titre principal, et subsidiairement l’article 1382 du Code civil,

— dire à titre principal, que ce soit à raison du non-respect de la clause de non-concurrence prévue à l’article 4 du contrat (article 1147 du Code civil et suivants ) et, en tout état de cause, au visa de l’article 1382 du Code civil, que M. X a commis des actes de concurrence déloyale (article 1147 du Code civil) ou encore subsidiairement des actes de concurrence déloyale (article 1382 du Code civil) vis-à-vis de la société CBI en pillant et démarchant systématiquement, par des procédés déloyaux, la clientèle de celle-ci, en créant la confusion entre son enseigne et celle de la société CBI,

— inscrire au passif de M. X pour les causes sus énoncées la somme de 300'000 euros correspondant à la réparation du préjudice commercial,

— inscrire au passif de M. X les frais et dépens ainsi que la somme de 20'000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Par conclusions du 23 novembre 2015 M. X et Me Y Z es qualités demandent à la cour de :

— rejeter les demandes de la société CBI ,

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf à condamner la société CBI à verser au redressement judiciaire de M. X les sommes auxquelles elle a été condamnée par le premier juge en ce compris celles dont les premiers juges avaient ordonné la consignation,

— y ajoutant,

— condamner la société CBI aux dépens et au paiement de la somme de 4500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé plus ample des faits , de la procédure , des prétentions et des moyens des parties , la cour se réfère à la décision déférée et aux conclusions susvisées.

L’ordonnance de clôture été rendue le 10 décembre 2015.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

I ) Sur la demande relative à l’indemnité de rupture

Attendu que M. X sollicite sur le fondement des articles L. 134 – 12 et L. 134 – 13 2 ° du code de commerce le paiement d’une indemnité de rupture de contrat d’agent commercial ;

Qu’au soutien de sa demande il fait valoir principalement que :

— du 6 septembre 1994 au 2 juillet 2012, soit pendant 18 années consécutives, sans période d’interruption ni de suspension il a été l’agent commercial de la société CBI ,

— il a accompli durant ces années un travail éreintant qui l’a usé, passant ses semaines à sillonner les routes de France pour vendre des extincteurs, parcourant ainsi plus de 100'000 km par an,

— en raison de son âge ( 65 ans ans révolus ) et de son état de santé il a pris, le 2 juillet 2012, l’initiative de rompre le contrat d’agent commercial,

— son médecin qui, dans le courant de l’année 2012, l’avait sérieusement alerté sur son état de santé et lui avait prescrit des antidépresseurs, a établi successivement :

— en juin 2012 un certificat médical, mentionnant l’incompatibilité de l’état de santé avec la poursuite de l’exécution du contrat,

— et le 2 juillet 2012, un certificat d’arrêt de travail d’une durée d’un mois pour « syndrome anxio- dépressif. Épuisement. » ;

— confronté au refus de la société CBI de lui payer les commissions ainsi qu’ une indemnité de rupture il a été contraint en l’absence de ressources et alors qu’il était débiteur d’un important arriéré envers l’URSSAF, de reprendre une activité professionnelle de vendeur itinérant ;

— aprés en avoir menacé la société CBI, il s’est inscrit au registre du commerce pour exercer à titre personnel une activité de vente d’extincteurs ;

— cette circonstance ne le prive pas du droit à indemnité de rupture dès lors que

c’est parce que la société CBI l’a placé dans une impasse financière qu’il a été contraint de reprendre une activité rémunérée,

— par ailleurs la société CBI ne saurait, pour s’opposer au paiement d’une indemnité de rupture invoquer la faute commise par l’agent commercial en ne réglant pas ses cotisations URSSAF,

— cette faute ne le prive de son droit à indemnité dès lors que :

— cette circonstance ne présente pas un degré suffisant de gravité pour justifier la rupture du contrat aux torts de l’agent commercial,

— en outre, alors que le droit à indemnité de rupture était né depuis la date de la notification de la rupture, ce n’est que postérieurement à celle-ci que la société CBI a fait état d’un manquement contractuel ;

— compte tenu des termes de l’article 134 – 13 – 2 du code de commerce l’exception visée par ce texte et portant sur la maladie de l’agent commercial, n’est pas réservée à l’agent devenu « grabataire » ; elle concerne tout agent dont l’état de santé ne lui permet pas de poursuivre raisonnablement son activité,

— ainsi l’agent peut dénoncer le contrat sans perdre son droit à indemnité si la poursuite de son activité comporte un réel danger pour sa santé, ce qui est précisément son cas ;

Attendu que pour s’opposer à la demande en paiement d’indemnité de rupture la société CBI fait valoir essentiellement que :

— le fait pour M. X d’avoir en cours de préavis commencé l’exercice d’une nouvelle activité professionnelle similaire à celle qu’il exerçait pour le compte de la société CBI montre que son âge et son état de santé n’étaient pas incompatibles avec la poursuite du contrat d’agent commercial,

— les ordonnances médicales qu’il produit et qui consistent essentiellement en des prescriptions de médicaments et en un certificat médical imprécis ne prouvent pas l’incompatibilité alléguée,

— il s’en déduit que le motif de cessation d’activité invoqué ne correspond pas à la réalité,

— en conséquence M. X qui a pris l’initiative de la rupture et qui ne peut justifier de l’un des motifs exceptés prévus par l’article L. 134 – 13 du code de commerce ne peut prétendre à une indemnité de rupture,

— en réalité ce n’est que lorsque la société CBI lui a demandé de justifier qu’il était en règle avec URSSAF que M. X a préféré pour éviter toute discussion sur la réalité de sa situation, démissionner et imaginer de dire qu’il était malade ;

— contrairement à ce que soutient M. X, elle ne l’a pas empêché de poursuivre son activité d’agent commercial,

— ayant reçu, de l’URSSAF, notification de son obligation solidaire à paiement des cotisations impayées, elle a seulement demandé à M. X de justifier de la régularisation de sa situation envers cet organisme,

— en outre M. X exerce une nouvelle activité professionnelle qui lui procure d’importants revenus en sorte qu’il ne justifie pas d’un préjudice résultant de la rupture,

Attendu cela exposé, que selon les dispositions de l’article 134 – 12 du code de commerce : « en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi » ;

Que ce texte pose le principe du droit de l’agent commercial à indemnité compensatrice de préjudice en cas de cessation de ses relations avec le mandant ;

Attendu que l’article 134 – 13 du même code dispose que : « la réparation prévue par l’article 134 – 12 n’est pas due dans les cas suivants :

—  2 ° la cessation du contrat résulte de l’initiative de l’agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial par suite desquels la poursuite de son activité ne plus être raisonnablement exigée » ;

Attendu que de ces dispositions il ressort que, dans l’hypothèse où la cessation du contrat est à l’initiative de l’agent, l’indemnité compensatrice est due si son âge et / ou les autres circonstances particulières de sa situation personnelle sont telles que son mandant ne peut plus raisonnablement exiger de lui la poursuite de son activité ;

Qu’il appartient à l’agent commercial de justifier de l’existence de circonstances d’âge ou de maladie visées à l’article L. 131 – 13 .

Que c’est du jour où l’agent commercial prend l’initiative de rompre le mandat, ou au plus tard à la date d’effet de cette rupture, que doivent exister les circonstances d’âge ou de maladie visées par l’article L. 134 – 13 du code de commerce (Com.8 février 2011) ;

Attendu en l’espèce que par lettre en date du 2 juillet 2012 M. X a notifié en ces termes à la société CBI la rupture du contrat d’agent commercial :

— « je suis contraint de vous notifier par la présente la rupture du contrat d’agent commercial qui nous lie, ce compte tenu de mon âge et surtout de mes problèmes de santé que je rencontre (que vous connaissez d’ailleurs) mais qui s’aggravent .

Mon médecin m’a très sérieusement mis en garde des graves risques que j’encours si je continue mon activité.

Je vais faire le maximum pour honorer les trois mois de préavis que je vous dois malgré l’avis contraire de mon médecin, mais je ne peux vous assurer que j’y parviendrai jusqu’à son terme » ;

Attendu que le préavis dû par M. X était de trois mois et prenait fin le 5 octobre 2012 ;

Que le 17 septembre 2012 soit pendant le cours du préavis, M. X s’est inscrit au registre du commerce pour exercer à titre personnel une activité de « vente d’extincteurs et de tout ce qui se rapporte à la sécurité F » ; que depuis lors il a développé une activité de vente d’extincteurs .

Attendu que la société CBI considère que le fait que depuis le 17 septembre 2012 M. X exerce une activité professionnelle de vendeur itinérant, nécessitant comme ses précédentes fonctions d’agent commercial, des déplacements en véhicule, retire toute crédibilité et pertinence au motif d’ordre médical mentionné dans la lettre de rupture du 2 juillet 2012 ;

Qu’elle en déduit que les conditions d’application de l’article L 134 – 13 du code de commerce ne sont pas réunies, M. X ne prouvant pas que l’ âge ou la maladie l’aient raisonnablement empêché de poursuivre son activité d’agent commercial ;

Attendu qu’en réponse à ce moyen M. X fait valoir :

— d’une part qu’au moment de la rupture du contrat il était âgé de plus de 65 ans et qu’il justifie par les pièces médicales produites de la réalité de la raison médicale invoquée,

— et d’ autre part qu’en refusant de lui payer ses commissions et une indemnité de rupture, la société CBI l’a placé dans une situation matérielle délicate au point que, malgré les avertissements donnés par son médecin, il a dû reprendre une activité professionnelle pour subvenir à ses besoins ;

Attendu qu’à la date de l’envoi de la lettre de rupture M. X était âgé de 65 ans ; qu’au soutien de sa demande il produit plusieurs documents médicaux et

en particulier :

— des ordonnances de son médecin traitant, en date des 8 juin et 3 septembre 2012, portant prescription de médicaments et notamment d’un anxiolytique et d’un antidépresseur,

— un certificat médical du 26 juin 2012 par lequel ce médecin indique que : l’état de santé de M. X est « incompatible avec la poursuite de son travail d’agent commercial (vente d’extincteurs sur le territoire français) » ;

— un certificat médical d’arrêt de travail du 1er juillet 2012 comportant des énonciations suivantes « syndrome anxio – dépressif. Épuisement » ;

Attendu que M. X produit également des ordonnances médicales des 23 novembre 2012, 1er mars et 23 mai 2013 qui montrent la persistance de la fragilité psychologique ainsi relevée à partir de juin 2012 ;

Attendu que les documents médicaux ci-dessus analysés mettent en évidence une situation personnelle d’âge et de fragilité psychologique en raison de laquelle il n’était pas raisonnable, pour la santé de M. X, de lui imposer de poursuivre son contrat d’agent commercial ;

Attendu que le moyen tiré de la reprise d’une activité professionnelle doit être examiné à la lumière à la fois des données particulières à la situation d’âge et d’état de santé susvisée et des circonstances qui ont conduit M. X à reprendre une activité ;

Attendu sur ce point, que les pièces produites et en particulier la lettre de la société CBI du 10 août 2012 font ressortir que la décision de M. X d’exercer une nouvelle activité professionnelle s’inscrit dans un contexte de contrainte matérielle imputable en partie à sa mandante ;

Attendu que par ce courrier la société CBI écrivait à M. X : « dans la mesure où vous n’avez pas encore justifié de votre inscription au registre spécial des agents commerciaux et être en règle avec les organismes fiscaux et sociaux il nous est impossible de continuer notre collaboration.

À l’instant où vous nous apporterez la preuve que vous avez satisfait à toutes vos obligations, nous vous remettrons tout le stock que vous désirez ainsi que vos commissions » ;

Attendu que par ce courrier la société CBI notifie à M. X son refus de principe, sauf justificatifs à lui apporter, :

— d’une part de payer les commissions d’un montant non contesté de 22'291,54

euros ,

— et d’autre part de lui permettre d’exécuter pendant son préavis son activité d’agent commercial, source de revenus ;

Attendu que M. X a assigné le 17 septembre 2012 la société CBI en référé

pour l’obtention d’une provision au titre des commissions, sollicitant également, par conclusions ultérieures, une provision au titre de l’indemnité de rupture ;

Attendu il y a lieu de relever que si, au 10 août 2012, date du courrier susvisé, la société CBI s’était vue notifier par l’URSSAF l’obligation de régler les cotisations dues par M. X, il reste que de son côté, alors qu’elle n’avait effectué aucun règlement à ce titre, elle était débitrice envers M. X, d’une créance certaine et exigible au titre des commissions ;

Attendu en outre que sans avoir jusqu’alors notifié de rupture du contrat d’agent commercial, pour manquement contractuel, la société CBI s’est opposée au règlement d’une indemnité de résiliation ;

Qu’elle fait valoir que par courrier du 25 novembre 2010, elle avait demandé à M. X de justifier qu’il était à jour de ses cotisations URSSAF ;

Mais attendu que M. X conteste avoir reçu ce courrier ; que la société CBI ne justifie pas de l’envoi de celui-ci ;

Qu’à supposer que le courrier du 10 août 2012 s’analyse en la notification d’un manquement contractuel il n’est pas établi que celui-ci, à savoir le défaut de paiement des cotisations URSSAF, et d’inscription au registre spécial des agents commerciaux, porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun au point de rendre impossible la poursuite du lien contractuel ; qu’il convient de relever à cet égard que, selon les termes de son courrier, la société CBI considérait que la situation pouvait être régularisée, la poursuite du contrat étant évoquée par elle dans cette hypothèse ; que la faute considérée ne constitue donc pas une faute grave de nature à justifier la privation d’une indemnité de rupture ;

Attendu que l’ensemble de ces éléments fait ressortir que, dans une situation d’âge et de fragilité psychologique qui ne permettait plus d’exiger de lui la poursuite de ses fonctions d’agent commercial, M. X, confronté à une situation financière délicate, liée principalement au défaut de paiement des commissions et d’une indemnité de rupture, s’est trouvé contraint de reprendre une activité professionnelle ;

Que compte tenu des développements qui précèdent les conditions d’ouverture au droit à indemnité de rupture sont remplies, le moyen tiré de l’exercice d’une nouvelle activité professionnelle n’étant pas de nature à retirer leur force probante aux pièces médicales produites ;

Attendu que la société CBI fait valoir également que M. X a commis une faute

en s’inscrivant au registre du commerce pour l’exercice d’une nouvelle activité alors que le délai de préavis n’était pas expiré ;

Mais attendu que dans les circonstances de fait ci-dessus développées, le fait pour M. X d’avoir repris une activité professionnelle ne saurait constituer une faute grave, justifiant la privation de l’indemnité compensatrice légalement prévue ;

Attendu que la société CBI fait valoir en outre que M. X ne subit aucun préjudice dans la mesure où à compter du 17 septembre 2012 il a exercé une nouvelle activité commerciale qui lui procure selon elle d’importants revenus ;

Mais attendu que l’indemnité est due à l’agent commercial du fait de la cessation du contrat d’agent commercial ;

Que la rupture du contrat d’agent commercial dans les conditions visées à l’article L.134-13 du code de commerce ouvre droit, au profit de M. X, à l’indemnité prévue à l’article L.134- 12 du même code ;

Qu’en conséquence et dans le contexte ci-dessus analysé, l’exercice ultérieur par M. X, d’une activité rémunératrice est sans incidence sur le principe et le montant de son droit à indemnité de cessation de contrat d’agent commercial ;

Attendu que compte tenu des développements qui précèdent la demande en paiement d’une indemnité de rupture est fondée en son principe ;

Attendu que le montant de l’indemnité compensatrice n’est pas, lui-même discuté sauf à rappeler que le moyen tiré de l’absence de préjudice a été ci-dessus écarté ;

Attendu que la demande en paiement d’indemnité compensatrice de M. X est donc justifiée ; que le jugement déféré sera confirmé quant au principe et au montant d’une indemnité de résiliation ; que les intérêts de la créance d’indemnité de rupture sont dus à compter de la date du jugement déféré qui en a retenu le principe et le montant ;

II ) Sur la demande relative aux commissions

Attendu que M. X soutient que la société CBI lui doit des commissions d’un montant de 21 291, 54 euros ; qu’il demande à la cour de confirmer le jugement déféré sauf à condamner la société CBI à verser à Me Y Z es qualités les sommes auxquelles elle a été condamnée par les premiers juges en ce comprises les sommes dont ils avaient ordonné la consignation ;

Attendu que la société CBI expose que :

— elle s’est vue notifier par l’URSSAF l’obligation solidaire de payer des cotisations dues par M. X,

— en conséquence si l’obligation à paiement de commissions n’est pas contestée dans son principe et son montant, elle est en droit de demander que les sommes correspondantes soient séquestrées en vue du paiement à l’URSSAF à due – concurrence ;

Attendu que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a admis le principe et le montant en principal et intérêts de la créance de commissions invoquée ;

III ) Sur la demande de mise en place d’un séquestre

Attendu que les créances de commissions d’agent commercial et d’indemnité de rupture sont exigibles à l’égard de la société CBI, caractère que ne présente pas dans les rapports entre M. X et la société CBI la créance invoquée par celle-ci ;qu’il convient en conséquence, rejetant la demande de séquestre, de retenir les modalités de règlement sollicitées, dans leurs conclusions, par M. X et Me Y Z es qualités;

IV ) Sur la demande reconventionnelle,

A ) Sur la compétence

Attendu que le premier juge a soulevé d’office le moyen selon lequel, en application de l’article L 442 – 6 du code de commerce, texte d’ordre public, l’action en concurrence déloyale engagée par la société CBI relevait de la compétence du tribunal de commerce de Lille, juridiction spécialisée en matière de contestation des pratiques restrictives de concurrence ;

Que la société CBI demande l’infirmation de ces dispositions ;

Attendu que la société CBI a engagé contre M. X une action en concurrence déloyale à titre principal sur le fondement de l’article 1147 du Code civil et subsidiairement de l’article 1382 du même code ;

Qu’elle reproche principalement à M. X d’avoir commis des actes de concurrence déloyale par démarchage systématique de sa clientèle, d’avoir créé un risque de confusion entre son enseigne et celle de la société CBI ;

Attendu qu’il n’est pas établi ni allégué que ces faits caractérisent en eux-mêmes une pratique restrictive de concurrence au sens de l’article L .442 – 6 du code de commerce ;

Que le tribunal de commerce de Rouen était donc compétent pour connaître de l’action en concurrence déloyale ; que le jugement déféré sera infirmé de ce chef ;

B ) Sur le fond

Attendu qu’au soutien de ses prétentions la société CBI fait valoir principalement que :

— au mépris tant de la clause de non-concurrence prévue par l’article 4 du contrat d’agent commercial du 4 février 2008 et valable ( en ce qu’elle est limitée dans le temps, dans l’espace et quant à l’activité ) et subsidiairement, que de son obligation générale de non-concurrence, M. X a, avant même la fin de son contrat d’agent commercial, développé une activité similaire à celle de la société CBI ;

— il a utilisé une enseigne ( FDI ) proche de celle de la société CBI, et des documents commerciaux dont la présentation prête à confusion avec ceux de la société CBI ;

— sur les bons de commande de FDI et CBI le nom de l’entreprise est placé au même endroit et avec les mêmes couleurs apparentes ;

— par la confusion ainsi entretenue il a capté la clientèle de la société CBI, en entretenant une confusion entre les deux enseignes,

— en outre, M. X qui connaissait les prix pratiqués par la société CBI était à même, de proposer des prix moindres,

— il a commandé les matériels chez le même fournisseur que la société CBI ,

Attendu que pour s’opposer à la demande M. X fait valoir principalement que :

— la clause de non-concurrence du contrat en date du 4 février 2008 ne peut s’appliquer dès lors que :

— la clause est nulle car elle n’est pas limitée dans l’espace,

— le contrat qui la contient n’est jamais entré en vigueur, son application étant subordonnée à l’inscription de M. X au registre des agents commerciaux, ce qui n’a pas été fait,

— l’interdiction vise une catégorie précise de clients qui n’ont pas été démarchés par M. X après la cessation du contrat d’agent commercial ;

— la comparaison des documents commerciaux des deux entreprises montre l’absence de similitude et de risque de confusion,

— il n’achète pas chez le même fournisseur que la société CBI les extincteurs qu’il commercialise ;

— les difficultés financières rencontrées par la société CBI avaient commencé en 2005, la situation ayant continué ensuite à se dégrader avant le mois de juillet 2012 ;

Attendu, cela exposé, que la clause de non-concurrence invoquée par la société CBI est ainsi rédigée :

— « l’agent commercial, pendant la durée du contrat et deux ans après sa fin, pour quelque cause que ce soit, s’interdit de représenter chez les clients appartenant à la société CBI et qui lui ont été confiés pour l’aider dans sa prospection directement ou indirectement tous produits concurrents des produits visés au présent contrat et plus généralement exercer par quelque moyen que ce soit une concurrence à l’égard de la société CBI »;

Que selon les dispositions de l’article L. 134 – 14 du code de commerce :

« le contrat peut contenir une clause de non-concurrence.

Cette clause doit être établie par écrit et concerner le secteur géographique et le cas échéant le groupe de personnes confiés à l’agent commercial ainsi que le type de biens ou de services pour lesquels il exerce la représentation aux termes du contrat » ;

Attendu que depuis l’année 1994, M. X exerçait exclusivement une activité en matière de vente d’extincteurs ; que dans ce contexte, l’absence de limitation géographique et l’interdiction générale de faire, par quelque moyen que ce soit, concurrence à la société CBI aboutit à l 'empêcher d’exercer à la fin du contrat sa profession ou toute activité professionnelle similaire ;

Qu’ en conséquence, faute de délimitation territoriale définie, la clause de non-concurrence invoquée ne répond pas aux exigences des textes susvisés ; qu’elle ne peut recevoir application ;

Attendu en outre qu’alors que la stipulation contractuelle porte sur l’interdiction de représenter chez les clients appartenant à la société CBI et qui ont été confiés à M. X pour l’aider dans sa prospection, il n’est pas contesté qu’en juillet 2012 la clientèle qu’il avait constituée pour le compte de la société CBI était différente de celle qui lui avait été confiée à ses débuts en 1994 ;

Que compte tenu de ce qui précède le moyen tiré d’une interdiction contractuelle d’exercer une activité concurrente n’est pas fondé ;

Attendu sur l’action en concurrence fondée sur les dispositions de l’article 1382 du Code civil qu’ en application du principe de la liberté du commerce, le démarchage de la clientèle d’autrui qui ne s’accompagne pas d’un acte déloyal est libre ( Com 24 octobre 2000) ;

Que sauf à démontrer l’existence de manoeuvres déloyales, aucun mandant ne saurait faire échec au droit de tout agent commercial, qui n’est pas lié à lui et qui n’est débiteur d’aucun engagement valable de non-concurrence d’exercer une activité contractuelle concurrente de la sienne et ce, quelles que soient, pour son mandant, les répercussions de cette nouvelle activité sur une clientèle dont la liberté reste entière ;

Attendu qu’il appartient en conséquence à la société CBI d’établir que dans l’exercice d’une activité concurrente de la sienne, M. X a effectué des actes déloyaux ;

Attendu sur la confusion invoquée que le rapprochement des documents commerciaux respectifs de l’entreprise FDI et de la société CBI montre qu’en raison en particulier des caractères d’ imprimeries et des couleurs respectivement employés, l’impression d’ensemble laissée par ces documents n’est pas de nature à créer un risque de confusion entre les deux enseignes ;

Que le nom lui-même de l’entreprise créée par M. X est différent, les documents commerciaux développant le nom de celle-ci en énonçant X C F ;

Que compte tenu de l’objet spécifique de l’activité exercée, la présence d’un dessin d’extincteur sur le papier à en-tête de l’entreprise FDI ne crée pas en elle-même de confusion, dès lors que les dessins figurant respectivement sur les documents commerciaux de chacune des entreprises FBI et CBI sont différents ;

Attendu, concernant le moyen pris de l’achat de matériels auprès du même fournisseur que la société CBI ne produit aucun élément de preuve à l’appui de cette affirmation tandis que de son côté M. X verse aux débats plusieurs documents émanant de son fournisseur, lequel est distinct de celui de la société CBI ;

Que M. X a créé une entreprise immatriculée au registre du commerce, et a vendu des matériels provenant d’un autre fournisseur que celui de la société CBI ; que les réponses au questionnaire adressé par celle-ci à ses clients et les documents commerciaux de l’entreprise FDI, différents de ceux de la société CBI , montrent que M. X s’est présenté aux clients comme représentant de l’entreprise FDI ;

Attendu en outre, concernant la clientèle de l’entreprise FDI, que M. X verse aux débats une liste de 16 pages intitulée ' Prospects . Nouveaux clients depuis fin 2012", comprenant environ 400 noms ; que cette liste, qui montre que si M. X s’est adressé à des clients de la société CBI il a également créé une nouvelle clientèle, n’a fait en elle même l’objet d’aucune contestation ou démenti de la part de la société CBI ;

Que la société CBI ne démontre pas que la constitution de clientèle s’est accompagnée de manoeuvres déloyales, et n’apporte la preuve d’aucun fait précis de concurrence déloyale ;

Attendu, sur le fait d’avoir créé une société concurrente avant la fin du contrat d’agent commercial que, compte tenu des raisons qui ont amené M. X à exercer une activité professionnelle à compter du 17 septembre 2012 cette création ne peut être considérée comme fautive à l’égard de la société CBI ;

Que les pièces produites et en particulier le courrier du 10 août 2012 par lequel la société CBI a refusé le règlement des commissions dues, montrent que la décision de commencer dès le 17 septembre 2012 l’exercice d’une nouvelle activité professionnelle s’explique en partie par ce refus, alors que M. X disposait vis à vis de son mandant d’une créance de commissions certaine et exigible ;

Attendu que compte tenu des développements qui précèdent l’action en concurrence déloyale engagée par la société CBI n’est pas fondée ; qu’elle ne peut aboutir ;

V ) Sur les autres demandes

Attendu que la société CBI demande à la cour d’ordonner la restitution de sommes versées en exécution du jugement déféré ;

Mais attendu que les demandes de M. X relatives aux créances de commissions et d’indemnité de rupture étant justifiées, la demande de restitution ne peut aboutir ;

Attendu que l’équité commande :

— d’allouer à M. X la somme de 2500 euros pour frais non répétibles d’appel,

— de rejeter la demande en paiement formée par la société CBI pour frais non répétibles,

— et de confirmer les dispositions du jugement déféré quant à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Attendu qu’en application de l’article 696 du code de procédure civile les dépens seront mis à la charge de la société CBI ;

Par ces motifs

La cour

Statuant contradictoirement et par décision mise à disposition au greffe

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne :

— le point de départ des intérêts de la créance d’indemnité de rupture,

— les modalités de paiement des commissions et de l’indemnité de rupture,

— la mise en place d’une mesure de séquestre,

— la demande reconventionnelle en indemnisation d’actes de concurrence déloyale,

Statuant de nouveau des chefs infirmés,

Déclare la société CBI recevable mais mal fondée en sa demande de mise sous séquestre de la créance de M. X ,

L’en déboute

Dit que le tribunal de commerce de Rouen était compétent pour connaître de la demande reconventionnelle en indemnisation d’actes de concurrence déloyale,

Déclare la société CBI recevable mais mal fondée en sa demande d’indemnisation pour actes de concurrence loyale,

L’en déboute

Condamne la société CBI à payer à Me Y Z es qualités de mandataire judiciaire à la procédure collective de M. X les sommes de :

—  22 291, 54 euros, au titre des commissions, avec intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2012, et capitalisation des intérêts,

—  256 731', 81 euros, au titre de l’indemnité de résiliation, avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement déféré et capitalisation des intérêts,

Y ajoutant,

Condamne la société CBI à payer à M. X la somme de 2500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent dispositif

Condamne la société CBI aux dépens d’appel dont distraction au profit de l’avocat de M. X dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Rouen, 18 février 2016, n° 14/00345