Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 3 octobre 2019, n° 17/08507
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Versailles, 12e ch., 3 oct. 2019, n° 17/08507 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Versailles |
Numéro(s) : | 17/08507 |
Décision précédente : | Tribunal de commerce de Chartres, 21 novembre 2017, N° 2016J07245 |
Dispositif : | Se déclare incompétent |
Sur les parties
- Président : Thérèse ANDRIEU, président
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
- Parties : SAS SOPREMA ENTREPRISES c/ SAS DSEA, SAS ESTANCIS ANCIENNEMENT DENOMMEE SARL ENVELOPPE DU BATIMENT DROUAIS "EBD"
Texte intégral
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
FS
Code nac : 39H
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 OCTOBRE 2019
N° RG 17/08507 – N° Portalis DBV3-V-B7B-R74W
AFFAIRE :
C/
Y X
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 22 Novembre 2017 par le Tribunal de Commerce de CHARTRES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2016J07245
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Martine DUPUIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
14, rue de Saint-Nazaire
[…]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1758743
Représentant : Me Sibylle MAREAU de la SELARL ALERION SOCIETE D’AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0274 -
APPELANTE
****************
Monsieur Y X
né le […] à VERSAILLES
de nationalité Française
[…]
[…]
Représentant : Me Isabelle GUERIN de la SELARL GUERIN, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000053 – N° du dossier 207072
SAS ESTANCIS anciennement dénommée SARL ENVELOPPE DU BATIMENT DROUAIS 'EBD'
N° SIRET : 789 399 722
[…]
[…]
Représentant : Me Isabelle GUERIN de la SELARL GUERIN, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000053 – N° du dossier 207072
N° SIRET : 814 101 390
[…]
[…]
Représentant : Me Isabelle GUERIN de la SELARL GUERIN, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000053 – N° du dossier 207072
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Juin 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Thérèse ANDRIEU, Président,
Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Soprema Entreprises est une société spécialisée dans les travaux d’étanchéité, de couverture, de
bardage et de désenfumage. Elle a développé sur le territoire national un réseau d’agences et de filiales offrant
ses prestations de travaux et a déployé un service d’assistance dénommé Sopraassistance dédié aux
interventions d’urgence.
Le service Sopraassistance de l’agence de Chartres a été créé en 2004.
M. Maindrelle, qui dirigeait l’agence de Chartres a démissionné le 26 décembre 2011 et a quitté la société
Soprema Entreprises le 28 mars 2012. Après avoir travaillé comme directeur d’exploitation de la société
Finabia du 18 juin au 19 octobre 2012, il a créé le 16 novembre 2012 la société Enveloppe du Bâtiment
[…], actuellement dénommée Estancis, ayant une activité d’étanchéité, de bardage, de couverture
et de désenfumage, puis le 23 novembre 2014 la société Enveloppe du Bâtiment Chartrain ( EBC).
Invoquant la rupture conventionnelle du contrat de M. X, conducteur de travaux de l’agence
Sopraassistance de Chartres le 13 juillet 2015, le départ de plusieurs salariés concomitamment ou
postérieurement à ce départ, le licenciement de l’assistante personnelle de M. X, la découverte de la
constitution de la société DSEA le 19 octobre 2015 par M. X et M. Maindrelle en qualité de gérant de la
société EBD et les tentatives de débauchage d’autres salariés de son entreprise, la société Soprema Entreprises
a sollicité par voie de requête et obtenu le 27 avril 2016 du président du tribunal de grande instance de
Chartres une ordonnance autorisant un huissier de justice à se rendre au siège social des sociétés EBD-
Estancis et DSEA afin d’y faire toutes constations utiles concernant les actes de concurrence déloyale dont elle
s’estime victime de leur part.
La société Soprema Entreprises a ensuite mis en demeure par acte d’huissier du 4 septembre 2016 les sociétés
EBD- Estancis et DSEA de cesser leurs agissements de débauchage et de parasitisme, et de lui régler la
somme de 492 536,33 euros au titre des coûts de recrutement et de manque à gagner.
C’est dans ce contexte que la société Soprema Entreprises a fait assigner le 25 novembre 2016 devant le
tribunal de commerce de Chartres la société Enveloppe du Bâtiment […] et la société DSEA aux
fins, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, de:
— la déclarer recevable et bien fondé en son action,
— juger que les sociétés DSEA et EBD ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre
de la société Soprema du fait du débauchage et du détournement de clientèle,
— juger qu’elle justifie d’un préjudice moral et financier du fait des agissements des sociétés DSEA et EBD,
En conséquence,
— condamner in solidum les sociétés DSEA et EBD au paiement des sommes de:
* 67.666,53 euros en réparation du préjudice subi du fait du débauchage.
* 424.869,80 euros en réparation du préjudice subi du détournement de clientèle,
* 20.000 euros en réparation du préjudice moral,
* 5.000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— ordonner l’exécution provisoire en ce compris l’article 700 du code de procédure civile et les dépens qui
comprendront les frais de la mesure d’instruction.
M. X est intervenu volontairement dans l’instance devant le tribunal de commerce de Chartres.
Par jugement du 22 novembre 2017, le tribunal de commerce de Chartres, retenant que la demande ne
peut être fondée que sur l’article L.442-6 du code de commerce, a déclaré la société Soprema Entreprises
irrecevable en ses demandes et lui a laissé la charge des dépens de l’instance.
Le 5 décembre 2017, la société Soprema Entreprises a interjeté appel de la décision à l’encontre de la société
[…], de la société DSEA et de M. Y X, intervenant volontaire en
première instance par acte visant expressément les dispositions du jugement entrepris.
Par arrêt du 12 mars 2019, la présente chambre a:
— Ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture du 20 décembre 2018 et la réouverture des débats,
— Invité les parties à présenter leurs observations sur la recevabilité des demandes des sociétés EBD et DSEA
et de M. X et de celles de la société Soprema Entreprises devant le tribunal de commerce de Chartres et
partant devant la cour d’appel de Versailles,
— Invité les parties à régulariser leurs dernières conclusions qui saisissent la cour en incluant à la fois sur la fin
de non-recevoir soulevée lors de la réouverture des débats et la discussion au fond,
— Renvoyé l’affaire à la mise en état du 16 mai 2019 à 9 heures,
— Sursis à statuer sur les demandes des parties,
PRETENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 7 mai 2019, la société Soprema Entreprises demande à la cour de :
— Juger que, s’agissant d’une action en concurrence déloyale, l’action engagée par la société Soprema
Entreprises ne relève pas des dispositions de l’article L 442-6 et D 442-3 du code de commerce,
— Juger que les sociétés DSEA et EBD ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à
l’encontre de la société Soprema Entreprises du fait du débauchage et du détournement de clientèle,
— Juger que la société Soprema Entreprises justifie d’un préjudice moral et financier du fait des agissements
des sociétés DSEA et EBD,
— Juger qu’il n’existe aucun abus de position dominante de la part de la société Soprema Entreprises,
— Juger que les sociétés DSEA et EBD ne justifient d’aucun préjudice d’image ou de préjudice moral,
En conséquence,
— Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action engagée par la société Soprema
Entreprises à l’encontre des sociétés DSEA et EBD,
A titre principal :
— Se déclarer compétente pour statuer sur les demandes de la société Soprema Entreprises,
— Disjoindre le litige et renvoyer exclusivement la demande de la société EBD et DSEA concernant leurs
demandes incidentes fondées sur l’abus de position dominante, sous le visa de l’article L 420-2 du code de
commerce devant le tribunal de commerce de Paris,
— A titre subsidiaire, se déclarer compétente pour statuer sur l’entier litige,
En tout état de cause,
Evoquer l’affaire et statuant :
— Déclarer la société Soprema Entreprises parfaitement recevable et bien fondée en son action,
— Débouter les sociétés DSEA et EBD de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
— Condamner in solidum les sociétés DSEA et EBD au paiement de la somme de 67.666,53 euros en
réparation du préjudice subi du fait du débauchage.
— Condamner in solidum les sociétés DSEA et EBD au paiement de la somme de 424.869,80 euros en
réparation du préjudice subi du détournement de clientèle,
— Condamner in solidum les sociétés DSEA et EBD au paiement de la somme de 20.000 euros en réparation
du préjudice moral,
— Condamner in solidum les sociétés DSEA et EBD au paiement de la somme de 5.000 euros chacune au titre
de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 1er avril 2019 , M. X, la société EDB et la société DSEA
sollicitent de la cour de :
A titre principal :
— Renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Paris,
A titre subsidiaire :
— Annuler le jugement du tribunal de commerce de Chartres en date du 22 novembre 2017, pour n’avoir pas
rouvert les débats et inviter les parties à se prononcer sur le moyen tiréd’office de l’incompétence du tribunal
de commerce de Chartres, tiré des dispositions de l’article D 443-3 du Code de commerce, trouvant
application dans les litiges relatifs fondés sur
l’article L 442-6 du même Code et statuant à nouveau,
— Renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Paris, afin qu’il soit statué sur le mérite de
leurs prétentions respectives.,
A titre très subsidiaire,
— Dire n’y avoir lieu à évocation du dossier,
En tout état de cause,
— Déclarer recevables et bien fondés, les sociétés EBD et DSEA et M. X en leur appel incident,
— Dire et juger que les sociétés EBD et DSEA ne sont coupables d’aucun acte de concurrence déloyale,
parasitisme et débauchage,
— Débouter la société Soprema Enreprises de toutes ses demandes, fins et conclusions,
— Déclarer recevable et bien fondées les sociétés EDB, DSEA et M. X en leur appel incident et y faisant
droit :
— Condamner la société Soprema Entreprises à payer la somme de 100.000 euros à chacune des sociétés EBD
et DSEA à titre de dommages et intérêts pour abus de position dominante,
— Condamner la société Soprema Entreprises à payer la somme de 30.000 euros à chacun des défendeurs, M.
X, la société EBD, la société DSEA, au titre de leurs préjudice moraux respectifs liés aux opérations de
constat abusives,
— Condamner la société Soprema Entreprises à payer la somme de 8.000 euros à chacun des
défendeurs, M. X, la société EBD, la société DSEA au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— Condamner la société Soprema Entreprises aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du
code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 mai 2019.
MOTIFS DE LA DECISION
En application de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui
tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir,
tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L’article 124 du code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que
celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que l’irrecevabilité ne résulterait d’aucune
disposition expresse.
La cour rappelle que la société Soprema Entreprises a assigné le 25 novembre 2016 les sociétés EBD et DSEA
pour des actes de concurrence déloyale et parasitaire sur le fondement de l’article 1240 du code civil modifié
par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, que dans leurs conclusions en réponse déposées à l’audience
du 14 mars 2017 devant le tribunal de commerce de Chartres, les sociétés EBD et DSEA et M. X,
intervenant volontairement à l’instance, se sont opposées aux demandes de la société Soprema Entreprises et
ont sollicité reconventionnellement des dommages et intérêts de sa part pour abus de position dominante sur
le fondement de l’article L.420-1 du code de commerce, de l’article 120 du TFUE et l’article 1240 susvisé.
Il résulte du jugement déféré que le premier juge, saisi de conclusions d’incident de communication de pièces
par la société Soprema Entreprises à l’audience du 18 juillet 2017, s’est fondé sur l’article 12 du code de
procédure civile selon lequel 'le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont
applicables et doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la
dénomination que les parties en auraient proposée', pour considérer que la demande de la société Soprema
Entreprises ne pouvait être fondée que sur les dispositions de l’article L.442-6 du code de commerce.
Invoquant alors les dispositions de l’article D.442-3 du code de commerce selon lequel ' en application de
l’article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les
départements d’outre-mer sont fixés conformément au tableau de l’annexe 4-2-1 du présent livre, la cour
d’appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions étant celle de Paris, le premier
juge, après avoir relevé qu’il s’agissait d’une règle d’ordre public investissant le tribunal de commerce de Paris
du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer dans les litiges relatifs à l’application de l’article L.442-6 dudit
code et qui était sanctionné par une fin de non-recevoir, a déclaré les demandes de la société Soprema
Entreprises irrecevables.
C’est ainsi que la société Soprema Entreprises a interjeté appel le 5 décembre 2017 du jugement rendu le 22
novembre 2017 par le tribunal de commerce de Chartres pour solliciter l’infirmation du jugement entrepris et
l’évocation de l’affaire.
Dans son arrêt avant dire-droit du 19 mars 2019, la cour a rappelé que le devoir de requalifier les faits imposé
au juge par l’article 12 alinéa 2 du code de procédure civile ne concernait que les faits qui ont été invoqués par
une partie au soutien de ses prétentions, sans que le juge ne puisse modifier l’objet du litige.
Il est constant que l’assignation en concurrence déloyale de la société Soprema Entreprises est fondée sur
l’article 1240 du code civil, les parties s’accordant à dire que l’action n’a pas été initiée sur le fondement de
l’article L.442-6 du code de commerce.
Il s’avère également du jugement déféré que dans leurs conclusions déposées dès le 14 mars 2017 devant le
tribunal de commerce de Chartres, les sociétés EBD et DSEA et M. X ont sollicité
reconventionnellement devant ce tribunal la condamnation de la société Soprema Entreprises au paiement de
dommages et intérêts au visa de l’article L.420-1 du code de commerce pour abus de position dominante, ces
demandes ayant été réitérées devant la cour dans leurs conclusions notifiées le 18 septembre 2018 sur le
fondement de l’article L.420-2 dudit code et de l’article 102 du TFUE ( traité sur le fonctionnement de l’Unité
Européenne).
Etant invitée à s’expliquer sur la recevabilité de telles demandes devant la cour, la société Soprema Entreprises
considère que le tribunal de commerce de Chartres et partant la cour d’appel, par évocation, est compétente
pour statuer sur sa demande au titre de la concurrence déloyale fondée sur l’art 1240 du code civil, et sollicite
que seule la demande reconventionnelle en abus de position dominante soit disjointe et renvoyée devant le
tribunal de commerce de Paris, juridiction spécialisée seule compétente à en connaître.
Les sociétés EBD et DSEA et M. X font valoir en réplique l’indivisibilité du litige et sollicitent à titre
principal que la cause et les parties soient renvoyées devant le tribunal de commerce de Paris.
Il résulte en effet de la combinaison des articles L.420-2 et L.420-7 du code de commerce et de l’article R
420-3 du même code, lequel mentionne «' que le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes
sont fixés conformément aux tableaux de l’annexe 4-2 du livre IV de la partie réglementaire du code de
commerce'» et de ladite annexe que le tribunal de commerce de Paris est compétent pour le ressort de la cour
d’appel de Versailles pour connaître des actions fondées sur ces articles.
Il est constant que cette règle de spécialisation s’applique que les dispositions concernées soient invoquées en
demande ou en défense, la solution du litige supposant en effet la mise en jeu des règles spécifiques du droit
de la concurrence.
Certes les règles de compétence doivent être interprétées restrictivement mais il n’en demeure pas moins que
dès le début de l’instance devant le tribunal de commerce de Chartres, les sociétés EBD et DSEA et
M. X ont invoqué reconventionnellement l’abus de position dominante de la société Soprema
Entreprises, face à la demande formée par cette dernière à leur encontre au titre de la concurrence déloyale.
Pour autant leur demande reconventionnelle ne peut être assimilée à un moyen de défense au sens strict du
terme dans la mesure où elle tend à une autre fin, qui est d’obtenir un avantage autre que le simple rejet de la
prétention. En l’espèce, les intimés sollicitent des dommages et intérêts sur le fondement de l’abus de position
dominante.
Dans ces conditions, les intimés ne caractérisent pas l’indivisibilité du litige entre les demandes de la société
Soprema Entreprises en concurrence déloyale et leurs demandes reconventionnelles au titre de l’abus de
position dominante.
Au regard des dispositions des articles de L.420-7 du code de commerce et de l’article R 420-3 du code de
commerce, le tribunal de commerce de Chartres n’a donc pas le pouvoir de connaître de cette demande
reconventionnelle.
S’agissant d’une fin de non recevoir et non d’une exception d’incompétence, il n’appartient pas à la cour,
comme sollicité par les intimés, d’ordonner le renvoi de l’affaire devant le tribunal de commerce de Paris.
Il convient dès lors de déclarer irrecevable devant la cour la demande reconventionnelle au titre de l’abus de
position dominante des sociétés EBD et DSEA et M. X, lesquels ne peuvent solliciter par conséquent le
renvoi de l’entière cause et des parties devant le tribunal de commerce de Paris.
En ce qui concerne la demande subsidiaire des intimés en annulation du jugement, il résulte des termes mêmes
du jugement déféré que le premier juge en considérant que 'la demande ne peut être fondée que sur les
dispositions de l’article L 442-6 du code de commerce’ a modifié l’objet du litige, sans susciter cependant
préalablement les observations des parties sur cette question et dès lors sans respecter le principe de la
contradiction, principe général du droit devant être poursuivi à chaque étape de la procédure, et par
conséquent les droits de la défense.
Il y a donc lieu de faire droit à la demande subsidiaire des sociétés EBD et DSEA et de M. X et
d’annuler le jugement entrepris pour non respect du principe de la contradiction.
La société Soprema Entreprises soutient à juste titre que ses demandes sont recevables devant le tribunal de
commerce de Chartres et sollicite subsidiairement l’évocation du dossier par la cour, demande à laquelle
s’opposent les intimés.
En application de l’article 568 du code de procédure civile lorsque la cour d’appel infirme ou annule un
jugement qui statuant sur une exception de procédure a mis fin à l’instance, elle peut dans un souci de bonne
justice évoquer le dossier devant elle. Cependant, en l’espèce, aux fins de ne pas priver les parties du double
degré de juridiction,principe essentiel des droits de la défense, l’affaire sera renvoyée devant le tribunal de
commerce de Chartres pour qu’il statue sur les faits de concurrence déloyale dénoncés par la société Soprema
Entreprises et sur toutes leurs demandes à ce titre.
Les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de chacune des parties.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire
Annule pour non respect du principe de la contradiction, le jugement rendu le 22 novembre 2017 par le
tribunal de commerce de Chartres,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevable devant la cour la demande reconventionnelle au titre de l’abus de position dominante des
sociétés EBD et DSEA et M. X,
Déclare recevable l’action de la société Soprema Entreprises sur le fondement de la concurrence déloyale et
parasitaire,
Dit n’y avoir lieu à évocation de l’affaire,
Renvoie l’affaire devant le tribunal de commerce de Chartres pour qu’il statue sur les demandes de la société
Rejette les autres demandes des parties,
Laisse à la charge de chacune des parties les dépens exposés en appel.
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure
civile.
signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de
la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,
Textes cités dans la décision