Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 21 mars 2017, n° 16/05826

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 3e ch., 21 mars 2017, n° 16/05826
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 16/05826
Décision précédente : Tribunal de commerce de Toulouse, 2 novembre 2016, N° 2016R00474
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

21/03/2017

ARRÊT N° 251/2017

N° RG: 16/05826

XXX

Décision déférée du 03 Novembre 2016 – Tribunal de Commerce de TOULOUSE ( 2016R00474)

D. MICAUD

SAS SOCIETE TOULOUSAINE DE GENIE CIVIL (STGC)

C/

Z-A Y

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à Me MARIN

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS *** COUR D’APPEL DE TOULOUSE 3e chambre *** ARRÊT DU VINGT ET UN MARS DEUX MILLE DIX SEPT *** APPELANTE

SAS SOCIETE TOULOUSAINE DE GENIE CIVIL (STGC)

XXX

XXX

Représentée par Me Anne MARIN de l’ASSOCIATION CABINET D’AVOCATS DECKER & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME Monsieur Z-A Y

XXX

XXX

Représenté par Me Guy AZAM de la SELARL COTEG & AZAM ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Février 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BELIERES, Président, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BELIERES, président

A. BEAUCLAIR, conseiller

D. BENON, conseiller

Greffier, lors des débats : M. X

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par C. BELIERES, président, et par A. LLINARES, greffier de chambre

Exposé des faits et procédure

Par ordonnance en date du 31 mai 2016 rendue au visa de articles 145, 493 et 874 et suivants du code de procédure civile sur requête présentée le 30 mai 2016, le président du tribunal de commerce de Toulouse a autorisé M. Z-A Y, associé de la SAS Société Toulousaine de Génie Civil (STGC), à se faire assister de la SCP Cadene Casimiro, huissier de justice, lors de l’assemblée générale ordinaire d’approbation des comptes qui s’est tenue le 2 juin 2016.

Par acte d’huissier du 12 août 2016 la SAS STGC a fait assigner M. Y devant le président du tribunal de commerce de Toulouse pour voir rétracter cette ordonnance, la déclarer nulle et non avenue, prononcer la nullité de tout constat établi sur le fondement de celle-ci, le condamner au paiement de dommages et intérêts pour abus de procédure, outre une indemnité de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 3 novembre 2016, cette juridiction a

— donné acte à M. Y de ce qu’il abandonnait sa demande reconventionnelle d’expertise de gestion,

— confirmé les dispositions de l’ordonnance du 31 mai 2016,

— rejeté les demandes de la SAS STGC,

— condamné la SAS STGC au paiement de la somme de 400 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens. Par acte du 28 novembre 2016, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la SAS STGC a interjeté appel général de cette décision.

Moyens des parties

La SAS STGC demande dans ses conclusions du 13 février 2017 de

— réformer l’ordonnance,

— constater que le non-respect du contradictoire était injustifié,

— constater l’absence de motif grave et intéressant directement le fonctionnement de la société justifiant la présence d’un huissier lors de l’assemblée générale du 2 juin 2016,

— rétracter l’ordonnance rendue le 31 mai 2016 et signifiée le 2 juin 2016 ; la déclarer nulle et non avenue,

— prononcer la nullité de tout constat établi sur le fondement de celle-ci,

— condamner M. Y, auteur d’une procédure constituant incontestablement un abus de droit caractérisé, au paiement de la somme de 7.500 € à titre de dommages et intérêts,

— le condamner au paiement de la somme de 4.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— le condamner aux entiers dépens.

Elle fait valoir que M. Y a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mai 2016 à l’assemblée générale du 2 juin 2016, de sorte qu’il pouvait, dès cette date, saisir le président du tribunal de commerce statuant en référés dans le cadre d’une procédure contradictoire de sa demande de désignation d’un huissier de justice pour l’assister à cette réunion, au lieu de différer volontairement sa demande au 30 mai 2016 et de la présenter, en raison du bref délai, par voie de requête non contradictoire qui reste taisante sur les motifs qui justifieraient que cette mesure soit ordonnée non contradictoirement.

Elle indique que si le juge de la rétractation doit apprécier la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance selon les éléments et l’argumentation qui sont apportés lors du débat contradictoire instauré devant lui, il doit au préalable rechercher et vérifier si la mesure sollicitée exigeait une dérogation à la règle du contradictoire.

Elle souligne que l’argumentation de M. Y ne vaut que sur le premier point en vue de justifier du bien fondé de sa demande de désignation d’un huissier lors de l’assemblée générale, alors qu’il s’agit de vérifier, au préalable, l’existence de circonstances qui exigent que cette mesure n’ait pas été prise contradictoirement.

Elle soutient également qu’il n’existait aucun motif légitime à la désignation d’un huissier, une simple mésentente personnelle étant insuffisante dès lors que les assemblées précédentes s’étaient tenues en toute transparence, en présence de l’avocat de M. Y.

Elle affirme que cet associé est de mauvaise foi car il a toujours été tenu informé et a obtenu des réponses à ses questions, même quand il ne les a pas posées dans les règles, dans le respect de la loi et des statuts sur l’information des associés et leur droit à communication ; qu’aucune preuve de manquement à cet égard n’est rapportée, étant souligné que les trois dernières assemblées générales ont eu lieu au siège social de la société même si la précédente avait eu lieu à l’Ordre des avocats.

Elle rappelle que si les actionnaires peuvent solliciter l’assistance d’un huissier de justice avec mission de prendre note de l’intégralité des débats d’une assemblée générale, c’est à la condition que cette demande soit justifiée par des motifs graves, intéressant directement le fonctionnement de la société, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Elle estime que cette requête a été présentée avec une intention de nuire, M. Y étant parfaitement informé de la situation de la société et n’ayant pas hésité à user de cette procédure avec de faux prétextes dans le seul but de perturber le fonctionnement de la société par tous moyens.

M. Y sollicite dans ses conclusions du 3 février 2017 de

— déclarer irrecevable la demande nouvelle en dommages et intérêts formulée par la SAS STGC,

— confirmer l’ordonnance du 3 novembre 2016 dans toutes ses dispositions,

— dire que l’ordonnance sur requête du 31 mai 2016 était parfaitement justifiée et légitime,

— rejeter l’intégralité des demandes de la SAS STGC,

— la condamner au paiement de la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner aux entiers dépens de l’instance avec recouvrement dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il indique que la demande de dommages et intérêts de la SAS STGC est une demande nouvelle en cause appel et donc irrecevable.

Il fait valoir que la mésentente entre associés ou entre associés et gérants constitue un motif légitime pour solliciter la désignation d’un huissier de justice aux fins de relater objectivement les débats lors de l’assemblée générale de la société en cause, de sorte que sa requête était parfaitement fondée et justifiée, eu égard, d’une part, à la mésentente avérée et non contestée entre lui-même et M. Z C-Y, gérant de la SAS STGC et associé majoritaire par le biais de deux sociétés qu’il dirige et d’autre part, aux réponses lacunaires et/ou tardives ou absentes apportées par ce dernier et au défaut de résumé des débats dans les procès verbaux d’assemblée générale des exercices 2013 et 2014.

Il ajoute qu’au vu des circonstances, il a dû procéder par voie de requête tant pour créer un effet de surprise que pour contraindre M. Y, en sa qualité de dirigeant social, à répondre plus précisément, voire plus pertinemment aux interrogations fondées et soulevées à maintes reprises depuis 2013 et d’en réaliser une retranscription fidèle.

Il précise avoir reçu la convocation du 18 mai 2016 à l’assemblée générale postérieurement à cette date et affirme que s’il avait porté sa demande devant le juge des référés, la SAS STGC aurait soulevé tous moyens dilatoires pour retarder les plaidoiries et empêcher de fait la désignation d’un huissier pour l’assemblée générale du 2 juin 2016.

Il expose que si la décision prise par ordonnance sur requête est effectivement non contradictoire dans la mesure ou la partie adverse n’a pas été appelée, l’exécution de l’ordonnance s’efforce de l’être puisqu’elle doit être remise à la personne à laquelle elle est opposée antérieurement à l’exécution des mesures d’instruction prescrites, disposition qui a été respectée en l’espèce.

Il fait remarquer que cette désignation d’huissier a non seulement permis de relater fidèlement les débats mais a aussi eu pour effet de susciter des réponses plus précises aux questions posées.

Motifs de la décision

Sur la désignation d’un huissier

En vertu des articles 493 et suivants du code de procédure civile, l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse qui, s’il y est fait droit, peut être rétractée en référé par le juge qui l’a rendue. La demande de rétractation d’une ordonnance sur requête tendant au rétablissement du principe de la contradiction, le juge à qui elle est soumise doit rechercher d’office si le premier juge a été régulièrement saisi ; il doit vérifier si la requête et l’ordonnance exigent une dérogation au principe de la contradiction et dans le cas où elles sont fondées sur l’article 145 du code de procédure civile, apprécier l’existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale à la lumière des éléments de preuve présentés à l’appui et de ceux produits ultérieurement devant lui ; il dispose, en effet, des mêmes pouvoirs que celui ayant rendu l’ordonnance ; et le juge d’appel tient de l’article 561 du même code le pouvoir de connaître de l’entier litige, dans tous ses éléments de fait et de droit.

La requête présentée par M. Z-A Y le 30 mai 2016 en vue d’obtenir la désignation d’un huissier 'chargé de se présenter à l’assemblée générale ordinaire avec pour mandat de s’assurer que l’ordre du jour sera respecté, de retranscrire les échanges au cours de l’assemblée et de consigner les débats’ expose que 'depuis de nombreuses années, l’assemblée générale ordinaire annuelle pour approbation des comptes se déroule dans un climat conflictuel dans les locaux de l’ordre des avocats, qu’il a posé des questions en relation avec l’ordre du jour dans les convocations auxquelles il n’a pas obtenu de réponses claires, que les associés peuvent également poser des questions orales lors de l’ouverture des débats afin de demander toutes précisions utiles et complémentaires sur les documents, rapports et résolutions qui sont soumis à leur appréciation,

afin de leur permettre de prendre une position éclairée lors du vote des résolutions, que la rédaction des délibérations pour les exercices de 2013 et 2014 ne retrace pas la teneur des débats alors que selon l’article R 223-24 du code de commerce, un résumé des débats doit être inséré dans le procès-verbal, que le commissaire aux comptes n’a jamais été présent aux assemblées générales ordinaires annuelles , qui’l n’a jamais été d’accord sur les rédactions des procès-verbaux des trois dernières années, raison pour laquelle il n’a pas signé ceux qui lui ont été présentés, qu’il a en conséquence le plus grand intérêt, au vu de ces circonstances, à faire désigner un huissier de justice’ .

Si ces éléments tendent à caractériser les motifs légitimes à obtenir la mesure sollicitée, ils ne font pas la moindre référence aux circonstances de nature à justifier qu’il ne soit pas procédé contradictoirement.

L’ordonnance, après avoir mentionné que 'seuls des motifs graves et intéressant le fonctionnement de la société peuvent justifier la désignation d’un huissier pour assister aux débats de l’assemblée générale', retient qu''au vu des pièces déposées à l’appui de la requête, il existe des motifs légitimes d’y procéder’ et se borne à ajouter en une formule qui n’est que la reprise des termes de l’article 875 du code de procédure civile 'Attendu qu’il est démontré l’existence de circonstances exigeant qu’une mesure urgente ne soit pas prise contradictoirement', sans aucunement les énoncer ni les expliciter concrètement.

Or, les circonstances justifiant une dérogation au principe de la contradiction doivent être caractérisées par la requête et par l’ordonnance rendue sur son fondement.

L’absence de démonstration et de prise en compte, tant dans la requête elle-même que dans l’ordonnance sur requête, d’éléments propres au cas d’espèce susceptibles de justifier que la mesure demandée ne soit pas prise contradictoirement, établit que le juge des requêtes n’a pas été valablement saisi.

Le juge des référés se contente d’énoncer pour refuser la rétractation que 'les délais entre la date de la demande, soit le 30 mai 2016, et l’assemblée générale prévue le 2 juin 2016 ne permettraient pas une prise de décision contradictoire'.

Mais en raison du délai séparant la date de convocation à l’assemblée générale, soit le 18 mai 2016, de la date de l’assemblée générale prévue le 2 juin 2016, M. Z-A Y disposait d’un temps suffisant pour saisir le juge des référés selon les règles de l’article 485 alinéa 1 et au besoin alinéa 2 du code de procédure civile et obtenir une prise de décision contradictoire ; il disposait dès le départ de toutes les données qui ont motivé le dépôt de sa requête, aucun événement particulier n’étant survenu dans cet intervalle de temps ou, tout au moins, aucun n’est allégué par quelque partie. Et rien ne justifiait pour l’utilité de la mesure, de ne pas informer la personne visée qu’elle était sollicitée.

Aucun impératif n’imposait que la désignation d’un huissier chargé de la retranscription des échanges et des débats au cours d’une assemblée générale ordinaire d’approbation des comptes pour en dresser procès-verbal déroge au principe du contradictoire, exigence primordiale du procès civil qui suppose un débat préalable à la décision.

En raison de la nature de la mission confiée à l’huissier, rien ne permet de retenir que l’efficacité de la mesure en dépendait et était subordonnée à un effet de surprise.

Il convient, dès lors, d’infirmer l’ordonnance de référé en date du 3 novembre 2016, de dire y avoir lieu à rétractation de l’ordonnance sur requête du 31 mai 2016 ayant désigné un huissier de justice et de faire droit à la demande de la SAS STGC tendant à l’annulation du procès-verbal de constat dressé le 2 juin 2016.

Sur les demandes annexes

La demande indemnitaire de la SAS STGC est recevable pour la première fois en cause d’appel au regard des prescriptions de l’article 566 du code de procédure civile, s’agissant d’une demande qui est le complément de celle soumise au premier juge tendant à voir écarter la requête présentée par la SAS STGC comme ne répondant nullement aux exigences légales de sa mise en oeuvre ; elle doit être rejetée au fond en l’absence de circonstances particulières pouvant constituer un abus de droit justifiant l’octroi de dommages et intérêts, alors que sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, malgré l’infirmation dont sa décision a été l’objet.

M. Y qui succombe supportera la charge des entiers dépens de première instance et d’appel et doit être débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande d’allouer une indemnité globale de 1.000 € à la SAS STGC au titre de ses propres frais irrépétibles exposés devant le tribunal et la cour.

Par ces motifs

La cour,

— Infirme l’ordonnance de référé du 03 Novembre 2016,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

— Rétracte l’ordonnance sur requête du 31 mai 2016 désignant la SCP Cadene Casimiro, huissier de justice,

— Dit en conséquence que le procès-verbal de constat établi par la SCP Cadene Casimiro, huissier de justice, est nul et de nul effet,

— Déclare recevable la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par la SAS Société Toulousaine de Génie Civil ; l’en déboute,

— Condamne M. Z-A Y à payer à la SAS Société Toulousaine de Génie Civil la somme globale de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

— Déboute M. Z-A Y de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles.

— Condamne M. Z-A Y aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Le greffier Le président

XXX .

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