Cour d'appel de Versailles, 12ème chambre section 2, 25 février 2010, n° 08/08044

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 25 févr. 2010, n° 08/08044
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 08/08044
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 4 septembre 2008, N° 2006F2670
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

12e chambre section 2

A.B./P.G.

ARRET N° Code nac : 34C

contradictoire

DU 25 FEVRIER 2010

R.G. N° 08/08044

AFFAIRE :

Y X

C/

S.A. I J

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Septembre 2008 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 4

N° Section :

N° RG : 2006F2670

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SCP JUPIN & ALGRIN

SCP TUSET-CHOUTEAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ FEVRIER DEUX MILLE DIX,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant, après prorogation, dans l’affaire entre :

Madame Y X demeurant XXX

représentée par la SCP JUPIN & ALGRIN, avoués – N° du dossier 0024937

Rep/assistant : Me Dominique THOLY, avocat au barreau de PARIS (P.279).

APPELANTE

****************

S.A. I J ayant son siège 16 Boulevard AB Jaurès 92110 CLICHY, agissant poursuites et diligences du Président de son Conseil d’Administration domicilié en cette qualité audit siège.

représentée par la SCP TUSET-CHOUTEAU, avoués – N° du dossier 20080508

Rep/assistant : Me Geneviève AUGENDRE, avocat au barreau de PARIS (P.0060).

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 30 Novembre 2009 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur I MARON, Président,

Madame Marion BRYLINSKI, conseiller,

Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller, (rédacteur)

Greffier, lors des débats : Madame W-Thérèse GENISSEL,

Délibéré du 11 février 2010, prorogé au 25 février 2010, après avis aux avoués le 11 février 2010.

FAITS ET PROCÉDURE

A la suite du décès, survenu le 23 octobre 1997, de son père, dirigeant de la société anonyme I J, Madame Y X a été désignée le 1er juillet 1998 en qualité de Président Directeur Général par le Conseil d’Administration de cette société, cinq des sept membres de l’indivision X devenant administrateurs.

Le Conseil d’Administration de la société I J qui s’est tenu le 21 mai 2001 a révoqué Madame Y X de ses fonctions de mandataire social. Une transaction a été signée le même jour entre Madame Y X et la société, aux termes de laquelle Madame Y X a renoncé à toute action contentieuse contre le versement d’une indemnité de 300.000 francs.

Madame Y X a été citée dans une affaire correctionnelle en sa qualité d’ancienne dirigeante d’I J. Estimant n’avoir pu avoir communication des éléments sociaux lui permettant d’organiser sa défense, Madame Y X a obtenu sur requête la désignation d’un huissier afin d’avoir accès aux documents concernés et en obtenir copie.

La société a ultérieurement refusé d’indemniser Madame Y X des frais d’intervention de cet huissier au motif que les documents sociaux avaient été tenus à sa disposition préalable bien avant cette intervention.

C’est en raison de cette révocation et de ses suites que Madame X a engagé une instance à l’encontre de la société I J devant le tribunal de commerce de NANTERRE par acte d’huissier du 15 mai 2006.

Par jugement rendu le 5 septembre 2008, le tribunal de commerce de NANTERRE a débouté Madame Y X de l’ensemble de ses demandes à l’exception de celle concernant les frais de remboursement des frais d’huissier, condamné la société I J à lui rembourser 4.300 € au titre de ces frais, débouté la société de sa demande de dommages et intérêts, dit n’y avoir lieu à exécution provisoire et condamné Madame X à payer à la société I J 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

*

Appelante de cette décision, par dernières conclusions signifiées le 26 novembre 2009, Madame Y X demande à la cour d’infirmer le jugement du 5 septembre 2008 dans toutes ses dispositions à l’exception des frais d’huissier, et le réformant pour le surplus,

Vu les articles 1134. 1111, 1112, 1382 et 2053 du code civil,

Constater que la soudaine révocation et la transaction imposée immédiatement à Mme Y X, sans aucun avertissement et sans aucun délai de réflexion, ont été provoquées en utilisant sciemment la vulnérabilité psychique de Mme Y X, vulnérabilité consécutive à l’inceste subi dans son enfance et parfaitement connue de ceux qui ont 'uvré à cette fin.

Dire et juger que l’acte qualifié de « transaction » du 21 mai 2001, est nul et de nul effet pour cause de violence.

Constater que les conditions de secret dans lesquelles a été préparée et exécutée la révocation de Mme Y X de son poste de PDG le 21 mai 2001, pour des raisons totalement étrangères à l’intérêt social, sont abusives et vexatoires.

Condamner la société I J à lui verser la somme de 375 843,57 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Dire et juger que la décision du 4 juillet 2003 de ne distribuer aucun dividende est constitutive d’un abus de majorité et condamner la société I J à lui verser la somme de 100.000 € en réparation de son préjudice.

Dire et juger que le groupe familial X constitue une entité dont la responsabilité est engagée, nonobstant la forme juridique utilisée à l’encontre de Mme Y X et subsidiairement faire injonction en tant que de besoin à la société I J d’appeler en cause les administrateurs ayant voté les résolutions du 4 juillet 2003.

Dire et juger que les man’uvres frauduleuses ayant abouti aux votes du 20 février 2004 entraînent la nullité de ceux-ci ainsi que des actes subséquents.

Constater que les administrateurs extérieurs à l’indivision, désignés le 20 février 2004, n’étaient pas propriétaires d’au moins une action en violation de l’article 11/2 des statuts modifiés par Mme M A.

Dire et juger que les désignations ainsi effectuées sont nulles et de nul effet.

Annuler les décisions de l’assemblée générale du 20 février 2004 et tous les actes subséquents.

Vu les articles 1135 et 1382 du Code civil :

Constater que la société I J a résisté de façon abusive à la communication loyale de pièces essentielles pour la défense pénale de Mme Y X à l’occasion d’un litige correctionnel mettant en cause sa gestion du 1er juillet 1998 au 21 mai 2001 au regard des institutions représentatives du personnel.

Dire et juger que la société I J a engagé sa responsabilité au regard de l’obligation dans laquelle s’est trouvée Mme Y X de recourir à une mesure d’exécution forcée sur requête.

Condamner la société I J à lui verser la somme de 4.300 € de dommages intérêts de ce chef.

Ordonner à la société I J de produire le contrat d’assurance couvrant ses dirigeants en matière d’infractions ainsi que le contrat couvrant l’actuel PDG de l’entreprise, sous astreinte définitive de 500 € par jour de retard à compter de la signification à Avoué de la décision à intervenir.

Se réserver la faculté de liquider l’astreinte en application de l’article 35 de la loi du 9 juillet 1991.

Condamner la société I J à verser à Mme Y X la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

*

Par dernières conclusions signifiées le 26 novembre 2009, la société I J demande à la cour de :

Vu les articles L.721-3 du code de commerce, 2044 et suivants du code civil, infirmer ce jugement en ce qu’il a condamné la société I J à payer à Madame Y X la somme de 4.300 € au titre du remboursement des frais d’huissier.

Le confirmer pour le surplus en ce qu’il l’a déboutée de ses autres demandes.

Dire que c’est à juste titre que le tribunal a débouté Madame Y X de sa demande tendant à l’annulation du protocole de transaction signé le 21 mai 2001, ce protocole ainsi que des pièces auxquelles ce document fait référence, étant conformes aux exigences des articles 2044 et suivants du code civil.

Confirmer le jugement rendu en ce qu’il a déclaré Madame Y X irrecevable et mal fondée en sa demande tendant à obtenir la nullité d’une assemblée générale du 4 juillet 2003 pour abus de droit.

Confirmer le jugement en ce qu’il a dit qu’il n’appartient pas au tribunal de se substituer à la demanderesse en faisant injonction à la société I J de faire appeler les actionnaires en la cause, pas plus du reste que de se prononcer sur des conflits personnels entre indivisaires.

Confirmer le jugement rendu en ce qu’il a déclaré Madame Y X irrecevable et mal fondée en sa demande de nullité des délibérations de l’assemblée générale du 20 février 2004 et des assemblées suivantes.

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Madame Y X de sa demande tendant à l’annulation de la désignation de deux administrateurs.

Le confirmer également en ce qu’il a rejeté la demande de Madame Y X de production de contrats d’assurance.

Rejeter l’intégralité de ses demandes, y compris celle fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Et faisant droit à l’appel incident formé par la société I J,

Infirmer le Jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle.

Condamner Madame Y X à lui verser la somme de un euro à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et vexatoire.

La condamner à verser à la société I J la somme de 20.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

*

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 26 novembre 2009.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Sur la révocation et la nullité de la transaction

Madame Y X en premier lieu reprend dans ses écritures l’historique de la société et des relations familiales depuis que O X, son père, a pris en mains la société I J, puis revient sur les circonstances du suicide de son père, les conditions dans lesquelles sa mère P X, après une lettre révélant l’inceste dont sa fille aînée, Y, avait été victime, la désignait et l’imposait pour prendre la suite de O X, les modalités de sa désignation comme président directeur général de la société I J, les difficultés rencontrées compte tenu de la situation financière de la société, l’absence de toute aide familiale, sa mise au ban par la famille, les procès J notamment par les maîtresses de son père, son éviction décidée par la famille et l’acharnement à son égard destiné à la voir sombrer définitivement.

Madame Y X fait valoir qu’une transaction est un contrat civil soumis aux termes de l’article 1134 du code civil, ainsi qu’aux articles 1111 et 1112 du code civil, auxquels renvoie implicitement l’article 2053 du code civil.

En effet, il est de principe établi que le vice ne réside pas dans la violence elle-même et sa nature mais seulement dans l’effet psychologique produit sur la victime.

L’ensemble des éléments versés aux débats démontre que la « transaction » imposée à Mme Y X le 21 mai 2001 l’a été dans des circonstances particulières qui constituent une violence préméditée et caractérisée.

Au surplus la méthode scientifiquement utilisée par Mme W AA X et Mme M A est de nature à établir que Mme Y X n’a pu en aucun cas donner un consentement éclairé aux actes qu’elle a été contrainte de signer.

Mme Y X a été plongée dans une sidération absolue qui empêchait toute défense et toute réaction, par l’agression perpétrée par la famille unanime.

En venant au complet au Conseil d’Administration du 21 mai 2001, dans un endroit confiné de surcroît, la fratrie savait qu’elle replaçait Mme Y X au c’ur des effets et des troubles post traumatiques, impossible à percevoir pour les tiers, des agressions physiques subies dans la famille.

La violence imposée à Mme Y X est donc parfaitement constituée et parfaitement connue des agresseurs, prenant la seule forme psychique puisqu’elle ne nécessite évidemment aucune forme physique pour être absolument efficace et aboutir à la destruction souhaitée ; de plus elle garantit aux agresseurs que rien ne puisse transparaître aux yeux de tiers présents.

Le mécanisme et les effets de cette sidération ainsi provoquée aboutissent à un « coma psychique » qui annihile totalement l’autonomie de la victime, l’empêchant d’avoir quelque réaction que ce soit, et la privant surtout de pouvoir s’opposer à l’agression qu’elle subit.

La fragilité psychique de Mme Y X et les effets des circonstances particulières du déroulement du Conseil d’administration du 21 mai 2001 étaient parfaitement connus 'en raison de leur profession et diplômes- de la nouvelle Présidente, Mme W AA X, et de la nouvelle Directrice générale, Mme M A, qui savaient toutes deux qu’en plongeant Mme Y X dans un état de sidération, surtout provoqué brutalement et soudainement par sa fratrie présente au complet, elles allaient recréer et réactiver l’univers familial confiné où s’étaient déroulées les viols paternels.

Cette parfaite connaissance résulte des termes sans ambiguïté de la lettre de Mme P X de l’été 1998 ci-dessus évoquée, ainsi que d’un article rédigé par Mme W AA X publié en 1998, décrivant précisément les séquelles à long terme de l’inceste chez les adultes.

Ainsi l’abandon prémédité et brutal de Mme Y X par les siens, n’a pu que lui être fatal et la méthode utilisée pour sa révocation est bien constitutive d’une violence psychique grave.

La famille a préparé cette révocation dans le plus grand secret ainsi qu’en atteste Mme Q X en 2002.

Il résulte clairement de l’attestation de M. AB-AC Z qui n’est pas spécifiquement un ami de Mme Y X qu’elle était dans un état de sidération l’empêchant totalement de mener une négociation et de défendre ses droits et que la séance du conseil d’administration s’est déroulée en un seul temps, sans suspension.

L’ensemble des éléments versés aux débats démontre d’une part que Mme Y X n’avait aucun autre moyen de subsistance et qu’elle était contrainte économiquement à obtenir la contrepartie conventionnelle du document du 21 mai 2001, et d’autre part qu’elle n’a jamais cessé de dénoncer les conditions de sa révocation, incluant à l’évidence les conditions de la « transaction ».

Il convient notamment de relever que la lettre de protestation exigée de Mme Y X le 21 mai 2001, sur le champ, a été expédiée sous la forme recommandée AR le 23 mai 2001 et reçue par la SA I J le 29 mai 2001, sans aucune réaction de sa part.

Mme Y X manifestait ainsi sa contestation des conditions de sa révocation, une fois libérée de la situation d’emprise et de sidération du 21 mai 2001.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que la transaction du 21 mai 2001 doit être déclarée nulle et de nul effet.

Il est de principe établi que la liberté de révocation ne doit pas être entendue comme l’expression d’un simple caprice, ni même comme une mesure abusive destinée à liquider un problème totalement étranger à la vie sociale de l’entreprise.

En l’espèce la violation des droits fondamentaux de Mme Y X constitue pratiquement une sorte de catalogue jurisprudentiel :

— absence totale de l’existence d’un juste motif, qui a toujours été reconnu par la jurisprudence comme étant celui permettant d’éviter de mettre la société en péril,

— révocation brutale dans un état de surprise totale, accompagnée d’une expulsion immédiate des locaux,

— révocation effectuée dans des circonstances ayant mis volontairement l’intéressée dans l’impossibilité de se défendre, notamment par une absence totale du respect du contradictoire et de la faculté pour Mme Y X de se faire assister d’un Conseil, alors que la fratrie avait planifié la présence d’un tiers « ami » qui s’est révélé ultérieurement être avocat, et qui a joué un rôle actif majeur dans la mise à exécution technique du sacrifice de Mme Y X,

— abstention volontaire de l’inscription de la révocation de l’ordre du jour alors que celle-ci était préméditée,

— absence totale d’alerte ou d’avertissement préalable au regard du prétexte avancé pour la révocation,

— allégations injurieuses ou vexatoires s’accompagnant d’une publicité susceptible d’attenter à l’honneur ou à la réputation de la personne,(maladie mentale, alcoolisme, détournement de fonds, m’urs dépravés, etc).

C’est pourquoi la révocation de Madame X sera déclarée abusive et vexatoire.

*

La société I J répond à Madame Y X en rappelant qu’elle n’est pas concernée par les relations des membres de la famille entre eux, par les relations incestueuses décrites, qu’elle ne peut discuter des abus sexuels qui lui sont étrangers, que c’est à tort que Madame Y X s’adresse à la société pour tenter d’obtenir réparation des actes qu’elle a subis de la part de sa famille ou pour se plaindre de son maintien dans l’indivision.

Elle rappelle que Madame Y X a reçu la somme de 420.000 francs immédiatement après sa révocation et qu’elle n’est pas plus responsable de la précarité financière qu’allègue Madame Y X.

Elle relève que ce n’est que le 15 mai 2006, soit six jours avant que ne soit atteinte la prescription que Madame Y X a imaginé critiquer la transaction, en demander la nullité et réclamer des dommages et intérêts.

Ainsi que le tribunal l’a à juste titre relevé, la révocation des présidents du conseil d’administration et administrateurs de société anonyme, peut être décidée à tout moment sans préavis ni précision de motifs.

Le Président Directeur Général d’une société est révocable ad nutum, le Conseil d’Administration ayant la faculté de le révoquer à tout moment et sans avoir à justifier du moindre motif.

La révocation est une décision sociale.

En l’occurrence, si la révocation du Président Directeur Général n’était pas à l’ordre du jour, elle était cependant possible, et en tout état de cause Madame Y X a été en mesure de présenter ses observations préalablement à la décision.

Avant de révoquer Madame Y X, le conseil lui avait proposé de donner sa démission, en soulignant des difficultés de communication, corroborées par les courriers des 28 février, 16 mars et 2 mai 2001 de Madame Y X à ses frères et s’urs.

Le procès-verbal de la réunion du Conseil indique qu’il s’est réuni à 10 h 00 et qu’il a levé la séance à 12 h.

Le vote a eu lieu en début de séance, et Madame Y X a refusé de donner sa démission.

Sa révocation fut alors mise aux voix, et votée à la majorité, sans qu’aucune allégation injurieuse ou vexatoire ait été prononcée et sans qu’aucun fait de violence ait été relaté.

La séance a repris l’après-midi et Madame Y X a remis à 15h00 en mains propres à Madame W-AA X, qui venait d’être désignée en qualité de Président Directeur Général, la lettre par laquelle elle protestait contre sa révocation, et indiquait qu’elle entendait saisir le tribunal compétent pour obtenir réparation du préjudice moral et financier subi des suites de cette révocation.

Monsieur AB-AC Z, administrateur de la société et ami personnel de Madame Y X, indique qu’il a voté contre la révocation et qu’il est intervenu pour que Madame Y X reçoive un dédommagement, mais il ne mentionne dans aucune de ses attestations le moindre fait de violence à l’égard de Madame Y X.

Madame Y X a accepté le versement proposé, s’est déclarée intégralement remplie de ses droits et a renoncé irrévocablement à toutes demandes, instances ou actions des suites de sa révocation.

Sa lettre, remise en main propre au nouveau Président désigné, le jour-même à 15h 00, protestant uniquement à l’encontre de sa révocation, fut expédiée par elle sous la forme recommandée avec accusé de réception 48 heures plus tard, le 23 mai 2001.

Contrairement à ce qu’elle prétend, cette lettre de protestation n’avait pas été « exigée » de la société, mais avait été écrite librement par elle, et si elle n’avait pas été d’accord sur son contenu et son envoi, elle ne l’aurait pas expédiée 48 heures plus tard. Cette lettre, pas plus que la transaction, n’ont fait l’objet de la moindre observation, et ce pendant près de cinq années.

Il n’est pas possible de laisser Madame Y X écrire qu’elle n’a « jamais cessé de dénoncer les conditions de sa révocation », alors qu’elle n’a pas réagi pendant 5 ans, ce qui démontre la conscience qu’elle avait de ce que le procès-verbal de transaction avait bien, ainsi qu’il le mentionnait, mis fin à tout différend.

La transaction signée est parfaite, en application des articles 2004 et suivants du code civil. Elle contient des concessions réciproques des parties et a mis un terme au litige.

Il résulte des circonstances de fait qu’il n’y a eu aucune violence morale exercée à l’encontre de Madame Y X lors de la réunion du conseil d’administration du 21 mai 2001 et c’est pour la première fois en janvier 2009 que Monsieur Z parle de sidération.

La révocation n’est ni abusive ni vexatoire.

Conformément à l’article L. 225-47 alinéa 3 du code de commerce que la révocation peut être décidée à tout moment.

Aucun des griefs évoqués par Madame Y X n’est établi, en particulier, il n’y a jamais eu la moindre allégation injurieuse ou vexatoire ayant entouré sa révocation accompagnée d’une publicité susceptible d’intenter à son honneur ou à sa réputation, le contexte psychologique revendiqué par Madame Y X n’étant évoqué que par elle.

Ainsi que l’a relevé le tribunal, Madame Y X n’est en l’espèce ni un consommateur ni un salarié, et ainsi que l’a relevé le Tribunal, elle a bénéficié de l’appui d’un tiers indépendant qui l’a aidée à négocier.

La révocation de Madame Y X de ses fonctions de Président Directeur Général de la société I J, ni abusive ni vexatoire, a été parfaitement régulière et il est demandé à la cour de confirmer le jugement sur ce point.

*

La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître.

La transaction a, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elle ne peut être attaquée pour cause d’erreur de droit ni pour cause de lésion.

Madame Y X demande à la cour de prononcer la nullité de la transaction intervenue le 21 mai 2001, en suite du conseil d’administration du même jour qui l’a révoquée, à raison de la violence morale et psychique dont elle aurait été victime.

C’est à elle qu’il incombe d’en apporter la preuve.

Selon l’article 1112 du code civil, il y a violence constituant un vice du consentement entraînant la nullité de la convention, lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent. On a égard, en cette matière, à l’âge, au sexe et à la condition des personnes.

Le protocole du 21 mai 2001 contient la reconnaissance de l’existence d’un différend né entre les parties au sujet de la révocation intervenue et de la volonté par Madame Y X de saisir la juridiction pour obtenir la réparation des préjudices qu’elle allègue.

Il n’est pas prétendu par Madame Y X que la somme de 300.000 francs qu’elle a acceptée serait dérisoire, et elle n’apparaît pas comme telle. Indépendamment de la transaction négociée, Madame Y X a également perçu une indemnité de départ de 120.000 francs correspondant à trois mois de rémunération, à laquelle s’est ajoutée un prorata de 13e mois.

En contrepartie de la parfaite exécution des dispositions du protocole, les parties signataires ont déclaré mettre un terme définitif au litige né des suites de la révocation de Madame Y X de ses fonctions de président du conseil d’administration et ce protocole précise qu’il vaut transaction forfaitaire définitive et globale dans les termes des articles 2044 et suivants du code civil.

Il ne ressort pas des termes mêmes du procès-verbal des délibérations du conseil d’administration du 21 mai 2001, la preuve de la violence alléguée par Madame Y X.

En effet, il y est rappelé que Madame Y X a présidé la séance jusqu’à sa révocation, qu’il lui a été demandée de donner sa démission et qu’elle a refusé considérant qu’aucune faute de gestion ne pouvait lui être reprochée.

La démission demandée ne lui a pas été extorquée, ce qui démontre déjà qu’elle était tout à fait à même de résister à la pression des administrateurs présents, membres de sa famille, et même des personnes présentes non membres du conseil d’administration, et de faire valoir ses moyens de défense.

Ce procès-verbal précise que la séance s’est ouverte à 10 heures et a été levée à 12 heures. Madame Y X a signé ce procès-verbal.

Par ailleurs, elle a remis le jour même à 15 heures en mains propres, ainsi qu’en attestent la mention manuscrite et la signature de W-AA X qui ne sont pas arguées de faux, une lettre contestant les motifs de sa révocation, les conditions vexatoires et abusives de cette révocation 'en méconnaissance totale du travail que j’ai effectué au service de la Société depuis le 1er juillet 1998. J’en veux pour preuve que ma révocation a été votée alors que les comptes de l’exercice 2000 n’avaient pas été arrêtés ni même examinés par le conseil.

Je considère donc que les motifs de ma révocation sont étrangers à l’exercice de mes fonctions de Président mais tiennent aux dimensions opposant les membres de la famille X.

Je vous indique en conséquence que j’entends saisir le tribunal compétent pour obtenir réparation du préjudice moral et financier que je subis des suites de cette révocation."

Madame Y X qui a adressé le 23 mai 2001 ce même courrier de protestation en lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ne peut sérieusement soutenir qu’il lui aurait été extorqué par violence le 21 mai alors qu’en l’adressant deux jours plus tard, de son plein gré, sous la forme recommandée, de façon à lui donner une date certaine et à se ménager la preuve que ce courrier a été porté officiellement à la connaissance de la société I J, elle revendique ainsi sans équivoque à la fois en être l’auteur et le contenu.

Il peut être relevé à cet égard que Madame Y X soutient dans ces écritures, qu’en envoyant ce courrier deux jours après le conseil d’administration, « elle manifestait ainsi sa contestation des conditions de sa révocation, une fois libérée de la situation d’emprise et de sidération du 21 mai 2001». Or, soutenant ne plus être dans 'l’état de sidération absolue’ dans lequel l’auraient plongée les manoeuvres de Madame A et de Madame W AA X lors de ce conseil d’administration, elle s’en est pourtant tenue à contester sa révocation, sans remettre en cause le protocole d’accord et faire valoir qu’elle l’aurait signé sous la contrainte.

La révocation d’un président directeur général d’une société peut être décidée à tout moment, sans préavis, ni précision de motifs lesquels n’ont pas à être communiqués préalablement au dirigeant par le conseil d’administration.

N’est pas dès lors constitutif en soi de violence le fait que Madame Y X ait été révoquée sans que cette demande de révocation ait été fixée à l’ordre du jour, qu’elle n’en ait pas été avertie antérieurement, que cette décision ait fait l’objet d’une réunion informelle antérieure des membres de la famille également administrateurs.

Madame Y X revendique l’état de sidération dans lequel elle aurait été plongée du fait de la situation familiale incestueuse qu’elle décrit longuement.

Le courrier de sa mère de l’été 1998 ne saurait apporter une quelconque preuve de l’état dans lequel se trouvait Madame Y X lors du conseil d’administration du 21 mai 2001 et de la signature du protocole d’accord. Madame Y X a été, de son propre aveu, et malgré les difficultés rencontrées avec sa famille s’exprimant au sein de la société I J, à même de gérer efficacement cette société pendant les presque trois années suivant sa désignation comme président directeur général.

Les certificats du docteur R B (pièce 34), psychiatre, en date des 14 juin 2004 et 19 janvier 2005, relate un suivi en consultation depuis le 29 avril 2004, et aucune pièce ne vient établir un quelconque état de sidération contemporain du conseil d’administration de mai 2001 ou qui l’aurait immédiatement suivi.

Si Monsieur B, médecin psychiatre, fait mention d’un sentiment de culpabilité et de dévalorisation important, renforcé selon les dires de sa patiente à l’évocation de la révocation dont elle a fait l’objet le 21 mai 2001 ou de manifestations anxieuses sévères majorées depuis le 21 mai 2001, il n’a fait lui-même aucune constatation d’un état de sidération résultant ou immédiatement consécutif à cette révocation.

Aucun des certificats postérieurs n’apporte d’élément supplémentaire de nature à étayer la thèse de Madame Y X selon laquelle elle aurait fait l’objet le 21 mai 2001 d’une violence psychologique et morale sous l’effet de laquelle elle aurait accepté la transaction.

En particulier, le dernier certificat médical de Monsieur B en date du 24 décembre 2008 fait état de la forte vulnérabilité psychologique et des difficultés majeures à faire face aux situations de conflits relationnels de Madame Y X. Le praticien ajoute que 'la réactivation de ses symptômes peut conduire à des états de sidération psychique qui peuvent amener à des retards importants pour prendre certaines décisions et défendre ses droits'.

Le médecin n’évoque là qu’un tableau clinique possible relative aux états de sidération dont il ne prétend pas l’avoir constatée chez sa patiente en 2001.

Madame Y X s’appuie encore sur les deux attestations de Monsieur C, la première datée du 14 novembre 2002 (pièce 7), la seconde du 26 janvier 2009.

Dans la première attestation, Monsieur Z précise que 'Madame Y X était choquée par l’attitude de sa famille et incapable de négocier'

Certes, la décision de révocation prise a pu être vécue par l’intéressée comme une injustice à l’égard du travail qu’elle avait effectué depuis 1998 alors qu’elle considérait, comme elle l’a d’ailleurs exprimé, ne pas avoir démérité, mais cela ne saurait suffire à établir la violence morale ou psychologique invoquée, de nature à entacher de nullité le protocole d’accord.

Au demeurant, Monsieur C, qui aurait assuré seul cette négociation, pour des raisons purement humanitaires, selon cette première attestation, et ce de sa propre initiative, et qui selon sa seconde attestation, se serait substitué à Madame Y X sans qu’elle soit même en état de le demander, n’en aurait pas moins laissé Madame Y X, qu’il décrit comme prostrée et sidérée, ce qui suppose qu’il se serait rendu compte de son état, signer ce document et recopier la lettre qui lui était dictée sous l’ordre et la pression de sa famille, ce qui serait pour le moins contraire à sa prétendue volonté, tout autant affirmée, de défendre les intérêts de Madame Y X.

Il ne peut être accordée aucune force probante aux allégations de Monsieur C, dont la seconde attestation rédigée en réponse au jugement du tribunal de commerce reprend fort à propos le terme de sidération.

En effet, Monsieur C prétend également que la séance du conseil d’administration n’aurait pas été levée à 12 heures et qu’elle aurait duré pratiquement toute la journée avec la volonté manifeste de ne pas laisser sortir Madame Y X mais force est de constater qu’il a signé le procès-verbal des délibérations faisant état de la levée de la séance à 12 heures, tout comme Madame Y X.

Madame Q X qui témoigne en faveur de sa soeur, Y X (pièce 6) précise que le départ de celle-ci a été préparé par la famille qui s’est réunie le week-end précédent, que sa soeur a dû se plier à la majorité, que 'Me Thévenet, avocat de la société I J, s’est cru obliger de prendre sous la dictée le protocole d’accord (…) par Maître D selon la volonté des indivisaires'. Elle ajoute que sa soeur a refusé de démissionner, qu’il a donc été question de la révoquer et qu’a été mis en place un protocole d’accord. Il ne résulte nullement de ces termes que sa soeur aurait fait l’objet d’une violence psychologique ou morale pour lui imposer ce protocole.

Sur sa situation de précarité financière et les conséquences fiscales de la hausse de ses revenus en 2001, les premiers juges ont par des motifs pertinents rejeté ce moyen de Madame Y X laquelle ne justifie pas de sa situation financière en 2001 et donc a fortiori d’une situation de contrainte ou de dépendance financière telle qu’elle aurait vicié son consentement donné à la transaction.

Il n’est pas établi la violence alléguée et le jugement qui a débouté Madame Y X de sa demande en nullité du protocole d’accord valant transaction, et partant de toutes ses demandes au titre de la révocation, sera confirmé.

Sur la décision du 4 juillet 2003

Madame Y X demande la réparation du préjudice résultant de la décision prise par le conseil d’administration le 4 juillet 2003 de ne distribuer aucun dividende, constitutive à son sens d’un abus de majorité.

Mme Y X soutient en premier lieu une exception de confusion entre tous les organes de la société I J et de l’indivision, par analogie avec les constructions jurisprudentielles de confusion de patrimoine, de fictivité de Société ou d’Unité économique et sociale.

En effet, la société I J conteste en permanence à Mme Y X la faculté de demander une réparation à l’encontre de « l’entreprise », en se retranchant derrière l’autonomie du Droit des sociétés, et la segmentation des organes qui la composent : assemblée générale, actionnaires individuels, membres du conseil d’administration et la société elle-même.

Or, il est désormais notoire qu’un ensemble d’actes juridiques dont chacun peut paraître isolément admissible, peuvent révéler en réalité une combinaison globale insidieusement frauduleuse, comme en l’espèce.

D’ailleurs, en l’espèce cette segmentation est parfaitement fictive et artificielle, d’autant plus que la confusion résulte même des écrits et des comportements de la famille.

Quant à la structure de la société I J, il convient de rappeler que l’indivision est composée des six enfants de M. O X, que cette indivision détient 99,33 % du capital, les 0,66 % restants sont détenus individuellement par chacun des frères et soeurs, dont certains composent le conseil d’administration, à l’exception de M. S G et de M. T F qui ne sont bénéficiaires que du prêt d’une seule action chacun.

Au surplus, l’indivision X est un groupement familial incestueux dont les mécanismes de fonctionnement ont été décrits de façon précise depuis longtemps par les ouvrages cliniques spécialisés, comme étant totalement confusionnels et régis selon des lois internes au groupe sans lien avec le droit commun du reste de la société.

L’assemblée générale du 4 juillet 2003 n’était composée que par les associés favorables à l’absence de distribution de dividendes et ils ont utilisé la structure qu’ils dirigeaient à des fins personnelles et étrangères à l’intérêt social, comme le démontre l’analyse du vote.

En raison de cette pratique et de la structure même du capital de la société I J, il n’y a pas à distinguer entre les associés auteurs de l’abus de majorité et l’organe social ou la Société, puisqu’ils sont confondus de façon totale et absolue.

Ainsi, cet abus de majorité a été sciemment organisé par la famille et a évidemment causé un préjudice à Mme Y X dont les nouveaux dirigeants de la société I J connaissaient la situation précaire, puisqu’ils l’avaient volontairement provoquée.

En raison de la confusion totale existante entre les membres de la famille, l’assemblée générale et le conseil d’administration, il revient à la société I J d’appeler en garantie et en la cause les administrateurs concernés, le cas échéant et à titre subsidiaire.

*

Selon la société I J, le tribunal a retenu à juste titre que la décision de ne pas distribuer de dividende au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2002 a été prise par les seuls actionnaires présents lors de cette assemblée (et non par les administrateurs), mais en tous les cas, pas par la société I J.

C’est donc en vain que Madame Y X prétend que la structure même du capital de la société obligerait à ne pas distinguer entre les associés auteurs de l’abus de majorité et l’organe social, en raison de la confusion totale existant entre les membres de la famille et la composition du Conseil d’Administration, et qu’elle développe une exception de confusion entre tous les organes de la société I J et de l’indivision, par analogie avec les constructions jurisprudentielles de confusion de patrimoines, de fictivité de sociétés ou d’unités économiques et sociales.

Aucune confusion ne peut être faite entre la société et ses actionnaires.

La société est étrangère à la décision prise par les actionnaires, et, ainsi que l’a retenu le tribunal, il ne lui appartenait pas de se substituer à la demanderesse en faisant injonction à la société I J de les faire appeler en la cause, pas plus du reste que de se prononcer sur les conflits personnels entre les actionnaires.

Il était loisible à Madame Y X d’assigner les actionnaires responsables du vote des résolutions, ce qu’elle s’est gardée de faire, préférant se livrer à un raisonnement flou, alors que la société I J est une entité juridique fonctionnant parfaitement, conformément au droit des sociétés.

*

Lors de l’assemblée générale ordinaire des actionnaires de la société I J du 17 juin 2003, était présente Me E U en qualité d’administrateur provisoire de l’indivision, désignée pour six mois par ordonnance de référé du 19 décembre 2002. Elle a refusé d’approuver les comptes car 'la comptabilisation de l’affectation des résultats de l’exercice 2001 ne paraît pas conforme aux règles comptables dans la mesure où elle a décidée lors d’une assemblée générale du 12 mars 2003".

Aucune décision n’a été prise, le quorum n’étant pas atteint.

Selon la seconde résolution figurant au procès-verbal de délibérations de l’assemblée générale ordinaire des actionnaires de la société I J en date du 4 juillet 2003, l’assemblée générale, après avoir approuvé les comptes et le bilan de l’exercice 2002, a approuvé la proposition du conseil d’administration et après avoir constaté que les comptes faisaient apparaître un bénéfice de 1.098.731 €, a décidé d’affecter ce bénéfice 'aux autres réserves’ et de ne pas verser de dividende au titre de cet exercice.

Il s’agit d’une délibération de l’assemblée générale des actionnaires et non d’une décision du conseil d’administration lequel ne dispose pas de ce pouvoir et n’a fait que proposer l’affectation.

La feuille de présence certifiée exacte permet de constater que les seuls actionnaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, possédaient 75 actions sur les 13.446 actions ayant le droit de vote.

En effet, l’indivision successorale O X n’était pas représentée lors de cette assemblée générale du 4 juillet 2003, la mission de Me E U ayant pris fin.

Quelle que soit la répartition du capital social de la société I J et sa concentration entre les mains des membres d’une même famille, l’intérêt d’une société commerciale est distinct de celui de ses membres et l’intérêt social de la société I J n’est identifiable ni à celui de ses actionnaires ni à celui de l’indivision X.

L’abus de majorité est en l’espèce recherché par Madame Y X en raison de la non distribution des dividendes et de leur affectation en réserve.

L’absence de distribution de dividende en conséquence de l’affectation du bénéfice 'aux autres réserves’ résulte de l’adoption de la résolution suscitée qui ne peut être reprochée comme abusive qu’aux actionnaires qui l’ont votée, et non à la société elle-même.

L’avis de Maître E U dans son rapport de fin de mission est donc indifférent à la solution du litige.

Ce n’est pas à la société I J d’attraire en la cause les associés qui ont voté mais à Madame Y X qui poursuit l’indemnisation de l’abus de majorité dénoncé.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la nullité des délibérations de l’assemblée générale du 20 février 2004 de la société I J et les suivantes

Selon Madame Y X, pour comprendre la man’uvre qui a abouti à la désignation de deux administrateurs lors de l’assemblée générale du 20 février 2004, il convient de reprendre l’historique des événements, qui font l’objet d’une note versée aux débats en qualité de pièce.

Dans le prolongement de cette note, Mme Y X entend critiquer la légalité des prêts de consommation qui lui sont aujourd’hui opposés, en violation des statuts de la société I J modifiés par Mme M A le 12 mars 2003, qui mentionnent expressément à l’article 11, 2°/ :

« Chaque administrateur doit être pendant la durée de ses fonctions propriétaire au moins d’une action. »

Aucune disposition des statuts n’autorise un autre mode de détention d’une action.

Or, la société I J a communiqué très tardivement les actes de prêt des actions, datés du 12 mai 2004 pour M. T F et du 5 novembre 2004 pour M. S G, qui révèlent un ensemble d’anomalies qui en entraînent la nullité.

Ces documents se révèlent être plutôt des conventions de portage d’action symbolique contraires aux statuts puisqu’aucune de leurs dispositions n’autorise un tel procédé. Cette infraction aux statuts permet de contourner la publicité et la vente préférentielle aux autres actionnaires, prévue dans les statuts du 12 mars 2003.

De plus ces prêts sont totalement précaires et léonins, d’autant plus qu’ils sont au bénéfice de la seule société I J et non pas du prêteur individuel, seul propriétaire de l’action. Or c’est bien une action individuelle appartenant personnellement soit à M. V X, soit à Mme Q X, qui a été «prêtée » et dont on pourrait attendre qu’ils en restent les maîtres dans la gestion, aucun document de délégation de pouvoir n’étant accordée par l’actionnaire individuel en faveur de la société.

Or l’article 4 de l’acte de prêt organise la restitution de l’action prêtée à la première demande de la société I J et non pas de son véritable propriétaire, l’actionnaire individuel prêteur.

Au surplus ce « prêt » d’action est consenti gratuitement au point que dans l’hypothèse d’une distribution de dividendes, « l’emprunteur » doit restituer le montant de la rémunération de l’action après déduction de l’impôt qu’il aurait effectivement dû acquitter.

Ces opérations ainsi menées de façon clandestine sont à l’évidence une manipulation frauduleuse totalement déloyale et viole l’article 1134 du code civil imposant que les conventions, dont les statuts d’une société, soient exécutées de bonne foi.

La sanction évidente d’une telle manipulation est son inopposabilité et sa nullité à l’égard de tous.

Pour maquiller leur fraude la société I J et ses nouveaux dirigeants ont eu recours à un prétendu « contrat de prêt de consommation » régi par les articles 1892 et suivants du code civil ; un tel contrat ne peut en aucun cas concerner une action mobilière qui, surtout depuis la loi du 30 décembre 1981 dématérialisant les titres, ne peut pas être assimilée à une chose consomptible.

Au surplus le recours à un tel contrat pour ce qui concerne une action mobilière ne rend jamais l’emprunteur réellement propriétaire car s’il en disposait ainsi, il serait déclaré démissionnaire d’office en application de l’article L. 225-25 du code de commerce. L’unique but de cette opération a été de permettre à une personne étrangère à la société d’acquérir la qualité d’associé pour pouvoir accéder à un poste de membre du Conseil d’administration.

Ainsi la véritable volonté des parties au prétendu « contrat de prêt de consommation » n’a jamais été en l’espèce de conclure un contrat emportant transfert effectif de la propriété du titre, mais uniquement de créer une possibilité artificielle et précaire d’accès au conseil d’administration.

Une telle opération est en contradiction totale avec la volonté affichée du monde des affaires, d’être régi par des valeurs morales et éthiques, ainsi que par la bonne foi et la transparence.

L’ensemble de cette situation caractérise une véritable fraude aux droits sociaux de Mme Y X, démontre une totale mauvaise foi et une manipulation systématique dans la gestion de la société I J, entraînant nécessairement la nullité des délibérations du 20 février 2004 et de ses conséquences, ainsi que des délibérations ultérieures.

*

La société I J rappelle que s’agissant de l’assemblée du 20 février 2004, il est faux de dire qu’elle aurait abouti à la désignation de deux administrateurs. En effet, la nomination d’un seul nouvel administrateur était à l’ordre du jour. Madame M A ayant démissionné de ses fonctions d’administrateur, Monsieur F a été désigné pour la remplacer.

Monsieur G, déjà directeur général, a été coopté en qualité d’administrateur au cours de la réunion du conseil d’administration du 4 novembre 2004 et élu Président de la société lors de cette même réunion.

Monsieur T F et Monsieur AE-S G ont régulièrement acquis une action à la suite de la signature par chacun d’eux d’une convention de prêt de consommation :

— le 12 mai 2004, entre Monsieur T F et Monsieur V X, portant sur une action de la société I J,

— le 5 novembre 2004, entre Monsieur AE-S G et Madame Q X, portant sur une action de la société I J.

La cour devra confirmer le jugement qui a retenu la validité de ces conventions.

Les conditions dans lesquelles ont été nommés Monsieur F et Monsieur G en qualité d’administrateurs ne constituent aucune fraude, en particulier aux droits sociaux de Madame Y X, ni aucune manipulation systématique dans la gestion de la société I J.

Les délibérations du 20 février 2004 ne sont pas nulles, pas plus que les délibérations ultérieures.

*

L’article 11, 2°/ des statuts mis à jour au 12 mars 2003 prévoit que

« Chaque administrateur doit être pendant la durée de ses fonctions propriétaire au moins d’une action. »

En application de l’article L. 225-5 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008, un administrateur doit au jour de sa nomination être propriétaire d’un nombre d’actions déterminé par les statuts de la société et il dispose d’un délai de trois mois pour régulariser sa situation. A défaut, il est réputé démissionnaire d’office.

Il ressort du procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire en date du 20 février 2004 que Monsieur F a été désigné en qualité d’administrateur à cette date. Monsieur G a été coopté comme administrateur lors de la réunion du conseil d’administration du 4 novembre 2004.

Il résulte des pièces produites que les deux administrateurs n’étaient pas propriétaires d’une action au jour de leur nomination.

Néanmoins, Monsieur V X a consenti une 'convention de prêt de consommation’ à Monsieur F portant sur une action le 12 mai 2004, dans le délai de trois mois de sa nomination. Madame Q X a consenti à Monsieur G une 'convention de prêt de consommation’ portant sur une action le 5 novembre 2004, le lendemain de sa cooptation.

Il résulte de l’article 1893 du code civil que le prêt de consommation opère un véritable transfert de propriété au profit de l’emprunteur.

Toutefois si l’article 2 de chacune des conventions prévoit expressément que l’emprunteur disposera de cette action comme d’un chose lui appartenant en toute propriété dans les conditions définies à l’article 4, il ressort des termes de l’article 4 de la convention signée entre Monsieur V X et Monsieur F que la restitution par l’emprunteur devra intervenir notamment à première demande, non pas du prêteur, mais de la société I J.

Or, selon l’article 1892 du code civil, le prêt de consommation se caractérise par le fait que l’emprunteur doit restituer au prêteur, et non à un autre, autant de même qualité et de même espèce que la chose prêtée qui se consomme par l’usage.

En outre, il est prévu à l’article 4 de chacune des conventions que le contrat est consenti à titre gratuit, que toutefois, pour le cas où la société I J distribuerait pendant la durée de ce prêt des dividendes, l’emprunteur, qui s’y engage, devra reverser au prêteur le montant du dividende après déduction de l’impôt sur le revenu qu’il aura effectivement payé.

Selon l’article 546 du code civil, la propriété d’une chose mobilière donne droit à tout ce qu’elle produit et sur ce qui s’y unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement.

Dès lors, il ne peut être considéré que tant Monsieur F que Monsieur G se sont vus réellement transférer par chacune des conventions en cause la pleine et entière propriété de l’action prêtée, n’étant pas titulaires de l’attribut de la propriété que constitue le droit d’accession prévu par l’article 546 suscité, puisque, selon les modalités du prêt, ils ne disposaient pas librement, même pendant la durée limitée de ce prêt, des fruits de la chose dont ils étaient censés être propriétaires, devant en reverser les dividendes à l’emprunteur, sans qu’il soit même stipulé que ce reversement des dividendes n’interviendra qu’au moment de restitution de l’action.

Les conventions de prêt produites n’opèrent pas en conséquence de transfert réel de propriété aux emprunteurs de l’action sur laquelle porte ledit 'prêt'.

Dans ces conditions, Monsieur F n’a satisfait, dans le délai de trois mois de son entrée en fonction comme administrateur, aux exigences de l’article L. 225-25 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 et de l’article 11 2°/ des statuts de la société.

En application de ce même article du code de commerce, il est donc réputé démissionnaire d’office à l’expiration du délai imparti pour régulariser sa situation.

Selon l’article L. 235-1 alinéa 3 du code de commerce, la nullité d’actes ou délibérations autres que ceux modifiant les statuts ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du livre deuxième du code de commerce relatif aux sociétés commerciales et groupements d’intérêt économique ou des lois qui régissent les contrats.

Or, les dispositions de l’article L. 225-25 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 et de l’article 11 2°/ des statuts de la société constituent des dispositions impératives résultant de la loi et du contrat social de la société. Leur violation est donc sanctionnée par la nullité.

La nullité de l’assemblée générale du 20 février 2004 n’est cependant pas encourue dès lors qu’à cette date, il a pu valablement être procédé à la désignation de Monsieur F en qualité d’administrateur. En revanche, celui-ci est réputé démissionnaire d’office trois mois après sa désignation.

En outre, s’agissant de la cooptation de Monsieur G, la 'convention de prêt de consommation’ qui lui a été consentie est entachée des mêmes vices.

Dès lors, il y a lieu d’annuler toutes les décisions postérieures de plus de trois mois à l’assemblée générale du 20 février 2004 et toutes les décisions ultérieures auxquelles Monsieur F et/ou Monsieur G ont été appelés à participer en qualité d’administrateur de la société.

Sur les frais d’huissier

Sur ce point, Madame Y X sollicite la confirmation du jugement en relevant que la société I J n’apporte aucune preuve de son affirmation selon laquelle son conseil aurait été convié à une réunion au sein du Cabinet Thevenet au cours de laquelle les documents auraient été à sa disposition.

La société I J conclut à l’infirmation en faisant valoir que le conseil de la société avait convié les conseils de toutes les parties concernées à une réunion organisée en mai 2005, afin de communiquer à chacun des intéressés les éléments nécessaires à la défense des intérêts de son (sa) cliente, et que seul le conseil de Madame Y X ne s’était pas présenté.

Elle ajoute que c’est de façon abusive que Madame Y X a demandé l’intervention d’un huissier par ordonnance rendue sur requête, alors que cela était parfaitement inutile, puisque les documents étaient à la disposition de son conseil au siège social.

Le tribunal a considéré que la société I J n’avait pas rapporté la preuve qu’elle avait invité le conseil de Madame Y X à la réunion du mois de mai 2005 mais il est curieux que pourtant aient assisté à cette réunion tous les conseils des parties concernées, celui de Madame Y X ayant négligé de répondre à l’invitation.

Il est tout aussi étonnant que celui-ci n’ait pas obtenu de son confrère avocat de la société la communication des pièces, si ce n’est en raison de leur volume qui imposait qu’elles soient consultées sur place.

*

Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont exactement décidé que la société I J ne justifiait pas avoir répondu aux lettre de Madame Y X et pas davantage avoir invité son conseil à la réunion du mois de mai qu’elle invoque, que dès lors, Madame Y X était fondée à faire usage des mesures d’exécution forcée pour obtenir communication des éléments qui étaient nécessaires à sa défense.

En appel, la société I J n’apporte pas plus qu’en première instance la preuve de ce qu’elle aurait invité le conseil de Madame Y X à une réunion, preuve qui ne peut pas être apportée par la réponse que la société I J a faite le 20 février 2006 au conseil de Madame Y X. La société manque également à établir que les pièces réclamées par Madame Y X étaient tenues à sa disposition au siège social.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société I J à payer la somme de 4.300 € qui est justifiée par les pièces produites.

Sur la demande de production des contrats d’assurance

Madame Y X sollicite la communication des contrats d’assurance juridique bénéficiant à ses successeurs à la tête de la société I J pour démontrer la discrimination dont elle était victime et l’absence totale de « communication » des nouveaux dirigeants à son égard.

Ainsi que les premiers juges l’ont décidé, ces documents ne sont pas de ceux dont l’actionnaire peut obtenir de droit la communication, qui sont énumérés à l’article L. 225-115 du code de commerce.

Madame Y X ne forme pas de demande à l’encontre de la société I J au titre d’une quelconque discrimination dans la présente instance.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle de la société I J

La société I J demande la condamnation de Madame Y X à lui payer 1 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire.

Partiellement bien fondée, l’action engagée par Madame Y X n’est ni abusive, ni vexatoire.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions conservera la charge des dépens et des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés tant en première instance qu’en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la nullité des délibérations des assemblées générales du 20 février 2004 et des suivantes, à l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Statuant à nouveau de ce chef,

Annule toutes les décisions postérieures de plus de trois mois à l’assemblée générale du 20 février 2004 et toutes les décisions ultérieures auxquelles Monsieur F et/ou Monsieur G ont été appelés à participer en qualité d’administrateur de la société I J.

Déboute Madame Y X de sa demande de nullité de l’assemblée générale du 20 février 2004.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens et des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés tant en première instance qu’en appel.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur I MARON, Président et par Madame GENISSEL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,

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Cour d'appel de Versailles, 12ème chambre section 2, 25 février 2010, n° 08/08044