Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 2 décembre 2020, n° 18/04209

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 2e ch., 2 déc. 2020, n° 18/04209
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 18/04209
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Albi, 1er octobre 2018, N° 16/00216
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

.

02/12/2020

ARRÊT N°433

N° RG 18/04209 – N° Portalis DBVI-V-B7C-MR2P

IMM/JBD

Décision déférée du 02 Octobre 2018 – Tribunal de Grande Instance d’ALBI – 16/00216

M. X

SAS BRIANE ENVIRONNEMENT

C/

B Y

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2e chambre

***

ARRÊT DU DEUX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT

***

APPELANTE

SAS BRIANE ENVIRONNEMENT prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social

[…]

[…]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée de Me Lionel PUECH-COUTOULY, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

Monsieur B Y

[…]

[…]

Représenté par Me Caroline PAUWELS de la SARL SCAVOCAT, avocat au barreau D’ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 20 Octobre 2020 en audience publique, devant la Cour composée de :

F. PENAVAYRE, président

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller

A. ARRIUDARRE, vice-président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : J. BARBANCE- DURAND

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par F. PENAVAYRE, président, et par J. BARBANCE- DURAND, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE :

Par contrat du 14 septembre 2009, la société Briane Environnement venant aux droits de la société Gestion support Logistique, a confié à Monsieur Y le mandat de vendre ses produits dans 39 départements dans le cadre d’un contrat d’agence commerciale.

Aux termes de cet accord, Monsieur Y percevait une commission de 18% sur les commandes HT passées par la clientèle par son entremise.

Par avenant du 29 mars 2011, le secteur confié à Monsieur Y a été étendu à l’ensemble du territoire national et son droit à commission a également été étendu à toutes les commandes passées, qu’elles soient directes ou indirectes.

Par courrier du 3 avril 2015, la société Briane Environnement a reproché à Monsieur Y divers manquements constatés entre mai 2013 et mars 2015 et l’a en conséquence mis en demeure de se conformer à ses obligations contractuelles en termes de loyauté et de diligence.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 03 juin 2015, la société Briane Environnement a résilié le contrat d’agence commerciale.

Monsieur Y a, par exploit du 1er février 2016 assigné la société Briane Environnement devant le Tribunal de grande instance d’Albi aux fins de :

Dire et juger que la rupture du contrat d 'agence commerciale conclu entre les parties n’est pas consécutive à une faute grave qui lui serait imputable ;

En conséquence

Condamner la société Briane Environnement au paiement de la somme de 110.246,88 € à titre d’indemnité compensatrice

Condamner la société Briane Environnement au paiement de la somme de 34.460 € en réparation du préjudice fiscal éprouvé par Monsieur B Y découlant de la rupture du contrat et de la perte du statut y afférent ;

Condamner la société Briane Environnement au paiement de la somme de 13.780,86 € à titre d’indemnité de préavis ;

Condamner la société Briane Environnement au paiement de la somme de 13.780,86 € à titre d’indemnité compensatrice des commandes passées postérieurement à la rupture du contrat;

Ordonner l’exécution provisoire ;

Condamner la société Briane Environnement au paiement de la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la présente instance.

Par jugement en date du 02 octobre 2018, le Tribunal de grande instance d’Albi a fait partiellement droit aux demandes de Monsieur B Y et a :

Dit que la rupture du contrat d’agence commerciale conclu entre les parties n’est pas consécutive à une faute grave de Monsieur B Y ;

Condamné la Sas Briane Environnement à payer à M. B Y la somme de 13.780,46 euros au titre de l’indemnité de préavis ;

Condamné la Sas Briane Environnement à payer à M. B Y la somme de 108.492,43 euros au titre de l’indemnité compensatrice de cessation de contrat

Débouté les parties de leurs plus amples demandes

Condamné la Sas Briane Environnement aux entiers dépens

Condamné la Sas Briane Environnement à la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Ordonné l’exécution provisoire ».

La société Briane Environnement a alors interjeté appel à l’encontre de l’ensemble des dispositions de ce jugement par déclaration du 11 octobre 2018.

Par conclusions d’appelante signifiées le 25 juin 2019, la Sas Briane Environnement demande à la cour au visa des articles1103, 1104 et 1193 du code civil (ancien article 1134 du code civil) et L 134-13 du code de commerce, de :

Rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d’Albi en date du 02 octobre 2018 :

en ce qu’il a dit que la rupture du contrat d’agence commerciale conclu entre les parties n’est pas consécutive à une faute grave de Monsieur B Y ;

en ce qu’il a condamné la Société Briane Environnement à payer à Monsieur B Y la somme de 13.780,86 € au titre de l’indemnité de préavis ;

en ce qu’il a condamné la Société Briane Environnement à payer à Monsieur B Y la somme de 108.492,43 € au titre de l’indemnité compensatrice de cessation de contrat;

en ce qu’il a condamné la Société Briane Environnement à payer les entiers dépens de l’instance;

en ce qu’il a condamné la Société Briane Environnement à payer la somme de 1.500 €uros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Et, statuant à nouveau ;

Dire que Monsieur Y a commis des fautes graves ayant justifié la résiliation sans préavis du contrat d’agent commercial ;

Dire que la société Briane Environnement ne pourra être condamnée à aucune somme au bénéficie de Monsieur Y au titre de la rupture du contrat d’agent commercial;

Si par extraordinaire la Cour considérait que Monsieur Y n’avait pas commis de faute grave,

Dire que Monsieur B Y a droit à une indemnité de 20.000 euros

En tout état de cause ;

Condamner Monsieur Y à payer à la société Briane Environnement la somme de 7.500 €uros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de Me Gilles SOREL, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

A l’appui de ses prétentions, elle fait valoir qu’elle a préalablement à la rupture de la convention de mandat, mis en demeure l’agent commercial de respecter ses obligations contractuelles ;

S’agissant des manquements imputés à l’agent commercial elle fait valoir que l’intéressé s’est désintéressé de son mandat en ne prospectant aucun nouveau client ni par des visites, ni par les moyens numériques ou téléphoniques, n’a pas, alors qu’il avait bénéficié d’un portefeuille d’ores et déjà construit, développé la clientèle existante ni promu les ventes, ce qui est à l’origine d’une baisse du chiffre d’affaire.

Elle estime que contrairement aux affirmations de l’intimé, ses produits ne sont pas des produits de niche, qu’ils sont vendus dans des grandes surfaces type Point P et qu’elle évolue dans un secteur concurrentiel ; elle soutient que Monsieur Y n’est pas fondé à lui reprocher de ne pas avoir financé ses déplacements professionnels ce qui serait en tout état de cause contraire à son statut d’agent commercial ;

Elle reproche également à l’agent commercial :

— d’avoir proposé ses produits à des conditions tarifaires supérieures à celles fixées par le mandant, ce que les dispositions contractuelles ne lui permettaient pas ;

— d’avoir négligé le suivi des clients en ne répondant pas aux mails ;

— d’avoir facturé des commissions au titre de commandes non encore acquittées par les clients en violation du contrat ;

Elle estime que ces manquements constituent des fautes graves qui permettent d’exclure Monsieur Y du bénéfice de l’indemnité compensatrice ainsi que celui du préavis . À titre subsidiaire, elle estime que l’indemnité compensatrice telle qu’elle a été fixée à la somme de 110.246, 88 € n’est pas justifiée dans son montant.

Par conclusions signifiées le 1er avril 2019, Monsieur B Y demande à la cour au visa des articles 1134 ancien du code civil et L. 134-11 et suivants du Code de Commerce,

Confirmer le jugement rendu en ce qu’il a retenu que la rupture du contrat d’agence commerciale conclu entre les parties n’est pas consécutive à une faute grave imputable à Monsieur B Y et a condamné la société BRIANE ENVIRONNEMENT au paiement de 13.780.86 € à titre d’indemnité de préavis, 108.492,43 euros à titre d’indemnité compensatrice ;

Et, formant appel incident de le réformer pour le surplus, et, statuant à nouveau, de :

Condamner la société Briane Environnement au paiement de la somme de 34.460 € en réparation du préjudice fiscal éprouvé par Monsieur B Y, découlant de la rupture du contrat et de la perte du statut y afférent ;

Condamner la société Briane Environnement au paiement de la somme de 13 .780,86 € à titre d’indemnité compensatrice des commandes passées postérieurement à la rupture du contrat ;

Condamner la société Briane Environnement au paiement de la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la présente instance dont distraction au profit de Me PAUWELS.

Il conteste les griefs de désintérêt ou de défaut d’implication et estime avoir correctement exécuté sa mission en prospectant sur tout le territoire et en ralliant de manière régulière et continue de nouveaux clients implantés sur la France entière ; pour répondre au grief tiré de l’absence de déplacement physique, il fait valoir que le contrat ne lui imposait pas de se déplacer et qu’en tout état de cause la clientèle exploitée était captive puisqu’elle ne pouvait pas s’approvisionner ailleurs.

Il reproche à son mandant de s’attacher à son comportement plutôt qu’à ses résultats et soutient que le comportement ne peut caractériser une faute grave ;

Il reproche également au mandant de ne pas l’avoir correctement informé en omettant de lui transmettre des listings clients et plus généralement des informations nécessaires à son activité.

Il indique que la baisse des résultats ne lui est pas imputable et qu’elle ne peut être considérée comme fautive que si elle révèle une inactivité procédant d’un défaut de loyauté, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Il estime d’ailleurs que la baisse de résultat n’est pas avérée.

Il soutient ne jamais avoir fait l’objet d’aucun avertissement sur les exercices 2013 et 2014

S’agissant des autres griefs invoqués par le mandant, il fait valoir que:

— les prétendues erreurs de gestion ou demandes d’avances ne peuvent être de nature à porter atteinte à la finalité du mandat d’intérêt commun rendant impossible le maintien du lien contractuel ;

— le défaut de suivi des clients n’est pas quantitativement significatif ;

— le suivi des relations après-vente ne fait pas partie de ses obligations;

— le retour des clients après la cessation de ses fonctions d’agent commercial ne prouve rien ;

Il estime en conséquence que la société Briane n’est pas dispensée de l’indemnité de préavis équivalente à trois mois de commissions, ni de l’indemnité compensatrice qui doit être fixée à deux années de commissions brutes ;

Il invoque également un préjudice fiscal évalué à la somme de 34.460€;

Il soutient enfin être créancier des commissions correspondant à des ventes réalisées après la résiliation du contrat, mais résultant de son entremise et réclame à ce titre une indemnité égale à trois mois de commissions.

Par ordonnance du 25 janvier 2019, le premier président a ordonné l’arrêt de l’exécution provisoire.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties à leurs dernières écritures.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 28 septembre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le droit à indemnité de rupture

L’article L134-12 du code de commerce dispose qu’en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Toutefois, en application e l’article L 134-13 du code de commerce, la réparation n’est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par une faute grave de l’agent commercial.

Ces dispositions sont reprises à l’article 13 du contrat d’agent commercial.

La faute grave, qui ne se confond pas avec tout manquement de l’agent à ses obligations contractuelles, se définit comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel.

Il appartient au mandant d’établir l’existence des fautes graves qu’il impute à l’agent commercial.

Cette démonstration peut résulter de l’accumulation de manquements qui pris individuellement ne présenteraient pas les caractères d’une faute grave mais dont le caractère répétitif et l’accumulation permet de caractériser une telle faute.

En application de l’article 7 du contrat du 14 septembre qui lie les parties, l’agent commercial est chargé de promouvoir avec diligence les ventes des produits et d’entretenir des relations professionnelles de confiance avec les clients de son secteur.

— l’absence de prospection:

Au soutien de ses prétentions, la société Briane Environnement invoque principalement une inertie et un désintérêt de Monsieur Y et lui reproche de ne pas avoir visité de nombreux clients ;

Elle indique notamment sans être précisément démentie que pour l’année 2013-2014 sur 104 commandes effectuées, seules 30 ont été effectuées par des clients visités par Monsieur Y. Elle estime que Monsieur Y n’a fait que bénéficier de la clientèle créée par le mandant et qu’il ne l’a nullement développée.

Monsieur Y qui a reconnu dans un courrier du 4 février 2015 ne pas se déplacer auprès des clients, en raison d’un manque de moyens, ne conteste pas précisément, l’absence de tout démarchage physique ;

Sommé dans le cadre de la procédure de première instance de communiquer le récapitulatif et les justificatifs des frais de déplacement, de frais d’autoroute, d’hébergement et de restauration, pour les années 2010 à 2015, ainsi que son agenda ou planning pour la même période, il n’a produit qu’un billet d’avion (aller simple) difficilement lisible sans le rattacher au démarchage d’un client précisément identifié ou à la participation à un salon.

Profession indépendante, l’agent commercial exerce son activité librement grâce à des moyens qui lui sont propres et n’ont pas à être mis à disposition par son mandant ; c’est donc à tort que Monsieur Y reproche à la société appelante de ne pas avoir pris en charge ses frais de déplacement, et justifie l’absence de déplacement par un manque de moyens.

Monsieur Y qui évoquait dans un courriel du 2 juillet 2012, un mailing 'à venir’ relativement au produit Cristal Décap référencé dans tous les points P, ne conteste pas comme le soutient la société mandante que ce mailing n’a jamais été réalisé.

Le principe même d’une prospection téléphonique n’est pas non plus établi et il doit être constaté que Monsieur Y n’évoque ainsi aucune activité de démarchage par quelque moyen que ce soit ; participation à un salon, mailing, etc…

La production aux débats de diverses commandes passées mensuellement par des clients situés sur l’ensemble du territoire n’est pas de nature à démontrer la réalité d’une prospection puisqu’il n’est pas contesté que Monsieur Y s’est vu confier un portefeuille de clients déjà constitué et qu’il ne démontre pas avoir visité cette clientèle géographiquement éloignée.

La circonstance évoquée par Monsieur Y que la clientèle de la société Briare aurait été captive, en raison de la difficulté de s’approvisionner en abrasifs auprès d’autres concurrents, ou encore que la vente d’abrasifs industriels serait une activité 'de niche', n’apparaît pas de nature à dispenser l’agent commercial de toute activité de prospection;

En effet, d’une part la société Briane environnement invoque sans être précisement démentie le caractère concurrentiel de ce secteur dans lequel évoluent également les entreprises Semanaz et Sibelco Sifraco; d’autre part, Monsieur Y invoque lui-même dans plusieurs courriels adressés au mandant le départ d’un client 'vers la concurrence'.

Enfin et surtout, la promotion des ventes qui suppose une prospection en vue de développer l’activité du mandant constitue la mission principale de l’agent commercial, si bien que l’inertie de l’agent dans la recherche de nouveaux clients s’analyse bien comme un manquement à ses obligations nées du contrat. Il sera d’ailleurs souligné que Monsieur Y se définit lui même comme 'une force de vente’ dont les obligations principales se limitent à assurer la promotion et la commercialisation des produits.

A ce titre, l’attestation de Monsieur A qui se présente comme directeur de la société Hydris qui distribue du matériel de décapage, évoquant une cohabitation dans les salons professionnels au cours de laquelle il a pu apprécier le professionnalisme de Monsieur Y, ainsi que sa bonne humeur, apparaît insuffisamment circonstanciée et dépourvue de toute valeur probante dès lors d’une part que l’auteur de l’attestation ne situe pas dans le temps la date des relations commerciales qui ont pu être postérieures à l’année 2015 et d’autre part que Monsieur Y ne démontre nullement que la société Hydris ait été cliente de la société Briane pour la période concernée ce que cette dernière conteste.

— l’absence de suivi des commandes et l’obligation d’entretenir des relations de confiance avec la clientèle :

La société Briane Environnement reproche également à Monsieur Y de ne pas avoir assuré le suivi des commandes de livraison ou encore de ne pas communiquer mensuellement les rapports ou compte-rendus depuis 2009.

Si Monsieur Y est bien fondé à relever que l’obligation au suivi des commandes ne figure pas expressément dans ses missions contractuelles, il supportait néanmoins l’obligation d’entretenir des relations professionnelles de confiance avec les différents clients de son secteur expressément rappelée à l’article 7 du contrat. Cette obligation imposait a minima que le client soit avisé de ce qu’il lui appartenait de prendre attache avec la société ou que ses demandes soient relayées par l’agent commercial.

A ce titre, le défaut de réponse à des clients tel qu’il est relaté et non contesté et qu’il s’évince de mails échangés entre la société et l’agent commercial ou de message des clients eux-même, constaté à 5 reprises sur une période comprise entre 2012 et 2015 constitue un manquement de l’agent commercial à ses obligations contractuelles.

La circonstance que la société serait finalement intervenue pour satisfaire aux besoins de ses clients n’autorise pas Monsieur Y à soutenir que le reproche qui lui est fait est dépourvu de fondement.

Enfin la société Briane fait état de relance adressée par courriels du 18 mai 2011, 4 avril 2013 et 4 octobre 2013 à son agent commercial auquel elle reproche de ne pas l’avoir régulièrement informé de ses activités; si le contrat ne prévoit aucune périodicité pour la transmission des informations par l’agent, il appartient néanmoins à ce dernier d’établir qu’il a satisfait régulièrement à cette obligation et Monsieur Y ne peut se contenter d’imputer l’existence de ces relances aux mauvaises relations qu’il auraient entretenu d’emblée avec la directrice générale de la société.

— les résultats :

Il n’est pas reproché à titre principal à l’agent un manque de résultat ; Néanmoins la société Briane estime que l’inertie de son agent commercial s’est traduit par une baisse des ventes qui ont repris après le départ de ce dernier.

II résulte des éléments débattus et non contestés que Monsieur Y, qui bénéficiait d’une exclusivité, a rallié entre 2011 et 2015, 38 nouveaux clients alors que la société Briane en a rallié pour la même période 88.

Il s’évince d’ailleurs des éléments chiffrés produits par Monsieur Y lui même et sans qu’il soit nécessaire de prendre en compte les chiffres allégués par le mandant, contestés par l’intimé, que les résultats de l’agent commercial pour les années 2013 et 2014 soit respectivement 78.000 et 88.000 € sont sensiblement inférieurs à ceux des années 2011 et 2012 soit, respectivement, 130.000 et 120.000 € caractérisant une baisse significative sans que M. Y ne démontre, comme il le soutient, que les années 2011 et 2012 auraient été 'exceptionnelles', de sorte que la société Briane est fondée à soutenir que l’inactivité de Monsieur Y s’est bien traduite par une baisse de résultat.

Monsieur Y n’est donc pas non plus fondé à soutenir pour établir la réalité de son activité que plutôt que d’augmenter le nombre de client, il a fait le choix d’augmenter le volume des ventes, ce que les chiffres ne démontrent pas.

Ses résultats décevants ne peuvent être imputés à des carences du mandant, alléguées mais non établies par l’agent ; A ce titre, il sera relevé que Monsieur Y n’a sollicité communication d’un fichier client que le 2 mars 2015 et qu’il lui a immédiatement été répondu de façon qui sera jugée pertinente que ce fichier pouvait aisément être constitué à partir des listings de commandes comportant le nom des clients, qui lui étaient communiqués chaque mois depuis 2009.

S’il n’est pas contesté que Monsieur Y a élargi le portefeuille de clientèle qui lui a été confié à deux entreprises, la société Tradiplâtre située dans le Tarn et Garonne à compter de novembre 2014 et la société Cms, située dans les bouches du Rhône à compter de l’année 2015, la comparaison de la grille tarifaire de la société Briane et des mails émanant de Monsieur Y laisse apparaître que ce dernier a pratiqué des tarifs supérieurs à ceux de la grille tarifaire, en violation de ses obligations telles qu’elles résultent de l’article 7 du contrat d’agent commercial, ce qui a nécessairement nuit aux intérêts de la société en présentant ses produits comme non concurrentiels ; l’agent commercial qui ne conteste pas ces manquements est particulièrement mal fondé à soutenir qu’en retenant un tarif supérieur, il a favorisé les intérêts de la société, cette dernière indiquant bien au contraire que, corrigeant cette distorsion, elle a finalement appliqué à ces clients ses tarifs habituels.

C’est ainsi à juste titre que le premier juge a estimé que les manquements imputés à l’agent commercial, présentaient par leur importance et leur accumulation les caractères d’une faute grave ayant porté atteinte à la finalité du mandat d’intérêt commun.

Il peut être ajouté que contrairement aux estimations de Monsieur Y, le comportement de l’agent commercial est susceptible de caractériser une faute grave lorsque comme c’est le cas en l’espèce il traduit un désintérêt pour la mission de prospection qui lui a été confiée ; la répétition d’attitudes désinvoltes à l’égard des clients ajoutée à l’inertie imputée à l’agent à l’origine d’une diminution des volumes des ventes permet de caractériser l’atteinte à la finalité du mandat d’intérêt commun.

C’est en revanche à tort que le premier juge a estimé que ces manquements ne rendaient pas impossible le maintien du lien contractuel ;

La circonstance que ces manquements avaient déjà été visés par une mise en demeure du 3 avril 2015 est à ce titre indifférente dès lors que de nouveaux incidents sont intervenus postérieurement à cette mise en demeure et la référence aux dispositions du droit social protectrices du salarié est inopérante, s’agissant des relations entre un mandataire et son agent commercial.

En l’espèce, par courrier du 3 avril 2005 le mandant reprochait en premier lieu à son agent commercial:

— de ne pas avoir visité de nombreux clients, précisant que sur 104 commandes effectuées, seules 30 ont été effectuées par des clients visités par Monsieur Y.

— de ne pas avoir développé la clientèle créée par le mandant;

— de ne pas avoir assuré le suivi des commandes de livraison ou encore de ne pas communiquer mensuellement les rapports ou compte-rendus depuis 2009, et le mettait en second lieu en demeure de se conformer rapidement à ses obligations contractuelles, à savoir : respecter une obligation de loyauté, exécuter le contrat en bon professionnel, en promouvant avec diligence les ventes des produits, entretenir des relations professionnelles de confiance avec les clients, développer la clientèle, l’ informer régulièrement de l’état du marché, des souhaits de la clientèle, des actions de la concurrence avec communication de comptes-rendus mensuels.

La société Briane ajoutait en conclusion de ce courrier ' dans le cadre du nécessaire équilibre contractuel qui doit régir nos rapports, votre commissionnement ne devrait porter que sur les ventes pour lesquelles vous êtes intervenu et dès lors qu’elles sont la suite de vos devis et /ou de vos visites… nous en sommes bien loin.'

La lettre de rupture du 3 juin 2015 fait état des manquements suivants: – facturation injustifiée de certains dossiers, caractérisant une tentative répétée de réclamer des sommes qui ne sont pas dues

— manque d’investissement dans l’exécution du mandat,

— répétition de fautes diverses

— harcèlement lié aux demandes incessantes d’avances.

Il est ainsi reproché à Monsieur Y, sans que ce point soit contesté, d’avoir à nouveau, contrairement aux stipulations contractuelles sollicité le paiement de commission sur des factures non acquittées par les clients ; A ce titre, l’intervention d’un nouvel incident de facturation le 21 mai 2015 malgré des règles claires et répétées traduit un manque de loyauté dans les relations contractuelles et ne peut être justifié par les difficultés financières rencontrées par Monsieur Y ; c’est sur ce point à juste titre que le mandant a pu estimer que son agent n’avait pas pris en compte les termes de sa mise en demeure; En effet, Monsieur Y qui ne conteste pas avoir adressé la facture 9 jours avant son échéance normale et y avoir intégré des commandes non encore acquittées ne peut prétendre justifier ces violations contractuelles par’ le climat délétère 'existant entre les parties à la suite de la mise en demeure qui lui a été adressée ; il ne peut non plus justifier cette facturation contraire à ses obligations par 'la volonté de régulariser le passif à la charge de la société Briane laquelle aurait' régulièrement omis de déclarer à son agent l’ensemble des commandes passées par son entremise', ce qui ne résulte d’aucun des éléments débattus.

Il n’est pas non plus contesté que Monsieur Y qui a connu des difficultés financières, a sollicité le mandant à de nombreuses reprises en vue d’obtenir des avances sur commissions qui lui ont été accordées à 8 reprises entre mars 2011 et le 11 mai 2015 pour des sommes comprises entre 3.600 € et 9.000 € représentant un montant total de 34.950 €, notamment pour régulariser sa situation à l’égard du RSI. Cette situation récurrente ne suffit certes pas à elle seule à caractériser un manquement de l’agent à ses obligations contractuelles ; Il apparaît toutefois que ces demandes se sont poursuivies après le 10 avril 2014, date à laquelle Monsieur Y s’était pourtant engagé, dans le cadre d’une reconnaissance de dette établie au profit de son mandant, à ne plus solliciter d’avances ; d’autre part, l’insistance de l’agent commercial comme le caractère vindicatif d’un message sms du 13 mai 2015 adressé à la société Briane tel qu’il a été constaté par Me Cebron, huissier de justice, caractérisent bien une dégradation des relations avec le mandant, imputable à l’agent commercial, et rendant impossible le maintien du lien contractuel.

Ainsi les nouveaux manquements constatés postérieurement à la mise en demeure permettent d’estimer que la persistance du comportement de l’intéressé qui revêt les caractères d’une faute grave au sens des dispositions de l’article L 134-13 du code de commerce du code de commerce rend impossible le maintien du lien contractuel.

En application des dispositions de l’article L134-13 du code de commerce, l’indemnité compensatrice n’est pas due.

En application des dispositions de l’avenant du 29 mars 2011, le constat d’une faute grave dispense le mandant du préavis ; il n’y a donc pas lieu non plus à indemnisation de ce chef. Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il n’a pas retenu l’existence d’une faute grave rendant impossible le maintien du lien contractuel et en ce qu’il a accordé à Monsieur Y une indemnité compensatrice et une indemnité de préavis.

— sur les demandes de paiement des commissions :

L’article 11 du contrat d’agent commercial, rappelant les dispositions de l’article L134-7 du code de commerce, prévoit le versement par le mandant de commissions pour les opérations conclues dans un délai raisonnable après la cessation du contrat d’agence, notamment si l’opération est principalement due à l’activité de l’agent commercial.

Si le principe de ce droit à commission n’est pas contesté, la société mandante fait valoir qu’en l’espèce, aucune vente réalisée postérieurement à la fin du contrat n’est la résultante de l’activité de l’agent, ce qui s’explique par l’inertie de l’agent commercial.

Monsieur Y qui sollicite le bénéfice d’une indemnité forfaitaire correspondant à trois mois de commissions n’invoque aucune activité précise de sa part susceptible d’être à l’origine d’une vente intervenue postérieurement à la rupture du contrat et ne démontre pas son droit à commission qui ne saurait être présumé, ni indemnisé forfaitairement.

Il résulte d’ailleurs des échanges intervenus entre les parties que la société Briane a communiqué le 3 août 2015 à Monsieur Y la liste des paiements effectués jusqu’au 31 juillet 2015, sollicitant sa facture au titre des commissions pour le mois de juillet 2015 et rappelant à ce dernier qu’elle avait sollicité pour le mois de juin une facture limitée à la somme de 3.186, 80 €, les plus amples prétentions de l’agent, telle qu’elles apparaissaient sur la facture initialement présentée pour le mois de juin, ayant été contestées ;

Il sera relevé que Monsieur Y qui a été destinataire des paiements reçus par la société en juin et juillet 2015, et ainsi mis en situation d’établir une facturation pour les semaines postérieures à la fin de son mandat d’agent commercial ne formule aucune réclamation à ce titre ; sa demande forfaitaire, qui n’est pas fondée doit être rejetée et le jugement entrepris confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur Y de cette demande.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a condamné la société Briane au paiement d’une indemnité de préavis de 13.780,86 € et d’une indemnité compensatrice de 108.492,43 €, ainsi qu’aux dépens de l’instance et à une indemnité de 1.500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile , mais confirmé en ce qu’il a rejeté les plus amples demandes de Monsieur Y ;

— sur les demandes annexes :

Partie perdante en cause d’appel, Monsieur Y supportera les dépens exposés en première instance et en cause d’appel. Les circonstances de l’espèce ne justifient pas qu’il soit fait application à son encontre et au profit de la société Briane des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant après en avoir délibéré ;

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a dit que la rupture n’était pas imputable à une faute grave de l’agent commercial, condamné la société Briane au paiement d’une indemnité de préavis de 13.780,86 € et d’une indemnité compensatrice de 108.492,43 €, ainsi qu’aux dépens de l’instance et à une indemnité de 1.500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le confirme en ce qu’il a rejeté les demandes formées au titre du préjudice fiscal et des commissions postérieures à la résiliation du contrat;

Statuant à nouveau des chefs infirmés ;

Dit que la rupture du contrat d’agent commercial est consécutive à une faute grave de l’agent commercial rendant impossible le maintien du lien contractuel.

Déboute Monsieur Y de l’ensemble de ses demandes ;

Y ajoutant ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne Monsieur B Y aux dépens de première instance et d’appel et dit qu’ils pourront être recouvrés directement par Me Sorel sur son affirmation de droit.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 2 décembre 2020, n° 18/04209