Cour d'appel de Toulouse, 26 mai 2014, n° 13/03159

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 26 mai 2014, n° 13/03159
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 13/03159
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulouse, 15 avril 2013, N° 10/04042

Sur les parties

Texte intégral

.

26/05/2014

ARRÊT N°261

N°RG: 13/03159

MM/CD

Décision déférée du 16 Avril 2013 – Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE – 10/04042

M. Y

K X

C/

I J divorcée Z

O-P D

XXX

Organisme CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE

XXX

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1re Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SIX MAI DEUX MILLE QUATORZE

***

APPELANT

Monsieur K X

XXX

XXX

Représenté par Me Olivier THEVENOT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Madame I J divorcée Z

XXX

XXX

Représentée par Me Elisabeth DESSAUX, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur O-P D

XXX

XXX

Représenté par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Georges DAUMAS de la SCP SCP DAUMAS, avocat au barreau de TOULOUSE

XXX

387 route de Saint-Simon

XXX

Représentée par Me Pierre RIVIERE SACAZE de la SCP MATHEU RIVIERE SACAZE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE

XXX

XXX

Représentée par Me Anne-Cécile DE LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 25 Mars 2014 en audience publique, devant la Cour composée de :

A. MILHET, président

M. MOULIS, conseiller

P. CRABOL, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : J. BARBANCE-DURAND

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par A. MILHET, président, et par J. BARBANCE-DURAND, greffier de chambre.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

Le 09 octobre 2002, le docteur K X a administré des soins anesthésiques sous forme péridurale à I Z née le XXX dans le cadre d’un accouchement programmé.

Le 24/09/2002 elle avait rencontré en consultation pré- anesthésique le docteur D, anesthésiste réanimateur, qui n’avait décelé aucune contre-indication à l’anesthésie loco-régionale et I Z avait signé la feuille de consentement.

Le même jour I Z accouche d’un enfant en bonne santé.

Cependant ,faisant état de complications dues à un passage du second cathéter en rachis (brèche méningée dans la dure mère, violentes céphalées, recours à deux 'blood patch', impossibilité temporaire de se lever et obligation de rester allongée en décubitus dorsal, tête en bas et jambes surélevées jusqu’au 16/10/2002), après échec de démarches amiables, I Z a, par actes d’huissier des 1/12 /2003 et 29/01/2004 saisi le président du tribunal de grande instance de Toulouse statuant en référé pour voir désigner un expert sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 9/03/2004 deux experts ont été désignés et par ordonnance du 11/05/2004 la mesure a été déclarée commune et opposable au docteur K X.

Le rapport a été déposé le 26/11/2004.

Par acte en date du 5/12/2006 I Z, faisant valoir que le docteur D, anesthésiste, aurait dû intervenir pour effectuer la péridurale mais qu’il s’est fait remplacer par le docteur X, l’a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Toulouse pour le voir déclarer responsable de son préjudice sur le fondement de l’article 1147 du code civil.

Par jugement en date du 25/11/2008 le tribunal de grande instance a débouté I Z de toutes ses demandes dirigées contre le docteur D.

Par une assignation ultérieure en date du 10/11/2010 I Z a fait citer le docteur K X et la clinique Ambroise Paré devant le tribunal de grande instance de Toulouse pour les voir déclarer responsables solidairement du préjudice subi par elle.

Par jugement du 16/04/2013 le tribunal de grande instance a :

— dit que le docteur K X était tenu d’indemniser I Z de l’ensemble des préjudices subis ;

— fixé le montant total de l’indemnisation du préjudice corporel de I Z à la somme de 13.112,67 € ;

En conséquence, après déduction des prestations servies par le tiers payeur soit 899,17 € :

— condamné le docteur K X à payer à I Z en réparation de son préjudice corporel la somme de 12.213,50 € outre intérêts au taux légal à compter de ce jour et 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile

— condamné le docteur K X à payer à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie la somme de 899,17 € en remboursement de ses débours outre celles de 299,72 € pour indemnité de gestion et de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— rejeté le surplus des demandes

— accordé l’exécution provisoire du jugement

— condamné le docteur K X aux dépens qui comprendront les dépens de référé et d’expertise judiciaire.

Le Docteur K X a relevé appel de la décision le 28/05/2013.

L’ordonnance de clôture est en date du 4/03/2014 .

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de ses conclusions d’appel n°2 en date du 30/10/2013 le docteur K X demande à la cour de :

— le recevoir en son appel, et le dire recevable et bien fondé.

Ce faisant,

Vu le rapport d’expertise du 26 novembre 2004,

— constater son absence de faute de nature à engager sa responsabilité à l’égard de I Z.

— constater qu’il résulte aussi du rapport des experts que I Z a bénéficié d’une information complète et circonstanciée des risques présentés par la péridurale.

En conséquence,

— débouter I Z de l’ensemble de ses demandes principales et incidentes.

A titre subsidiaire, vu l’article 1384 du Code Civil,

— de condamner le Dr D à le relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

A titre infiniment subsidiaire,

— ramener à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de I Z, et en toute hypothèse la débouter de son appel incident

En toute hypothèse,

— condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 1.500,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les entiers dépens.

Concernant les prétendues maladresses qui lui sont reprochées le docteur K X soutient que :

— il n’a pas commis de faute dans la réalisation des gestes de péridurale, que concernant la 1re tentative de péridurale les experts ont expliqué que cet échec pouvait être dû à une protusion discale décelée par la suite par IRM et que d’ailleurs quand il est lui même intervenu le docteur D a également échoué, que le nouvel échec suite à la 2e tentative (passage en rachis) constitue un aléa thérapeutique classique et ne saurait être qualifié de faute ou de maladresse et qu’enfin il était parfaitement qualifié et expérimenté pour pratiquer une péridurale

— il ne saurait lui être reproché d’avoir effectué la 2e tentative qu’une heure plus tard alors que la durée de 20 minutes qui est invoquée par I Z n’est qu’approximative et qu’en outre cette attente d’une heure n’est en aucun cas à l’origine des préjudices endurés.

Concernant le manquement à l’obligation d’information et de conseil il indique que c’est après une consultation circonstanciée avec le docteur D que le document d’information médicale a été remis à I Z et qu’elle a signé la feuille de consentement le 9/10/2002 à son arrivée à la clinique.

Il fait valoir que si la cour confirmait la décision du tribunal il devrait être relevé et garanti de toute condamnation par le docteur D au bénéfice des dispositions de l’article 1384 du code civil. Il expose qu’il a agi en qualité de préposé de ce dernier, qu’il exerçait dans le cadre d’un contrat de remplacement et qu’il était tenu à certaines sujétions.

Concernant le préjudice il relève que I Z ne présente plus de séquelles de la brèche méningée.

Il demande que l’indemnisation du pretium doloris soit ramené à de plus justes proportions et conclut au rejet des autres prétentions, ces chefs de préjudice n’ayant pas été retenus par les experts.

I Z réplique dans ses écritures du 18/10/2013 que

Vu le rapport d`expertise judiciaire

Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de Toulouse en date du 16 avril 2003

Vu les articles 1147 et 1382 du code civil

il convient de :

— débouter le docteur X, le docteur D et la Clinique Ambroise Paré de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

— confirmer la décision dont appel en ce qu`elle a dit que le Dr X est tenu de l’indemniser des préjudices subis et l’a condamné à lui réparer son préjudice corporel avec intérêts au taux légal à compter du jugement, ainsi qu’à la somme de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris les dépens de référé et d’expertise judiciaire, d’autre part en ce qu`il a fixé à la somme de 1.713.50 € le déficit fonctionnel temporaire et à la somme de 10.000 € le préjudice résultant des souffrances endurées.

— infirmer pour le surplus la décision dont appel.

— ordonner la jonction des deux instances pendantes devant la Cour (RG 13/03159 et RG 11/06193) dans l’intérêt d’une bonne justice.

— déclarer le Docteur X, le Docteur D et la Clinique Ambroise Paré solidairement responsables des dommages subis par elle consécutivement à l`anesthésie péridurale.

— condamner solidairement le Docteur X, le Dr D et la Clinique Ambroise Paré à lui verser les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du jugement dont appel :

* Au titre du déficit fonctionnel temporaire :1.713.50 €

* Au titre du déficit fonctionnel permanent :12.500,00 €

* Au titre du pretium doloris 10.000,00 €

* Au titre du préjudice moral 15.000,00€

* Au titre du préjudice sexuel 3 000.00 €

* Au titre des frais d’aide humaine 6.502,30 €

* Au titre du défaut d’information 5.000,00 €

— condamner solidairement le Docteur X, le Dr D et la Clinique Ambroise Paré à lui payer la somme de 2.500 € sur le fondement de l`ai1icle 700 du Code de Procédure Civile.

— condamner solidairement le Docteur X, le Docteur D et la Clinique Ambroise Paré aux entiers dépens, en ce y compris les frais de l’expertise judiciaire et de la procédure de référé.

Concernant la jonction elle explique que dans le cadre d’une 1re procédure elle a fait assigner le docteur D, qu’elle a été déboutée par le tribunal de grande instance de toutes ses demandes dirigées contre lui, qu’elle a relevé appel de cette décision et que la procédure d’appel est pendant devant la cour.

Elle demande à la cour de retenir la responsabilité du docteur K X au motif qu’il a commis des maladresses lors de la 1re péridurale, le cathéter ayant été mal positionné (attention insuffisante manifestée à l’implantation correcte du 1er catheter, manque de suivi des suites de cette implantation en termes de succès de l’anesthésie) puis lors de la 2e péridurale qui a provoqué une brèche dans la dure mère, cet acte exigeant une geste précis.

Elle demande également à la cour de retenir la responsabilité du docteur D au motif que ce dernier n’a pas assuré la continuité des soins à sa patiente, qu’il n’est pas intervenu initialement au geste anesthésique programmé et qu’il n’a pas fait le choix d’un remplaçant suffisamment expérimenté.

Elle estime que ces médecins ont manqué à leur obligation d’information.

Elle ajoute que ce n’est que dans le cas où le docteur D n’assurait pas la continuité des soins que la clinique se réserve le droit de confier le malade après accord de ce dernier et de son médecin traitant à un médecin de la même spécialité, que contrairement aux explications qui lui ont été fournies le docteur D était présent à la clinique le jour de l’accouchement, qu’il s’agissait d’une intervention programmée, que la clinique était chargée de programmer l’action des professionnels de santé et que le docteur K X qui l’a remplacé n’était pas son remplaçant mais celui d’un autre confrère, et soutient que la clinique aurait dû veiller à la continuité des soins dans le respect des droits du malade et de son choix d’être soigné par le médecin qui s’est occupé de son suivi.

Le docteur D réplique dans ses conclusions du 28/10/2013 qu’il y a lieu de :

Rejetant toutes conclusions contraires ;

— Vu les dispositions des articles L 1111-2 et L 1142-1 I alinéa 1 du Code de la Santé Publique ;

— Vu le rapport d’expertise déposé par le Professeur DALLAY et le Docteur E ;

— Vu le Jugement en date du 25 Novembre 2008 rendu par le Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE ;

— démettre le Docteur X de son injustifié appel à l’encontre du Jugement du 16 Avril 2013, en ce qu’il a rejeté son injustifié recours en garantie à l’encontre du Docteur D

— démettre également Madame Z des fins de son injustifié appel incident à l’encontre du Docteur D ;

— confirmer, en conséquence, le jugement du 16 Avril 2013, en ce qu’il a mis hors de cause le Docteur D ;

— condamner tout succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Gilles SOREL, Avocat, sur son affirmation de droit et en vertu des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Il s’appuie sur la motivation des 1ers juges pour dire que le docteur K X, en sa qualité de praticien libéral, doit répondre seul des conséquences dommageables de ses actes susceptibles d’être qualifiés de fautifs.

La clinique Ambroise Paré fait valoir dans ses conclusions du 12/12/2013 qu’il convient de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tous cas mal fondées,

Vu les articles 1134 et 1147 du Code Civil

Vu le rapport d’expertise judiciaire

— confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté Madame I Z de ses demandes formées à l’encontre de la Clinique Ambroise PARE,

— condamner I Z au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre au paiement des entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la SCP MATHEU- RIVIERE-SACAZE et ASSOCIES, sur le fondement des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile et son affirmation de droit.

Elle rappelle qu’elle n’a pas été mise en cause lors de la 1re action diligentée par I Z à l’encontre du seul docteur D.

Elle soutient que la continuité des soins a été assurée et qu’il ne peut lui être reproché aucune faute.

Elle rappelle qu’il est mentionné sur les feuilles remises aux patients que le médecin anesthésiste qui effectue la consultation de pré anesthésie n’est pas forcément celui qui réalisera l’anesthésie effective et qu’aucune faute ne saurait lui être reprochée dans la mesure où le litige est d’ordre exclusivement médical.

Subsidiairement elle demande à la cour de minorer le montant des sommes réclamées.

La caisse primaire d’assurance maladie de la Haute Garonne demande à la cour de :

Vu le jugement du 16 avril 2013

Vu la déclaration d’appel du 28 mai 2013

Vu l’article L. 376-1 du Code de la Sécurité Sociale,

— confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, ce faisant :

— constater que la créance définitive de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Haute Garonne au titre des prestations de dépenses de santé actuelles servies à Mme Z ressort à la somme de 899,17 €

— dire et juger que cette somme devra s’imputer sur le poste « Dépenses de santé actuelles » à la charge des tiers responsables

— condamner les tiers responsables à payer à la Caisse primaire d’Assurance Maladie de la Haute Garonne la somme 899,17 € avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande au du jour du paiement des prestations à la victime si celle-ci est postérieure à celui-là

— condamner les tiers responsables au paiement de l’indemnité forfaitaire pour les frais de gestion que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Haute Garonne est en droit de recouvrer qui s’élève à la somme de 299,72 € étant précisé que cette indemnité est assimilée à une cotisation sociale et sera recouvrée selon les modalités prévues par le Code de la Sécurité sociale

— condamner le tiers responsable à payer à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Haute Garonne la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

— la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Me de LAMY sur son affirmation de droit conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile

— ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Elle expose qu’elle a exposé la somme de 899,17 € au titre des postes dépenses de santé actuelles et demande à être indemnisée à hauteur de cette somme.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de jonction

Aux termes de l’article 367 du code de procédure civile le juge peut à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

La connexité suppose que le jugement de l’une des questions de droit aura une influence sur la solution donnée à l’autre question et les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation quant à l’existence des circonstances propres à établir l’opportunité de la jonction d’instances.

En l’espèce la 1re procédure a été introduite par I Z à l’encontre du seul docteur D alors que la 2e procédure a été introduite par elle à l’encontre du docteur K X et de la clinique Ambroise Paré, le docteur D ne figurant dans cette dernière instance que parce qu’il a été appelé en cause par le docteur K X qui se prétend son préposé.

Dès lors le fondement juridique sur lequel est recherchée la responsabilité du docteur D est différent dans chacune des procédures.

Par ailleurs l’examen des fautes reprochées aux défendeurs se fait de façon totalement séparée, les fautes qui pourraient être retenues à l’encontre de certains leur restant personnelles et n’ayant pas d’incidence sur la responsabilité des autres professionnels.

Il ressort de ces éléments qu’il n’existe aucun risque de contrariété de décisions.

Dès lors la jonction ne se justifie pas.

Sur le fond

* Sur les responsabilités

Sur la responsabilité du docteur K X

L’article L1142-1 du code de la santé publique dispose que «Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.»

La faute est le fondement de la responsabilité médicale qui est de nature légale depuis la loi du 4/03/2002.

Il ressort tant de ces dispositions que de l’article 1147 du code civil que le médecin contracte vis-à-vis de son patient l’obligation de donner des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science.

Les difficultés particulières de l’art médical empreint d’un aléa constant interdisent d’engager par principe la responsabilité du médecin du seul fait de l’inobservation du résultat envisagé et il appartient au patient de rapporter la preuve du manquement du médecin à ses obligations.

Il est constant que le 9/10/2002 le docteur K X a procédé à une anesthésie péridurale mais que cet acte pratiqué à 9h45 a échoué puisque l’injection de produit n’a entraîné aucune analgésie.

Il a alors procédé à un 2e acte vers 11h15 qui a immédiatement entraîné des malaises pour la patiente (chute de tension, nausées, apparition d’un bloc moteur, existence d’une anesthésie cutanée de toute la partie inférieure du corps jusqu’au sternum). L’anesthésiste diagnostiquait un «passage en rachis» qu’il mentionnait sur la feuille d’anesthésie à 12h15.

Suite à ces deux échecs la péridurale était finalement réalisée par un autre anesthésiste, le docteur D.

Le diagnostic de «brèche méningée» suite à la 2e péridurale pratiquée a été admis par tous les professionnels de santé qui ont soigné I Z à la suite de cette intervention. C’est en considération de ce diagnostic qu’elle a été traitée (position en décubitus dorsal pendant plusieurs jours, administration de deux blood patch) et il a d’ailleurs été confirmé par examens IRM.

Les deux experts désignés par le juge des référés, les docteurs Dallay et E, n’ont pas non plus remis en cause ce diagnostic.

Il était notamment demandé à ces derniers de dire si les actes médicaux pratiqués et si l’opération effectuée l’ont été selon les règles de l’art, les données acquises de la science et la pratique de la chirurgie et de la médecine à la date des soins.

Concernant le docteur K X, ils n’ont pas remis en cause ses compétences, estimant qu’il avait une expérience suffisante.

Leur affirmation est d’ailleurs confirmée par l’attestation rédigée par le professeur Manelli du département anesthésie-réanimation du CHR de Marseille en date du 17/12/2012 qui certifie qu’au cours du stage que le docteur K X a effectué dans son service de mai à novembre 2000 il a pratiqué plus d’une cinquantaine de péridurales pour analgésie de l’accouchement.

Concernant le geste lui-même ils indiquent qu’il a été conforme aux pratiques habituelles de sa spécialité et que le docteur K X n’a pas commis de faute ni d’erreur d’appréciation.

Ils expliquent que la pose d’une péridurale est un acte médical très particulier reposant sur des sensations uniquement tactiles soumises à «bien des aléas». Pour étayer leurs dires ils indiquent que ces complications surviennent dans 3 % des cas. Ils ajoutent que «c’est la faute à pas de chance». Puis, en réponse aux dires de Maître C ils exposent qu’il n’y aurait maladresse que si l’on était certain qu’en respectant une technique rigoureuse cela n’arriverait jamais.

Leur appréciation apparaît particulièrement vague, décrite en termes généraux et nullement argumentée par rapport au cas de la patiente, demanderesse au procès, et dont ni l’état de santé ni sa morphologie ne la prédisposaient à ce type de complication, étant précisé qu’il s’agissait de son 3e accouchement sous péridurale et que les deux précédents s’étaient déroulés normalement.

Il sera d’ailleurs relevé que si une protusion discale a été découverte dans le cadre des examens que la patiente a dû subir suite aux complications survenues (IRM du 8/11/2002), cette anomalie peut éventuellement expliquer selon les experts l’échec de la 1re péridurale. Mais, outre le fait qu’il ne s’agit que d’une possibilité, en tout état de cause cette anomalie placée en L3-L4 ne saurait expliquer l’échec de la péridurale litigieuse ayant provoqué une fuite du liquide céphalo rachidien réalisée au niveau L4-L5.

Par ailleurs le taux de ce type de complications indiquées par les experts (3%) est contredit par un article médical daté de l’année 2000 intitulé «gestion d’une péridurale inefficace au cours du travail» réalisé par G. Boulay et G H et qui fait état d’un taux de complication de ce type de 0,8 %.

Ces experts ne s’expliquent pas non plus sur le fait que le docteur D a, malgré des conditions d’intervention qui devenaient difficiles compte tenu du contexte, réussi, suite à ces deux échecs, à pratiquer la péridurale.

Il a certes d’abord tenté de piquer dans l’espace L3-L4 mais a observé l’issue d’un liquide clair . Cet acte ne saurait être considéré comme un échec de péridurale puisque dès que le docteur D a observé cette anomalie qui serait liée aux deux péridurales précédentes réalisées par le docteur K X il n’a pas poursuivi son geste et a décidé de repiquer à l’étage inférieur L4-L5 réalisant ainsi avec succès la péridurale.

Dans ces conditions il convient de retenir que, alors qu’il s’agissait d’une intervention préparée puisque programmée, sur une personne en bonne santé qui avait déjà subi deux péridurales et qui ne présentait a priori aucune contre-indication, le docteur K X a à deux reprises échoué dans la mise en place du cathéter.

Si le 1er échec n’a pas eu de conséquences sur l’état de la patiente il convient cependant de relever que ce n’est que tardivement que le docteur K X a réagi en retirant le cathéter alors que selon l’étude déjà citée des signes cliniques simples permettent de savoir rapidement si une péridurale s’installe correctement, les experts indiquant que ce délai est d’une vingtaine de minutes. Or en l’espèce il s’est écoulé 1h30 entre les deux péridurales.

Ces deux échecs successifs et ce délai trop long entre les deux péridurales démontrent malgré son expérience en théorie acquise au CHR de Marseille un savoir-faire insuffisant de la part du docteur K X qui ne peut pour expliquer ses maladresses fautives se contenter de s’abriter derrière l’aléa chirurgical.

Sur l’appel en cause du docteur D par le docteur K X

Ce dernier prétend qu’il agissait en qualité de préposé du docteur D et fait état dans ses conclusions du contrat de remplacement qui les liait.

Cependant à défaut de production de ce document il ne rapporte pas la preuve de ce qu’il allègue et son recours contre le docteur D sera rejeté.

Sur les demandes dirigées contre la clinique Ambroise Paré

I Z prétend qu’ayant vu le docteur D au cours de la visite pré opératoire, c’est ce dernier qui aurait dû réaliser la péridurale et que la clinique a commis une faute en n’assurant pas la continuité des soins.

Cependant aucun contrat n’a été passé entre la patiente et le docteur D mais uniquement entre elle et la clinique Ambroise Paré.

Il est constant que la clinique a l’obligation de fournir une équipe efficace et compétente sous peine de voir sa responsabilité engagée.

En l’espèce il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir respecté cette obligation puisqu’un anesthésiste en la personne du docteur K X était présent lors de son intervention.

Les experts appelés à se prononcer sur ce point n’ont relevé aucune faute à l’encontre de la clinique Ambroise Paré, précisant que les feuilles de surveillance des soins et les comptes rendus sont conformes aux pratiques habituelles et à la nécessité d’établir une traçabilité satisfaisante.

Le jugement sera donc confirmé sur l’ensemble de ces points.

* Sur le préjudice

A la suite de la brèche méningée I Z a souffert de céphalées particulièrement rebelles et invalidantes pendant trois mois et les experts, se fondant sur un certificat médical établi par le docteur B le 16/01/2003, ont constaté qu’à cette date la brèche était obstruée et que les signes d’irritation méningée avaient disparu.

Ils ont retenu une incapacité temporaire de travail totale du 9/10/2002 au 28/11/2002 puis partielle à hauteur de 50% jusqu’au 16/01/2003.

Ils estiment les souffrances endurées à 4/7.

I Z demande confirmation des sommes allouées par le tribunal de ces chefs soit 10.000 € pour les souffrances endurées et 1.713,50 € pour le déficit fonctionnel temporaire.

Au vu des conclusions des experts et des explications reçues ces sommes sont justifiées et elles seront confirmées.

De même, au vu des justificatifs produits, seront également confirmées les sommes allouées à la caisse primaire d’assurance maladie.

— sur les frais divers

I Z demande la somme de 6.502,80 € représentant les frais d’aide-ménagère après son retour à domicile le 16/10/2002.

Compte tenu de la consolidation de son état à la date du 16/01/2003 ces frais ne sauraient être indemnisés pour une période supérieure à trois mois étant précisé que l’aide, même si elle est familiale, ne saurait faire obstacle à l’indemnisation sollicitée.

En prenant pour référence un salaire horaire de 10 € et une aide de 4 heures par jour il convient d’allouer à I Z la somme de 3.600 €.

— sur les autres chefs de demande

* les experts ayant retenu une guérison sans séquelle aucune indemnisation ne saurait être allouée au titre d’un déficit fonctionnel permanent et d’un préjudice sexuel.

* les experts ont inclus dans les souffrances endurées les souffrances psychiques et morales liées notamment au fait que lorsque I Z a regagné son domicile elle n’a pas pu s’occuper de ses enfants. Il n’est dès lors pas justifié de l’indemniser du préjudice moral sollicité en plus.

* le défaut d’information duquel l’intimée demande à être indemnisée fait l’objet de l’instance mettant en cause le docteur D et elle doit donc dans le cadre de la présente instance être déboutée de ce chef de demande.

Le docteur K X qui succombe supportera les dépens étant précisé qu’il assumera la charge définitive de la procédure de référé et des frais d’expertise judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions sauf sur le montant de l’indemnisation des frais divers,

Infirme le jugement de ce seul chef,

En conséquence

Statuant à nouveau

Après déduction des prestations dues à la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute Garonne soit 899,17 €

Condamne le docteur K X à payer à I Z en réparation de son préjudice corporel la somme de 15.313,50 €,

Y ajoutant

Condamne le docteur K X à payer à I Z la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés devant la cour,

Dit qu’il assumera la charge définitive des frais de référé et d’expertise judiciaire,

Déboute les parties de l’ensemble de leurs autres prétentions,

Condamne le docteur K X aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

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Cour d'appel de Toulouse, 26 mai 2014, n° 13/03159