Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 30 avril 2020, n° 18/01346

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 21e ch., 30 avr. 2020, n° 18/01346
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/01346
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nanterre, 31 janvier 2018, N° F16/02859
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 AVRIL 2020

N° RG 18/01346 – N° Portalis DBV3-V-B7C-SHAM

AFFAIRE :

SA AMERICAN EXPRESS CARTE-FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

C/

Y X

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 01 Février 2018 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : F 16/02859

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me AV-laure DUMEAU

Me Elsa GALAUP

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SA AMERICAN EXPRESS CARTE-FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 313 536 898

[…]

[…]

Représentant : Me AV-laure DUMEAU, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 – N° du dossier 42309 – Représentant : Me AN BARBRET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P445

APPELANTE

****************

Monsieur Y X

né le […] à AUBERVILLIERS

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentant : Me Elsa GALAUP, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0028
- N° du dossier JDS02994

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 02 Mars 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame E MICHON, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe FLORES, Président,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Madame E MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,

FAITS ET PROCEDURE

M. X a été engagé en date du 7 avril 2016 par la société American Express Carte France (la société) en qualité de gestionnaire de paie, selon contrat de travail à durée déterminée allant du 13 avril au 12 décembre 2016.

L’entreprise, qui exerce une activité d’émission et de commercialisation de cartes de paiement et d’opérations commerciales et prestations de services liées aux dites cartes emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective nationale des sociétés financières.

Le salarié avait la qualité de travailleur handicapé.

Le 29 juin 2016, la société a rompu le contrat de travail de manière anticipée pour faute grave.

Par requête du 3 octobre 2016, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre, auquel il a demandé de :

— dire et juger que la rupture anticipée de son contrat à durée déterminée pour faute grave est abusive,

— dire et juger qu’il a effectué 45H30 supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées,

En conséquence,

— condamner 1a société à lui verser les sommes suivantes : 17 569,62 euros à titre de dommages et intérêts, 2 413,33 euros à titre d’indemnité de fin de contrat, 1 077,35 euros au titre des heures supplémentaires effectuées sur la période du 13 avril au 29 juin 2016, 107,73 euros au titre des congés payés afférents,

— dire et juger que l’ensemble des condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société défenderesse en bureau de conciliation et d’orientation,

— ordonner la capitalisation des intérêts,

— condamner la société à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonner l’exécution provisoire,

— condamner la société aux entiers dépens y compris les éventuels frais d’exécution forcée.

La société American Express Carte France a conclu au rejet des demandes et sollicité la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 1er février 2018, notifié par courrier du 6 février 2018, le conseil (section commerce) a :

— dit et jugé que la société American Express Carte France a rompu abusivement le contrat de travail à durée déterminée de M. X,

— condamné la société American Express Carte France à payer à M. X les sommes suivantes :

17 569,62 euros au titre de dommages et intérêts,

2 413,33 euros au titre de l’indemnité de fin de contrat,

1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté M. X du surplus de ses demandes à l’encontre de la société American Express Carte France,

— mis les dépens éventuels comprenant les frais éventuels d’exécution forcée pour les éléments sujets à l’exécution provisoire à la charge de la société American Express Carte France.

Le 2 mars 2018, la société a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 19 février 2020, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 2 mars 2020.

Par dernières conclusions écrites du 19 novembre 2018, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société American Express à verser à M. X les sommes suivantes :

17 569,62 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail à durée déterminée,

2 413,33 euros au titre de l’indemnité de fin de contrat,

1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— le confirmer pour le surplus,

et statuant à nouveau,

— dire et juger que les demandes de M. X sont mal fondées,

en conséquence,

— l’en débouter dans leur intégralité,

— le condamner à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— le condamner aux dépens éventuels, de première instance comme d’appel.

Par dernières conclusions écrites du 21 août 2018, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. X demande à la cour de :

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit et jugé abusive la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée par la société American Express Carte France,

en conséquence,

— confirmer ledit jugement en ce qu’il a condamné la société American Express Carte France à lui verser les sommes de :

17 569,62 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée,

2 413,33 euros au titre de l’indemnité de fin de contrat,

1 000 euros au titre de l’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile ;

infirmer ledit jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande en paiement des heures supplémentaires effectuées,

et statuant à nouveau,

— condamner la société American Express Carte France à lui verser les sommes de :

1 077,35 euros au titre des heures supplémentaires effectuées sur la période du 13 avril au 29 juin 2016,

107,73 euros au titre des congés payés afférents ;

— débouter la société American Express Carte France de l’intégralité de ses demandes ;

— la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles devant la cour ;

— dire et juger que l’ensemble des condamnations portera intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société en bureau de conciliation et d’orientation, à titre de réparation complémentaire ;

— condamner la société American Express Carte France aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d’exécution forcée.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires :

Le salarié soutient qu’il a exécuté 45 heures 30 supplémentaires, qui ne lui ont pas été rémunérées. Il sollicite un rappel de salaire de 1 077,35 euros, outre 107,73 euros au titre des congés payés afférents.

Selon la société, l’existence d’heures supplémentaires n’est pas démontrée. Le salarié n’a jamais rempli de fiches horaires, travaillait selon l’horaire collectif, et n’a jamais réclamé le paiement d’heures supplémentaires durant l’exécution du contrat de travail. La fiche qu’il produit aux débats n’a été établie que pour les besoins de la cause, et elle ne mentionne pas les horaires de pause, notamment de pause déjeuner, ni ne comptabilise les heures par semaine, ni n’indique le taux de majoration revendiqué. Ainsi, la demande n’est pas étayée.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Le salarié verse aux débats un tableau précisant, jour par jour, durant toute la durée de l’exécution du contrat de travail, du 13 avril au 29 juin 2016, son heure de début de travail et son heure de fin. Ce tableau, peu important qu’il ait été établi unilatéralement par le salarié, est suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Par arrêt du 14 mai 2019 (C-55/18), la Cour de Justice de l’Union Européenne a dit pour droit : « Les articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, lus à la lumière de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 11, paragraphe 3, et de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en 'uvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre qui, selon l’interprétation qui en est donnée par la jurisprudence nationale, n’impose pas aux employeurs l’obligation d’établir un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur. »

En l’espèce, force est de constater que si la société critique le tableau établi par le salarié, elle ne fournit aucun élément de nature à justifier les horaires qui, selon elle auraient réellement été appliqués à M. X, et ne précise pas non plus quel était l’horaire collectif de travail, ni les temps de pause dont bénéficiait effectivement le salarié.

Il résulte de l’ensemble des éléments soumis à l’appréciation de la cour que le salarié, qui a tenu compte, dans son décompte, des temps de pause dont il a pu bénéficier, a bien accompli les heures supplémentaires alléguées. Il sera donc fait droit à sa demande de rappel de salaire, et il lui sera alloué à ce titre une somme de 1 077,35 euros bruts, outre une somme de 107,73 euros bruts au titre des congés payés afférents. Le jugement déféré est infirmé en conséquence.

Sur la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée :

La lettre de rupture du contrat de travail, qui fixe les limites du litige, énonce :

'Nous vous avons convoqué, par lettre datée du 14 juin 2016 et remise en main propre contre décharge à cette même date, à un entretien préalable à une éventuelle rupture anticipée pour faute grave de votre contrat de travail à durée déterminée (…). Cet entretien préalable s’est tenu le 24 juin 2016 et, au cours ce celui-ci, vous étiez assisté de A B, représentant du personnel.

Les explications que vous nous avez apportées lors de l’entretien en date du 24 juin 2016 n’ont pas été de nature à modifier notre appréciation des faits. C’est la raison pour laquelle nous vous notifions par la présente lettre la rupture anticipée votre contrat de travail à durée déterminée pour faute grave, l’ensemble des faits ci-dessous ne permettant pas la poursuite de votre contrat de travail :

Nous constatons des manquements professionnels graves de votre part dans le cadre de vos fonctions de gestionnaire paie au sein du service paie, manquements dont le nombre, les caractéristiques et les conséquences qu’ils entraînent pour la société sont constitutifs d’une faute grave.

Ces manquements sont les suivants :

Exécution défectueuse et répétée de vos fonctions :

- En date du 24 mai 2016, votre responsable hiérarchique constate un rejet des écritures comptables pour la société American Express Payment Services Limited. Il s’avère que ce rejet est dû à l’absence de mention d’un centre coût pour une salariée, C D, suite à sa mobilité d’American Express Carte France vers American Express Payment Services Limited. Votre responsable a donc dû intervenir et transmettre l’information manquante au service Finance alors même qu’en date du 13 mai 2016, votre responsable vous a demandé de récupérer un formulaire auprès de l’administration du personnel contenant l’ensemble des informations nécessaires au changement d’entité juridique de cette salariée, dont le nouveau centre de coût. En raison de votre inconséquence, les écritures comptables ont dues être effectuées à la main par le service Finance.

- En date du 27 mai 2016, E F, ancienne salariée de la société, envoie un email à votre responsable suite à la réception d’un virement d’un montant de 15 699,60 € portant l’intitulé suivant : « Chèque Déjeuner Origine ». Par cet email, votre responsable s’aperçoit que vous avez effectué ce virement par erreur sur le compte bancaire de E F au lieu de l’effectuer sur le compte bancaire de notre prestataire « Chèques déjeuner » en règlement de la facture correspondant aux tickets restaurants. Cette erreur représente un risque financier pour American Express Carte France et engendre une perte de crédibilité du service paie. De ce fait, votre hiérarchie a dû établir un autre virement pour « chèque déjeuner » et réclamer le trop perçu par E F auprès de cette ancienne salariée.

- En date du 30 mai 2016, date maximale à laquelle le « memorandum » (justification comptable du net à payer) doit être transmis au service Finance, vous avez transmis un fichier non contrôlé et non justifié à votre responsable. Votre responsable a alors dû effectuer la justification comptable.

- Concernant les DUCS (Déclarations Unifiées Cotisations Sociales) de mai 2016 pour l’entité juridique American Express Payment Services Limited, votre responsable a dû vous adresser un email, en date du 30 mai 2016, indiquant : « aucune de tes bases n’étaient justifiées. J’ai donc dû tout refaire. ». Sans l’intervention de votre responsable qui a dû refaire les contrôles et déclarations URSSAF, American Express Payment Services Limited aurait dû payer des pénalités URSSAF.

- Concernant ce virement destiné à l’URSSAF pour l’entité juridique American Express Payment Services Limited, en date du 1er juin 2016, vous étiez censé envoyé les virements URSSAF en les faisant signer au préalable par le département Finance. Or, le département Finance s’est rendu compte qu’au lieu d’établir un virement de 172 178 €, vous aviez établi un virement de 1172 178 €. Cette erreur aurait pu avoir un impact financier considérable pour American Express Payment Services Limited. Par ailleurs, encore une fois, votre erreur entraîne une perte de crédibilité du service Paie vis-à-vis du département Finance.

- Concernant les écritures paye du mois de mai 2016 pour American Express Carte France, en date du 30 juin 2016, vous avez transmis un fichier erroné au service Finance alors même que votre responsable hiérarchique avait corrigé votre fichier et vous avait demandé de transmettre le fichier corrigé au département Finance. Votre responsable a alors dû envoyer un email correctif au service Finance. Sans l’intervention de votre responsable, les comptes n’auraient pas été réconciliés.

- En date du 03 juin 2016, votre responsable hiérarchique vous demande une copie du reçu pour solde de tout compte de E F. Vous lui répondez, sans vous excuser, ne pas avoir conservé de copie de ce solde. Votre responsable vous demande alors si vous avez conservé le document Word dans votre PC. Vous lui répondez par la négative, là encore sans vous excuser, en indiquant avoir effacé la trame en établissant un autre solde de tout compte. Cette erreur pose des difficultés car l’ancienne collaboratrice a des questions au sujet de son solde de tout compte auxquelles votre hiérarchie n’est pas en mesure de répondre puisqu’elle ne dispose pas de copie des éléments que vous avez envoyés. Au-delà de cette difficulté, l’absence de conservation de toute copie d’un solde de tout compte est inadmissible. À ce jour, E F n’a pas renvoyé à la société la copie signée de son reçu pour solde de tout compte. Si cette ancienne salariée dénonce son solde de tout compte, la société se trouvera en grande difficulté faute d’en avoir une copie.

- En date du 03 juin 2016, votre responsable vous demande de régulariser le dossier de G H, salariée de la société, et de passer la période du 14 avril 2016 au 25 avril 2016 en congé pathologique, et non en arrêt maladie. Vous envoyez alors le bulletin de salaire de la salariée concernée à votre responsable, mais sans procéder à aucune régularisation sur ledit bulletin. Cela engendre un impact financier pour la salariée, puisque le montant d’IJSS (Indemnité Journalière de la Sécurité Sociale) qu’elle perçoit n’est pas correct. I J, salariée de la société, a contacté votre responsable par téléphone car elle a reçu son bulletin de salaire du mois de mai 2016 faisant mention de plus de 24 jours de congés payés posés en avril et mai. Or, ce n’était pas des congés payés mais de la maladie. Du fait de cette erreur, aucune attestation de salaire n’a été établie et il n’y a pas eu de déduction des IJSS sur le bulletin de paie. Votre responsable a dû intervenir pour régulariser la situation au plus vite afin de ne pas pénaliser la salariée.

Nous avons à nouveau constaté un nombre considérable d’erreurs concernant l’établissement de la paie du mois de juin 2016 :

- K L, salariée de la société, a transmis une copie de son carton de congés, mais, en date du 20 juin 2016, vous n’aviez toujours pas saisie ses dates de congés dans le logiciel de Paie.

- Vous n’avez pas déclenché le 10e sur les congés payés de M N alors que ce salarié est éligible au 10e de congés payés. Puis, suite à un email de votre responsable vous faisant part de cette erreur, vous avez appliqué un taux erroné.

- Vous n’avez pas prolongé l’absence maladie d’Isaac HASSINE jusqu’au 31 décembre 2016 alors que ce salarié n’a pas repris le travail.

- O P, salarié de la société, a envoyé des justificatifs pour le remboursement de ses frais de transport hors région, mais vous n’avez pas saisi ces informations dans le logiciel de Paie.

- Vous avez utilisé une rubrique de transport erronée pour le bulletin de paie de AP AQ AR.

- Vous n’avez pas utilisé les bonnes rubriques de congés payés pour les bulletins de paie des salariés suivants: AU-AV AW, Q R, S T, C U, C V, E AS AT.

- Malgré les informations vous ayant été transmises, vous n’avez pas déclenché les IJSS maternité de W AA sur son bulletin de salaire. ll en est de même pour AB AC.

- Vous n’avez pas supprimé la prime de casque et la prime de flexibilité de AD AE malgré les informations vous ayant été transmises.

- Vous avez saisi des RTT à Rabia MASOOD alors que cette salariée est non-cadre et n’est donc pas éligible aux RTT. Puis, suite à un email de votre responsable vous faisant part de cette erreur, vous avez supprimé les RTT et avez omis de les remplacer par deux jours « Amex» comme il vous l’avait demandé.

- Vous n’avez pas saisi la reprise des acomptes que vous avez effectués pour AF AG et AH AI.

- Vous n’avez pas supprimé la prime de casque de AJ AK suite à son changement de poste dont vous avez été informé.

- Vous n’avez pas supprimé la prime de flexibilité et la prime de casque de AX AY- AZ-BESSIERE malgré les informations vous ayant été transmises.

- Vous avez oublié de saisir la prolongation de l’accident de travail de Sarrai HAMADI entre le 15 juin 2016 et le 18 juin 2016.

- Vous n’avez pas réalisé le solde de tout compte d’AL AM alors que votre responsable vous a demandé que les soldes de tout compte soient réalisés avant le premier tour de paie et que vous aviez l’ensemble des documents en votre possession pour le réalisé.

- Vous n’avez pas réalisé le solde de tout compte partiel de AN AO dans le cadre de sa mobilité d’American Express Payment Services Limited vers American Express Carte France au 1er juillet 2016.

Ces erreurs grossières et permanentes impactent la bonne marche du service Paie et ont des impacts financiers sur nos salariés, engendrent du retard dans l’établissement de la paie et entraînent de grands risques pour notre société.

Nous précisons que ces manquements se poursuivent malgré l’accompagnement de votre hiérarchie et le temps passé par votre hiérarchie à répondre à vos questions et à vous apporter toute explication.

Contenu incohérent de votre CV :

En date du 14 juin 2016, votre hiérarchie a été informée du fait que vous aviez falsifié votre CV. En effet, dans le cadre de notre procédure d’embauche, nous vous avons invité à compléter un formulaire et à indiquer la liste de vos précédentes expériences professionnelles avec le nom des personnes que nous pouvions contacter dans le cadre d’un contrôle de références. Lors de ce contrôle de références et après différents échanges avec vous, il s’est avéré que les informations que vous nous aviez transmises étaient incomplètes et fausses. En effet, vous avez déclaré trois expériences passées, laissant apparaître une activité continue. Or, dans le cadre de prise de références auprès de ces trois employeurs, nous avons découvert que vous nous aviez communiqué des dates d’emplois fausses. En date du 14 juin 2016, vous avez d’ailleurs reconnu ne pas avoir transmis les informations exactes concernant vos périodes d’emplois, ainsi que vos périodes d’inactivité.

La rupture de votre contrat de travail à durée déterminée est effective à la date d’envoi de la présente.'

La société considère que la faute grave est parfaitement justifiée. Elle soutient que M. X a délibérément menti sur son parcours professionnel, ce qui l’a conduite à embaucher un salarié qui n’avait pas le niveau professionnel exigé, et qui a commis de graves erreurs professionnelles. Les déclarations mensongères du salarié lors de son embauche suffisent à caractériser la faute grave et justifier la rupture anticipée du contrat. Par ailleurs, le salarié a commis de très nombreuses erreurs, dont la gravité est incontestable au vu notamment de leur nombre, de leur répétition, des montants en jeu pour la société et des conséquences qu’elles ont entraînées en termes de charge de travail supplémentaire pour les collaborateurs de la société et en particulier la supérieure hiérarchique de M. X, et pour les salariés concernés par ces erreurs. La faute grave est caractérisée, dès lors que la situation résulte précisément des mensonges de M. X sur ses expériences professionnelles passées. Les tâches du salarié relevaient intégralement et directement du cadre de sa mission, et constituaient des missions parfaitement standard de la gestion de paie et n’avaient rien de spécifique à la société. En présence d’une faute grave, ni les dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ni l’indemnité de fin de contrat ne sont dus au salarié.

Selon le salarié, la société n’établit pas l’existence d’une faute grave. Elle ne peut lui faire grief d’une exécution défectueuse de ses fonctions, dès lors qu’il a pris son poste dans de mauvaises conditions, qui sont entièrement imputables à son employeur. A son arrivée, le service paie connaissait un grand retard dans le traitement des dossiers, il n’a reçu que très peu d’aide et de formation de la part de ses collègues, il n’avait pas de référent connaissant les procédures et le travail attendu, il n’existait aucune procédure interne écrite à laquelle il aurait pu se référer, et il ne lui a été présenté ni le fonctionnement interne de l’entreprise ni les règles internes applicables à la paie issues de la convention collective de branche et des accords d’entreprise. Malgré l’absence de consigne écrite et la multitude des tâches à accomplir, sa responsable hiérarchique directe ne lui a pas fourni les informations nécessaires à sa prise de poste, se contentant de relever les erreurs commises et de lui demander de les corriger. En outre, il rencontrait une surcharge de travail. Enfin, la société n’a pas appliqué à son égard les dispositions de l’accord d’entreprise relatives à l’emploi des personnes en situation de handicap, qui prévoit un accueil adapté. Ainsi, la société ne lui a pas donné les moyens d’exécuter les tâches, au surplus trop nombreuses, qu’elle lui confiait. En outre, contrairement à ce qu’indique la lettre de licenciement, aucune des erreurs relevées n’a eu de conséquences graves pour la société. Le salarié conteste par ailleurs toute falsification de son curriculum vitae. Son contrat de travail ayant été rompu abusivement, il conclut à la confirmation des condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes.

En application de l’article L. 1243-1 du code du travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. L’employeur doit rapporter la preuve de l’existence d’une telle faute, et le doute profite au salarié.

Le curriculum vitae de M. X mentionne, notamment, au titre de l’expérience professionnelle de 'Gestionnaire Paie Administration du Personnel’ : '2009-2016 : Différentes missions d’intérim et CDD chez : Gpe Areva, Gpe Colas Rail, Gpe Bnp Paribas, Gpe Alten, Gpe Vivarte, GMF Assurances, Gpe Nestlé' et '2006-2008 : Différentes missions d’intérim et CDD chez : Dassault Systèmes, Coca Cola, Sanofi Aventis'. Le caractère vague de ces indications, dépourvues de toute précision quant aux dates d’emploi du salarié ou à leur durée, et susceptibles d’interprétation, ne permet pas de retenir que, comme le soutient l’employeur, elles laissaient nécessairement supposer des périodes continues d’activité sans interruption par des périodes de recherche d’emploi. Par ailleurs, l’employeur soutient que le salarié a tardé à communiquer l’historique précis de son activité sur cinq ans, mais ne justifie en rien de la date à laquelle cette demande lui a été faite, et ne prouve donc pas qu’il a sollicité ces précisions avant la conclusion du contrat de travail, qui est intervenue le 7 avril 2016. De même, ne sont pas produites dans leur intégralité les questions posées au salarié concernant son parcours professionnel, ni les réponses apportées, seuls des extraits isolés étant repris dans les échanges de courriers électroniques versés par l’employeur. Ainsi, il n’est pas démontré que le salarié aurait menti sur son parcours professionnel, ni délibérément dissimulé la réalité de celui-ci au moment de son embauche. A fortiori, aucune manoeuvre dolosive n’est établie. En toute hypothèse, la société ne prouve pas qu’elle n’aurait pas recruté M. X si elle avait eu une exacte connaissance de son parcours professionnel, puisqu’elle n’établit pas avoir vérifié précisément celui-ci avant que de l’engager. Aucune faute du salarié n’est donc caractérisée.

S’il est avéré, au vu des pièces produites par l’employeur, que le salarié a commis plusieurs erreurs durant l’exécution du contrat de travail, la société ne rapporte pas la preuve qu’il aurait délibérément, ou par négligence fautive, transgressé des directives précises données par l’employeur pour l’exécution de ses différentes tâches. Par ailleurs, la société ne justifie pas que le salarié, qui assurait le remplacement d’un autre salarié, a bénéficié de la formation nécessaire pour l’exercice de ses fonctions, ni des informations utiles quant aux procédures applicables au sein de l’entreprise. Et ce alors que le salarié était en demande d’informations et d’explications, ainsi qu’il résulte de la lettre de licenciement (cf : 'le temps passé par votre hiérarchie à répondre à vos questions'). L’employeur ne justifie pas en quoi le fait que la responsable de M. X supervise ses activités et lui indique les étapes à suivre pour réparer ses erreurs, ou les répare à sa place, est de nature à prévenir la commission d’erreurs dont il lui est ensuite fait le reproche pour justifier son licenciement. La société ne prouve pas que les manquements du salarié présentent un caractère fautif, et l’insuffisance

professionnelle d’un salarié ne constitue pas un motif de rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée. Le jugement du conseil de prud’hommes est en conséquence confirmé en ce qu’il retenu que la rupture était abusive.

Selon l’article L. 1243-4 du code du travail, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat.

Par ailleurs, en l’absence de faute grave, le salarié est également en droit de prétendre à l’indemnité de fin de contrat, conformément à l’article L.1243-8 du code du travail. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué au salarié 17 569,62 euros à titre de dommages et intérêts et 2 413,33 au titre de l’indemnité de fin de contrat, sauf à préciser que ces sommes sont exprimées en 'brut'.

Sur les intérêts :

Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances contractuelles sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, soit le 12 octobre 2016, et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les dépens, qui ne comprennent pas les frais d’exécution forcée dont le sort est réglé par le code des procédures civiles d’exécution, sont à la charge de la société, partie qui succombe.

Le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a condamné la société au paiement d’une somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et l’équité commande d’allouer au salarié une indemnité supplémentaire de 2 000 euros en cause d’appel, la société étant, corrélativement, déboutée de sa propre demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu le 1er février 2018 par le conseil de prud’hommes de Nanterre (section commerce), sauf en ce qu’il a débouté M. X de sa demande au titre des heures supplémentaires,

Statuant à nouveau du chef infirmé, et y ajoutant,

Précise que les condamnations prononcées à titre de dommages et intérêt et à titre d’indemnité de fin de contrat sont exprimées en brut,

CONDAMNE la société American Express Carte France à payer à M. X les sommes de :

—  1 077,35 euros bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

—  107,73 euros bruts au titre des congés payés afférents,

—  2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT que les créances contractuelles sont productives d’intérêts au taux légal à compter du 12 octobre

2016 et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne,

DÉBOUTE la société American Express Carte France de ses demandes,

CONDAMNE la société American Express Carte France aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Philippe FLORES, Président et par Monsieur TAMPREAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 30 avril 2020, n° 18/01346