Cour d'appel de Toulouse, 1re chambre section 1, 16 mars 2020, n° 17/04975

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 16 mars 2020, n° 17/04975
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 17/04975
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulouse, 11 octobre 2017, N° 17/1276
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
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Texte intégral

16/03/2020

ARRÊT N°189

N° RG 17/04975 – N° Portalis DBVI-V-B7B-L4WB

CR/NC

Décision déférée du 12 Octobre 2017 – Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE – 17/1276

M. [M]

[R] [K]

[W] [N] épouse [K]

SA LES GRAVIERES DE MARTESTOLOSANE ETABLISSEMENTS

C/

SAS RAZEL-BEC

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEIZE MARS DEUX MILLE VINGT

***

APPELANTS

Monsieur [R] [K]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Assisté de Me Stéphane RUFF de la SCP RSGN AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [W] [N] épouse [K]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée de Me Stéphane RUFF de la SCP RSGN AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

SA LES GRAVIERES DE MARTRES TOLOSANE – ETABLISSEMENTS [K]

RCS de TOULOUSE 546 880 113

prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée de Me Stéphane RUFF de la SCP RSGN AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

SAS RAZEL-BEC

RCS d’EVRY 562 136 036

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe DUPUY de la SELARL DUPUY-PEENE, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée de Me Barthélémy COUSIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 09 Décembre 2019 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. ROUGER, conseiller faisant fonction de président

J.C. GARRIGUES, conseiller

J-H.DESFONTAINE, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C.PREVOT

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par C. ROUGER, président, et par C. ROUQUET, greffier de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE

La Sas Razel-Bec est une entreprise de travaux publics spécialisée dans le terrassement, le génie civil, les travaux souterrains, les travaux de voirie, de réseaux et d’aménagement urbain.

La Sa Les Gravières de Martres-Tolosane – Ets [K] (ci-après dénommée la Sa Gmt) est une entreprise familiale exploitant un fonds de commerce [Adresse 5] (31220) comprenant trois branches complètes et autonomes d’activités, à savoir':

— extraction, concassage et négoce de matériaux de carrière,

— travaux publics

— transport public.

Suivant acte sous seing privé du 20 décembre 2007, la Sa Gmt, représentée par son Pdg de l’époque, M. [R] [K], a conclu avec la Sas Lafarge Bétons Sud-Ouest un contrat de vente sous conditions suspensives d’une part, de son fonds de commerce d’extraction, transformation et de vente de matériaux de carrière ainsi que de réception de déchets inertes exploité à [Localité 2] (31) et d’autre part, de sa branche de fonds de commerce de dépôt de granulats, exploité à [Localité 9] (31), au prix total d’un million d’euros, dont 700.000 € pour les éléments incorporels et 300.000 € pour les éléments corporels. Aux termes de cette convention, les conditions suspensives, dont une inhérente à une autorisation d’exploitation déposée par la Sa Gmt, devaient être réalisées avant le 31 décembre 2012.

Par acte sous seing privé du 11 juillet 2012, la Sas Razel-Bec a signé avec d’une part, M. [R] [K] et Mme [W] [N] épouse [K], et d’autre part, la Sa Gmt, représentée par Mme [C] [K], en qualité de Pdg, un document intitulé 'Protocole d’Accord Confidentiel’ prévoyant la réalisation de trois opérations : la cession d’une branche d’activité, une cession de terrains et une vente de matériaux.

Sous réserve de la réalisation de diverses conditions suspensives avant le 31 mars 2013, notamment de la non réalisation des conditions suspensives stipulées à la promesse de vente du 20 décembre 2007 bénéficiant à la société Lafarge Beton Sud-Ouest et du non exercice de tout droit de préemption, les parties ont convenu de la réalisation, avec stipulation d’indivisibilité, d’une part de la cession par la société Gmt à la société Razel et Cie de sa branche d’activité d’extraction, concassage, et négoce de matériaux exploitée à [Localité 2] pour un prix de 700.000 €, sauf complément de 200.000 € à l’obtention de l’autorisation préfectorale de l’extraction de matériaux à [Localité 2] sur les terrains d’une superficie de 6ha environ appartenant pour partie à M. et Mme [K], d’autre part, de la cession simultanée par M. [R] [K] et Mme [W] [K], épouse de ce dernier, à la société Razel et Cie de parcelles en nature de terre cadastrées section AI [Localité 8] représentant une superficie de 47091 m2 selon l’annexe 05 du protocole ayant fait l’objet de demandes d’autorisation d’exploiter, moyennant un prix principal de 800.000 €.

Par ailleurs le protocole prévoyait un contrat de vente par la Sa Gmt au profit de la société Razel-Bec de 116 000 tonnes de matériaux concassés et roulés à prélever sur le stock existant de produits finis situé sur le site de la carrière de Gmt [Adresse 5] et en cas d’insuffisance et pour la partie restante sur le stock à produire par le fournisseur, à effet différé entre le 1er avril et le 30 juin 2013, et ce au prix de 696.000 HT Tva en sus, hors transport et hors Tgap, payable à la signature du protocole, cette cession étant consentie sous condition résolutoire de la réalisation de la cession par les époux [K] au profit de la société Razel-Bec des parcelles de terrain objets de la promesse de vente susvisée.

Le 17 décembre 2012, la Sa Gmt représentée par Mme [C] [K] signait avec la Sas Lafarge Bétons Sud-Ouest un avenant à l’acte de cession du 20 décembre 2007 prorogeant la date butoir de levée des conditions suspensives pour une durée de 6 mois, soit jusqu’au 30 juin 2013, cette nouvelle échéance pouvant 'être automatiquement prorogée pour la même durée, au maximum à deux reprises, soit au plus tard jusqu’au 30 juin 2014, à la demande de l’acquéreur'.

Par courrier du 27 mars 2013, la Sas Razel-Bec, rappelant que la Sa Gmt et M. et Mme [K] s’étaient interdits de proroger la promesse de vente consentie à la société Lafarge Bétons Sud Ouest et s’estimant fondée à considérer que les conditions suspensives stipulées au protocole du 11 juillet 2012 étaient réalisées, a sollicité que leurs accords soient régularisés dans les termes prévus au protocole.

Par courrier du 3 avril 2013, M. [R] [K], indiquait que sauf à révéler le protocole du 11 juillet 2012, la Sa Gmt n’avait pu refuser de proroger les accords passés avec la société Lafarge Bétons Sud-Ouest dès lors qu’à la date du 31 décembre 2012 la condition suspensive relative à l’autorisation d’exploiter les terrains au [Adresse 7] n’était pas réalisée.

Par courrier du 23 avril 2013, la Sas Razel-Bec faisait part à M. [R] [K] de son intention d’obtenir l’exécution des engagements contenus dans le protocole du 11 juillet 2012, puis par courriers du 25 juin 2013, elle mettait en demeure la Sa Gmt et M. et Mme [K] de prendre attache avec Me [D], notaire à [Localité 6], aux fins de régularisation de l’acte définitif de cession tel que convenu au protocole.

Par courrier du 13 septembre 2013, Me [D] convoquait M. et Mme [K] à un rendez-vous de signature destiné à la régularisation de la vente des parcelles objets du protocole pour le 30 septembre suivant.

Par courrier du 14 septembre 2013, le conseil de la Sas Razel-Bec faisait adresser à la Sa Gmt une convocation similaire aux fins de réitérer les termes du compromis du 11 juillet 2012 concernant la vente de la branche d’activité d’extraction de matériaux.

Par courrier en réponse du 27 septembre 2013, la Sa Gmt et M. et Mme [K] faisaient savoir qu’ils ne se rendraient pas à ce rendez-vous, aux motifs de difficultés relatives à la liste du personnel salarié devant être repris par la Sas Razel-Bec du fait de la cession d’activité, d’une difficulté portant sur la cession du stock de matériaux et du fait que les délais de recours affectant les autorisations d’exploitation n’étaient pas expirés. Ils prétendaient en outre que la valorisation du terrain leur apparaissait bien supérieure à celle retenue dans le protocole, qu’ils estimaient lésionnaire à leur égard.

Après avoir vainement sollicité en référé le remboursement de la somme versée au titre de la vente de matériaux, par actes du 29 novembre 2013, la Sas Razel-Bec a fait assigner la Sa Gmt et M. et Mme [K] devant le tribunal de grande instance de Toulouse, aux fins d’obtenir essentiellement l’exécution forcée de la cession de la branche d’activité d’extraction de matériaux et de la vente des parcelles objets du protocole du 11 juillet 2012.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 10 septembre 2014, la Sa Gmt et M. et Mme [K] indiquaient que l’indivision propriétaire des terrains hébergeant les installations cédées au titre de la cession de branche d’activité comptait parmi ses membres M. [Z] [K], et que ce dernier n’étant pas signataire du protocole, il était difficilement concevable d’obliger indirectement un tiers à l’acte à consentir à une mise à disposition gracieuse de ses biens, ce qui rendait selon eux de facto irrecevable toute prétention de la société Razel-Bec à la réitération de l’accord conclu entre les parties.

Par conseils interposés, la Sas Razel-Bec faisait alors sommation aux défendeurs de communiquer le bail conclu entre la Sa Gmt et les propriétaires du terrain sur lequel était exploité le fonds / la branche de fonds, objet de la cession prévue au protocole.

Par courrier officiel du 11 mars 2015, le conseil des défendeurs indiquait qu’il n’existait pas de contrat de bail.

Par jugement contradictoire du 12 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

— prononcé la nullité du protocole d’accord confidentiel conclu entre la Sas Razel-Bec d’une part et la Sa Les Gravières de Martres-Tolosane – Ets [K] et M. [R] [K] et Mme [W] [N] épouse [K] d’autre part en date du 11 juillet 2012,

— condamné in solidum la Sa Les Gravières de Martres-Tolosane – Ets [K] et M. [R] [K] et Mme [W] [N] épouse [K] à payer à la Sas Razel-Bec la somme de 864.325,28 € en remboursement du prix du stock de granulats,

— condamné in solidum la Sa Les Gravières de Martres-Tolosane – Ets [K] et M. [R] [K] et Mme [W] [N] épouse [K] à payer à la Sas Razel-Bec la somme de 304.168 € au titre de son gain manqué d’exploitation,

— débouté la Sas Razel-Bec de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’assistance à la rédaction du protocole d’accord confidentiel du 11 juillet 2012,

— condamné in solidum la Sa Les Gravières de Martres-Tolosane – Ets [K] et M. [R] [K] et Mme [W] [N] épouse [K] aux dépens de l’instance,

— condamné in solidum la Sa Les Gravières de Martres-Tolosane – Ets [K] et M. [R] [K] et Mme [W] [N] épouse [K] à payer à la Sas Razel-Bec la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement.

M. et Mme [K], ainsi que la Sa Les Gravières de Martres Tolosane Ets [K], ont interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 17 octobre 2017.

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 12 juillet 2018, la Sa Les Gravières de Martres Tolosane Ets [K], M. et Mme [K], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 1589-2, 1591 et suivants, 1116, 1119, 1120 et 815-3 du code civil dans leur version applicable au litige, de :

— rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées,

— les déclarer recevables en leur appel,

— au fond, les déclarer bien fondés,

Sur ce,

— infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulouse le 12 octobre 2017 dans sa totalité,

Statuant à nouveau,

— dire et juger que les parties s’accordent pour considérer que les dispositions du Titre I du protocole du 11 juillet 2012 ne peuvent faire l’objet d’une réitération,

— dire et juger en toute circonstance que la promesse relative à la cession est nulle et de nul effet,

Vu la stipulation d’indivisibilité prévue à l’acte du 11 juillet 2012,

— déclarer nulles et de nul effet les promesses de cessions de fonds de commerce et de biens immobiliers contenues audit protocole,

— dire et juger qu’ils n’ont pas commis de manoeuvre dolosive caractérisant un dol lors de la conclusion du protocole du 11 juillet 2012,

— dire et juger qu’ils ne se sont en aucune façon portés fort pour l’indivision [K] et M. [Z] [K],

— débouter en conséquence la société Razel-Bec de toutes ses demandes, fins et conclusions, telles que tendant à l’annulation des conventions conclues pour dol,

— débouter la société Razel-Bec de toutes ses demandes indemnitaires,

— rejeter en conséquence sa demande reconventionnelle formée au titre d’un appel incident,

— dire et juger que la vente de matériaux constitutive des dispositions du Titre II du protocole du 11 juillet 2012 ne saurait faire l’objet d’une résolution pour quelque motif que ce soit,

Constatant que la société Gmt-Ets [K] a satisfait à toutes ses obligations au titre de la livraison de la vente de matériaux, objet du Titre II du protocole du 11 juillet 2012,

— débouter la société Razel-Bec de sa demande de résolution et/ou d’annulation du contrat de vente de matériaux,

En toutes circonstances,

— condamner la société Razel-Bec au paiement de la somme de 45.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de chacun des défendeurs,

— condamner la société Razel-Bec aux entiers dépens dont distraction pour ceux d’appel au bénéfice de Me Sorel.

Ils font valoir que la promesse de cession de biens immobiliers intégrée dans l’accord du 11 juillet 2012 n’était pas synallagmatique, mais unilatérale, à défaut d’obligation d’achat, de sorte qu’elle devait être enregistrée conformément à l’article 1589-2 du code civil ; qu’ainsi, à défaut d’avoir effectué cet enregistrement, la promesse est nulle, ce qui implique également la nullité de la cession du fonds de commerce, en raison de l’indivisibilité des actes.

Ils considèrent que le protocole du 11 juillet 2012, ne peut être annulé pour dol, dans la mesure où ce vice du consentement suppose la démonstration d’un élément matériel, qui en l’espèce serait un mensonge, et d’un élément moral, la volonté de tromper le consentement de l’autre partie ; mais qu’en l’espèce, aucun de ces éléments n’est caractérisé. En premier lieu, ils affirment qu’ils ont eux-mêmes déclaré dans le préambule du contrat que les terrains sur lesquels était exercée l’activité de concassage étaient la propriété d’une indivision, et qu’à aucun moment, ils n’ont laissé entendre qu’ils en étaient les seuls membres. Ils précisent par ailleurs que la société Razel-Bec était assistée d’un avocat et d’un juriste lors de la finalisation des accords, et qu’il est donc parfaitement surréaliste de penser qu’ils aient pu tromper ces derniers, qui, légitimement alertés sur l’existence d’une indivision, ont bien évidemment tiré toutes les conséquences de cette situation. En second lieu, ils soutiennent qu’ils n’ont pas menti sur l’existence d’un bail, car même s’il n’existe pas d’écrit, la société Ets [K] étant une entreprise familiale, il n’est pas illogique que ce bail fût verbal. De plus, ils précisent que la qualité de professionnel averti de la société Razel-Bec permet d’exclure le dol, dans la mesure où ce dernier disposait de moyens d’information lui permettant d’apprécier les risques encourus, de sorte qu’il ne peut soutenir avoir été trompé. Enfin, ils soulignent qu’en tout état de cause, il n’est même pas démontré que la société Razel-Bec aurait agi différemment si elle avait su dès l’origine que certains membres de l’indivision [K] n’auraient pas consenti à la concession d’un bail à titre gratuit, sachant que la conclusion d’un nouveau bail n’avait en définitive que peu d’incidence économique sur l’opération.

Ils affirment qu’ils ne se sont jamais portés fort du fait que l’indivision [K] accorderait à la société Razel-Bec le droit d’utiliser des terrains hébergeant les installations à titre gratuit, car une promesse de porte fort s’évince non du comportement de celui qui s’engage mais de la manifestation de volonté de celui-ci, or, à aucun moment, ils n’ont manifesté la volonté de faire souscrire un tel engagement par l’indivision.

Ils indiquent que les premiers juges ont fait une mauvaise appréciation du préjudice qu’aurait prétendument subi la société Razel-Bec du fait de l’absence de conclusion d’accord, dans la mesure où le lien de causalité n’est pas établi, puisque le prétendu dol n’est relatif qu’à la cession de la branche d’activité de concassage qui seule concerne l’indivision, laquelle n’est pas concernée par la vente des terrains. De plus, ils considèrent que ce préjudice n’est pas non plus justifié dans son quantum, car sur la base des chiffres produits, le profit perdu s’élèverait tout au mieux à une somme de 344 750 € sur laquelle il conviendrait d’imputer le coût d’acquisition soit 1 700 000 €, ce qui révèle non un gain manqué, mais une perte évitée de 1 355 250 €.

Ils prétendent, enfin, que la demande formulée par la société Razel-Bec visant à la restitution du prix payé au titre de l’acquisition des matériaux est irrecevable et en toute circonstance mal fondée. En effet, ils contestent le fait que le dol prétendument caractérisé affecte les dispositions du titre II du protocole inhérent au contrat de vente de matériaux, alors même que les parties avaient consacré le caractère accessoire des contrats voire alternatif, mais certainement pas leur caractère indivisible. Ils en déduisent que le contrat de vente n’est ni résolu, ni caduc, la société Gmt-Ets [K] affirmant avoir parfaitement exécuté l’ensemble de ses obligations.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 12 avril 2018, la Sas Razel-Bec, intimée, appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles 815-3, 1109, 1116, 1119, 1120, 1134, 1147 et 1382 du code civil dans leur version applicable avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, et de l’article L.145-3 du code de commerce, de :

A titre principal,

— la recevoir en ses présentes écritures et la dire bien-fondée,

— débouter les appelants de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

— confirmer que son consentement a été surpris par dol,

— confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du protocole du 11 juillet 2012,

— confirmer que la responsabilité de la société Les Gravières de Martres Tolosane ainsi que M. et Mme [K] doit être engagée, in solidum,

Sur le quantum,

— confirmer la condamnation de la société Les Gravières de Martres Tolosane in solidum avec M. et Mme [K] à lui restituer la somme de 864.325,28 €,

— infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Les Gravières de Martres Tolosane in solidum avec M. et Mme [K] à lui payer une somme de 304.168 € au titre de son gain manqué,

— infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre des frais engagés pour la signature du protocole du 11 juillet 2012,

Statuant à nouveau,

— condamner la société Les Gravières de Martres Tolosane in solidum avec M. et Mme [K] à lui payer une somme de 998.051,25 € au titre de son gain manqué,

— condamner la société Les Gravières de Martres Tolosane in solidum avec M. et Mme [K] à lui payer la somme de 2.798,64 € au titre des frais engagés pour la signature du protocole du 11 juillet 2012,

A titre subsidiaire,

— dire et juger que la société Les Gravières de Martres Tolosane ainsi que M. et Mme [K] se sont portés forts pour M. [Z] [K],

— dire et juger que la responsabilité de la société Les Gravières de Martres Tolosane ainsi que M. et Mme [K] doit être engagée in solidum, pour non-respect de leur promesse de porte fort,

— prononcer la résolution du protocole du 11 juillet 2012,

— condamner la société Les Gravières de Martres Tolosane in solidum avec M. et Mme [K] à lui restituer la somme de 864.325,28 €,

— condamner la société Les Gravières de Martres Tolosane in solidum avec M. et Mme [K] à lui payer la somme de 998.051,25 € au titre de son gain manqué,

— condamner la société Les Gravières de Martres Tolosane in solidum avec M. et Mme [K], à lui payer la somme de 2.798,64 € au titre des frais engagés pour la signature du protocole du 11 juillet 2012,

En tout état de cause,

— assortir les condamnations prononcées de l’intérêt au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation et ordonner la capitalisation des intérêts,

— condamner la société Les Gravières de Martres Tolosane in solidum avec M. et Mme [K] à lui verser 105.616,72 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Les Gravières de Martres Tolosane in solidum avec M. et Mme [K] aux entiers dépens.

Elle fait valoir qu’il convient de confirmer que l’exécution du protocole est désormais impossible dans la mesure où, d’une part, le consentement de tous les indivisaires est nécessaire pour la conclusion d’un nouveau bail sur les terrains hébergeant les installations cédées, et d’autre part, l’absence de bail établit que la société Gmt n’a pas le pouvoir de sous-louer les terrains hébergeant les installations.

Elle affirme que la promesse de cession des terrains à exploiter n’est pas nulle pour défaut d’enregistrement, car il s’agit, sans contestation possible, d’une promesse synallagmatique, non soumise à enregistrement, puisqu’elle ne disposait d’aucun droit d’option, ainsi que l’a retenu le tribunal.

Elle soutient qu’elle a été victime d’un dol, l’élément matériel étant doublement caractérisé par les mensonges des époux [K] qui ont affirmé être titulaires d’un bail commercial sur les terrains et se sont abstenus de fournir la réelle identité des propriétaires indivis des terrains exploités, lui laissant ainsi croire qu’elle pouvait de façon certaine bénéficier d’un bail sur ces terrains. Elle ajoute que l’élément moral est également caractérisé, car les époux [K] ont délibérément gardé le silence sur ces points, et en réalité, n’ont jamais eu l’intention de céder la branche d’activité ou les terrains à exploiter, car ils ne pouvaient ignorer qu’ils promettaient quelque chose dont ils n’avaient pas la disposition. Par ailleurs, elle souligne qu’elle n’aurait pas signé le protocole si elle n’avait pas été victime d’une erreur provoquée, car elle n’avait aucun intérêt à acquérir une branche d’activité s’il lui était impossible d’utiliser le terrain sur lequel étaient situées les installations cédées. Elle précise que la qualité de la victime n’est susceptible d’écarter la qualification de dol uniquement lorsque l’erreur provoquée porte sur la chose, objet du contrat, et non sur les contractants eux-mêmes ; qu’ainsi, elle n’avait aucune obligation d’enquêter sur la société Gmt et les époux [K] en effectuant des recherches auprès de registres officiels pour s’assurer que ces derniers ne mentaient pas et avaient bien la disposition de ce qu’ils cédaient. Elle en conclut que la nullité du protocole doit être confirmée, et donc que la somme versée au titre de la vente des granulats doit lui être restituée, soit 864 325,28 €.

Subsidiairement, si la Cour devait considérer que les éléments du dol n’étaient pas réunis, elle demande que la responsabilité de la société Gmt et des époux [K] soit engagée pour s’être portés forts de ce que les terrains hébergeant les installations seraient mis à sa disposition, les estimant tenus à ce titre d’une obligation de résultat.

Elle sollicite l’évaluation de son gain manqué à la somme de 998.051,25 €, représentant selon elle le montant de la marge nette qu’elle aurait réalisée si le protocole avait été exécuté. Elle soutient en outre qu’elle n’aurait pas engagé de frais pour la signature du protocole si la société Gmt et les époux [K] ne s’étaient pas engagés à céder quelque chose dont ils n’avaient pas la disposition.

De plus, elle sollicite que soit prononcée la résolution de la vente des granulats, car seule la non levée des conditions suspensives aurait justifié un éventuel maintien de cette vente.

SUR CE, LA COUR':

1°/ Sur la nullité des promesses de cession, par la Sa Gmt, de la branche d’activité de d’extraction, transformation et de vente de matériaux de carrière et par les époux [K] de diverses parcelles de terre sises section A1 [Adresse 7]

Les parties au litige, admettant leur impossibilité d’exécution, sollicitent respectivement le prononcé de la nullité des promesses de cessions objets du titre I du protocole du 11 juillet 2012 mais pour des motifs différents qu’il convient d’examiner successivement.

a) Sur la demande de nullité formée par les appelants pour non enregistrement de la promesse de cession de biens immobiliers

Selon les dispositions de l’article 1589-2 du code civil, reprenant celles de l’article 1840 A du code général des impôts, est nulle et de nul effet toute promesse unilatérale de vente afférente à un immeuble, à un droit immobilier, à un fonds de commerce, à un droit au bail portant sur tout ou partie d’un immeuble si elle n’est pas constatée par un acte authentique ou par un acte sous seing privé enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire.

Selon les dispositions de l’article 1589 du même code, la promesse de vente vaut vente lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix.

La convention par laquelle une personne s’engage définitivement à acquérir, dès qu’auraient été remplies avant une certaine date les obligations mises à la charge du promettant, ce qui ôte toute faculté d’option au bénéficiaire de la promesse et donne à celle-ci un caractère synallagmatique, ne peut constituer une promesse unilatérale de vente et n’est pas soumise par conséquent aux dispositions de l’article 1840 A du code général des impôts.

En l’espèce, le protocole signé entre les parties le 11 juillet 2012 comporte une partie I intitulée «'promesse synallagmatique de vente d’une branche d’activité et de terrains à usage de carrière'», déclinant au sein de cette partie une sous-partie I-1 intitulée «'Promesse de vente de branche d’activité'» et une sous-partie I-2 intitulée «'Promesse de vente de terrains'».

La promesse de vente de terrains est ainsi libellée «'Par les présentes, M. et Mme [R] [K], vendeurs, vendent en s’obligeant à toutes les garanties ordinaires de fait et de droit en pareille matière, et sous les conditions suspensives ci-après stipulées, à la société Razel-Bec, acquéreur, qui accepte sous les mêmes conditions suspensives le bien immobilier ci-après désigné, à savoir, à [Localité 2] (Haute-Garonne), une parcelle en nature de terres désignée en annexe 05…'; la vente si elle se réalise aura lieu moyennant le prix principal de 800.000 € qui sera payable comptant le jour de la signature de l’acte authentique. Les parties soumettent formellement la réalisation des présentes et le transfert de propriété au paiement par l’acquéreur au plus tard au moment de l’acte authentique de vente de l’intégralité du prix payable comptant et des frais de réalisation.'» La convention précise que «'le vendeur s’engage à justifier, au plus tard le jour de la réitération authentique des présentes, qu’il est propriétaire du bien vendu'» et que «'l’acquéreur sera propriétaire du bien ci-dessus désigné à compter du jour de la réalisation de la vente par acte authentique…'».

Suit l’énoncé de diverses conditions suspensives ainsi libellées': «'les présentes sont expressément soumises aux conditions suspensives ci-après, étant observé que la non-réalisation d’une seule de ces conditions suspensives entraînera la caducité des présentes'».

La convention énonce tout d’abord des conditions suspensives dites de droit commun (l’acquéreur ne doit pas être dissout ou en état de l’être'; les titres de propriété et les pièces d’urbanisme ne révèlent pas de servitudes ou charges autres que celles éventuellement indiquées aux présentes, ni de vices non révélés aux présentes, pouvant grever l’immeuble ou en diminuer sensiblement la valeur ou le rendre impropre à la destination que l’acquéreur déclare être à usage d’exploitation de carrière et extraction de matériaux'; non exercice d’un droit de préemption quelconque'; état hypothécaire ne révélant pas d’inscriptions dont la charge en principal, intérêts et accessoires augmentée du coût des radiations à effectuer serait supérieure au prix et pour lesquelles il n’aurait pas été obtenu de dispense de purge des hypothèques).

Elle énonce ensuite des conditions suspensives dites particulières ainsi libellées': «' L’acquéreur déclare que la présente acquisition forme une opération globale avec l’acquisition de la branche d’activité ci-dessus qui constitue une condition déterminante de son consentement, sans laquelle il n’aurait pas contracté. Aussi le présent avant-contrat est soumis aux conditions suspensives suivantes':

1) la constatation du défaut de réalisation des conditions suspensives stipulées aux termes de la promesse de vente consentie au bénéfice de la société Lafarge Béton Sud Ouest et corrélativement le défaut de réalisation de la cession du fonds de commerce au profit de ladite société

2) la régularisation concomitante du ou des actes portant cession au bénéfice de la société Razel-Bec de la branche d’activité visée au paragraphe I-1 ci-dessus.

En cas de réalisation des conditions suspensives stipulées, la signature de l’acte authentique de vente aura lieu au plus tard le 30 juin 2013 moyennant le paiement du prix et des frais par chèque de banque à l’ordre du ou des rédacteurs.'»

Les termes de cette convention établissent la juste qualification par les signataires du protocole de promesse synallagmatique, les époux [K] s’engageant à vendre, la société Razel-Bec acceptant cette vente, aux conditions fixées à la convention quant à la chose vendue et au prix, sous les seules conditions suspensives ci-dessus reproduites dont la constatation de la réalisation subordonnait uniquement la date extrême de signature de l’acte authentique de vente ou la non réalisation la caducité de la convention dans son entier, excluant toute faculté d’option au profit de la société Razel-Bec.

En conséquence, le premier juge a justement retenu que ladite promesse constituait une promesse synallagmatique portant engagement réciproque de vente et d’achat sans droit d’option pour l’une ou l’autre des parties mais seulement sous conditions suspensives indépendantes de la volonté de l’une ou l’autre.

Une telle promesse synallagmatique n’était donc pas soumise à la formalité de l’enregistrement telle qu’énoncée ci-dessus et aucune nullité ne peut être utilement soutenue par les appelants de ce chef.

b) Sur l’action en nullité pour dol engagée par la société Razel-Bec

Selon les dispositions de l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que sans ces man’uvres l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. Il peut résulter de man’uvres positives tout autant que d’un mensonge, d’une réticence dolosive voire d’un simple silence dès lors qu’il est établi que le cocontractant qui en est l’auteur a agi intentionnellement pour tromper l’autre contractant et que l’élément sur lequel il porte a été déterminant du consentement de ce dernier, l’erreur provoquée par le dol étant quant à elle toujours excusable, même lorsqu’elle ne porte pas sur la substance de la chose, dès lors qu’elle a déterminé le consentement du contractant.

En l’espèce, l’exposé préliminaire figurant au protocole du 11 juillet 2012 énonce’que, sous réserve de ce qui est précisé ci-après au regard de l’engagement souscrit à l’égard de la société Lafarge Béton Sud Ouest, le vendeur (la Sa Gmt) déclare avoir la libre disposition du fonds de commerce sis et exploité à [Localité 2] dont il souhaite céder la branche d’activité d’extraction, concassage et négoce de matériaux de carrière, ladite branche d’activité est exploitée sur un terrain appartenant à l’indivision [K] pris à bail commercial par la Sa Gmt, la station et installation de concassage des matériaux extraits- telle que décrite en annexe 01- est la propriété de la Sa Gmt et installée sur une partie de l’ensemble immobilier pris à bail comme il est dit ci-après. Dans le cadre de son activité la Sa Gmt certifie avoir déposé à la Préfecture de la Haute-Garonne un dossier de demande d’autorisation d’exploitation de carrière sur des parcelles d’une superficie de six hectares environ sur la commune de [Localité 2] dont elle a la maîtrise foncière. Elle envisage, sous réserve de la levée des conditions suspensives ci-dessous, de céder sa branche d’activité extraction, concassage et négoce de matériaux, à l’exception de l’activité de négoce de matériaux et collecte de déblais inertes actuellement exploitée au sein de son établissement de [Localité 10]. La société Razel-Bec a, pour sa part, déposé auprès de la Préfecture de Haute-Garonne une demande d’autorisation d’exploitation concernant des parcelles d’une superficie de dix hectares environ sises sur la commune de [Localité 2] dont elle a la maîtrise foncière. Dans ce cadre, soucieuse d’ores et déjà d’étendre son périmètre d’exploitation sur les parcelles alentours et de disposer à proximité des gisements d’une installation de concassage, elle s’est rapprochée de la société Gmt. A l’issue de leurs discussions, les parties soussignées ont convenu-sous réserve de la réalisation des conditions suspensives ci-dessous stipulées (la société Razel-Bec étant notamment parfaitement informée de la nature et de la teneur des accords conclus entre la société Gmt et la société Lafarge Béton Sud Ouest selon acte du 20 décembre 2007)- de la réalisation concomitante de l’ensemble des opérations ci-dessous décrites, savoir':

1)la cession par la société Gmt à la société Razel-Bec de sa branche d’activité d’extraction, concassage et négoce de matériaux

2) la cession simultanée par M. et Mme [R] [K] à la société Razel-Bec des terrains désignés en annexe 05 d’une superficie de 4,7 hectares situés à [Localité 2] ayant fait l’objet pour partie des demandes d’autorisation d’exploiter susvisées lesquels terrains figurent au cadastre de la commune de [Localité 2], la cession des terrains susvisés et la cession de la branche d’activités d’extraction, concassage et négoce de matériaux étant dans l’esprit des parties indissociables. A cet effet il est expressément convenu entre les parties que la cession de la branche d’activité d’extraction, concassage et négoce de matériaux faisant l’objet du présent engagement synallagmatique et la cession des terrains ainsi que le transfert de l’autorisation préfectorale d’exploiter lesdits terrains à usage de carrière au profit de l’acquéreur constituent un tout unique et indivisible et que la non réalisation, nullité, caducité, résiliation ou résolution de l’une de ces opérations pour quelque cause que ce soit entraînerait de plein droit la nullité, caducité, résiliation ou résolution des autres.

La convention portant sur la cession de la branche d’activité précise quant à elle que la Sa Gmt vend sous réserve de la réalisation des conditions suspensives ci-dessous en s’obligeant à toutes les garanties ordinaires et de droit, à la société Razel-Bec qui accepte, la branche complète et autonome d’activité d’extraction, transformation et de vente de matériaux de carrière dépendant du fonds de commerce qu’elle exploite à [Localité 2] 73 avenue des Pyrénées, à l’exclusion de tout autre branche d’activité, activité ou élément exploité au même endroit ou en un autre lieu. Le fonds vendu est décrit comme comprenant la clientèle et l’achalandage attachés au fonds cédé et le droit pour l’acquéreur de se dire successeur du vendeur (en ce compris le droit de poursuivre l’activité cédée sous le nom commercial «'Les Gravières de Martres'»), l’enseigne et le nom commercial «'Les Gravières de Martres'», les autorisations et déclarations administratives relatives à l’exploitation du fonds mentionnées en annexe 02, le droit à titre gracieux à partir de la date d’entrée en jouissance et jusqu’à la fin de l’exploitation des terrains actuellement objet d’une demande d’autorisation d’exploitation, d’utiliser le local à bascule et le terrain sis à [Localité 2] (31) où est exploité le fonds et installée la station de concassage, les installations de décantation et les stocks de matériaux, soit environ 3 hectares, précision étant faite que l’acquéreur aura l’obligation en fin d’exploitation de faire son affaire à ses frais de l’enlèvement de l’ensemble des équipements, installations et matériels lui appartenant.

Les parties ont précisé que le droit de jouissance dont disposera l’acquéreur sur le local de la bascule et le terrain susvisé constitue l’accessoire indissociable de la présente cession de branche d’activité dont le prix a été déterminé en prenant en considération le droit de jouissance ainsi conféré à l’acquéreur, sans complément de loyer pendant la période d’utilisation du local à bascule et des terrains par l’acquéreur.

Ce droit de jouissance constituait en conséquence un élément essentiel et déterminant des engagements de la société Razel-Bec. La convention prévoyait d’ailleurs qu’un contrat de bail formaliserait cette mise à disposition le jour de la réitération de la promesse.

La cession comprenait aussi les installations industrielles, les matériels, outillage et le mobilier décrits dans l’inventaire figurant à l’annexe 01 correspondant notamment aux divers éléments, matériels et installations composant l’installation de concassage, repris en l’état à la date de la cession définitive du fonds. L’acquéreur devait quant à lui faire son affaire personnelle de la poursuite à compter de la date d’entrée en jouissance des contrats de crédit bail mobilier et de location financière visés en annexe 03 et supporter à compter de la même date le montant des échéances et loyers restant dus.

Le vendeur déclarait notamment qu’il n’existait pas de contrat lié au fonds de commerce à l’exception d’un contrat d’approvisionnement conclu avec Lafarge Béton Sud Ouest jusqu’au 31 décembre 2012, des contrats de crédit-bail mobilier sus mentionnés, du contrat de bail et des contrats de travail, et qu’à l’exception de la promesse de vente consentie sous conditions suspensives au bénéfice de la société Lafarge Béton Sud Ouest par acte du 20 décembre 2007, rien dans le fonds cédé n’était susceptible de constituer un obstacle à sa libre transmission et à la possession paisible de l’acquéreur.

Les seules conditions suspensives convenues par les parties consistaient en la constatation, avant le 31 mars 2013, du défaut de réalisation des conditions suspensives stipulées à la promesse de vente consentie le 20 décembre 2007 au bénéfice de la société Lafarge Béton Sud Ouest, et corrélativement, le défaut de réalisation de la cession du fonds de commerce au profit de ladite société, dont le vendeur s’interdisait la prorogation de la date convenue, outre le non exercice de tout droit de préemption, les actes réitératifs devant être régularisés le 30 juin 2013 au plus tard.

Or, suite à la convocation adressée par Me Lagleyre, avocat de la société Razel-Bec, à la Sa Gmt, d’avoir à comparaître en l’étude de Me [D], notaire à [Localité 6], par courrier officiel du 27 septembre 2013, la société d’avocats Rbn intervenant pour la Sa Gmt, invoquait divers obstacles à la réitération de la cession de la branche d’activité objet du I-1 du protocole du 11 juillet 2012, dont la circonstance que la branche d’activité vendue était exploitée sur un terrain appartenant à l’indivision [K] et qu’une convention de mise à disposition à titre gratuit supposait a minima de prévoir l’intervention et l’accord du propriétaire en cause. Puis, suite à la sommation de communiquer le contrat de bail visé au protocole, le même cabinet d’avocats répondait par courrier du 11 mars 2015 que son client lui indiquait qu’il n’existait pas de contrat de bail.

Il ressort de ces éléments, que si la Sa Gmt n’a pas dissimulé que les terrains sur lesquels étaient situés le local à bascule, la station de concassage, les installations de décantation et les stocks de matériaux, soit environ 3 hectares, indispensables à l’exploitation de la branche d’activité objet de la promesse synallagmatique de vente, appartenaient à une indivision dite «'[K]'», elle a néanmoins affirmé qu’elle bénéficiait d’un bail commercial, que la station et l’installation de concassage des matériaux extraits- telle que décrite en annexe 01- étaient sa propriété, et étaient installées sur une partie de l’ensemble immobilier pris à bail, que ce contrat de bail faisait partie des contrats liés au fonds de commerce et que rien dans le fonds cédé, à l’exception de la seule promesse de vente sous conditions suspensives déjà consentie à la société Lafarge Béton Sud Ouest, n’était susceptible de constituer un obstacle à sa libre transmission et à la possession paisible de l’acquéreur, s’engageant elle-même à concrétiser par bail au profit de la société Razel-Bec le droit à titre gracieux sus énoncé à partir de la date d’entrée en jouissance et jusqu’à la fin de l’exploitation des terrains sans complément de loyer pendant la période d’utilisation du local à bascule et des terrains par l’acquéreur, le prix de la cession de branche d’activité étant énoncé comme ayant été déterminé en prenant en considération le droit de jouissance ainsi conféré à l’acquéreur.

Dès lors qu’il s’est avéré que la Sa Gmt n’était titulaire d’aucun bail commercial écrit, information qu’elle ne pouvait ignorer et s’est abstenue de délivrer à son cocontractant, elle ne pouvait, sans déloyauté, s’engager comme elle l’a fait à l’égard de la société Razel-Bec à lui garantir un droit de jouissance à titre gracieux d’installations indispensables à l’exploitation de la branche d’activités objet de la promesse de vente sises sur des terrains dont elle n’était pas propriétaire par le biais d’une promesse de bail s’assimilant à une sous-location interdite par principe par l’article L 145-31 du code de commerce, sauf stipulation contraire au bail, ce qui suppose un bail écrit, ou un accord du bailleur, en l’espèce de l’intégralité des membres de l’indivision [K] dont elle n’a même pas pris la peine de s’assurer, aucune démarche en ce sens auprès de M. [Z] [K], membre de l’indivision [K] totalement occulté lors de l’établissement du protocole, n’étant ni alléguée ni justifiée.

Il doit au surplus être relevé qu’affirmant dans le cadre de la procédure judiciaire être titulaire d’un simple bail verbal, elle n’a fourni aucun élément de nature à établir la réalité de ce bail, notamment quant à la stipulation et au versement d’un prix consubstantiel à tout bail commercial, même verbal.

Alors qu’étaient parties signataires au protocole tant M. [R] [K], ancien Pdg de la Sa Gmt, que l’épouse de ce dernier Mme [W] [N], administrateur de la Sa Gmt, et Melle [C] [K], Pdg en exercice de la Sa Gmt, donnant ainsi l’apparence d’une valable représentation de «'l’indivision [K]'», en affirmant qu’elle bénéficiait, sur le terrain sur lequel était exploitée la branche d’activité objet de la promesse synallagmatique de cession et supportant les installations nécessaires à l’exploitation de la branche d’activité cédée, d’un bail commercial, en s’engageant sans réserve à céder comme faisant partie du fonds le droit à titre gracieux d’utiliser le local de la bascule et le terrain sur lequel était exploité le fonds et installés la station de concassage, les installations de décantation et les stocks de matériaux, soit environ trois hectares, ce droit de jouissance étant expressément qualifié par les parties comme constituant un accessoire indissociable de la cession de la branche d’activité, et en affirmant que rien dans le fonds cédé, à l’exception de la promesse antérieure au profit de Lafarge Béton Sud Ouest, n’était susceptible de constituer un obstacle à sa libre transmission et à la possession paisible de l’acquéreur, la Sa Gmt qui ne pouvait quant à elle ignorer la nature et les limites de ses propres droits sur les terrains supportant les installations nécessaires à l’exploitation de la branche d’activité cédée en l’absence de tout bail commercial écrit ou d’accord de M. [Z] [K] l’autorisant à sous-louer, a ainsi volontairement, par réticence dolosive et par mensonge, induit en erreur la société Razel-Bec sur la réalité des droits transmis sous les seules conditions suspensives sus-visées négociées entre les parties, alors que le droit de jouissance à titre gracieux des installations indispensables à l’exploitation de la branche d’activités objet de la promesse de vente constituait un élément essentiel et déterminant des engagements de la société bénéficiaire de la promesse sur la chose et sur le prix sans l’assurance duquel elle n’aurait pas contracté ou à tout le moins n’aurait pas contracté aux mêmes conditions.

La société Razel-Bec, quelle que soit sa qualité, n’était quant à elle tenue à aucune obligation de vérification des affirmations de la société cédante alors que de surcroît le précédent protocole signé par la Sa Gmt, représentée par M.[R] [K] en qualité de Pdg, avec Lafarge Béton Sud Ouest le 20 décembre 2007, faisait lui aussi référence à des baux commerciaux outre un contrat de fortage.

En conséquence, le consentement de la société Razel-Bec ayant été vicié par le dol dont elle a été victime, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité pour dol de la promesse de vente de la branche d’activité, et consécutivement, en raison de la stipulation d’indivisibilité convenue par les parties, la nullité de la promesse de vente de terrains consentie au profit de la société Razel-Bec par les époux [R] [K] et [W] [N].

2°/ Sur le préjudice invoqué par la société Razel-Bec

Aux termes du préliminaire du protocole, la société Razel-Bec avait très clairement énoncé qu’elle souhaitait étendre son périmètre d’exploitation à des parcelles situées aux alentours de celles dont elle détenait déjà la maîtrise foncière sur la commune de [Localité 2] et pour l’exploitation desquelles elle avait déposé en Préfecture une demande d’autorisation d’exploitation, et disposer à proximité des gisements de l’installation de concassage.

La réalisation effective des deux promesses synallagmatiques de vente était néanmoins soumise au moment de leur signature, à un aléa constitué par la non réalisation des conditions suspensives prévues à la promesse de vente précédemment consentie par la Sa Gmt à la société Lafarge Béton Sud Ouest, dont le terme était fixé au 31 décembre 2012. L’une de ces conditions suspensives était constituée par l’obtention par la Sa Gmt d’une autorisation préfectorale autorisant l’extraction, la fabrication et la commercialisation d’au moins 3 millions de tonnes de matériaux à Martes Tolosane avec une production maximale d’au moins 270.000 tonnes par an, purgée du droit de recours des tiers, la venderesse s’engageant à céder le fonds au plus tard dans les quinze jours suivant l’obtention de l’autorisation préfectorale purgée du recours des tiers. Or il ressort des termes de l’avenant signé le 17 décembre 2012 entre la Sa Gmt et la société Lafarge Béton Sud Ouest que compte tenu de la durée d’instruction du dossier la condition suspensive relative à l’obtention de l’autorisation préfectorale ne pouvait être levée avant le 31 décembre 2012, de sorte que ces parties ont convenu de proroger la date butoir de la levée des conditions suspensives pour une durée de 6 mois, soit jusqu’au 30 juin 2013, cette nouvelle échéance pouvant être automatiquement prorogée pour la même durée au maximum à deux reprises, soit au plus tard jusqu’au 30 juin 2014, à la demande de l’acquéreur. Dans son courrier du 3 avril 2013 où elle explique avoir été contrainte de proroger l’accord avec la société Lafarge, la Sa Gmt indique, sans avoir été démentie, avoir informé le directeur régional de la société Razel-Bec de cette situation en lui communiquant l’avenant signé.

Au regard de l’aléa constitué par les engagements antérieurs de la Sa Gmt à l’égard de la société Lafarge Béton Sud Ouest, sur l’issue desquels il n’a au demeurant été donné aucune information, le premier juge a justement estimé que le préjudice de gains manqués invoqué par la société Razel-Bec pouvant résulter de la non réalisation des promesses de vente objets du protocole du 11 juillet 2012 ne pouvait s’analyser que comme une perte de chance d’extraire et de vendre des matériaux.

L’échec de l’opération d’extension envisagée par la société Razel-Bec des suites du dol dont elle a été victime de la part de la Sa Gmt ne peut donc ouvrir droit à indemnisation que dans la limite de cette perte de chance.

Contrairement à ce que soutient la Sa Gmt le préjudice de gain manqué ne saurait s’apprécier qu’au seul regard de la branche d’activité de concassage, la cession de celle-ci étant indissociable de la promesse de vente des terrains par les époux [K].

Suite à la demande d’autorisation d’exploitation présentée par les Ets [K] le 18 juin 2012, le Préfet de la Haute-Garonne a autorisé le 21 août 2013, l’exploitation d’une carrière à ciel ouvert de sables et graviers sur la commune de [Localité 2] sur 6 ha 18 a 63 ca. Selon l’étude d’impact établie par les Ets [K], jointe à la demande d’autorisation et visée dans le préambule du protocole du 11 juillet 2012, ces graviers et sables étaient destinés à être traités par les installations de criblage-concassage pour la fabrication des granulats essentiellement destinés aux chantiers de construction et de travaux publics.

L’autorisation préfectorale a été délivrée pour 200.000 tonnes maximum de matériaux par an, dont 40.000 tonnes de matériaux inertes devant être utilisés pour le remblayage du site, et ce pour 11 ans, sous réserve du droit des tiers.

Les annexes figurant au protocole du 11 juillet 2012 établissent que l’exploitation concernée correspondait au projet d’extension de la société Razel-Bec à concrétiser par le biais des promesses de vente, la superficie exploitable, parcelles des époux [K] incluses, ressortant sur les 6,2ha à 4,8 ha environ. L’étude d’impact jointe à la demande d’autorisation prévoyait un gisement de 1, 05 millions de tonnes à exploiter sur une durée effective d’exploitation pour les Ets [K] de 7 à 8 ans compte tenu du temps nécessaire au démantèlement des infrastructures et au réaménagement des terrains à l’issue de la période d’exploitation, et une moyenne d’extraction de 140.000 tonnes par an, soit un total sur la durée possible d’exploitation de la branche d’activité d’extraction de la Sa Gmt, parcelles des époux [K] incluses, de 140.000 x7,5 =1.050.000 tonnes.

Les différentes facturations émanant de la société Razel-Bec entre 2012 et 2013 telles que produites au débat font ressortir un prix de revente HT variant selon le type de matériau et le gabarit (sable roulé lavé, gravillon roulé lavé, gravillon concassé lavé ) de 7 à 9,43 € la tonne. Il sera retenu un prix moyen HT de 8 € la tonne, soit 9, 56 € TTC la tonne. Le chiffre d’affaires sur la durée possible d’exploitation du site dont l’acquisition était envisagée ressort ainsi à 10.038.000 € (1.050.000 x9,56). Sur cette somme doit néanmoins s’imputer l’investissement corrélatif nécessaire au financement des acquisitions des immobilisations indispensables à sa réalisation, à savoir le prix d’acquisition de la branche d’activité et des terrains représentant, complément de prix des suites de l’obtention de l’autorisation d’exploiter inclus, un total de 1.700.000 € (900.000 + 800.000), ainsi que le coût de la remise en état des terrains imposée à l’issue de la période d’exploitation, représentant, selon l’autorisation préfectorale, à l’issue de la 11 ème année, un total de 107.111 €, ramenant ainsi à l’issue de la période d’exploitation le produit potentiel brut, hors charges d’exploitation, des ventes de matériaux extraits à 8.230.889 €.

Le tableau établi par la société Razel-Bec pour justifier de sa marge nette sur le chiffre d’affaires fait ressortir pour la période 2011 à 2013, époque de la négociation entre les parties, une moyenne de 6,62'% de marge nette (5,94+7,80+6,14/3). Compte tenu de la date à laquelle les cessions promises auraient dues être effectivement réitérées, soit au plus tard au 30 juin 2013, c’est ce coefficient qu’il convient de retenir pour évaluer la perte de marge nette sur le produit potentiel brut des ventes de matériaux. Le gain potentiellement manqué ressort ainsi à 544.884,85€ (8.230.889x6,62%).

L’indemnisation d’un gain manqué constituant un produit imposable, il n’y a pas lieu, pour le calcul de l’indemnisation, de déduire l’impôt auquel sera assujetti le bénéficiaire de l’indemnité.

La perte de chance pour la société Razel-Bec d’extraire et de vendre les matériaux ayant justement été évaluée par le premier juge, compte tenu des engagements préalables de la Sa Gmt à l’égard de la société Lafarge Béton Sud Ouest tels que ci-dessus rappelés, à 50'%, la perte de gain indemnisable de la société Razel-Bec en lien de causalité direct avec le dol commis par la Sa Gmt ayant justifié la nullité des promesses de vente de la branche d’activité d’extraction et de concassage et des terrains des époux [K] ressort en conséquence à 272.442, 42 €, au paiement de laquelle, infirmant le jugement entrepris quant au quantum, la Sa Gmt doit être condamnée à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2017, date du prononcé du jugement de première instance en application des dispositions de l’article 1153-1 devenu 1231-7 du code civil.

M.[R] [K] en qualité d’ancien président directeur général de la Sa Gmt, qualité qu’il exerçait lors de la signature du protocole de cession au profit de la société Lafarge Béton Sud Ouest et de membre de l’indivision [K], et Mme [W] [N] épouse [R] [K] en qualité d’administrateur de la Sa Gmt ne pouvaient ignorer la nature exacte des droits de la Sa Gmt sur les terrains dépendant de l’indivision [K]. Par leur silence complice ils ont participé personnellement à la réalisation du dol dont a été victime la société Razel-Bec et à la réalisation de son entier préjudice, engageant ainsi leur responsabilité pour faute délictuelle à l’égard de cette dernière ce qui justifie leur condamnation in solidum avec la société Gmt ainsi que retenu par le premier juge.

3°/ Sur le contrat de vente de matériaux

Le protocole du 11 juillet 2012 comporte en partie II un contrat de vente de matériaux à effet différé.

La justification de cette convention est précisée en préliminaire en ces termes «'Afin de répondre à ses besoins d’approvisionnement en granulats l’acquéreur (Razel-Bec) a fait savoir au vendeur (Gmt) que dans l’hypothèse où la cession de la branche d’activité décrite au I ne se réaliserait pas, il lui était néanmoins indispensable de disposer d’une réserve de stocks de granulats pour répondre aux besoins de son activité dans le département de la Haute-Garonne. En conséquence, outre les dispositions prévues au I du protocole, les parties ont convenu de conclure un contrat de vente de matériaux.'»

La Sa Gmt a ainsi vendu à la société Razel-Bec, sous les garanties de fait et de droit en pareille matière, 116.000 tonnes de matériaux concassés et roulés à prélever sur le stock existant de produits finis situés sur le site de la carrière de la Sa Gmt ([Adresse 5]) et, en cas d’insuffisance, pour la partie restante, sur le stock à produire par la Sa Gmt (fournisseur).

Cette vente a été expressément convenue sous la condition résolutoire de la réalisation de la cession par M. et Mme [R] [K] au profit de la société Razel-Bec des parcelles de terrains sises à [Localité 2] visées au protocole, les parties stipulant que la vente de matériaux serait résolue de plein droit si les conditions suspensives stipulées sous le paragraphe «'conditions suspensives'» de l’article I-2 étaient réalisées dans les délais contractuels et que la cession desdits terrains était réitérée au profit de la société Razel-Bec dans les conditions définies au protocole.

La société Gmt s’est obligée à délivrer à la société Razel-Bec entre le 1er avril 2013 et le 30 juin 2013, les granulats qui seront disponibles, par la mise à disposition au cours de cette période du stock situé sur le site de sa carrière à [Localité 2], lui en garantissant la possession paisible, en conservant néanmoins l’ensemble des risques usuels de perte et détérioration ainsi que la responsabilité du stock jusqu’à la livraison effective des granulats. Elle a autorisé la société Razel-Bec à se rendre librement sur son site de [Localité 2] pour contrôler régulièrement l’état du stock de matériaux et prendre toutes dispositions utiles après l’avoir prévenue 24 heures à l’avance au minimum. Elle s’est engagée à fournir le tonnage manquant à l’acquéreur en produisant les natures de matériaux requis jusqu’à concurrence de 116.000 tonnes au total.

Aux termes de l’article 4 de la convention, la vente à effet différé devait se réaliser impérativement entre le 1er avril 2013 et le 30 juin 2013. A défaut pour le fournisseur de respecter et la période visée et le tonnage convenu il est prévu que Razel-Bec pourra réclamer le remboursement immédiat de la somme inscrite aux articles 1 et 5 du contrat de vente ou faire application des dispositions de l’article 5, comme bon lui semblera, le contrat de vente de matériaux étant résolu de plein droit au jour de la signature des actes de vente des terrains à usage de carrière par M.et Mme [K] au profit de la société Razel-Bec, le fournisseur s’engageant dans une telle hypothèse à émettre un avoir au profit de la société Razel-Bec et à lui rembourser toutes les sommes versées au titre de l’acquisition des matériaux et notamment la Tagp, les sommes remboursées ne portant pas intérêts. Il était en outre convenu et accepté que la Sa Gmt puisse, avant le 1er avril 2013, renoncer en tout ou partie à l’exécution du contrat sous réserve d’établir la ou les factures d’avoir correspondantes et de procéder au remboursement des sommes correspondantes au bénéfice de la société Razel-Bec.

L’article 5 du contrat de vente de matériaux prévoit un prix forfaitaire, global et définitif, hors transport et hors Tagp facturable en sus, fixé à 696.000 HT Tva en sus, une facture, dont il est admis par les parties qu’elle a été payée comptant par la société Razel-Bec le jour de la signature de la convention, ayant été établie par la Sa Gmt le 9 juillet 2012 n° F1C070032 pour un total de 864.325,28 € TTC, redevance départementale et Tgap incluses.

En garantie de l’exécution du contrat, l’article 6 prévoit l’engagement de caution personnelle et solidaire de M. et Mme [R] [K] de la Sa Gmt à concurrence d’un montant maximum de 696.000 €, ainsi que la mise en place par ces derniers d’une hypothèque sur un immeuble leur appartenant à hauteur de la somme de 696.000 €, ces garanties étant destinées à assurer le remboursement du prix de cession perçu ou la restitution de ce prix de cession en cas d’impossibilité par la Sa Gmt de livrer l’intégralité des matériaux vendus ou de restituer le prix de cession dans l’hypothèse de la résolution de la cession des matériaux.

Au regard de ces dispositions, il ne ressort pas d’indivisibilité entre les promesses de cessions du titre I du protocole, objets des annulations pour dol ci-dessus, et le contrat de vente de matériaux, dont l’intervention n’est expressément motivée que pour répondre aux besoins d’approvisionnements de la société Razel-Bec dans l’hypothèse où la cession de la branche d’activité ne se réaliserait pas. Ce contrat de vente n’a pas été conclu en considération de la promesse de jouissance gratuite des installations nécessaires à l’exploitation de la branche d’activité objet de la promesse de vente visée au I-1 affectée du dol retenu ci-dessus. Il ne constitue pas l’accessoire des promesses de cessions visées au I du protocole, mais un contrat de vente autonome, exécutable immédiatement par la société Razel-Bec en ce qui concerne le paiement du prix en contrepartie du transfert de propriété immédiat des granulats vendus prévu par son article 3.2, à exécution différée pour la société Gtm s’agissant de son obligation fourniture devant impérativement intervenir entre le 1er avril 2013 et le 30 juin 2013, et sous la seule condition résolutoire de la réalisation effective de la vente des terrains promises par les époux [K].

Il en résulte que le dol affectant la validité des promesses de cessions indivisibles visées au I du protocole est sans incidence sur la validité de ce contrat de vente autonome prévu au II dudit protocole.

Il convient donc d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de vente de granulats prévu en partie II du protocole du 11 juillet 2012.

Par ailleurs, seule la réalisation effective de la vente des terrains promise par les époux [K] qui devait intervenir concomitamment à la réalisation de la cession de la branche d’activité était de nature à faire jouer la clause résolutoire prévue au contrat de vente de granulats et à obliger consécutivement la Sa Gmt à rembourser le prix de vente perçu par anticipation puisque rétroactivement la société Razel-Bec serait devenue propriétaire des terrains et du fonds à partir desquels les matériaux auraient été extraits.

En effet, selon les dispositions de l’article 1183 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige, la condition résolutoire est celle qui, lorsqu’elle s’accomplit, opère la révocation de l’obligation et qui remet les choses dans le même état que si l’obligation n’avait pas existé. Elle ne suspend point l’exécution de l’obligation ; elle oblige seulement le créancier à restituer ce qu’il a reçu dans le cas où l’événement prévu par la condition arrive.

En l’espèce, la vente des terrains des époux [K], et concomitamment celle de la branche d’activités, n’ont pas été réitérées et ne peuvent l’être en raison de l’annulation pour dol des promesses de vente ci-dessus prononcée.

Néanmoins, en application des dispositions de l’article 1178 du même code dans sa rédaction applicable au présent litige, la condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement.

En l’espèce, d’une part, les conditions suspensives prévues à l’article I-2 du protocole du 11 juillet 2012 auxquelles était subordonnée la vente des terrains des époux [K] indivisiblement liée à la cession de la branche d’activité promise par la Sa Gmt n’ont pu se réaliser dans les délais contractuels en raison de la prorogation consentie par la Sa Gmt au profit de la société Lafarge Béton Sud Ouest de la condition suspensive prévue au protocole du 20 décembre 2007 nonobstant l’engagement formel pris par la Sa Gmt à l’égard de la société Razel-Bec de ne pas proroger ce délai de réalisation, et d’autre part, ainsi que le soutient la société Razel-Bec, la cession desdits terrains et de la branche d’activités promises à la société Razel-Bec, n’ont pu se réaliser en raison du dol commis par la Sa Gmt avec la complicité de ses dirigeants et ancien dirigeant ainsi que retenu ci-dessus, de sorte que la condition résolutoire à laquelle était subordonnée la résolution de la vente de matériaux et consécutivement l’obligation de restitution par la Sa Gmt du prix payé par anticipation par la société Razel-Bec doit être réputée accomplie.

Il convient donc, ainsi que le sollicite à titre subsidiaire la société Razel-Bec, de prononcer la résolution du contrat de vente de matériaux objet de la partie II du protocole du 11 juillet 2012, les parties devant être remises en l’état antérieur à la convention résolue. La société Razel-Bec n’ayant jamais pris possession des granulats objets du contrat de vente résolu ainsi que l’admet la Sa Gmt elle n’a rien à restituer. En revanche, la Sa Gmt doit restituer à la société Razel-Bec le prix de vente que cette dernière lui a réglé par anticipation.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu’il a condamné la Sa Gmt à payer à la société Razel-Bec la somme de 864.325,28 € TTC au titre de la restitution du prix de vente des granulats réglé par anticipation, sauf à y ajouter que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2013 date de l’assignation en référé valant mise en demeure de payer en application des dispositions de l’article 1153, devenu 1231-6 du code civil.

La résolution du contrat de vente de matériaux emportant anéantissement du contrat et remise des choses en leur état antérieur, les engagements personnels de M. et Mme [R] [K] destinés à garantir le remboursement du prix de vente des matériaux tels qu’énoncés au contrat résolu sont eux-mêmes anéantis.

Le prix de cession à restituer ayant été encaissé par la seule Sa Gmt, fournisseur des granulats, les époux [R] [K] et [W] [N] ne peuvent être personnellement tenus à la restitution de ce prix de cession, de sorte que le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu’ils les a condamnés in solidum avec la Sa Gmt au remboursement du prix du stock de matériaux susvisé.

4°/ Sur la demande de remboursement des frais engagés par la société Razel-Bec pour la signature du protocole du 11 juillet 2012

Les frais engagés par la société Razel-Bec pour son assistance lors de l’élaboration et de la signature du protocole du 11 juillet 2012 relèvent de son initiative personnelle et sont sans lien de causalité avec le dol dont elle a été victime.

Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a débouté la société Razel-Bec de sa demande de condamnation à ce titre.

5°/ Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Succombant, la Sa Gmt et les époux [R] [K] supporteront in solidum les dépens de première instance ainsi que décidé par le premier juge, tout comme les dépens d’appel. Ils se trouvent dès lors tenus dans les mêmes conditions d’indemnités sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la condamnation prononcée sur ce fondement au titre de la procédure de première instance devant être confirmée et une indemnité complémentaire devant être allouée au titre de la procédure d’appel dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt. Ni la Sa Gmt ni les époux [K] ne peuvent quant à eux prétendre à une indemnité sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS':

La Cour,

Confirme le jugement entrepris sauf quant au montant des dommages et intérêts alloués à la société Razel-Bec au titre du gain manqué d’exploitation et en ce que le premier juge a prononcé la nullité du contrat de vente de granulats et condamné M.[R] [K] et Mme [W] [N] épouse [K] in solidum avec la Sa Les Gravières de Martres-Tolosane au remboursement du prix du stock de granulats ,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne in solidum la Sa Les Gravières de Martres-Tolosane, M.[R] [K] et Mme [W] [N] épouse [K] à payer à la société Razel-Bec la somme de 272.442, 42 € (deux cent soixante douze mille quatre cent quarante deux euros et quarante deux centimes) à titre de dommages et intérêts au titre de son gain manqué d’exploitation, outre intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2017,

Dit n’y avoir lieu au prononcé de la nullité du contrat de vente de granulats objet du II du protocole du 11 juillet 2012,

Prononce la résolution du contrat de vente de granulats objet du II du protocole du 11 juillet 2012,

Déboute la société Razel-Bec de sa demande de remboursement du prix du stock de granulats à l’encontre de M.[R] [K] et de Mme [W] [N] épouse [K],

Dit que la condamnation prononcée à l’encontre de la Sa Les Gravières de Martres-Tolosane au remboursement de la somme de 864.325,28 € portera intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2013,

Condamne in solidum la Sa Les Gravières de Martres-Tolosane, M.[R] [K] et Mme [W] [N] épouse [K] à payer à la société Razel-Bec une indemnité de 10.000 € (dix mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne in solidum la Sa Les Gravières de Martres-Tolosane, M.[R] [K] et Mme [W] [N] épouse [K] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

C. ROUQUETC. ROUGER

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Cour d'appel de Toulouse, 1re chambre section 1, 16 mars 2020, n° 17/04975