Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 6 février 2020, n° 17/03115

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. soc., 6 févr. 2020, n° 17/03115
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 17/03115
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Rouen, 14 mai 2017
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 17/03115 – N° Portalis DBV2-V-B7B-HRDX

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 06 FEVRIER 2020

DÉCISION

DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 15 Mai 2017

APPELANTE :

Madame X Y

[…]

[…]

présente

représentée par Me Julien DETTORI, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Bérengère MOULIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SAS HYGECO POST MORTEM ASSISTANCE

[…]

[…]

représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Fabien BLONDELOT, avocat au barreau de l’AUBE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 07 Janvier 2020 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Monsieur TERRADE, Conseiller

Madame BACHELET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme LAKE, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 07 Janvier 2020, où l’affaire a été mise en délibéré au 06 Février 2020

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 06 Février 2020, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme COMMIN, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme X Y a été engagée par la société Hygeco Post Mortem Assistance (PMA) en qualité de thanatopracteur par contrat de travail à durée indéterminée du 20 février 2013 à effet au 25 février 2013.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective des Pompes funèbres.

Par lettre du 12 novembre 2014, Mme X Y a mis un terme à la relation contractuelle à effet à l’issue d’un préavis d’un mois.

Mme X Y a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen le 25 mars 2015 afin que la rupture du contrat de travail soit requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 15 mai 2017, le conseil de prud’hommes a débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes et mis les dépens à sa charge.

Mme X Y a interjeté appel le 16 juin 2017.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 31 décembre 2019, auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des moyens, Mme X Y demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, de :

— Avant dire droit, ordonner la production par la société Hygeco PMA des décomptes journaliers informatisés de l’enregistrement du temps de travail du 20 février 2013 au 14 novembre 2014 sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

— En tout état de cause,

• dire nulle et de nul effet la clause contractuelle de forfait mensuel de 55 IFT et toute opération en rapport avec l’activité thanatopraxie,

• dire inopposable l’accord collectif du 2 mai 2013,

• requalifier la démission du 12 novembre 2014 en prise d’acte de la rupture produisant les effets d’un licenciement nul,

• ordonner la remise d’une attestation Pôle emploi conforme mentionnant comme dernier jour travaillé le 14 novembre 2014 et les salaires des douze derniers mois civils complets précédant le dernier jour travaillé et un certificat de travail conforme mentionnant 29,55 heures de DIF

• condamner la société Hygeco PMA à lui payer les sommes suivantes avec intérêts légaux à compter de la réception par la partie adverse de la convocation en bureau de conciliation et capitalisation des intérêts :

• heures supplémentaires : 5 764 euros

• congés payés afférents : 576,40 euros

• indemnité de repos compensateur : 2 882 euros

• dommages et intérêts pour préjudice de santé et exécution déloyale du contrat de travail : 10 000 euros

• indemnité pour travail dissimulé : 16 964,64 euros

• dommages et intérêts pour licenciement nul : 33 924 euros

• dommages et intérêts pour remise de documents de fin de contrat non conformes : 5 000 euros

• indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées le 3 janvier 2020, auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des moyens, la société Hygeco PMA demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Mme X Y de l’ensemble de ses demandes, de la condamner à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 7 janvier 2020, avant l’ouverture des débats.

La société Transports Piscopello a été autorisée à produire par une note en délibéré soumise à la partie adverse, le justificatif du dépôt de l’accord du 2 mai 2013 auprès du conseil de prud’hommes compétent.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour observe que, saisi d’un incident aux termes duquel Mme X Y sollicitait que soit ordonnée la production par l’employeur des décomptes journaliers informatisés de l’enregistrement du temps de travail du 20 février 2013 au 14 novembre 2014, le magistrat chargé de la mise en état n’a pas statué avant l’ouverture des débats sur le fond.

Néanmoins, en accord avec les parties, manifesté avant l’ouverture des débats, il a été décidé de joindre cet incident au fond au motif que la même demande était présentée par la salariée avant dire droit devant la juridiction du fond.

- Sur la demande présentée avant dire droit

Mme X Y a sollicité la production par l’employeur des décomptes journaliers informatisés de l’enregistrement du temps de travail du 20 février 2013 au 14 novembre 2014 sous astreinte au regard de la charge de la preuve incombant à la partie intimée relative à la preuve du temps de travail journalier, hebdomadaire et annuel.

En matière d’heures supplémentaires, la charge de la preuve n’incombe spécialement à aucune des parties, l’employeur devant être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier des horaires

effectivement réalisés par le salarié, lequel doit fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer la demande.

En l’espèce, Mme X Y présente un tableau des heures supplémentaires qu’elle soutient avoir accompli aux termes desquels se cumulent 309 heures supplémentaires de mars 2013 à décembre 2014.

Il résulte des éléments du débat et il n’est pas discuté que le 31 janvier 2014, l’employeur a admis par écrit que la salariée disposait d’un crédit de 321 heures, document que la salariée a signé et aux termes duquel elle a souhaité être rémunérée à hauteur de 160 heures, le solde étant pris en repos.

Pour l’année 2014, il est produit par la salariée un récapitulatif annuel émanant de l’employeur décomptant pour chaque semaine le nombre d’heures travaillées et le cumul sur l’année dont la comparaison avec le décompte produit par la salariée dans ses écritures révèle qu’il est plus favorable que ce qu’elle soutient avoir accompli au titre des heures supplémentaires.

Ainsi, sur l’ensemble de la période, la cour dispose de tous les éléments pour statuer sur la demande et vérifier si la salariée a été remplie de ses droits en terme de majoration et de compensation des heures supplémentaires accomplies, de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de production sollicitée, ce d’autant que l’employeur indique dans ses écritures ne plus disposer des documents dont la production est réclamée.

- Sur les demandes au titre de l’exécution du contrat de travail

I – temps de travail

Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties, l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié.

Il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer la demande.

Mme X Y a été engagée en qualité de thanatopracteur à compter du 25 février 2013.

Le contrat de travail prévoit qu’elle travaille selon des horaires de travail 'conformes aux dispositions actuellement en vigueur au sein de l’entreprise', rémunérée sur la base d’un forfait mensuel de 55 IFT et toute opération en rapport avec l’activité de thanatopraxie, moyennent un salaire de base brut mensuel pour 152h25 de 2 200,35 euros, auquel s’ajoutent des astreintes puisqu’il est rappelé que les services d’hygiène mortuaire et thanatopraxie sont assurés tous les jours de l’année à tous les horaires et, au-delà de 55 IFT par mois, est appliqué un forfait de 16,50 euros par soin, étant précisé que les services assurés les dimanches et jours fériés seront récupérés.

Le contrat de travail précise que la convention collective applicable est celle de la pompe funèbre et qu’il est soumis à l’accord d’entreprise des entreprises de thanatopraxie du 16 avril 1992 et de son avenant du 3 octobre 2012.

Il résulte des bulletins de salaire que Mme X Y a été rémunérée mensuellement sur

la base d’une durée de travail de 152,25 heures.

La salariée considère qu’il n’est pas justifié par l’employeur d’un accord d’annualisation du temps de travail permettant tout au plus une variation du temps de travail dans les limites de 31 heures et 39 heures, soit un nombre d’heures, au-delà de la durée légale hebdomadaire, inférieur ou égal à 70 heures par an, alors même que l’employeur ne justifie pas de l’applicabilité de l’accord d’entreprise du 2 mai 2013 qu’il invoque.

Par ailleurs, elle indique que le décompte de son temps de travail a été opéré sur le mois alors qu’il doit se faire sur la semaine.

La société Hygeco PMA soutient qu’elle a mis en oeuvre une modulation de la durée du travail conformément aux dispositions de l’article L.3122-2 du code du travail, lequel ne nécessite pas l’accord du salarié ainsi que précisé à l’article L.3122-6 du même code, que l’accord du 2 mai 2013, lequel est applicable au sein de l’entreprise, puisqu’il est justifié de la consultation des membres du comité d’entreprise lesquels se sont prononcés les 25, 26, 29 et 30 avril 2013, de son dépôt auprès de la Direction régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de L’emploi au terme d’un récépissé du 23 mai 2013, et de son dépôt au conseil de prud’hommes de Montmorency le 28 mai 2013, en définit les conditions.

Pour être opposable, sauf si les parties n’ont pas entendu subordonner l’entrée en vigueur de l’accord à la formalité du dépôt, ce qui ne résulte pas de l’accord en cause, l’accord doit être déposé auprès de la Dirrecte et du greffe du conseil de prud’hommes conformément aux dispositions des articles D.2231-2 et suivants du code du travail.

En l’espèce, en application du contrat de travail et des accords en vigueur, et notamment l’accord d’adaptation et d’harmonisation de certaines dispositions applicables au personnel du 3 octobre 2012, la salariée était soumise à une modulation du temps de travail sur la base de 1 607 heures par an, mensualisé sur la base de 152h25 par mois.

Alors que l’employeur justifie avoir accompli les démarches exigées pour rendre le nouvel accord collectif opposable, conformément aux dispositions de l’article L.3122-6 du code du travail, dans la mesure où la mise en place d’une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail, l’accord de Mme X Y n’était pas requis suite à l’entrée en vigueur de l’accord du 2 mai 2013.

L’accord sur le temps de travail, les astreintes, les classifications, les rémunérations , les primes, la protection sociale et le dialogue social du 2 mai 2013 traite dans son titre 1 de la durée du travail en ces termes :

1-1 Durée du temps de travail

La durée annuelle de travail effectif de 1607 heures s’apprécie sur l’année civile (mensualisé sur la base de 152 heures 25 par mois) et il est décidé d’appliquer les dispositions de l’accord collectif national de la branche Pompes Funèbres du 16 février 2000 et ses avenants.

Il est précisé que le régime actuel des congés légaux et conventionnels est maintenu.

La durée du travail ne pourra s’étendre sur plus de six jours par semaine.

Les salariés travaillant le matin et l’après-midi d’un même jour, disposeront, pour le déjeuner d’une pause dont la durée minimale est fixée à une heure. Toutefois, cette durée pourra exceptionnellement être réduite sans pouvoir, en aucun cas, être inférieure à 45 minutes.

Les horaires de travail journaliers, en raison de leur caractère fluctuant, seront décomptés de manière précise et validés par le supérieur hiérarchique.

Un état du compteur d’heures réelles de travail de chaque salarié (faisant apparaître un crédit ou un débit d’heures) est établi et transmis chaque mois avec la fiche de paie.

1-2 Aménagement du temps de travail

Le temps de travail effectif est celui qui commence à l’instant où le salarié est habillé et où il prend effectivement son poste de travail et qui s’achève à l’instant où il le quitte.

A l’exception des salariés soumis à l’obligation de revêtir un équipement de protection individuelle dont le temps d’habillage et déshabillage est considéré comme du temps de travail.

Les réunions sur convocation de l’employeur s’inscrivent dans le temps de travail effectif. Sont exclus du temps de travail effectif : les pauses, les temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail (habituel ou occasionnel) et les astreintes.

En raison des spécificités de l’activité, notamment liées à la volonté de la clientèle de programmer ou d’annuler un rendez-vous, il est apparu indispensable aux parties de conserver un délai de prévenance réduit pour modifier la programmation.

C’est ainsi que le délai de prévenance est porté à la veille avant 18h00 pour les personnels ouvriers et les thanatopracteurs. Le délai de prévenance ne porte pas sur le nombre de prestations à effectuer dans la journée mais sur le début de la journée.

En application de l’article L.3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif et n’a pas à être rémunéré, même si le temps de déplacement dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail et même si ce temps se situe pendant l’horaire de travail.

Toutefois, ce principe est assorti de deux types de garanties :

- une contrepartie doit être prévue lorsque le temps de déplacement professionnel dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail;

- la part du temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail ne doit pas entraîner de perte de salaire.

Les thanatopracteurs et les chauffeurs ou autres salariés effectuent leur mission dans des lieux qui changent constamment (domicile d’un défunt, hôpital, clinique, centre de pompes funèbres…) Sans qu’ils se rendent d’abord au siège administratif ou à l’agence ou au dépôt de rattachement dont ils dépendent.

Compte tenu du souhait de ces personnels de ne pas être contraints de passer au siège ou à l’agence, de la nécessité de tenir compte des particularités d’exécution des missions, de la difficulté de définir les notions de temps normal de trajet et de lieu habituel de travail, les parties conviennent ce qui suit :

- le temps normal de trajet est fixé forfaitairement à 30 minutes au début de la journée de travail et à 30 minutes à la fin de la journée de travail, quelque soit le lieu d’exécution de la mission. Ce temps de trajet ne constitue pas du temps de travail effectif et n’est pas rémunéré

- à titre de contrepartie, tout dépassement de ce temps de trajet ( donc au-delà de 30 minutes) pour se rendre sur le lieu de la première prestation de travail ou pour rentrer à son domicile après la dernière prestation de travail de la journée constitue du temps de travail effectif et est rémunéré.

En ne prévoyant pas un volume annuel d’heures de travail supérieur à la durée légale du temps de travail moyennant une rémunération forfaitaire intégrant des heures supplémentaires, cet accord met en oeuvre une modulation du temps de travail, laquelle ne se confond pas avec le recours à une convention de forfait en heures.

La salariée n’est pas fondée à solliciter la nullité de l’accord sur des moyens applicables aux conventions de forfait, ce qu’il n’est pas et le non-respect des dispositions conventionnelles sur l’information des salariés ne suffit pas à priver d’effet la modulation, permettant seulement d’obtenir des dommages-intérêts pour le préjudice en résultant.

Au surplus, la cour observe que les dispositions combinées de l’accord en cause, lequel renvoie expressément dans son titre 1 paragraphe 1-1 aux dispositions de l’accord collectif national de la branche Pompes Funèbres du 16 février 2000 et ses avenants, assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, un système de contrôle dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur, déroge au principe d’un délai de prévenance de sept jours comme le permet l’article L.3122-2 alinéa 3, réglemente la prise en compte des temps de trajet et fixe le contingent d’heures supplémentaires à 150 heures.

Il résulte des développements qui précèdent que l’accord de modulation est valide et opposable à Mme X Y.

Pour l’année 2013, Mme X Y sollicite un rappel de salaire de 2 655 euros au titre des heures supplémentaires.

Dans la mesure où elle étaye sa demande d’heures supplémentaires au titre de l’année 2013 à hauteur de 137 heures, que l’employeur lui en reconnaît 321 dans son écrit du 31 janvier 2014, elle a été nécessairement remplie de ses droits, en ce compris les repos compensateurs auxquelles elle pouvait prétendre, ce qui est corroboré par le fait qu’elle a perçu en février 2014 paiement de 160 heures supplémentaires pour un montant de 2 890 euros et en janvier 2015 paiement de 758,63 euros pour 42 heures supplémentaires de 2013.

Pour l’année 2014, la réclamation porte sur 3 113 euros.

Au vu du décompte produit par la société Hygeco PMA, de janvier à décembre 2014, la salariée a accompli 1 627,10 heures de travail cumulées, à mi décembre alors que le seuil de déclenchement des heures supplémentaires est de 1514,24 heures à cette date, de sorte qu’elle a accompli 112,86 heures supplémentaires, dont 74,10 ont été payées au taux de 125 % en décembre 2014.

Si 42 autres heures ont été payées à la salariée en janvier 2015, il résulte tant du bulletin de paie du mois correspondant que du courriel adressé à la salariée le 21 janvier 2015 qu’il s’agissait de 42 heures dues au titre de 2013, qui ne s’imputent donc pas sur les heures effectuées en 2014.

Il en résulte que la cour a la conviction que Mme X Y a accompli des heures supplémentaires non rémunérées à hauteur de 751,95 euros.

L’employeur est condamné au paiement de cette somme, ainsi qu’aux congés payés afférents, la cour infirmant le jugement entrepris l’ayant déboutée de sa demande sur ce point.

Concernant les repos compensateurs, Mme X Y a été remplie de ses droits pour l’année 2013, ainsi que cela résulte des développements qui précèdent et pour l’année 2014, elle n’a

pas atteint le contingent d’heures supplémentaires à la date de la rupture du contrat de travail, de sorte qu’elle ne peut y prétendre.

II – travail dissimulé

L’article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L.8221-5 relatif à la dissimulation d’emploi salarié.

Au terme de l’article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé, a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L’article L.8221-5 2° du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Dans la mesure où le rappel de salaire est alloué à l’issue d’une discussion sérieuse relative à la mise en oeuvre d’un système de modulation de la durée du travail au sein de l’entreprise, que l’employeur tenait un décompte précis des heures effectivement travaillées par la salariée sans volonté aucune de dissimulation, le seul fait de ne pas lui régler les heures supplémentaires au fur et à mesure de leur accomplissement alors même que l’accord collectif prévoit une possibilité de prise de repos pour les compenser ne traduit pas une intention de se soustraire à ses obligations, de sorte que la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté la demande sur ce point.

III – nullité de la clause contractuelle relative au forfait de 55 IFT

Mme X Y sollicite que soit déclarée nulle et de nul effet la clause contractuelle fixant un forfait de 55 IFT et toute opération en rapport avec l’activité thanatopraxie.

Cette disposition du contrat de travail qui a une incidence pour fixer le seuil de déclenchement d’une rémunération supplémentaire de la salariée en cas d’accomplissement de plus de 55 IFT n’est ni contraire à la loi, ni aux dispositions conventionnelles applicables, de sorte qu’elle n’encourt pas la nullité.

IV – manquement à l’obligation de sécurité

Si l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du Pôle social du tribunal judiciaire, la juridiction prud’homale reste compétente pour connaître de l’application des règles relatives à la rupture du contrat de travail.

Mme X Y soutient que l’employeur a manqué aux dispositions d’ordre public en matière de durée du travail en ne surveillant pas son temps de travail, en ne tenant pas compte des difficultés liées aux problèmes de circulation sur la région Ile de France, ni des contraintes administratives relatives à l’enregistrement de son temps de travail et en lui refusant des congés, ceux qui a causé deux accidents du travail subis en moins d’un an et demi de travail.

La salariée ne peut reprocher à l’employeur les contraintes administratives générées par le nécessaire contrôle de son temps de travail, alors que de telles mesures sont destinées à lui garantir ses droits et

qu’il n’est pas établi par les pièces produites que l’employeur a commis un abus dans l’exercice de son contrôle, les précisions sollicitées étant destinées à évaluer le temps effectif de travail conformément au dispositif applicable dans l’entreprise.

Les difficultés tenant à la circulation en région Ile de France sont nécessairement prises en compte par l’employeur au titre de l’appréciation du temps effectif du travail au regard des dispositions conventionnelles applicables dont il n’est ni prétendu, ni établi qu’elles n’ont pas été respectées.

Il résulte des éléments du débat qu’au cours de l’année 2013, Mme X Y a accompli 321 heures supplémentaires, excédant ainsi de plus de 100 % le contingent d’heures au dessus duquel la salariée pouvait bénéficier de repos compensateur, sans que l’employeur ne prenne de quelconques dispositions pour réduire la durée du travail de la salariée, bien qu’informé mensuellement de son temps effectif de travail pour l’année 2013, puisqu’il l’a informée de l’excédant d’heures accomplies pour 2013 fin janvier 2014.

En 2014, la salariée a accompli des heures supplémentaires dans des proportions moindres, le contingent d’heures supplémentaires n’ayant pas été atteint.

Mme X Y a été admise au service des urgences du centre hospitalier d’Orsay le 29 août 2013 à la suite d’un malaise sans perte de connaissance alors qu’elle était au volant de son véhicule. Devant le médecin, elle a évoqué une charge de travail importante les derniers jours avec réduction du temps de sommeil, sans répercussion sur son quotidien et il a été diagnostiqué une crise de tétanie sous forme de tétraparésie transitoire, complètement réversible lui ayant permis de sortir du service hospitalier quelques heures plus tard.

Il n’est pas produit d’arrêt de travail mais il résulte des relevés d’activité mensuelle pour août et septembre 2013 que la salariée a été placée en arrêt maladie du 29 août au 4 septembre 2013.

Elle reproche à l’employeur de ne pas avoir déclaré cet accident du travail, de ne pas verser le document d’évaluation des risques professionnels établi dans l’entreprise et de ne pas justifier des formations dispensées, ni des dispositions prises à la suite de l’accident de 2013 lié au surmenage.

Il ne résulte pas des éléments du débat que le malaise survenu le 29 août 2013 a été déclaré en accident du travail, de sorte que la juridiction prud’homale est compétente pour statuer sur la demande. Néanmoins, faute pour la salariée de produire le certificat médical l’ayant placé en arrêt, il ne peut être reproché à la société Hygeco PMA de ne pas avoir accompli les démarches lui incombant conformément au code de la sécurité sociale.

Il ne résulte pas des éléments du débat que l’employeur élude intentionnellement ses responsabilités en matière d’accident du travail puisque, lorsque Mme X Y a été victime d’un accident du travail le 30 septembre 2014 pris en charge au titre de la législation professionnelle nécessitant son arrêt jusqu’au 12 novembre 2014, l’employeur a accompli les déclarations lui incombant.

La salariée justifiant avoir accompli de nombreuses heures supplémentaires sur la période contemporaine du malaise, le manquement de l’employeur est caractérisé en ce qu’ainsi il n’a pas assuré la sécurité de la salariée et il en résulte un préjudice tenant à l’impact sur sa santé.

Concernant l’accident du travail survenu le 30 septembre 2014, la juridiction prud’homale est incompétente pour apprécier le préjudice en résultant pour la salariée.

Pour le manquement caractérisé au titre du rythme très soutenu de travail en 2013, la salariée a subi un préjudice que la cour indemnise à hauteur de 1 000 euros, au regard de l’incidence sur son état de santé et sur sa vie personnelle, infirmant ainsi le jugement entrepris.

- Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte des circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’une démission.

Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.

En l’espèce, Mme X Y a adressé le 12 novembre 2014 une lettre à son employeur l’informant de sa décision de quitter son emploi à l’issue d’un préavis d’un mois prenant fin le 15 décembre 2014.

Elle fait valoir que la rupture du contrat de travail est imputable à l’employeur qui a violé :

— les dispositions légales et conventionnelles en matière de décompte du temps de travail,

— les dispositions impératives légales et internationales en matière de durées maximales du temps de travail,

— les dispositions légales en matière d’astreinte,

— les dispositions légales en matière de repos compensateur.

La société Hygeco PMA fait valoir que la démission n’était pas équivoque aux motifs que Mme X Y n’avait jamais émis de doléances, notamment quant aux heures supplémentaires dont elle se prévaut, qu’elle bénéficiait d’une promesse d’embauche du 31 octobre 2014 à effet du 5 janvier 2015, qu’elle n’a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen que le 25 mars 2015 après avoir mis fin le 11 février 2015 à la période d’essai dans son nouvel emploi.

Il résulte des développements qui précèdent que Mme X Y a accompli de très nombreuses heures supplémentaires, lesquels ont été récupérés ou rémunérés très tardivement, qu’il résulte du document établi par l’employeur et récapitulant au cours de l’année 2014 les heures accomplies par semaine, que la salariée a, à plusieurs reprises, travaillé plus de 48 heures par semaine (semaines du 6 au 12 janvier, du 10 au 16 février, du 7 au 13 avril, du 21 au 27 avril, du 30 juin au 6 juillet, du 14 au 20 juillet, du 28 juillet au 3 août, du 8 au 14 septembre et du 22 au 29 septembre), ce qui constitue un manquement grave et persistant des obligations de l’employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail, en ce qu’il impacte la santé de la salariée et son droit au repos et à une vie personnelle justifiant à lui seul la requalification de la démission en prise d’acte aux torts de l’employeur.

Aussi, la cour, infirmant le jugement entrepris, dit que la rupture doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non nul comme invoqué par la salariée, la rupture prenant effet à l’issue du préavis d’un mois conformément à la convention collective, dont le point de départ est la date à laquelle est notifiée la décision de considérer le contrat de travail comme rompu et sauf disposition conventionnelle contraire, n’est pas reporté si le salarié est en arrêt de travail pour maladie lors de la notification de sa démission, de sorte qu’en l’espèce le contrat de travail a pris fin le 13 décembre 2014, l’employeur ayant pris connaissance de la décision de la salariée le 13 novembre 2014.

Mme X Y ne peut prétendre à l’application des dispositions de l’article L.1226-15 du code du travail, faute d’avoir été déclarée inapte à son poste en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Mme X Y ayant moins de deux ans d’ancienneté, conformément aux dispositions de l’article L.1235-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige, alors qu’il résulte des éléments du débat qu’elle a occupé un nouvel emploi dès le 5 janvier 2015, qu’elle a rompu ce contrat de travail au cours de sa période d’essai pour occuper un nouvel emploi à compter de mai 2015, la cour lui accorde la somme de 4 500 euros à titre de dommages et intérêts.

- Sur les autres points

Mme X Y sollicite la remise d’un certificat de travail mentionnant ses droits au DIF à hauteur de 29,55 heures.

L’employeur ne conteste pas devoir remettre à la salariée un certificat de travail mentionnant 29,55 heures au titre des droits individuels à la formation et prétend l’avoir fait sans en justifier.

Aussi, cette demande étant maintenue par la salariée, la cour ordonne la remise d’un certificat rectifié en ce sens.

La cour rejette la demande de la salariée destinée à être indemnisée du préjudice résultant de la remise du certificat de travail non conforme, faute de le caractériser.

L’employeur devra également remettre une attestation Pôle emploi conforme aux termes de la présente décision.

Les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt.

Les intérêts échus produiront intérêts, dés lors qu’ils seront dus au moins pour une année entière à compter du présent arrêt, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

- Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie principalement succombante, la société Hygeco PMA est condamnée aux entiers dépens y compris de première instance et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Pour le même motif, elle est condamnée à payer à Mme X Y la somme de 2 500 euros pour ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire,

Rejette la demande de production de pièces présentées avant dire droit ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes au titre du repos compensateur et du travail dissimulé ;

L’infirme en ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau,

Dit que la démission s’analyse en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Hygeco PMA à payer à Mme X Y les sommes suivantes :

• rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 751,95 euros

• congés payés afférents : 75,19 euros

• dommages et intérêts pour manquement à

• l’obligation de sécurité : 1 000,00 euros

• dommages et intérêts pour licenciement sans

cause réelle et sérieuse : 4 500,00 euros

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt ;

Dit que les intérêts échus produiront intérêts dés lors qu’ils seront dus au moins pour une année entière, à compter du présent arrêt ;

Déboute la société Hygeco PMA de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Hygeco PMA à payer à Mme X Y la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Hygeco PMA aux entiers dépens y compris de première instance.

La greffière La présidente

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Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 6 février 2020, n° 17/03115