Cour d'appel de Versailles, 10 mai 2016, n° 14/02380

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 10 mai 2016, n° 14/02380
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 14/02380
Décision précédente : Tribunal d'instance, 19 juin 2013, N° 11-13-0127

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53B

1re chambre 2e section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 MAI 2016

R.G. N° 14/02380

AFFAIRE :

C B

C/

E F G Y

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Juin 2013 par le Tribunal d’Instance d’X

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 11-13-0127

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Julie GOURION-LEVY

Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l’XXX

Me Jack NUZUM de la SCP RIBEYRE-NUZUM

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX MAI DEUX MILLE SEIZE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame C B

née le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

représentée par Me Julie GOURION-LEVY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 – N° du dossier 214078

assistée de Me Judith BOUHANA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0656

APPELANTE

****************

Monsieur E F G Y

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

représenté par Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l’XXX, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620

assisté de Me Nathalia GARCIA-PETRICH, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0111

SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE

prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

N° SIRET : 382 90 0 9 42

XXX

XXX

représentée par Me Jack NUZUM de la SCP RIBEYRE-NUZUM & NUZUM, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 187 – N° du dossier 201413

assistée de Me Arnaud CLAUDE de la SELAS CLAUDE & SARKOZY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R175 -

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Novembre 2015 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant M. Serge PORTELLI, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Serge PORTELLI, Président,

Mme Claire MORICE, Conseiller,

Mme Véronique CATRY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Pierre QUINCY,

FAITS ET PROCÉDURE,

Le 13 février 2010, les époux Y ont souscrit un prêt personnel de 45 000 euros destiné à regrouper l’ensemble des crédits précédemment souscrits auprès de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE.

Sur cette offre préalable figurent les paraphes ainsi que la signature de Monsieur Y et de Madame C B.

Le divorce entre les époux Y est prononcé le 15 juin 2011.

Madame B adresse divers courriers à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE afin de l’informer qu’elle n’avait signé aucun des contrats de prêts souscrits par son ancien conjoint.

Le 11 septembre 2012, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE a adressé une mise en demeure à Monsieur Y et à Madame B en invoquant la déchéance du terme.

Par assignation en date du 30 janvier 2013, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE a fait citer Monsieur Y et Madame B devant le tribunal d’instance d’X afin d’obtenir leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes :

-48 633,95 € au titre du contrat de prêt en date du 13 février 2010 avec intérêts au taux contractuel de 7,50 % l’an à compter de l’assignation et jusqu’au parfait paiement ;

— la capitalisation des intérêts échus depuis au moins une année en application de l’article 1154 du Code civil ;

-1000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre l’exécution provisoire et les dépens.

Bien que régulièrement cités par remise de l’acte d’assignation à personne, Monsieur Y et Madame B n’ont pas comparu.

Le 20 juin 2013, par jugement réputé contradictoire, le tribunal d’instance d’X a :

— condamné solidairement Monsieur Y et Madame B à payer à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE la somme de 48 633,95 € au titre du contrat de prêt en date du 13 février 2010 avec intérêts au taux contractuel de 7,50 % l’an à compter du 30 janvier 2013 ;

— laissé à la charge de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE les frais irrépétibles exposés ;

— condamné solidairement Monsieur Y et Madame C B aux dépens de l’instance.

Un courrier d’huissier du 13 septembre 2013 a informé Madame B qu’elle était redevable de la somme de 51 630,97 euros à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE.

Par acte signifié le 17 septembre 2013, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE a adressé un commandement de payer à Madame B en vertu du jugement rendu par le tribunal d’instance d’X.

Par exploit d’huissier en date du 11 février 2014, Madame B a saisi le Premier Président de la cour d’appel de VERSAILLES statuant en référé d’une demande en relevé de forclusion afin d’être autorisée à interjeter appel du jugement rendu par le tribunal d’instance.

Par ordonnance du 20 mars 2014, la cour d’appel de VERSAILLES a autorisé Madame B à relever appel du jugement rendu le 20 juin 2013 par le tribunal d’instance d’X.

Par déclaration d’appel en date du 27 mars 2014, Madame B a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures auxquelles la cour se réfère pour l’exposé de ses moyens et prétentions, Madame B formule les demandes suivantes :

— infirmer le jugement rendu par le tribunal d’instance d’X en date du 20 juin 2013 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

— prendre acte du désaveu par Madame B de sa signature sur l’offre de prêt du 13 février 2010 ;

— dire et juger que cette signature a été imitée par Monsieur Y de l’aveu de ce dernier et que l’offre de crédit n’a pas été contractée à des fins ménagères et constitue une dépense manifestement excessive au regard du train de vie du couple ;

En conséquence,

— mettre Madame B hors de cause de toutes demandes de quelque nature que ce soit relative à l’acte sous seing privé du 13 février 2010 ;

— condamner la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE à la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour les préjudices matériel et moral causés à Madame B sur le fondement de l’article 1382 du Code civil;

— condamner solidairement aux entiers dépens la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE et Monsieur Y au paiement de la somme de 15 000 € au titre de tous les frais irrépétibles et dépens, dont frais d’avocat, d’huissier et de procédure incluant la procédure en relevé de forclusion et la présente procédure d’appel en application de l’article 696 du Code de procédure civile ;

— dire qu’ils seront recouvrés par Maître Julie GOURION-LEVY, Avocat au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions auxquelles la cour se réfère pour l’exposé de ses moyens et prétentions, Monsieur Y formule les demandes suivantes :

— déclarer recevable et bien fondé l’appel incident formé par Monsieur Y ;

Y faisant droit,

— infirmer le jugement du tribunal d’instance du 20juin 2013 en toutes ses dispositions;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

— constater que l’action en paiement engagée par la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE est forclose ;

A titre subsidiaire,

— dire et juger que la CAISSE d’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE n’a pas exécuté son obligation de conseil et de mise en garde à l’égard de Monsieur Y ;

— dire et juger que les manquements de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE ont causé un préjudice à Monsieur Y s’analysant en une perte de chance de ne pas contracter ;

— condamner en conséquence la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE à verser à Monsieur Y la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour perte d’une chance de ne pas contracter sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ;

— ordonner la compensation judiciaire des sommes dues par Monsieur Y à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE et celles dues par celle-ci à Monsieur Y ;

— dire et juger que la banque n’a pas respecté les obligations mentionnées au titre de l’article L. 311-8 et suivants du Code de la consommation ;

— ordonner en conséquence la déchéance des intérêts relatifs au prêt souscrit le 13 février 2010 ;

A titre très subsidiaire,

— accorder un délai de paiement de 24 mois à Monsieur Y ;

— prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt au taux légal ;

En tout état de cause ,

— mettre Madame B hors de cause de toute demande de quelque nature que ce soit relative à l’acte sous seing privé du 13 février 2010 ;

— condamner la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE à verser à Monsieur Y la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— condamner la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Fabrice HONGRE-BOYELDIEU, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures auxquelles la cour se réfère pour l’exposé de ses moyens et prétentions, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE formule les demandes suivantes :

— déclarer recevable mais mal fondée Madame B en son appel du jugement rendu le 20 juin 2013 par le tribunal d’instance d’X ;

— déclarer irrecevables et mal fondées les demandes formées par Monsieur Y à l’encontre de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE;

— déclarer recevable et bien fondée la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE en son appel incident ;

En conséquence,

— débouter Madame B et Monsieur Y de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

— confirmer le jugement rendu le 20 juin 2013 par le tribunal d’instance d’X, sauf en ce qui concerne la date à laquelle les intérêts courent à l’encontre de Monsieur Y ;

Statuant à nouveau sur le chef critiqué et y ajoutant,

— condamner solidairement Monsieur Y et Madame B au paiement des sommes de :

* 48 633,95 € avec intérêts au taux de 7,50 % à compter du 11 septembre 2012 pour Monsieur Y et de la signification de l’assignation, soit à compter du 30 janvier 2013 pour Madame B et jusqu’à parfait paiement ;

* 3000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait constater que Madame B n’est pas signataire du contrat de prêt personnel du 13 février 2010,

— constater que l’ensemble des demandes sollicitées par Madame B sont inopposables à la CAISSE D’EPARGNE et de PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE et sont irrecevables ;

— débouter Monsieur Y de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

— condamner Monsieur Y au paiement de la somme de 48 633,95 € avec intérêts au taux de 7,50 % à compter du 11 septembre 2012 et jusqu’au parfait paiement ;

En tout état de cause,

— ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la date de l’assignation dans les conditions de l’article 1154 du Code civil ;

— condamner solidairement Monsieur Y et Madame B aux entiers dépens et aux frais irrépétibles au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, dont le recouvrement sera effectué par la SCP RIBEYRE-NUZUM & NUZUM, Avocats au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

La clôture a été ordonnée le 17 novembre 2015.

MOTIFS

Jugement et arguments des parties

Par jugement du 20 juin 2013, le tribunal d’instance d’X a condamné solidairement Monsieur Y et Madame B au paiement de la somme de 48 633,95 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,50 % l’an à compter du 30 janvier 2013, date de l’assignation.

Le tribunal a considéré, eu égard aux pièces versées aux débats, que la créance était exigible dès lors que la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE avait consenti un prêt à Monsieur Y et Madame B pour un montant de 45 000 euros remboursable en 107 échéances et que ceux-ci avaient cessé tout remboursement à compter du 7 mars 2011, date du premier incident de paiement non régularisé.

En revanche, le tribunal d’instance d’X a rejeté la capitalisation des intérêts sollicitée par la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE au motif qu’aucun coût autre que ceux prévus aux articles L. 311-24 et L. 311-25 du Code de la consommation, et à l’exception des frais taxables, ne pouvait être mis à la charge de l’emprunteur.

L’appelante, Madame B, demande l’infirmation du jugement rendu par le tribunal d’instance d’X en toutes des dispositions en ce qu’il l’a condamnée solidairement avec Monsieur Y au paiement de la somme de 48 633,95 euros à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE au titre du contrat de prêt souscrit le 13 février 2010 avec intérêts au taux contractuel de 7,50 % l’an à compter du 30 janvier 2013.

Elle demande à la cour de reconnaître le désaveu de la signature figurant sur le contrat de prêt en son nom en avançant que cette signature a été imitée par son conjoint de l’époque, Monsieur Y. A cet effet, elle produit au débat divers documents officiels afin d’effectuer une comparaison entre les signatures. Elle produit également une attestation dans laquelle Monsieur Y reconnaît avoir imité sa signature lors de la souscription du crédit.

Madame B demande ainsi à être mise hors de cause de toutes les demandes relatives à l’acte sous seing privé en date du 13 février 2010.

Par ailleurs, elle demande la condamnation de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE au paiement d’une somme de 15 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral qu’elle a subis, notamment eu égard au manquement de l’établissement de crédit à son obligation de vigilance. L’appelante avance qu’en tant que professionnel, il appartenait à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE de relever les anomalies apparentes, telle que l’imitation d’une signature ou l’absence de Madame B lors de la souscription des différents prêts.

Madame B reproche à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE de n’avoir procédé à aucune vérification de signature malgré ses allégations répétées.

Elle invoque ainsi un préjudice indépendant lié au seul comportement de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE. Elle avance un préjudice d’ordre matériel, notamment eu égard à sa condamnation solidaire au remboursement d’un crédit qu’elle n’a pas souscrit et à la procédure en relevé de forclusion qu’elle a du engager en amont, ainsi qu’un préjudice moral dès lors qu’elle a été profondément affectée par toutes les démarches et procédures engagées, aussi bien dans sa vie professionnelle que dans sa vie personnelle.

En qualité d’intimé, Monsieur Y sollicite l’infirmation du jugement rendu le 20 juin 20123 par le tribunal d’instance d’X en toutes ses dispositions en ce qu’il l’a condamné solidairement avec Madame B au paiement de la somme de 48 633,95 euros à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE au titre du contrat de prêt en date du 13 février 2010.

En sa qualité d’appelant incident, Monsieur Y soulève quatre moyens.

A titre principal, Monsieur Y demande que soit constatée la forclusion de l’action en paiement engagée par la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE.

A cet effet, il avance que le premier incident de paiement non régularisé n’est pas intervenu le 7 mars 2011 mais au plus tard le 7 janvier 2011, de sorte que la prescription biennale aurait été acquise le 7 janvier 2013, alors que l’assignation est intervenue le 30 janvier 2013.

A titre subsidiaire, Monsieur Y sollicite la condamnation de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice de perte de chance de ne pas contracter causé par le manquement de l’établissement de crédit à son obligation de mise en garde. Il précise que celle-ci implique une obligation de se renseigner sur la situation financière des emprunteurs, l’obligation de les informer de l’importance du risque encouru quant à l’endettement, et l’obligation d’accorder un crédit adapté à leurs facultés de remboursement, et soutient que la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE a manqué à ces obligations.

Monsieur Y demande également à ce que soit ordonnée la compensation judiciaire des sommes dues par lui à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE et celles qui lui sont dues par celle-ci.

A titre très subsidiaire, Monsieur Y sollicite un délai de paiement de 24 mois pour s’acquitter de sa dette auprès de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE.

En tout état de cause, Monsieur Y demande à la cour de mettre Madame B hors de cause de toute demande relative au contrat de prêt du 13 février 2010.

La CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE, intimée, demande la confirmation du jugement rendu le 20 juin 2013 par le tribunal d’instance d’X, sauf en ce qui concerne la date à laquelle les intérêts commencent à courir à l’encontre de Monsieur Y.

Elle conclut également au débouté de l’ensemble des demandes formées par Madame B en avançant que la signature apposée au contrat de prêt du 13 février 2010 présente de fortes ressemblances avec celle figurant sur les documents officiels produits aux débats.

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts formée par Madame B, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE considère que celle-ci ne démontre aucun manquement de sa part à ses obligations contractuelles et ne rapporte pas la preuve de son dommage. Notamment, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE avance que Madame B n’a jamais justifié ses allégations concernant l’imitation de sa signature en joignant aux courriers adressés à l’organisme de crédit les documents permettant de comparer sa signature.

Par ailleurs, elle met en doute le fait que Madame B n’ait pas du tout eu connaissance de la procédure judiciaire engagée aux vues des nombreux actes qui lui ont été adressés par courrier entre les mois d’avril et juillet 2013.

La CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE demande à titre principal à ce que soit considérées comme nouvelles, et en conséquence irrecevables, les demandes reconventionnelles formulées par Monsieur Y en appel.

Concernant la demande de forclusion, il fournit le détail de créance afin de démontrer que le premier incident de paiement non régularisé date bel et bien du 7 mars 2011, de sorte que l’assignation du 30 janvier 2013 est valable.

L’intimée produit également le détail des revenus des époux Y ainsi que le total de leurs charges mensuelles, éléments sur lesquels elle s’était fondée au moment de l’octroi du crédit du 13 février 2010, afin de démontrer qu’elle n’a pas manqué à ses obligations.

Elle estime que la demande de déchéance du droit aux intérêts n’est pas motivée et demande à ce qu’elle soit en conséquence écartée.

Par ailleurs, elle demande le rejet de la demande de délais de paiement formulée par Monsieur Y au motif que les pièces versées aux débats démontrent qu’il ne serait pas en mesure d’apurer la dette dans le délai supplémentaire de 24 mois demandé.

Enfin, concernant le quantum de la créance, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE fournit un détail fixant la créance à un montant de 48 633,95 euros.

Sur la régularité de la signature de Madame B sur l’offre de prêt du 13 février 2010

L’article 288 du Code de procédure civile dispose qu’il appartient au juge de procéder à la vérification d’écriture au vu des éléments dont il dispose, étant entendu que dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l’une des parties, qu’ils aient été émis ou non à l’occasion de l’acte litigieux.

En l’espèce, un prêt personnel de 45 000 euros a été souscrit aux noms de Monsieur Y et Madame B auprès de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE. Le contrat de prêt porte les paraphes et signature de Madame B.

Celle-ci conteste avoir consenti à ce contrat de prêt et produit à cet effet des documents officiels permettant d’effectuer une comparaison des signatures, tels que son permis de conduire, sa convention de PACS, sa requête en divorce et conventions jointes, sa carte d’identité ou encore ses avis d’impôts sur le revenu.

Madame B verse également aux débats des documents pour les périodes proches (antérieures ou concomitantes) de la date de signature du contrat de prêt, le 13 février 2010, tels qu’un courrier du 14 octobre 2010, un chèque du 28 avril 2011, ses relevés bancaires de février à septembre 2010, un contrat de bail de 2001, un procès-verbal de 2007, ou encore un certificat de cession de véhicule de 2007.

Au regard de l’ensemble de ces document, il apparaît que la signature habituelle de Madame B et la signature figurant sur le contrat de prêt du 13 février 2010 présentent des différences considérables permettant d’affirmer que ce ne sont pas les mêmes. Il doit d’ailleurs être noté que la signature de Madame B figurant sur les divers documents produits aux débats reste régulière et ne subit aucun changement au fil des années ou selon les documents observés.

Dès lors, il apparaît que la signature de Madame B a été maladroitement imitée par son conjoint de l’époque, Monsieur Y, seul souscripteur du prêt litigieux.

Par ailleurs, Monsieur Y reconnaît lui-même dans une attestation du 3 février 2014 :

'Ne souhaitant pas mettre au courant Madame B de mes difficultés financières, je me suis procuré ses bulletins de salaires, sa pièce d’identité, et j’ai imité sa signature sur l’offre de prêt. (…) Par la suite, j’ai procédé de la même manière dans des contextes identiques avec la Caisse d’Epargne à trois reprises. Le dernier crédit souscrit en date du 13 février 2010 d’un montant de 45 000 euros comporte donc une fausse signature de Madame B qui n’a jamais eu connaissance de ce crédit jusqu’à notre séparation en septembre 2010".

Cette attestation avait été établie par Monsieur Y dans le cadre de la procédure en relevé de forclusion initiée par Madame B à l’issue de laquelle la cour d’appel de VERSAILLES l’avait finalement autorisée à relever appeler du tribunal d’instance d’X dans une ordonnance du 22 avril 2014.

De plus, Monsieur Y affirme avoir déjà procédé de la même manière pour les crédits souscrits antérieurement au 13 février 2010 qui faisaient l’objet du rachat de crédits dans le cadre de la souscription du prêt litigieux.

Enfin, il résulte des pièces versées aux débats que Madame B a informé à plusieurs reprises la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE qu’elle n’avait jamais été destinataire de l’offre de prêt du 13 février 2010 :

— dans le cadre de la procédure de divorce avec Monsieur Y, dans un courrier du 25 novembre 2010 de l’avocat représentant les intérêts de Madame B à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE : 'Monsieur Y a souscrit de nouveau deux rachats et offres de A de votre banque, le crédit souscrit in fine le 13 février 2010 s’élevant à la somme de 45 000 euros. Madame B n’ayant pas été destinataire des offres de A et de rachat successives (…)'.

— dans un courrier du 21 mars 2011 de Madame B à Z A : 'je n’ai pas été destinataire des offres de A et de rachat successives et n’ai pas signé ces documents'

— dans un courrier du 20 avril 2011 de Madame B au médiateur de réseau Caisse d’Epargne : 'après de nombreuses demandes auprès de mon agence locale Caisse d’Epargne, j’ai enfin réussi à obtenir l’offre de prêt où j’apparais en tant que co-emprunteur et où ma signature a été maladroitement imitée par Monsieur Y'.

— dans un courrier du 30 novembre 2011 de l’avocat de Madame B à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE : 'les documents signés par Monsieur Y comportent une signature – prétendument celle de Madame B – qui est une fausse signature'.

— dans un courrier du 26 septembre 2012 de l’avocat de Madame B à NEUILLY CONTENTIEUX : 'les documents signés par Monsieur Y comportent une signature – prétendument celle de Madame B- qui est une fausse signature. Madame B insiste particulièrement sur le fait qu’elle n’a jamais reçu personnellement d’offres de A et de rachat, et surtout n’a jamais signé d’autre engagement que celui du 28 septembre 2004".

La réitération de ces affirmations concernant l’imitation de sa signature dans le contrat de prêt du 13 février 2010 vient corroborer la comparaison de cette signature avec celle figurant sur les divers documents produits par Madame B.

Eu égard à ces éléments, il apparaît que Madame B n’était pas la véritable signataire du contrat de prêt du 13 février 2010.

Sur la solidarité entre époux à la dette du contrat de prêt

Aux termes de l’article 220 du Code civil, 'chaque époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement'.

Par ailleurs, l’article précise :

'La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.

Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage'.

Dans le cas d’un emprunt souscrit seul par l’un des époux, le principe est celui de l’absence de solidarité. La solidarité entre époux est l’exception et ne s’applique que lorsque cet emprunt porte sur une somme modeste nécessaire au besoin de la vie courante et ne présentant pas de caractère manifestement excessif au regard du train de vie du ménage.

En l’espèce, Madame B produit aux débats un avis d’impôts sur le revenu 2011 portant ainsi sur les revenus de l’année 2010 avec Monsieur Y, faisant apparaître le revenu annuel imposable du couple d’un montant de 28 951 euros.

Elle produit ses bulletins de salaire entre novembre 2009 et février 2010, période concomitante à la souscription du prêt du 13 février 2010, attestant d’un salaire mensuel net d’environ 1690 euros.

Monsieur Y produit également ses bulletins de salaire pour les mois de septembre, octobre et décembre 2013 faisant état d’un salaire mensuel net variable entre 1535 euros et 1887 euros.

De plus, il apparaît sur le contrat de prêt du 13 février 2010 produit aux débats que le total des revenus mensuels du couple était de 3477 euros pour des charges mensuelles d’un montant de 1711,13 euros.

Or, le prêt souscrit par Monsieur Y auprès de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE est un prêt personnel d’un montant de 45 000 euros avec un TAEG de 8,03 % destiné à regrouper les trois crédits à la consommation qu’il avait précédemment souscrits auprès du même organisme de crédit.

En vertu du contrat en date du 13 février 2010, les mensualités du couple correspondant au remboursement du prêt personnel souscrit à cette date s’élèvent à 644.62 euros, alors même que figuraient déjà à leurs charges mensuelles les sommes de 872,13 euros et 309 euros au titre des divers crédits en cours.

Par ailleurs, il ressort des éléments versés aux débats que Monsieur Y est médicalement suivi pour son addiction aux jeux d’argent, ce qui est corroboré par son attestation du 3 février 2014 : 'je reconnais aujourd’hui souffrir d’une addiction aux jeux d’argent, ce qui m’a poussé à agir parfois sans mesurer les conséquences de mes actes'.

Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il apparaît que le prêt souscrit en date du 13 février 2010 par Monsieur Y ne portait aucunement sur une somme modeste nécessaire aux besoins de la vie courante des époux dès lors que la somme de 45 000 euros est disproportionnée par rapport au train de vie du ménage.

En conséquence, Madame B n’ayant pas signé le contrat de prêt n’est pas solidairement tenue au paiement de la dette litigieuse.

Sur les préjudices matériel et moral de Madame B

Aux termes de l’article 1382 du Code civil, 'tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

Il résulte de ces dispositions que l’engagement de la responsabilité délictuelle implique la preuve d’une faute, d’un dommage, et d’un lien de causalité entre ces deux éléments.

L’article L. 561-6 du Code monétaire et financier énonce :

'Avant d’entrer en relation d’affaires avec un client, les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 recueillent les informations relatives à l’objet et à la nature de cette relation et tout autre élément d’information pertinent sur ce client.

Pendant toute sa durée et dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, ces personnes exercent sur la relation d’affaires, dans la limite de leurs droits et obligations, une vigilance constante et pratiquent un examen attentif des opérations effectuées en veillant à ce qu’elles soient cohérentes avec la connaissance actualisée qu’elles ont de leur client'.

Par ailleurs, il est constant que les organismes dispensateurs de crédit à la consommation sont tenus envers leurs clients d’une obligation d’information et de conseil et que leur responsabilité peut également être engagée envers les tiers en cas d’ouverture inconsidérée d’une compte ou d’un crédit ayant causé à ces derniers un préjudice.

Ainsi, tout organisme de crédit est tenu d’accomplir les diligences nécessaires lorsqu’il accorde un crédit à son client, et notamment de rester vigilant à toute anomalie qui pourrait survenir dans le cadre de cette opération.

En l’espèce, il ressort des pièces produites que ce n’est pas Madame B elle-même qui a signé le contrat de prêt en date du 13 février 2010 mais que c’est son mari, Monsieur Y, qui avait maladroitement imité la signature de son épouse.

Par ailleurs, Madame B verse aux débats l’ensemble des courriers dans lesquels elle ou son avocat exposent à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE que la signature figurant sur le contrat de prêt n’est pas la sienne et qu’elle n’avait aucunement connaissance des différentes offres de rachats de crédit.

La CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE soutient quant à elle qu’il est étonnant que Madame B n’ait eu connaissance d’aucun acte relatif à la procédure engagée par elle devant le tribunal d’instance d’X qui ont été dressés entre avril et juillet 2013.

Pourtant, l’ordonnance rendue le 22 mars 2014 par la cour d’appel de VERSAILLES autorisant Madame B à relever appel du jugement du tribunal d’instance justifie sa décision comme suit :

'Monsieur Y, dans une attestation longuement détaillée dont aucun élément ne permet de remettre en cause la sincérité, indique avoir subtilisé tous les courriers et avis de passage de l’huissier, ayant toujours en sa possession la clé de la boîte aux lettres et ayant la garde de l’enfant commun au domicile de Madame B plusieurs après-midi par semaine ; il indique également avoir remis à Madame B les documents qu’il n’avait pas détruits, dont l’avis de passage de l’huissier pour la convocation devant le tribunal, l’avis de passage du facteur pour une lettre recommandée dont le numéro est précisé, l’avis de passage de l’huissier pour la signification du jugement, et le courrier du tribunal d’instance d’X du 9 juillet 2013.

Il apparaît ainsi que Madame B n’a pu avoir connaissance du jugement qu’au cours du mois de septembre 2013'.

Il apparaît ainsi que la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE a fait preuve de mauvaise foi, ayant adressé à Madame B une réclamation en date du 5 octobre 2011 et ayant reçu le 30 novembre 2011 un courrier d’un avocat représentant les intérêts de Madame B sans pour autant aviser ce dernier de la procédure engagée à son encontre devant le tribunal d’instance.

De plus, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE n’a, à aucun moment, procédé à une vérification des signatures malgré les allégations de Madame B lui signalant à plusieurs reprises avoir été victime d’une fraude.

Dès lors, la faute de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE est caractérisée.

Concernant le préjudice subi, Madame B invoque en premier lieu un préjudice matériel résultant des nombreuses menaces et relance dont elle a été destinataire, le temps passé à expliquer sa situation à la CAISSE D’EPARGNE, et les conséquences de sa condamnation au paiement de 48 633,95 euros du crédit qu’elle n’a pas contracté, dont le temps passé à obtenir auprès des huissiers et la procédure en relevé de forclusion qu’elle a du engager pour faire valoir ses droits.

Eu égard aux éléments exposés, il apparaît que Madame B n’ait pas réellement subi un préjudice matériel en tant que tel, dès lors qu’elle n’a subi aucun dommage d’ordre pécuniaire.

En revanche, il apparaît que l’ensemble des démarches accomplies par Madame B et notamment les procédures engagées aussi bien auprès de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE qu’auprès de la justice afin de faire valoir ses droits démontrent que Madame B s’est inquiétée de l’issue du litige.

De plus, il apparaît que Madame B n’ayant découvert l’existence du prêt qu’après réception d’un courrier d’huissier le 13 septembre 2013 l’informant qu’elle était redevable d’une somme s’élevant à 51 630,97 euros et que l’existence du prêt comme la procédure judiciaire lui ayant été dissimulés par Monsieur Y, Madame B a été bouleversée tant d’un point de vue personnel que professionnel, de sorte qu’il y a lieu de reconnaître l’existence d’un préjudice moral.

Enfin, le préjudice moral subi par Madame B est directement lié au comportement fautif de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE qui n’a pas accompli les diligences nécessaires au moment de la souscription du prêt du 13 février 2010, notamment en ne procédant pas à la vérification des signatures après les multiples relances de Madame B et de son avocat.

En conséquence, Madame B a subi un préjudice moral au titre duquel la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE est condamnée à lui verser la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la recevabilité des demandes de Monsieur Y

Aux termes de l’article 564 du Code civil, 'à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelle prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait'.

Cependant, il est constant que ces dispositions ne peuvent être opposées à une partie que si celle-ci a été constituée en première instance.

En l’espèce, Monsieur Y formule quatre demandes en appel alors qu’il n’avait pas comparu en première instance.

Dès lors, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE n’est pas en mesure de lui opposer les dispositions relatives à l’irrecevabilité des demandes nouvelles en appel.

En conséquence, il n’y a pas lieu de considérer comme nouvelles les demandes de Monsieur Y, qui sont considérées comme recevables.

Sur la forclusion de l’action en paiement de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE

Aux termes de l’article L. 311-52 du Code de la consommation, 'le tribunal d’instance connaît des litiges nés de l’application du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

Il résulte de ces dispositions que l’action de paiement engagée à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur est soumise à une prescription biennale. Ce délai de forclusion commence à courir notamment à compter du premier incident de paiement non régularisé.

De plus, il est constant que le premier incident de paiement non régularisé s’apprécie au regard des dispositions de l’article 1256 du Code civil, qui dispose que tous les règlements reçus par le créancier s’imputent sur les échéances les plus anciennement payées par les débiteurs.

En l’espèce, il ressort du détail de la créance versé aux débats que les règlements reçus avant contentieux d’un montant de 6527,83 euros correspondent à 1 mensualité de 663,55 euros et de 9 mensualités de 644,62 euros.

La date du premier incident de paiement non régularisé est alors celle correspondant à la 11e échéance du prêt, soit le 7 mars 2011.

Dès lors, le délai de forclusion de deux ans expirait le 7 mars 2013. Or, l’assignation en paiement de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE a été délivrée à Monsieur Y et Madame B le 30 janvier 2013.

En conséquence, l’action en paiement de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE n’est pas forclose.

Sur le respect de l’obligation d’information et de mise en garde et le préjudice de perte de chance

Il apparaît que les article L. 311-8 et suivants du Code de la consommation invoqués par Monsieur Y n’étaient pas applicables lors de la conclusion du contrat de prêt litigieux daté du 13 février 2010 puisque ces dispositions résultent de la loi du 1er juillet 2010 applicable à compter du 1er mai 2011.

Cependant, antérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi, il était établi que dès lors qu’il ressortait des éléments de la procédure qu’un crédit n’était pas adapté aux capacités financières de l’emprunteur, il appartenait à la banque ou à l’organisme de crédit accordant le prêt, en vertu de leur devoir de conseil et de mise en garde, d’attirer l’attention de leur cocontractant sur les possibilités d’impayés et les risques d’endettement en cas de dépassement de ses capacités de A, étant entendu que ce devoir de mise en garde doit être modulé en fonction des connaissances et de l’expérience de l’emprunteur.

L’organisme méconnaît ainsi ses obligations dès lors qu’il ne vérifie pas les capacités financières de l’emprunteur avant d’octroyer un prêt qui serait excessif au regard des capacités contributives de ce dernier.

Dès lors, le devoir de conseil et de mise en garde de l’organisme prêteur engendre trois obligations que sont le devoir de se renseigner sur la situation financière de l’emprunteur, le devoir de lui accorder un crédit adapté au regard de ses facultés contributives et le devoir d’informer l’emprunteur sur les risques de l’endettement souscrit.

Par ailleurs, il est également établi qu’il appartient à l’organisme prêteur de démontrer en ce cas qu’il a bien exécuté ses obligations d’information et de mise en garde.

En l’espèce, la qualité d’emprunteur non averti de Monsieur Y, qui exerce un emploi dans une usine automobile, ne fait aucun doute.

Dans le contrat de prêt du 13 février 2010 figurent les revenus professionnels de Monsieur Y et de Madame B s’élevant à 3477 euros de revenus mensuels pour des charges mensuelles d’un montant de 1711,13 euros.

La CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE était donc renseignée quant à la situation financière de l’emprunteur, Monsieur Y.

Par ailleurs, bien qu’aucune règle juridique ne fixe le taux d’endettement maximum d’un ménage, à savoir la part des revenus consacrée aux remboursements de crédits, il est d’usage que les banques considèrent qu’il n’est pas raisonnable que ce taux soit supérieur à 33%.

Or, le contrat de prêt du 13 février 2010 fait apparaître les charges mensuelles du couple au moment de la souscription du crédit, dont 1181,13 euros de charges correspondant aux divers crédits souscrits à cette date. Dès lors, au jour de l’octroi du prêt litigieux, le taux d’endettement était déjà de 33,96 %.

Le prêt litigieux rajoutant une mensualité de 644,62 euros, le taux d’endettement a atteint 52,5 %, de sorte que ce prêt apparaît excessif eu égard aux usages communément appliqués par les organismes de crédit, mais surtout eu égard au train de vie du ménage.

Dans ces conditions, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE n’a pas pleinement rempli son obligation de conseil et de mise en garde à l’égard de Monsieur Y dès lors qu’elle n’a pas accordé à ce dernier un crédit adapté à ses facultés de remboursement, le taux d’endettement ayant atteint plus de 50 %.

De plus, il ne s’agissait pas du premier crédit à la consommation souscrit par Monsieur Y, qui n’avait jamais été jusqu’alors en mesure de s’acquitter de ses mensualités puisque la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE a continué de lui faire souscrire des contrats de prêts destinés à regrouper les crédits antérieurement souscrits pour diminuer le montant de ses mensualités.

Monsieur Y sollicite la réparation de son préjudice résultant de la perte de chance de ne pas souscrire le prêt litigieux.

Il est constant que le préjudice né du manquement par un établissement de crédit à son obligation de conseil et de mise en garde s’analyse en une perte de chance de ne pas contracter.

Le manquement de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE étant établi, celle-ci sera condamnée à verser à Monsieur Y la somme de 1500 euros à titre de réparation de sa perte de chance.

Il est entendu qu’une compensation pourra s’opérer entre cette somme et la somme due par Monsieur Y à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE au titre du prêt litigieux.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Aux termes de l’article L. 311-33 du Code de la consommation, 'le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l’emprunteur d’une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu'.

Il est constant que le prêteur doit fournir à l’emprunteur les explications nécessaires pour déterminer si le contrat de crédit proposé est effectivement adapté à ses besoins et à sa situation financière. De plus, l’organisme prêteur doit attirer l’attention de l’emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que peuvent avoir ces crédits sur la situation financière de l’emprunteur.

En l’espèce, le manquement de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE est caractérisé, celle-ci ayant proposé à Monsieur Y une opération de rachat de crédit en lui faisant souscrire un nouveau contrat de prêt pour un montant de 45 000 euros en totale disproportion par rapport à ses capacités contributives, d’autant plus que l’emprunteur avait déjà connu des difficultés pour s’acquitter de ses mensualités relatives aux contrats de prêts précédents.

Dès lors, il y a lieu de faire droit à la demande de Monsieur Y de la déchéance du droit aux intérêts de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE.

En conséquence, Monsieur Y n’est pas tenu au paiement des intérêts au titre du prêt souscrit le 13 février 2010 et les intérêts déjà versés à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE seront déduits du capital restant dû comme suit :

Règlements reçus avant contentieux 6 527,83 €

Taux d’intérêt x 7,5 %

Intérêts versés – 489,58 €

Règlements reçus avant contentieux hors intérêts = 6 038,24 €

Montant du prêt 45 000 €

Montant échu hors intérêts -6 038,24 €

Capital restant dû = 38 961,76 €

Il convient donc de condamner Monsieur Y à verser la somme de 38 961,76 euros à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE au titre du prêt souscrit le 13 février 2010.

Sur la capitalisation des intérêts

Monsieur Y ayant été accueilli dans sa demande en déchéance du droit aux intérêts de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE, il n’y a pas lieu de statuer sur la capitalisation des intérêts sollicitée par celle-ci.

Sur les frais et dépens

Le jugement ayant été infirmé dans sa totalité, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE et Monsieur Y seront condamnés solidairement aux entiers dépens.

La CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE et Monsieur Y seront également condamnés solidairement à verser à Madame B la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Julie GOURION-LEVY, Avocat au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

— INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 20 juin 2013 ;

— DIT que la signature de Madame B a été imitée sur le contrat du 13 février 2010, qui a en conséquence été souscrit par Monsieur Y seul ;

— DIT que madame B n’est pas solidairement tenue au paiement du prêt souscrit le 13 février 2010 par Monsieur Y ;

— CONDAMNE la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE à verser à Madame B la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;

— DIT que l’action en paiement engagée par la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE n’est pas forclose ;

— DIT que la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde ;

— CONDAMNE en conséquence la caisse D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE à verser à Monsieur Y la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de ne pas contracter ;

— ORDONNE la compensation judiciaire des sommes dues par Monsieur Y à la CAISSE D’EPARGNE ET PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE et celles qui lui sont dues par cette dernière ;

— ORDONNE la déchéance des intérêts relatifs au prêt souscrit le 13 février 2010 ;

— CONDAMNE en conséquence Monsieur Y à rembourser la somme de 38 961,76 € à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE au titre du prêt souscrit le 13 février 2010 ;

— CONDAMNE la CAISSE D’EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE et Monsieur Y solidairement aux entiers dépens et à verser à Madame B la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Julie GOURION-LEVY, Avocat au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Serge PORTELLI, Président et par Madame QUINCY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel de Versailles, 10 mai 2016, n° 14/02380