Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 21 janvier 2015, n° 13/05012

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 15e ch., 21 janv. 2015, n° 13/05012
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 13/05012
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Argenteuil, 5 novembre 2013, N° 13/00091
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 21 JANVIER 2015

R.G. N° 13/05012

AFFAIRE :

Y X

C/

XXX

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 06 Novembre 2013 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARGENTEUIL

N° RG : 13/00091

Copies exécutoires délivrées à :

Me Béatrice BONACORSI

Me Olivier JOSE

Copies certifiées conformes délivrées à :

Y X

XXX

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE QUINZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur Y X

chez Mme C D

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Béatrice BONACORSI, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 66

APPELANT

****************

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Olivier JOSE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 751

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Novembre 2014, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Hélène MASSERON, Conseiller chargé(e) d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Madame Michèle COLIN, Président,

Madame Marie-Hélène MASSERON, Conseiller,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Brigitte BEUREL,

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat d’intérim, M. Y X était embauché du 2 août 2009 au 29 octobre 2010 par la société Sarl Génie Flexion 95 en qualité de mécanicien dépanneur.

A compter du 2 novembre 2010, il était engagé par cette même société suivant contrat à durée indéterminée en qualité de Technicien, niveau 2, échelon 2, coefficient 180 de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne, moyennant une rémunération brute mensuelle qui s’élevait en dernier lieu à 1 874,07 euros.

Le 26 octobre 2011, M X était victime d’un accident du travail et faisait l’objet d’un arrêt de travail initial à compter de cette date, prolongé jusqu’au 13 février 2013.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 6 août 2012, il était convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement devant se tenir le 3 septembre 2012.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 7 décembre 2012, il se voyait notifier son licenciement pour faute grave (absence injustifiée).

La société comptait au moins onze salariés au moment du licenciement.

Contestant son licenciement, M. X saisissait le 25 février 2013 le conseil de prud’hommes d’Argenteuil afin de le voir juger nul et obtenir sa réintégration ainsi que le paiement de ses salaires à compter du 13 février 2013, outre la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Génie Flexion a conclu au débouté et sollicité le paiement d’une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 6 novembre 2013, le conseil de prud’hommes d’Argenteuil a débouté M. X de l’ensemble de ses demandes, a débouté la société Génie Flexion de sa demande reconventionnelle et a mis les éventuels dépens à la charge respective de chaque partie.

Le salarié a régulièrement relevé appel de cette décision..

Il demande à la cour de l’infirmer, précise renoncer à sa demande de réintégration et sollicite la condamnation de la société Génie Flexion à lui payer les sommes suivantes :

* 42 233,49 euros à titre d’indemnité de licenciement nul, ou 18 740 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 748,14 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 374,81 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 466,39 euros à titre d’indemnité de licenciement en cas de licenciement nul, 749,62 euros en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal compter de la notification de l’arrêt à intervenir et condamnation de la société intimée aux entiers dépens.

Il fait valoir que son licenciement est nul (ou sans cause réelle et sérieuse) pour avoir été prononcé alors que son contrat de travail était suspendu suite à l’accident du travail dont il a été victime le 26 octobre 2011et à défaut de visite de reprise ; que le défaut de justification de ses arrêts de travail à partir de mars 2012, motif du licenciement qu’il conteste en soutenant avoir envoyé ses ses arrêts de travail jusqu’en février 2013, ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, encore moins une faute grave.

La société Génie Flexion demande à la cour de confirmer le jugement entrepris après avoir dit justifié le licenciement pour faute grave, de débouter M. X de l’ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que le licenciement pour faute grave est justifié dès lors qu’elle est restée sans nouvelles de son salarié depuis le 20 mars 2012, date à partir de laquelle elle n’a plus reçu les avis de prolongation de l’arrêt de travail, que ses demandes de justificatifs et les bulletins de salaire qu’elle a adressés au salarié lui sont revenus, M. X ayant changé d’adresse sans l’en informer, qu’elle s’est ainsi trouvée dans l’impossiblité de contacter son salarié et d’organiser le fonctionnement de l’entreprise en son absence.

A titre subsidiaire, elle conteste le montant de l’indemnité qui est sollicitée pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, faisant valoir que le salarié ne peut inclure dans la première les salaires dont il a été privé entre le licenciement et sa réintégration, mesure qu’il ne sollicite pas et qui constitue une alternative à l’indemnité pour licenciement nul, qu’en outre il avait moins de deux ans d’ancienneté.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

Il est constant que M. X a été licencié pour faute grave alors que son contrat de travail était suspendu suite à l’accident du travail dont il a été victime le 26 octobre 2011, aucune visite de reprise n’ayant eu lieu avant la rupture du contrat.

En vertu des articles L.1226-9 et L. 1226-13 du code du travail, l’employeur ne peut, à peine de nullité de la rupture, rompre le contrat de travail au cours d’une période de suspension sauf faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

Nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour faute grave en raison de votre absence injustifiée depuis plusieurs semaines et ce malgré notre invitation à reprendre votre travail en l’absence de toute justification ou explication de votre part.

En effet, vous deviez reprendre votre travail à la suite de votre dernier arrêt allant du 6 mars 2012 au 20 mars 2012 inclus. Or, depuis cette date, nous avons été contraints de constater la persistance de votre absence injustifiée et non autorisée à votre poste de travail.

Vous ne nous avez pas informé des raisons de votre absence ni fourni de justificatif et, depuis cette date, nous sommes sans nouvelles de votre part.

De plus, nos dernières correspondances, à savoir l’envoi de vos bulletins de salaire de juin et juillet 2012 nous ont été retournés indiquant 'destinataire non indentifiable'. Vous ne nous avez pas tenu informé d’un changement d’adresse personnelle.

Votre comptement envers la société rend impossible le maintien de votre contrat de travail.

M. X est ainsi licencié pour trois motifs :

— une absence injustifiée persistante,

— un défaut de réponse aux demandes de justificatifs de l’employeur sur cette absence,

— un défaut de notification de son changement d’adresse.

Le grief tiré de l’absence injustifiée n’est pas caractérisé dès lors que le contrat de travail étant suspendu par l’accident du travail dont l’employeur était informé et par les arrêts de travail successifs reçus par l’employeur jusqu’en mars 2012, le salarié étant par conséquent légitimement absent de son poste de travail.

Sur le second grief tiré du défaut d’envoi des avis de prolongation de l’arrêt de travail, il existe un doute qui doit profiter au salarié, celui-ci affirmant, au contraire de l’employeur, avoir poursuivi l’envoi de ses arrêts de travail comme il l’avait fait jusqu’au 20 mars 2012, aucune pièce n’étant susceptible de départager les parties sur ce point.

Sur le troisième grief tiré du défaut de notification à l’employeur de son changement d’adresse, si le salarié est incontestablement fautif de n’avoir pas signalé à la société Genie Flexion son changement de domicile consécutif à l’expulsion de son logement, il s’agit d’une négligence dont M. X n’a manifesement pas mesuré les conséquences, son arrêt de travail se poursuivant par ailleurs de manière justifiée, l’employeur ne contestant pas en outre disposer du numéro de téléphone et de son adresse mail au moyen desquels il aurait pu contacter son salarié, ayant par ailleurs reçu de la Cpam , ainsi qu’il résulte d’une attestation de celle-ci, une lettre datant du mois de juillet 2012 dans laquelle il lui était demandé de fournir des éléments de salaire de M. X dans la cadre de l’accident du travail du salarié, ce qui accréditait la poursuite de l’arrêt de travail.

Le licenciement de M. X pour faute grave a donc été prononcé de manière injustifiée, alors que le contrat de travail était suspendu consécutivement à une accident du travail; il est donc nul par application des textes précédemment rappelés.

Sur les conséquences pécuniaires du licenciement

Le salarié dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit, d’une part aux indemnités de rupture, d’autre part à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caracère illicite de son licenciement, dont le montant doit être au moins égal à celui prévu par l’article L.1235-3 du code du travail, soit un montant égal aux salaires bruts perçus par le salarié pendant les six derniers mois.

Les parties s’accordent sur un salaire mensuel brut de référence de 1874,07 euros.

En application des dispositions des articles L 1234-1 et L 1234-9 du code du travail M. X a droit, sur la base de ce salaire et eu égard à son ancienneté de 2 ans et 5 jours incluant la durée du préavis de deux mois, d’une part à une indemnité compensatrice de préavis de 3748,14 euros brut (outre 374,81 euros de congés payés afférents), d’autre part et à une indemnité de licenciement de 749,62 euros brut.

C’est à tort qu’il double le montant de l’indemnité de licenciement en conséquence de la nullité de son licenciement, l’indemnité doublée prévue par l’article L. 1224-14 du code du travail n’étant prévue qu’au cas de licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

C’est aussi à tort que M. X inclut dans l’indemnité pour licenciement nul à laquelle il a droit le montant des salaires qu’il aurait perçus à défaut de licenciement, les salaires échus pendant la période d’éviction n’étant dus que dans le cadre d’une demande de réintégration.

En raison de son âge au moment de son licenciement (29 ans), de son ancienneté dans l’entreprise et du montant de la rémunération qui lui était versée, il sera alloué à M. X, en réparation du préjudice matériel et moral qu’il a subi en conséquence de la rupture, la somme de 12 000 euros.

Sur les mesures accessoires

Les sommes allouées au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de licenciement sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation ; le salarié ne les sollicitant cependant qu’à compter du présent arrêt, il sera suivi en sa demande.

L’indemnité pour licenciement nul est productive d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Partie succombante, la société Génie Flexion sera condamnée aux entiers dépens , déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à M. X, pour chacune des deux instances, la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ; le jugement entrepris sera infirmé de ces chefs.

PAR CES MOTIFS

La COUR, Statuant, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes d’Argenteuil du 6 novembre 2013, sauf en ce qu’il a débouté la société Génie Flexion 95 de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau :

Dit nul le licenciement pour faute grave de M. Y X ;

Condamne la société Génie Flexion 95 à lui payer les sommes suivantes :

* 3 748,14 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 374,81 euros au titre des congés payés afférents,

* 749,62 euros brut à titre d’indemnité de licenciement,

* 12 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

* 1 500 euros au titre des frais de procédure de première instance,

Y ajoutant :

Déboute la société Génie Flexion 95 de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne à payer à M. X la somme de 1 500 euros sur le même fondement ;

La condamne aux dépens de première instance et d’appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l’avis donné aux parties à l’issue des débats en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, et signé par Mme Michèle Colin, président, et par Mme Brigitte Beurel, greffier.

Le GREFFIER Le PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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