Cour d'appel de Toulouse, 26 septembre 2012, n° 12/00045

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 26 sept. 2012, n° 12/00045
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 12/00045
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulouse, 5 décembre 2011, N° 10/02756

Texte intégral

.

26/09/2012

ARRÊT N°

N°RG: 12/00045

XXX

Décision déférée du 06 DÉCEMBRE 2011 – Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE – 10/02756

Madame Y

S.A.S. MEDIPOLE GARONNE anciennement dénommée S.A.S. CLINIQUE DU COURS DILLON

représentée par Me Gilles SOREL

C/

F A

H V W Z

représentés par la SCP BOYER & GORRIAS

SELARL CENTRE DE X E Q

représentée par SCP CANTALOUBE FERRIEU CERRI

XXX

Grosse délivrée

le

à

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2e Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SIX SEPTEMBRE

DEUX MILLE DOUZE

***

APPELANTE

S.A.S. MEDIPOLE GARONNE anciennement dénommée S.A.S. CLINIQUE DU COURS DILLON prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de Toulouse assistée de Me Maiälen CONTI, avocat au barreau de Toulouse

INTIMÉS

Madame F A T

XXX

XXX

Monsieur H V W Z AJ

XXX

XXX

représentés par la SCP BOYER & GORRIAS, avocats au barreau de Toulouse assistés de la SCP MONFERRAN CARRIERE ESPAGNO, avocats au barreau de Toulouse

SELARL CENTRE DE X E Q

XXX

XXX

représentée par la SCP CANTALOUBE FERRIEU CERRI, avocat au barreau de Toulouse assistée de la SELARL DUPUY PEENE, avocats au barreau de Toulouse

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 27 juin 2012 en audience publique, devant la Cour composée de :

G. COUSTEAUX, président

V. SALMERON, conseiller

F. CROISILLE-CABROL, vice président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : A.S. VIBERT

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par G. COUSTEAUX, président, et par C. LERMIGNY, greffier de chambre.

FAITS et PROCÉDURE

Suivant contrat dit 'd’exercice privilégié', en date du 2 janvier 1989, la société de la CLINIQUE DU COURS DILLON autorise le laboratoire d’analyses médicales que dirige Madame F A, à réaliser les analyses de AB médicale prescrites pour les patients hospitalisés à la clinique, et s’engage à ne pas recourir aux services d’un laboratoire autre que les quatre qui sont désignés, dont fait partie le laboratoire A.

La durée du contrat est de 25 ans.

Deux des quatre laboratoires désignés vont par la suite disparaître, en sorte qu’à partir de juin 2006, demeurent seuls le laboratoire de la société civile professionnelle A-Z, créée le 30 janvier 1991 par l’association de Madame F A et Monsieur H Z, et le laboratoire de la société Q.

A la fin de l’année 2009, la clinique du COURS DILLON a déménagé dans des locaux beaucoup plus vastes et a changé de dénomination pour s’appeler la clinique MEDIPOLE GARONNE. Elle a intégré dans ses nouveaux locaux, les services d’un laboratoire d’analyses médicales confiés à la société Q, suivant contrat en date du 18 juin 2006 signé avec celle-ci et prévoyant le versement par le laboratoire à la clinique, d’un droit d’entrée de 300.000 €.

Considérant qu’en permettant au laboratoire Q de s’installer dans la clinique, cette dernière a contrevenu à ses engagements contractuels envers elle, contenus dans un contrat en date du 1er janvier 1991, reprenant avec Madame A et son nouvel associé, Monsieur Z, le contrat antérieur du 2 janvier 1989, la société A-Z a fait signifier à la clinique, le 12 mars 2010, un courrier aux termes duquel, elle prend acte de la rupture par la faute de la clinique du contrat d’exercice privilégié.

La procédure contractuelle de conciliation diligentée, sous l’égide de Maître CAVIGLIOLI et du professeur OUSTRIC, a abouti à un procès-verbal de non conciliation en date du 29 juin 2010.

Par actes du 8 juillet 2010, la société A-Z a fait assigner la clinique devenue la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE et le laboratoire Q, en indemnisation de ses préjudices consécutifs à la rupture du contrat d’exercice privilégié qui la liait à la clinique.

La société d’exercice libéral à responsabilité limitée A-Z est intervenue aux lieu et place de la société civile professionnelle éponyme, à laquelle elle s’est substituée en septembre 2010.

La société A-Z procèdait par la suite à une restructuration patrimoniale dans la perspective d’un apport de ses actifs au profit d’une société d’exercice libéral dénommée C BIO en cours de constitution, regroupant plusieurs laboratoires.

La créance indemnitaire, objet de la procédure, a fait l’objet d’une cession, en date du 7 janvier 2011, à Madame A et Monsieur Z. Ces derniers ont repris l’instance aux lieu et place de la société A-Z.

Par jugement du 6 décembre 2011, le tribunal de grande instance de TOULOUSE a :

— condamné in solidum la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE et la SELARL CENTRE de X E Q à payer en indemnisation des préjudices consécutifs à la résiliation du contrat d’exercice privilégié entre la clinique de la société MEDIPOLE GARONNE et la société A-Z, les sommes suivantes :

—  450.000 € outre intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2011 à Madame F A et Monsieur H Z, au titre du préjudice économique,

—  10.000 € avec intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2011, à chacun de Madame F A et Monsieur H Z, au titre de leur préjudice moral ;

— condamné in solidum la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE et la SELARL CENTRE de X E Q à payer Madame F A et Monsieur H Z la somme de 10.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné in solidum la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE et la SELARL CENTRE de X E Q aux dépens de l’instance ;

— ordonné l’exécution provisoire du jugement.

La S.A.S. MEDIPOLE GARONNE a interjeté appel le 5 janvier 2012,

Par ordonnance du 19 janvier 2012 rendue sur requête, la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE a été autorisée à assigner à jour fixe pour l’audience du 27 juin 2012.

La S.A.S. MEDIPOLE GARONNE a déposé ses dernières écritures le 21 juin 2012.

Mme F A et M. H Z ont déposé leurs dernières écritures le 26 juin 2012.

La SELARL CENTRE de X E Q a déposé ses dernières écritures le 22 juin 2012.

MOYENS et PRÉTENTIONS des PARTIES

Dans ses dernières écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’énoncé du détail de l’argumentation, au visa des articles 1134, 1147, 1165, 1184 et 1382 du code civil ainsi que 455 du code de procédure civile, La S.A.S. MEDIPOLE GARONNE conclut à l’infirmation de la décision de première instance ainsi qu’à la condamnation de Mme F A et M. H Z à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelante demande à la cour, si elle devait décider que des relations contractuelles ont été établies et ont subsisté entre elle et la SCP A-Z, constater la rupture fautive mise en oeuvre par ces derniers et par conséquent condamner solidairement Mme F A et M. H Z à lui verser la somme de 150.000 euros de dommages et intérêts.

Elle demande en toute hypothèse à la cour d’appel de constater que les conditions de la rupture ont gravement porté atteinte à son image et par voie de conséquence condamner solidairement Mme F A et M. H Z à lui verser la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts.

L’appelante développe les moyens suivants :

— la clinique ne saurait se voir opposer un contrat prétendument conclu avec une personne morale dont elle ignorait l’existence jusqu’à la présente instance,

— en décidant que la clinique devait maintenir un équilibre économique entre ses partenaires laboratoires, ce qui lui interdisait de recourir à l’un d’eux pour les analyses des patients non hospitalisés, les premiers juges ont dénaturé les termes du contrat conclu avec Mme A,

— la clinique a exécuté en toute bonne foi le contrat la liant à Mme A, ce qui n’est pas son cas et pour décider l’inverse, le Tribunal de Grande Instance de Toulouse s’est fondé sur des dires non étayés,

— Mme F A et M. H Z ne justifient pas des préjudices allégués.

Dans ses dernières écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’énoncé du détail de l’argumentation, au visa des articles, la SELARL CENTRE de X E Q sollicite l’infirmation du jugement entrepris ainsi que la condamnation de Mme F A et M. H Z à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de 'justes’ dommages et intérêts et celle de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SELARL CENTRE de X E Q développe les moyens suivants :

— il n’est pas démontré que la clinique ait contrevenu aux stipulations du contrat qui la liait à la société A Z, le contrat d’exercice privilégié ne concernant que les malades hospitalisés à l’exclusion des patients non hospitalisés,

— la clinique a proposé à Mme F A et M. H Z de mettre à sa disposition un local de prélèvement pour les malades hospitalisés, ce qui a été refusé en faisant valoir qu’une telle implantation était contraire à la déontologie médicale,

— postérieurement à l’intégration de la SELARL CENTRE de X E Q, les médecins prescripteurs qui travaillaient habituellement avec Mme F A et M. H Z ont continué à le faire,

— aucune égalité économique n’est garantie par le contrat,

— le compérage est interdit,

— au surplus, la SELARL CENTRE de X E Q n’a pas en toute connaissance de cause aidé la clinique à enfreindre ses obligations,

— concernant la perte de revenus et la perte de valeur du laboratoire, le calcul opéré par les intimés et retenu par le tribunal à partir d’une baisse du chiffre d’affaires est erroné. Il conviendrait de déterminer le taux de marge réel,

— sur le préjudice moral, à supposer que Mme F A et M. H Z soient recevables à l’invoquer, n’étant partie à l’instance initiée par la SCP que par le jeu d’une cession de créance, le fait qu’ils se soient trouvés écartés de manière inacceptable selon eux ne concerne que les relations avec la clinique.

Dans leurs dernières écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’énoncé du détail de l’argumentation, au visa des articles 1134, 1147 et 1382 du code civil, Mme F A et M. H Z demandent à la cour de donner acte :

— à la SELARL LABORATOIRE de AB AC A-Z qu’elle vient aux droits de la SCP A-Z,

— à Mme F A et M. H Z qu’ils viennent aux droits de la SELARL LABORATOIRE de AB AC A-Z.

Ils demandent à la cour d’appel de constater que :

— jusqu’au transfert de la clinique du Cours Dillon et l’ouverture de la clinique MEDIPOLE GARONNE le 4 janvier 2010, le L A Z et la SELARL CENTRE de X E Q bénéficiaient chacun des mêmes conditions d’exercice, étant tous deux extérieurs à la clinique,

— aux termes du contrat d’exercice privilégié signé par le L A Z, la clinique du Cours Dillon s’engageait à ne pas intervenir dans le choix du laboratoire par les malades de quelque manière que ce soit,

— la clinique du Cours Dillon a favorisé l’intégration de la SELARL CENTRE de X E Q au détriment du L A Z ayant reçu le 18 juin 2006 du premier un versement de 300.000 euros,

— la SELARL CENTRE de X E Q a sollicité le 6 octobre 2009 l’autorisation de fonctionnement dans les locaux de la clinique MEDIPOLE GARONNE,

— la SELARL CENTRE de X E Q a obtenu la dite autorisation le 14 janvier 2010,

— la clinique du Cours Dillon a tenté de minimiser les conséquences de sa décision d’intégrer la SELARL CENTRE de X E Q jusqu’à l’ouverture de la nouvelle clinique,

— la conséquence immédiate de l’intégration de la SELARL CENTRE de X E Q a été la chute brutale de la facturation du L A Z, la SELARL CENTRE de X E Q sur place bénéficiant d’une salle de prélèvements en face des consultations médicales et anesthésistes,

— la distorsion de traitement entre les deux laboratoires d’analyses médicales est à l’origine de la rupture du contrat d’exercice privilégié par le L A Z le 12 mars 2010,

Ils sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce que :

— il a condamné in solidum la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE et la SELARL CENTRE de X E Q à indemniser les préjudices consécutifs à la résiliation du contrat d’exercice privilégié,

— il les a condamnés à payer une indemnité de perte de situation de 300.000 euros équivalente au montant des bénéfices à percevoir jusqu’au terme du contrat.

Ils demandent la cour d’appel d’accueillir leur appel incident sur la dépréciation patrimoniale du L A Z et les dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral. Ils sollicitent la condamnation in solidum de la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE et la SELARL CENTRE de X E Q au paiement de la somme de 296.000 euros du premier chef et la somme de 50.000 euros à chacun du second, outre une indemnité de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS de la DÉCISION

Aux termes de l’article 3 du contrat d’exercice privilégié du 2 janvier 1989, il est prévu que le bénéfice peut en être transmis par Mme A à une autre personne, à condition que cette dernière soit acceptée par la clinique. Par courrier du 22 août 1990, la clinique accepte l’association future de Madame A avec Monsieur Z. La régularisation par la signature d’un nouveau contrat au nom de l’association n’a pas eu lieu mais elle n’était que purement formelle, puisqu’elle n’est pas exigée par le contrat.

L’acceptation de la société A-Z, constituée par l’association de Madame A et Monsieur Z, le 30 janvier 1991, est amplement confirmée par les relations contractuelles constantes entre les parties, pendant près de 20 ans. La durée de ces relations établit l’acceptation tacite de la part de la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE, anciennement dénommée CLINIQUE du COURS DILLON de l’intervention de M. H Z aux côtés de Mme F A. Alors que le directeur de la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE avait manifesté son intention de rédiger un nouveau contrat, il n’en a rien fait, son abstention caractérisant la poursuite du contrat initial. Acceptation tacite qui résulte encore du courrier adressé par la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE à par Mme F A et M. H Z le 13 octobre 2009 dans lequel il est fait état du souhait de poursuivre à l’identique les relations contractuelles préétablies.

Il convient de se prononcer sur la date du contrat d’exercice privilégié devant être appliqué. La S.A.S. MEDIPOLE GARONNE soutient que le contrat, versé aux débats par Mme F A daté du 1er janvier 1991 est identique à celui en date du 2 janvier 1989, seule la date étant différente. Il apparaît effectivement de la comparaison des deux contrats déposés au greffe que leur rédaction est strictement identique, la signature d’un tel document sans la moindre modification, même minime ne trouvant aucune explication. Il en résulte que le point de départ du contrat, d’une durée de 25 ans est le 2 janvier 1989 et non le 1er janvier 1991 et que son terme était le 2 janvier 2014 et non le 1er janvier 2016.

Aux termes de l’article 4 dudit contrat, intitulé 'résiliation volontaire avant l’arrivée du terme', en cas de résiliation avant la date de son expiration normale, la partie qui y aura recours aura l’obligation d’avertir son co-contractant par lettre recommandée avec avis de réception, moyennant un préavis qui ne saurait être inférieur à 6 mois. Dans ce cas, la lettre de préavis doit porter mention des motifs de résiliation volontaire, exprimés clairement et complètement, aucun autre motif de rupture ne pouvant être invoqué ultérieurement par l’auteur de celle-ci. Au cas où la rupture ne serait pas justifiée par des motifs valables, la partie auteur de la rupture devrait, à son co-contractant, une indemnité réparatoire du préjudice subi.

Par lettre signifiée le 12 mars 2010 au directeur de la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE, Mme F A et M. H Z ont pris acte de la rupture du contrat résultant de son fait exclusif, en ayant modifié unilatéralement les conditions d’exercice entre les deux laboratoires intervenants dans l’établissement et ont fixé un délai de préavis de huit jours.

Il convient de dire si la faute reprochée par Mme F A et M. H Z est établie et si sa gravité justifiait le non-respect du délai de préavis de six mois prévu contractuellement.

Le contrat a pour objet l’engagement de la clinique de faire effectuer toutes les analyses médicales des patients hospitalisés en son sein, auprès de deux laboratoires désignés, celui de Mme F A et de M. H Z et la SELARL CENTRE de X E Q, sauf demande formelle distincte du patient.

L’article 6 h. du contrat prévoit que la clinique ' s’engage à ne pas intervenir dans le choix du laboratoire par les malades, de quelque manière que ce soit, ce choix devant être laissé soit aux malades eux-mêmes, soit à leurs familles ou aux personnes légalement responsables.' Il importe peu que l’article 1 dispose notamment que la clinique ne garantit au laboratoire aucun’quota’ dans la masse des analyses effectuées pour les malades hospitalisés s’il est établi qu’elle est intervenue, quelle qu’en soit la manière, contrairement à l’engagement susmentionné dans le choix du laboratoire par les malades, les parties étant d’accord pour considérer que les patients non hospitalisés sont hors du champ contractuel.

Comme l’a pertinemment jugé le tribunal de grande instance, l’obligation est stipulée dans l’intérêt des laboratoires, afin qu’ils aient la garantie que la clinique respecte la libre concurrence entre eux. En ne respectant pas cette libre concurrence, la clinique porte atteinte à l’équilibre économique qui est primordial pour les laboratoires choisis par la clinique, dès lors qu’il donne au contrat tout son intérêt pour eux. D’ailleurs dans une lettre officielle en date du 5 février 2010, le conseil de la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE estime que 'l’équilibre économique du contrat ne devrait pas se trouver modifié par la convention signée avec la SELARL CENTRE de X E Q'.

Il en résulte qu’en décidant d’installer l’un des deux laboratoires, la SELARL CENTRE de X E Q, au sein de son établissement, la clinique a indiscutablement enfreint son engagement.

Pour les patients non hospitalisés, les directeurs de laboratoires d’analyses médicales s’engagent, dans le cadre de leur convention nationale, à s’abstenir, sauf cas d’assistance à personne en danger, à faire des prélèvements dans un local mis à la disposition par l’établissement de soins. En revanche, l’obtention d’une autorisation administrative de fonctionnement au sein de l’établissement donne la possibilité de prélever n’importe quel patient, hospitalisé ou non.

De façon surprenante, la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE a écrit le 8 décembre 2009 à Mme F A et M. H Z ne pas comprendre ce que signifiait les termes 'création d’un laboratoire agréé’ en son sein alors que ce laboratoire a commencé à fonctionner dès le mois suivant et que son ouverture était subordonnée à une autorisation de fonctionnement délivrée par la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE ASS de la Haute-Garonne.

L’intégration de la SELARL CENTRE de X E Q au sein de la clinique lui a donné la possibilité de prélever avant l’hospitalisation tous les patients. Le laboratoire ainsi installé acquiert une présence lui permettant de capter une grande partie de la clientèle des patients devant être hospitalisés, notamment pour les bilans pré-opératoires, qui se font alors auprès de lui, avant l’hospitalisation des patients, d’autant que cette façon de procéder est non seulement matériellement pratique mais garantit également le respect des règles en la matière. En effet, il résulte des bonnes pratiques en la matière que le bilan pré-opératoire doit accompagner la consultation pré-anesthésique qui se déroule dans la clinique et donc être réalisé, comme cette dernière, plusieurs jours avant l’intervention chirurgicale. Or, le constat d’huissier dressé le 8 janvier 2010 montre la présence, en face de la salle d’attente située au rez-de chaussée, à proximité d’une salle de consultation, d’une salle de prélèvement dont la plaque signalétique précise 'Médipole Garonne – laboratoire Q – salle de prélèvements’ . Le constat établi le 25 juin 2010 révèle quant à lui la présence au 2e étage, niveau des consultations d’anesthésie, d’affichettes signalant l’accès à la salle de prélèvement utilisée par la SELARL CENTRE de X E Q au 5e étage de l’établissement.

L’implantation sur place de la SELARL CENTRE de X E Q offre nécessairement de nouvelles facilités tant aux patients non encore hospitalisés qu’à ceux hospitalisés, les résultats pouvant être obtenus plus rapidement.

Pour tenter d’échapper à sa responsabilité contractuelle, la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE invoque la caducité du contrat liant les parties motif pris que dès lors que la SELARL CENTRE de X E Q avait obtenu une autorisation préfectorale sur le site, il ne pouvait pas y avoir un second laboratoire intervenant sur le site. Ce moyen, s’il était sérieux, caractériserait à lui seul la faute de la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE qui en acceptant l’implantation de la SELARL CENTRE de X E Q provoquerait la caducité du contrat la liant à Mme F A et M. H Z . Il est, au surplus, à tout le moins surprenant de relever que dans son courrier du 8 décembre 2009, le directeur de la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE a indiqué à Mme F A et M. H Z être disposé à concéder un local de prélèvement sur le nouveau site.

Les chiffres d’activité de Mme F A et M. H Z comparée entre les mois de janvier et février 2009 et 2010 font apparaître une baisse de 24%, pour le premier mois et une baisse de près de 40% pour le second mois, alors même que le chiffre d’affaires réalisé auprès de patients de la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE constituait environ 30% de son chiffre d’affaires total. La diminution pendant cette période de l’activité des médecins prescripteurs ayant pour habitude d’adresser leurs analyses à Mme F A et M. H Z ne suffit pas à expliquer la baisse particulièrement importante constatée. Par ailleurs, il importe peu que le chiffre d’affaires relevant des analyses effectuées sur des patients de la clinique ait baissé de près de 17% entre 2007 et 2008 et d’un peu plus de 10% entre 2008 et 2009 pour apprécier l’existence d’un motif valable à la résiliation intervenue, ces éléments chiffrés devant en revanche être pris en compte pour l’appréciation du préjudice subi.

De façon quelque peu contradictoire, la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE reproche à Mme F A et à M. H Z , en page 21 de ses dernières écritures, de ne pas avoir cherché à développer son activité alors même que la création du nouvel établissement s’accompagnait du doublement de la capacité en lits et de l’arrivée de nouveaux chirurgiens prescripteurs, tout en soulignant, en page 26 de ces mêmes écritures que parmi les 178 lits de la clinique, tous ne donnent pas lieu à des actes de AB médicale et que l’évolution de l’activité de AB médicale est en réalité très faible voire inexistante.

La chute particulièrement brutale du chiffre d’affaires pour les deux premiers mois de l’année 2010 ne trouve d’autre explication que dans l’ouverture d’un laboratoire au sein de l’établissement par la SELARL CENTRE de X E Q .

Le préjudice économique constaté étant particulièrement important et pour éviter son aggravation, Mme F A et à M. H Z pouvaient rompre les relations contractuelles sans respect du préavis de six mois.

La S.A.S. MEDIPOLE GARONNE est en conséquence tenue, par application des dispositions de l’article 1147 du code civil, de réparer les conséquences dommageables de son manquement contractuel.

La SELARL CENTRE de X E Q a pour sa part commis une faute, au sens des articles 1382 et 1383 du code civil, en acceptant de s’installer au sein de la clinique, peu important les conditions financières mises à cette installation, alors même qu’elle connaissait l’engagement souscrit par la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE, étant lié par un contrat contenant les mêmes dispositions que celles liant la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE à Mme F A et M. H Z et que par son installation au sein même de l’établissement, elle savait que la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE enfreignait son engagement contractuel.

La faute de la SELARL CENTRE de X E Q ayant permis la réalisation du manquement contractuel de la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE, elle doit la réparation du préjudice subi in solidum avec la clinique.

Mme F A et M. H Z sollicitent d’une part la confirmation du jugement qui a condamné la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE et la SELARL CENTRE de X E Q à payer une indemnité de perte de situation de 300.000 euros équivalente au montant des bénéfices à percevoir jusqu’au terme du contrat. Ils demandent d’autre part à la cour d’appel d’accueillir leur appel incident sur la dépréciation patrimoniale du L A Z et les dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral. Ils sollicitent la condamnation in solidum de la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE et de la SELARL CENTRE de X E Q au paiement de la somme de 296.000 euros du premier chef, les premiers juges ayant alloué la somme de 150.000 euros et la somme de 50.000 euros à chacun du second, la somme de 10.000 euros leur ayant été allouée en première instance.

Contrairement à ce qu’a jugé le tribunal de grande instance, le contrat arrivait à son terme le 2 janvier 2014 et non le 1er janvier 2016. De plus, il pouvait faire l’objet d’une résiliation de la part de l’une des parties avant son terme pour des motifs valables avec un préavis de six mois. Il en résulte, compte tenu également des éléments comptables fournis portant notamment sur l’évolution du chiffre d’affaires total et spécifique réalisé au sein de la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE pendant plusieurs années, sur la baisse du chiffre d’affaires à la suite de l’intégration du L Q, et des informations communiqués sur les baisses de cotations opérées par l’assurance maladie à compter de 2006, ainsi que compte tenu de la nécessité de prendre en compte non pas le bénéfice mais la marge nette, que la perte de situation doit être évaluée à la somme de 100.000 euros.

Concernant la dépréciation patrimoniale, les premiers juges ont retenu une perte de chance moyenne de 150.000 euros. En effet, le contrat arrivant à expiration au 1er janvier 2014, il n’est nullement acquis qu’il soit renouvelé, l’ancienneté des relations contractuelles ne pouvant suffire à rendre le renouvellement acquis avant même le terme du contrat. Il importe peu que l’article 2 prévoit à l’expiration du délai de 25 ans, une reconduction tacite annuelle dans la mesure où une simple lettre recommandée avec accusé de réception adressée trois mois avant le terme suffit à l’interrompre. Dès lors, il ne peut pas être tenu compte de l’intégralité de la somme réclamée. Les premiers juges ont justement évalué à 150.000 euros la perte de chance tenant à la rupture anticipée du contrat, dans la mesure où seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable, Mme F A et M. H Z 'pouvant légitimement espérer voir reconduire les relations contractuelles', mais non en avoir la certitude. La différence invoquée par Mme F A et M. H Z entre deux évaluations réalisées le 31 juillet 2009 et le 24 septembre 2010, évaluations non réalisées contradictoirement au demeurant, ne peut pas être prise en compte intégralement dans la mesure où la décision d’apporter le L A-Z au sein de la SELARL C BIO relève de la seule volonté de Mme F A et M. H Z quant à la date de réalisation.

Il convient en conséquence d’allouer à Mme F A et M. H Z la somme de 250.000 euros en réparation de leur préjudice économique, et non de 450.000 euros comme les premiers juges l’ont décidé, la somme allouée portant cependant intérêt à compter du 6 décembre 2011 date du jugement de première instance.

Sur le préjudice moral, les premiers juges ont retenu qu’il est incontestable que Mme F A et M. H Z ont subi en tant qu’associés et dirigeants du laboratoire évincé, un préjudice moral, d’autant plus important que leur collaboration avec la clinique a été particulièrement importante et longue de près de 20 années, mais qu’il ne résulte pas suffisamment des courriers produits que les conditions de réalisation de l’opération litigieuse aient été abusives, les demandeurs en ayant été officiellement informés à l’été de 2009.

Etant relevé qu’ils ont repris l’instance en leur nom propre et à titre personnel du fait de la cession de créance intervenue le 7 janvier 2011, ils peuvent solliciter la réparation d’un préjudice moral. Cependant, l’ancienneté des relations ne suffit pas à justifier l’allocation de dommages et intérêts alors qu’ils ont été informés au printemps 2007 de l’opération litigieuse. Il convient en conséquence de les débouter de ce chef de demande.

De même, la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE doit être déboutée de sa double demande indemnitaire. En effet, d’une part, aucune faute n’est retenue à l’encontre de Mme F A et M. H Z dans la rupture contractuelle. D’autre part, la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE ne rapporte nullement la preuve d’une atteinte à l’image de la clinique par ceux-ci, le courrier qu’ils ont adressé aux médecins, courrier invoqué à l’appui de sa prétention, n’étant pas rédigé en des termes infamants pour reprendre le terme employé dans ses écritures.

La SELARL CENTRE de X E Q qui succombe doit également être déboutée de sa demande de 'justes dommages et intérêts'.

Enfin, la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE et la SELARL CENTRE de X E Q, succombant même partiellement, seront condamnés aux dépens d’appel, après avoir été condamnés aux dépens de première instance. En revanche, l’équité commande de réduire le montant de leur condamnation en première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à 1.500 euros. Une somme de même montant sera allouée sur ce même fondement par la cour d’appel.

PAR ces MOTIFS

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse hormis sur le principe de la condamnation in solidum de la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE et la SELARL CENTRE de X E Q, le point de départ des intérêts au taux légal, le rejet des demandes indemnitaires présentées par la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE et la SELARL CENTRE de X E Q ainsi que les dépens,

Et statuant à nouveau sur chefs infirmés,

Condamne in solidum la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE et la SELARL CENTRE de X E Q à payer à Mme F A et M. H Z la somme de 250.000 euros qui portera intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2011,

Déboute Mme F A et M. H Z de leurs demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

Condamne in solidum la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE et la SELARL CENTRE de X E Q à payer à Mme F A et M. H Z la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE et la SELARL CENTRE de X E Q de leurs demandes de ce chef,

Condamne la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE et la SELARL CENTRE de X E Q in solidum à payer à Mme F A et M. H Z la somme de 1.500 euros de ce chef,

Condamne in solidum la S.A.S. MEDIPOLE GARONNE et la SELARL CENTRE de X E Q aux dépens dont distraction par application de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Toulouse, 26 septembre 2012, n° 12/00045