Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 26 octobre 2017, n° 17/00295

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 14e ch., 26 oct. 2017, n° 17/00295
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 17/00295
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 18 décembre 2016, N° 16/01943
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 OCTOBRE 2017

R.G. N° 17/00295

AFFAIRE :

X Y prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

C/

SCI CD2B2R agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 19 Décembre 2016 par le président du tribunal de grande instance de NANTERRE

N° RG : 16/01943

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Jean-Pierre SALMON

Me Franck LAFON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX OCTOBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

X Y prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 810 795 344

[…]

[…]

Représentée par Me Jean-Pierre SALMON de la SELARL SALMON ET CHRISTIN ASSOCIES, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 720

APPELANTE

****************

SCI CD2B2R agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 451 402 499

[…]

93460 GOURNAY-SUR-MARNE

Représentée par Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20170066

assistée de Me Philippe DE LA GATINAIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2028

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 septembre 2017 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence SOULMAGNON, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Odette-Luce BOUVIER, président,

Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,

Madame Florence SOULMAGNON, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE,

FAITS ET PROCÉDURE,

Par acte sous seing privé du 17 mars 2015, la SCI CD2B2R a consenti un bail commercial à la société Y en formation, pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 1er février 2015, portant sur un local au rez-de-chaussée d’une surface de 310 m² destiné exclusivement à usage commercial et plus précisément à usage de crèche ainsi que trois parkings situés […] à […], moyennant un loyer mensuel charges comprises de 6 450 euros, payable mensuellement et d’avance le 1er jour de chaque mois.

Suite au non règlement des loyers depuis le 1er janvier 2016 et à une mise en demeure du 18 mars 2016 restée infructueuse, la société CD2B2R a fait délivrer le 30 mai 2016 à la société Y un commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur la somme en principal de 25 800 euros au titre des loyers impayés au mois d’avril 2016 inclus.

Le commandement de payer demeurant impayé, la société CD2B2R a fait assigner le 22 juillet 2016 la société Y devant le président du tribunal de grande instance de Nanterre statuant en référé aux fins à titre principal de constatation de la clause résolutoire, d’expulsion et de paiement de la somme provisionnelle de 45 150 euros au titre des loyers et charges impayés au 1er juillet 2016.

Par ordonnance en date du 19 décembre 2016, le juge des référés a :

— constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant les parties sont réunies,

— condamné la société Y à payer à la société CD2B2R la somme provisionnelle de 73 533,30 euros correspondant aux loyers et charges impayés arrêtée à novembre 2016 inclus,

— suspendu toutefois les poursuites et les effets de la clause résolutoire contractuelle, à condition que la société Y se libère de la provision ci-dessus allouée passé le délai de 4 mois à compter de la signification de la présente décision,

— reporté le paiement de la dette de 4 mois à compter de la signification de la présente décision,

— dit qu’à défaut de règlement mensuel des loyers et/ou de la dette après le délai de report :

— l’intégralité de la dette sera immédiatement exigible,

— les poursuites pour son recouvrement pourront reprendre aussitôt,

— la clause résolutoire produira son plein et entier effet,

— il pourra être procédé, si besoin avec le concours de la force publique, à l’expulsion de la société Y et de tous occupants de son chef hors des lieux loués situés […],

— la société Y devra payer mensuellement à la société CD2B2R, à titre de provision à valoir sur l’indemnité d’occupation, une somme égale au montant du loyer mensuel résultant du bail outre les charges à compter de la date de prise d’effet de la clause résolutoire indemnité révisable annuellement à la date anniversaire de la présente ordonnance ;

— rappelé que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l’application des dispositions des articles L 433-1 et R 433-1 du code des procédures civiles d’exécution,

— condamné la société Y à payer à la société CD2B2R la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Y aux dépens.

La société Y a interjeté appel le 10 janvier 2017.

Par dernières conclusions reçues au greffe le 6 septembre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Y demande à la cour de :

— la dire recevable et bien fondée en son appel.

Y faisant droit,

— infirmer l’ordonnance attaquée,

— constater que les clauses de conditions suspensives et de caducité stipulées au bail, ont fait l’objet d’une renonciation réciproque des deux parties le 1er juillet 2015,

— juger en conséquence, qu’à compter de cette date le bail devait recevoir pleine exécution et qu’en conséquence l’obligation de délivrance du bailleur demeurait pleine et entière,

— constater et juger que la société bailleresse n’a jamais rempli son obligation de délivrance de locaux conformes à leur destination en ce que la terrasse arrière n’est pas aménageable et ne peut être dotée des équipements privatifs exigés par la PMI et le Conseil Départemental, ce qui empêche l’ouverture de la crèche,

— constater et juger de même qu’il est impossible d’exploiter la crèche sans disposer d’une boîte aux lettres, ni d’un accès au local poubelles de l’immeuble.

— dire que ce dernier fait, à lui seul, rend en tout état de cause les locaux impropres à leur destination contractuelle,

— constater également que le bail n’est pas exécuté de bonne foi par le bailleur et que le commandement de payer a été délivré de mauvaise foi.

— dire en conséquence le commandement de payer du 30 mai 2016 nul et de nul effet, de même que les actes de procédure subséquents de la SCI CD2B2R,

En conséquence de ce qui précède :

— condamner à titre prévisionnel la société CD2B2R à rembourser à la société Y

loyers indûment payés pendant la période de juillet à décembre 2015, c’est à dire la somme de 38 700 euros,

— dire qu’aucun loyer n’était dû et ne sera dû tant que la société CD2B2R n’aura pas obtenu

de la copropriété les autorisations d’aménagements en terrasse et d’accès au local poubelles et que l’autorisation d’ouverture de la crèche et le paiement de la subvention de la CAF ne seront pas intervenus,

A titre subsidiaire, et à tout le moins :

— constater que les demandes qui précèdent constituent des contestations sérieuses et qu’elles relèvent du juge du fond,

En conséquence:

— dire n’y avoir lieu à référé et renvoyer devant le Juge du fond.

A titre très subsidiaire :

— reporter le paiement de toute somme à laquelle la société Y serait condamnée de 24 mois après prononcé de l’arrêt à intervenir et dire que tout éventuel paiement avant le terme serait imputé sur le capital et que les intérêts seront fixés au taux légal,

En toute occurrence :

— débouter la société CD2B2R de ses entières demandes,

— condamner la société CD2B2R à lui payer à la société une indemnité de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La société Y soutient essentiellement :

— qu’elle a accepté de signer le bail le 17 mars 2015 autorisant expressément à faire des travaux et lui accordant une franchise de loyers, suite à la réunion organisée le 12 novembre 2014 avec le syndic, les membres du conseil syndical, le gérant de la société CD2B2R et la gérante de la société Y et en présence de M. Duthoit, consultant immobilier servant d’intermédiaire avec le bailleur, au cours de laquelle personne n’a contesté que la terrasse était à usage privatif, et à l’autorisation d’affectation des locaux du rez-de-chaussée de la société CD2B2R par la crèche délivrée par le syndic le 13 novembre 2014,

— que le permis de construire déposé lui a été accordé par arrêté du 29 octobre 2015, que parallèlement la CAF lui a accordé le 13 août 2015 une subvention de 205 503 euros, qu’elle a contracté un emprunt de 204 000 euros en décembre 2015,

— que des difficultés dans l’exécution des travaux sont apparues, ce qui l’a conduite à faire diligenter un référé expertise, qu’une expertise est actuellement en cours, qu’elle a dû payer deux fois les travaux sans pouvoir ouvrir la crèche en février 2016, qu’elle s’est retrouvée de ce fait dans l’impossibilité de payer les loyers à la société CD2B2R,

— que dans le cadre de la procédure administrative d’autorisation d’ouverture, elle a fait l’objet d’un arrêté refusant la création de la crèche le 27 octobre 2016, que son recours gracieux a été rejeté en raison de l’absence d’accord préalable de la copropriété sur les travaux sur la sécurisation de la sortie de secours sur la terrasse,

— qu’il a été demandé en vain à la société CD2B2R de lui communiquer le règlement de copropriété pour déterminer le statut juridique de la terrasse et il lui a été enjoint d’organiser une réunion d’une assemblée générale extraordinaire,

— qu’elle a intenté une procédure le 7 mars 2017 à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Nanterre à l’encontre du syndicat des copropriétaires de l’immeuble et de son syndic, la société RJ Trodes&Cie,

— qu’elle a été déboutée de ses demandes par jugement du 1er juin 2017, lequel mentionne cependant la faute du bailleur, non mis dans la cause, qui n’a pas donné à la société Y les bonnes informations sur le caractère de parties communes des terrasses,

— que la non utilisation de la terrasse la prive de l’exploitation de 10 berceaux, ce qui remet en cause le montant de la subvention de la CAF et ne permet pas dès lors la rentabilité de l’exploitation de la société prévue sur 30 berceaux et non sur 20,

— que l’assemblée générale des copropriétaires pour permettre l’autorisation des portillons de sécurité sur la terrasse ne s’est toujours pas tenue, n’ayant même pas été convoquée,

— qu’il résulte de ces éléments que la société CD2B2R a manqué à son obligation de délivrance, puisqu’à la date de la conclusion du contrat les locaux n’étaient pas propres à la destination contractuelle de crèche, en raison de la non délivrance tant de l’usage privatif de la terrasse arrière que d’un local poubelle et d’une boîte aux lettres,

— que le bail n’a pas exécuté de bonne foi et le commandement de payer entaché de mauvaise foi est empreint de nullité,

— qu’à titre subsidiaire, sa demande de suspension de la clause résolutoire par un report de deux ans pour apurer l’arriéré de loyer est fondée car en raison de la clause d’accession incluse dans le bail, la société CD2B2R récupère en cas de résiliation du bail les modifications et les améliorations apportés aux locaux qui ont été loués à l’état brut.

Par dernières conclusions reçues au greffe le 5 septembre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société CD2B2R sollicite de la cour de :

— constater que la société Bayee2reves n’a pas respecté les termes de l’ordonnance entreprise qui lui avait accordé un report de quatre mois de sa dette arrêtée à novembre 2016 inclus, soit la somme provisionnelle de 73 533,30 euros,

En conséquence,

— débouter la société Y de son appel en ce qu’il est mal fondé en confirmant l’ordonnance entreprise,

Et statuant à nouveau :

— condamner la société Y à lui payer la somme provisionnelle de 149 133,24 euros au titre de l’arriéré des loyers, charges et indemnités d’occupation selon un décompte provisoirement arrêté au 1er septembre 2017, augmentée des intérêts légaux à compter du 18 mars 2016, date de la mise en demeure,

Pour le surplus :

— condamner la société Y à lui payer une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société CD2B2R fait valoir à titre principal :

— qu’elle a demandé dès le 20 avril 2017 au syndic d’inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée générale extraordinaires les résolutions sollicitées par la société locataire, que le syndic a demandé la communication de plans en couleur, que malgré le refus de la société Y de répondre à cette sollicitation, elle a demandé à nouveau le 27 juillet 2017 puis le 1er août 2017 de mettre à l’ordre du jour les résolutions sollicitées par la société Y,

— que le 31 août 2017 le syndic l’a informée de la convocation d’une assemblée générale extraordinaire pour voter sur les demandes de la société Y, que le manque d’empressement du syndic est sans doute dû à la procédure initiée à son encontre par la société Y,

— que la demande de nullité du commandement de payer n’est pas fondée, que l’huissier de justice instrumentaire n’a commis aucune erreur dans la signification de l’acte à la société locataire,

— que la boîte aux lettres a été installée, sans que la société Y ne justifie qu’elle n’aurait été installée que fin août 2016,

— qu’elle a satisfait à l’obligation de délivrance des locaux loués, alors que le bail ne fait pas référence à un usage privatif de la terrasse extérieure, pour laquelle le bailleur n’avait donc pas à donner une autorisation,

— que les travaux d’aménagement des locaux incombaient à la société locataire,

— que, ainsi que le suggérait le directeur général adjoint de la PMI dans son courrier adressé à la gérante de la société Y le 23 décembre 2016, celle-ci pouvait, sur le problème lié à la terrasse extérieure, modifier son projet en envisageant la création d’un espace psychomoteur alternatif en revoyant la configuration des lieux,

— que le problème lié à l’accès du local poubelle n’est pas à l’origine du refus de la PMI d’ouvrir la crèche,

— que la société Y en payant les loyers de juillet à décembre 2015 a renoncé ainsi au bénéfice de la condition suspensive, que d’ailleurs le 23 mars 2016 elle n’a contesté ni le montant ni le principe de la dette mais a seulement demandé un moratoire de paiement,

— que le montant de la dette locative due au 1er septembre 2017 est incontestable, que sa demande d’actualisation est fondée,

— que la société Y n’a pas respecté le délai de quatre mois accordé par le juge des référés, qu’elle ne justifie pas en l’état pouvoir supporter à la fois le paiement du loyer et le règlement mensuel de la dette locative sur deux ans.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 13 septembre 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

A titre liminaire, la cour relève que les demandes de constat ne constituent pas des demandes en justice tendant à ce que soit tranché un point litigieux. Il ne lui appartient donc pas de statuer sur de telles demandes.

Sur l’acquisition de la clause résolutoire :

L’article L 145-41 du code de commerce dispose que 'toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai.

Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets de la clause de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge'.

La mise en oeuvre de la clause résolutoire doit cependant être effectuée de bonne foi par le

bailleur. Il appartient en effet au juge d’apprécier souverainement la bonne ou mauvaise foi du bailleur dans la mise en jeu de cette clause.

Faute d’avoir réglé ou contesté les causes du commandement de payer dans le délai imparti

à compter de sa délivrance et prévu au bail, le locataire ne peut remettre l’acquisition de la clause résolutoire sauf à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement de payer ; l’existence de cette mauvaise foi doit s’apprécier lors de la délivrance de l’acte ou à une période contemporaine à celle-ci.

Le bail du 17 mars 2015 stipule en page 4 sous le paragraphe intitulé 'clause résolutoire’ qu’à défaut de paiement d’un seul terme du loyer ou à défaut de paiement dans les délais impartis des rappels de loyers, le bail sera résilié immédiatement et de plein droit, sans qu’il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire, que l’expulsion du locataire et celle de tous occupants de son chef pourra avoir lieu en vertu d’une simple ordonnance de référé exécutoire par provision nonobstant opposition ou appel.

La société CD2B2R justifie par la production du bail, du commandement de payer délivré le 30 mai 2016 et du décompte annexé ainsi que des dernières quittances de loyer produites que la société Y a cessé de payer les loyers depuis décembre 2015 et qu’elle est redevable de la somme de 149 133,24 euros au mois de septembre 2017 inclus.

Pour s’opposer au non-paiement des loyers qu’elle ne conteste pas, la société Y argue de contestations qu’elle considère relever du juge du fond.

La société Y soulève tout d’abord le non-respect par le bailleur de son obligation de délivrance des locaux loués concernant la terrasse, l’accès à la boîte aux lettres et au local poubelles.

Le bail porte sur un local en rez-de-chaussée à usage de commerce d’une surface de 310 m² et de 3 parkings au 1er sous-sol.

La consistance des locaux loués telle qu’elle est ainsi inscrite dans le bail ne mentionne pas de terrasse extérieure et ne fait pas plus référence à un usage privatif de celle-ci par la locataire des lieux.

A cet égard, le courrier de M. Duthoit du cabinet DTZ du 13 octobre 2014 communiquant simplement des informations données par le bailleur sur le règlement de copropriété relatif aux terrasses affectés à l’usage exclusif d’un copropriétaire et sur la possibilité pour la locataire d’obtenir l’accord de la copropriété par la convocation expresse d’une assemblée générale sous un mois aux frais du demandeur est insuffisant pour caractériser l’autorisation qui aurait été accordée par le bailleur au locataire pour l’usage de la terrasse extérieure.

L’attestation du syndic de l’immeuble du 13 novembre 2014 qui autorise l’affectation des locaux du rez- de -chaussée de la société CD2B2R par la crèche Babylune, nom initial de la crèche, n’apporte pas plus d’élément sur l’aménagement extérieur et donc sur l’affectation d’une terrasse.

En tout état de cause, il est stipulé en page 3 du bail que le locataire prendra les lieux loués en l’état où ils se trouveront au moment de l’entrée en jouissance et sans pouvoir exiger aucune réfection ou remise en état et qu’un constat contradictoire de cet état des lieux sera établi par les parties, que celles-ci ne produisent pas.

En ce qui concerne l’absence d’une boîte aux lettres et l’impossibilité de l’accès au local poubelle, le courrier du 18 août 2016 adressé par RJ Trodé&Cie, syndic de la copropriété à la société CD2B2R indique certes que pour la réception du courrier de l’établissement, les lots 130 et 131 ne jouissent pas d’accès aux parties communes des appartements donc ni au sas ni au hall, et qu’il n’y a pas la possibilité d’y affecter ni d’installer une boîte aux lettres supplémentaire, qu’il en est de même pour l’accès poubelles.

En application de l’article 1719 du Code civil, le bailleur est tenu d’une obligation de délivrance qui concerne aussi bien la délivrance de la chose louée au moment de la prise d’effet du bail, que son maintien en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée pendant l’exécution du contrat, de sorte que le bailleur est tenu de cette obligation pendant toute la durée du bail.

Pour autant, la société Y ne démontre pas que l’absence de boîte aux lettres et d’accès au local poubelle rendent impropres les locaux à leur destination contractuelle et ne lui ont pas permis d’exploiter le local loué, n’ayant pas obtenu en tout état de cause l’autorisation administrative d’ouverture de la crèche.

Il en résulte que la contestation qu’élève la société Y sur le non-respect de l’obligation de délivrance du local par le bailleur ne revêt pas le caractère sérieux requis en référé, sur le fondement de l’article 808 du code de procédure civile, pour s’opposer utilement à la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire.

Quant à la nullité du commandement de payer invoqué, la société Y ne soulève plus devant la cour l’irrégularité de la signification de cet acte ou de l’assignation par l’huissier mais fait valoir qu’elle n’a pas pu recevoir la lettre envoyée par l’huissier selon les dispositions de l’article 658 du code de procédure civile dès lors qu’elle ne possède pas de boîte aux lettres personnelle et qu’elle n’avait pas accès à la boîte aux lettres qui lui avait été attribuée dans l’entrée ne lui était plus accessible.

Pour autant, le procès-verbal de recherches infructueuses établi par l’huissier de justice le 30 mai 2016 mentionne que celui-ci a constaté la présence du nom de la société sur la boîte aux lettres, et une annonce 'à vendre’ sur le local en rez-de-chaussée. De plus, l’avis de réception de la lettre envoyée par l’huissier a été signé par la société Y le 1er juin 2016 , montrant dès lors qu’elle a bien eu connaissance et copie du commandement de payer.

La société Y ajoute que la société CD2B2R ne pouvait pas de bonne foi délivrer un commandement de payer alors que le bail stipulait des 'conditions suspensives d’autorisation d’ouverture de la crèche et de perception de la subvention de la CAF’ qui n’étaient pas remplies.

Il est en effet indiqué en page 9 du bail sous le titre 'conditions suspensives’ que ' le présent bail est conclu sous les conditions suspensives d’obtention par le locataire des autorisations administratives d’ouverture de la part du conseil général des hauts de seine et de la PMI et d’une subvention auprès de la caisse d’allocations familiales, le tout avant le 1er juillet 2016, date effective de versement du premier loyer. Dans le cas où ces conditions ne seraient pas remplies, le présent bail deviendrait caduque de plein droit et une indemnité d’immobilisation de 10 000 euros serait conservée par le bailleur et déduite du dépôt de garantie restitué au locataire'.

Cependant, ainsi que l’a relevé à juste titre le premier juge, la société Y a payé le premier loyer en juillet 2015 et ainsi montré sa volonté de poursuivre son entreprise malgré l’absence d’autorisation à cette date, caractérisant ainsi sa renonciation non équivoque à se prévaloir de cette clause contractuelle, qu’elle ne peut plus arguer maintenant.

Dès lors, la mauvaise foi du bailleur dans la délivrance du commandement de payer du 30 mai 2016 n’est pas caractérisée avec l’évidence requise en référé.

Il s’ensuit de ces éléments que le manquement manifeste de la société CD2B2R à ses obligations n’est pas suffisamment caractérisé, de sorte que l’obligation au paiement des sommes visées au commandement ne se heurte à aucune contestation sérieuse, et que la société Y doit être déboutée de ses demandes, formées au titre de la non-exécution par la bailleresse de ses obligations, en paiement des loyers déjà versés et de suspension du paiement des loyers.

Il se déduit de ces constatations que le commandement de payer, délivré dans les formes prévues à l’article L 145-41 du code de commerce, étant demeuré infructueux, le bail s’est trouvé résilié de plein droit un mois après, soit le 30 juin 2016.

Le bail étant résilié de plein droit depuis cette date, la demande de la société CD2B2R tendant à voir ordonner l’expulsion du preneur sera accueillie, le maintien dans les lieux de la société Y étant constitutif d’un trouble manifestement illicite au sens des dispositions de l’article 809 alinéa 1 du code de procédure civile, la société Y occupant les locaux sans droit ni titre à compter de la date de résiliation du bail.

Sur la demande provisionnelle :

Aux termes de l’article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

La société CD2B2R produit un décompte détaillé assorti des quittances de loyers clair et détaillé ' indiquant la somme de 149 133,24 euros due au 1er septembre 2017.

L’obligation de la locataire de payer la somme à 149 133,24 euros n’étant pas sérieusement contestable, il convient d’accueillir la demande de provision à cette hauteur.

Sur la demande de délais :

En application de l’article L.145-41 alinéa 2 du code de commerce, les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

A l’appui de sa demande supplémentaire de délai de deux ans devant la cour, la société Y n’apporte pas d’élément suffisant, produisant essentiellement les pièces lui ayant permis d’obtenir en référé la constatation de l’abandon de chantier par la société RJS et sa demande aux fins de reprise du chantier avec d’autres entreprises et faisant valoir que la société CD2B2R ne justifie pas pour sa part d’une situation particulièrement préoccupante ayant réussi à vendre le local du premier étage dans le même immeuble.

Dans ces conditions, il convient de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a ordonné, au vu du courrier de la société crèches de France se disant intéresser par la structure et prête à s’engager et du recours formé contre la décision de refus d’ouverture, un report du paiement de la dette à quatre mois à compter de la signification de la décision.

Il y a lieu cependant de constater que depuis le prononcé de l’ordonnance la dette n’a cessé de croître, qu’aucun versement n’a été effectué, que le recours gracieux engagé le 7 novembre 2016 a été rejeté le 23 décembre 2016, que le 'business plan’ produit réactualisé pour la CAF date d’août 2016, que la société Y ne produit pas de pièces postérieures et ne justifie ni de capacités financières propres à lui permettre de procéder au paiement de la dette selon l’échelonnement des échéances qu’elle propose ni de perspectives permettant la création et le développement de son entreprise.

Par conséquent, la société Y sera déboutée de sa demande devant la cour de report supplémentaire de deux ans pour apurer l’arriéré de loyer.

L’ordonnance déférée sera donc confirmée en toutes ses dispositions, sauf à actualiser la somme allouée à titre provisionnel au titre de la dette locative.

Sur les autres demandes :

Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application.

En cause d’appel, il ne sera pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d’appel seront à la charge de la société Y.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

CONFIRME en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée, sauf à actualiser la somme provisionnelle allouée à la société CD2B2R au montant de 149 133,24 euros au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation dus au 1er septembre 2017,

Y AJOUTANT,

REJETTE les autres demandes des parties,

CONDAMNE la société Y aux dépens d’appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Odette-Luce BOUVIER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 26 octobre 2017, n° 17/00295