Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 2 février 2021, n° 19/05583

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 2 févr. 2021, n° 19/05583
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 19/05583
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Versailles, 3 juin 2019, N° 18/00570
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1re chambre 1re section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 63B

DU 02 P 2021

N° RG 19/05583

N° Portalis DBV3-V-B7D-TLZI

AFFAIRE :

X, Y, AW AG

C/

J K

SCP AB AC, J K BA-Laurede D

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 18/00570

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

— Me Dominique C,

— la SCP COURTAIGNE AVOCATS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX P DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant qui a été prorogé le 12 janvier 2021, les parties en ayant été avisées dans l’affaire entre :

Madame X, Y, AW AG

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

représentée par Me Dominique C, avocat – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 160

APPELANTE

****************

Maître J K

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

SCP AB AC, J K BA-BB de D, Notaires, Société Civile Professionnelle titualaire d’un Office Notarial

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[…]

[…]

représentées par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 – N° du dossier 17738

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 Novembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame BA LELIEVRE, Conseiller chargée du rapport et Madame Nathalie LAUER, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame BA LELIEVRE, Conseiller faisant fonction de président,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Coline LEGEAY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

Vu le jugement rendu le 4 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Versailles qui a :

— constaté le désistement d’instance et d’action de :

· M. L M et Mme N M née Z,

· M. O P et Mme Q P née A,

· M. R S et Mme T U,

· Mme V W née B,

· M. AY-AZ et Mme AY-AZ,

· Mme AH BD BE BF,

à l’encontre de :

· la société civile immobilière (SCI) AR AS,

· la société Cofem,

· la société MTP,

· Mme AL AM, avocat,

· M. G-AO AP, avocat,

· M. G AA,

· Mme J K AQ, notaire,

· la société civile professionnelle (SCP) G-AO AP, AB AC et J K venant aux droits de la SCP BG BH AP G-AO AC AB AQ J et la SCP AB AN, AE AF,

— l’a déclaré parfait,

— débouté Mme X AG de ses demandes,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,

— laissé à chacune des parties la charge de ses dépens,

— dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et débouté les parties de leurs demandes en ce sens ;

Vu l’appel de ce jugement interjeté le 25 juillet 2019 par Mme X AG ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 6 mars 2020 par lesquelles Mme X AG demande à la cour de :

— accueillir Mme AG en son appel,

— la déclarer bien fondée en son action et en ses demandes,

Vu les articles « 1382 et 1383 anciens du code civil devenus les articles 1374 et 1992 »,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu la responsabilité professionnelle des intimés,

— débouter en conséquence Maître J K-AQ et la SCP AP AC K-AQ, de leur appel incident et de leur demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner en conséquence in solidum Mme J K-AQ et la SCP AP AC K-AQ, notaires, au paiement des sommes de :

· 2 804,58 euros au titre des préjudices matériels,

· 80 000 euros au titre du préjudice moral,

— condamner in solidum Mme J K-AQ et la SCP AP AC K-AQ, notaires, au paiement de la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner in solidum Mme J K-AQ et la SCP AP AC K-AQ, notaires, aux entiers dépens de première instance et d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile dont distraction au profit de M. C, avocat aux offres de droit ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 14 septembre 2020 par lesquelles Mme J K-AQ et la SCP AB AC, J K, BA-BB de D venant aux droits de la SCP G-AO AP, AB AC et J K, venant aux droits de la SCP BG – AP – AC – K-AQ demandent à la cour de :

Vu les pièces versées aux débats

Vu les articles 1240 et suivants du code civil (ancien article 1382 et suivants du code civil)

— dire et juger recevables et bien fondés l’argumentation et l’appel incident des notaires concluants,

Par conséquent,

— dire et juger que Mme AG est irrecevable à agir seule sur les lots dont elle n’a été que co-indivisaire,

A titre subsidiaire,

— constater, que Mme AG ne démontre pas que les éléments constitutifs de la responsabilité

civile professionnelle soient réunis en l’espèce,

Par voie de conséquence,

Infirmant le jugement en ce qu’il a retenu un principe de faute et écarté la demande au titre des frais irrépétibles des notaires et le confirmant en ce qu’il a rejeté les demandes indemnitaires de Mme AG :

— déclarer Mme AG mal fondée et la débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à l’encontre des notaires,

En tout état de cause,

— condamner Mme AG à payer la somme de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, au profit de Maître K-AQ, notaire, et de la SCP AB AC, J K, BA-BB de D venant aux droits de la SCP AP AC K-AQ, ainsi qu’aux entiers dépens,

— dire que les dépens de l’instance pourront être recouvrés par la SCP Courtaigne Avocats, avocat aux offres de droit par application de l’article 699 du code de procédure civile ;

FAITS ET PROCÉDURE

M. L M et Mme N M née Z, M. O P et Mme Q P née A, M. R S et Mme T U, Mme V W née B, M. AY-AZ et Mme AY-AZ, Mme AH AI ont acquis plusieurs appartements dépendant d’ un ensemble immobilier situé à Fontenay-le-Fleury (78330), rue AJ Zola et rue César Franck, […] à 11 inclus et 2 à 14 inclus, […], 1ieudit « 1 à […] » comprenant sept bâtiments ayant fait l’objet d’un règlement de copropriété contenant l’état descriptif de division établi suivant acte reçu aux minutes de l’étude de feu AJ AK, notaire, le 9 P 1971, dont une expédition était publiée au 1er bureau des hypothèques de Versailles le 12 mars 1971, volume 58 […]8.

Ils ont saisi le tribunal de grande instance de Versailles du litige né du bail à construction consenti au profit de la SCI AR AS, pour une durée de cinquante années expirant le 31 janvier 2016, portant sur le terrain sur lequel les différents bâtiments de la copropriété avaient été bâtis, lequel était susceptible de remettre en cause les droits qui leur avaient été reconnus dans leurs titres de propriété.

En effet, il avait été fait mention dans les différents titres de propriété du fait que le terrain sur lequel la résidence avait été bâtie faisait l’objet d’un bail à construction consenti par M. et Mme E le 31 août 1967 au profit de la SCI AR AS. Ledit bail contenait une clause de retour dont il était affirmé qu’elle serait sans conséquence sur les biens vendus, ce qui était contestable.

Ils ont ainsi fait assigner la SCI AR AS d’une part, et les notaires rédacteurs des actes de vente d’autre part, à savoir M. F, Mme AL AM, M. G-AO AP, M. G AA, Mme J K AQ, la SCP BG BH AP G-AO AC AB AQ J et la SCP AB AN, AE AF afin de rechercher la responsabilité professionnelle de ces derniers, devant le tribunal de grande instance de Versailles .

La société Cofem et la société MTP sont intervenues volontairement à la procédure.

Mme X AG, héritière de Mme H veuve de M. AG, est intervenue volontairement à l’instance pour se joindre à l’action engagée contre la SCI AR AS et certains notaires.

Par conclusions signifiées le 13 mars 2018 puis le 3 janvier 2019, M. L M et Mme N M née Z, M. O P et Mme Q P née A, M. R S et Mme T U, Mme V W née B, M. AY-AZ et Mme AY-AZ se sont désistés de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre des défendeurs.

La SCI AR AS, la société Cofem et la société MTP ont accepté ce désistement.

Mme AL AM, M. G-AO AP, M. G AA, Mme J K AQ, la SCP G-AO AP, AB AC et J K venant aux droits de la SCP BG BH AP G-AO AC AB AQ J et la SCP AB AN, AE AF ont accepté ce désistement.

Mme X AG a renoncé à toutes ses demandes dirigées contre la SCI AR AS et a maintenu ses demandes à l’encontre des notaires sollicitant la condamnation in solidum de Maître K AQ et de la SCP AP AC K-AQ au paiement des sommes de 14 983,92 euros en réparation des préjudices matériels subis et de 80 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Mme AG se présente comme l’une des deux héritiers de Mme H veuve AG, décédée le […], ainsi qu’il résulte d’un acte de notoriété dressé le 6 mai 2008 par Maître Lob, notaire associé de la SCP AP AC K.

Elle expose que le seul actif immobilier de la succession était composé des lots 356, 403 et 1 175 de la résidence AR AS située à Fontenay-le-Fleury, 1-11 rue AJ Zola et 2-[…] consistant en un appartement, une cave et un parking, acquis à la barre du tribunal de grande instance de Versailles selon un jugement d’adjudication prononcé le 23 mai 1984 et estimé par le notaire à la somme de 149 000 euros dans la déclaration de succession.

Il s’avère que ses droits sur la propriété des lots ont été remis en cause par la SCI AR AS qui a récupéré la pleine propriété des lots à l’échéance du bail à construction soit au 31 janvier 2016. Mme AG a maintenu ses demandes à l’encontre de Maître K-AQ et de la SCP dont elle est membre, estimant que la première avait manqué à son devoir de conseil en ne l’informant pas de la réelle consistance de l’actif successoral et notamment des effets de la clause de retour insérée dans le bail à construction, ce qui lui a causé un préjudice dont elle demande réparation.

C’est dans ces circonstances que le jugement entrepris a constaté le désistement d’instance des demandeurs, à l’exception de Mme AG ,l’a déclaré parfait, a relevé une faute à l’encontre du notaire mais jugé que Mme AG ne justifiait pas d’un préjudice matériel ou moral en relation avec la faute retenue et l’a déboutée de ses demandes.

SUR CE , LA COUR,

Sur la recevabilité de l’action de Mme AG

Maître K-AQ et la SCP AB AC, J K, BA-BB de D venant aux droits de la SCP G-AO AP, AB AC et J K, venant aux droits de la SCP BG – AP – AC – K-AQ (ci-après la SCP), appelants incidents, invoquent à titre liminaire l’irrecevabilité de Mme AG à agir seule sur les lots litigieux dont elle n’a été que co-indivisaire puisqu’elle n’était pas seule héritière de AV AG née H.

C’est cependant à juste titre que le tribunal a rejeté la fin de non recevoir des intimés. En effet, ainsi qu’elle le fait valoir, Mme AG n’agit pas pour le compte de l’indivision successorale mais à titre personnel, en réparation du préjudice individuel qu’elle estime avoir subi en raison d’une faute du notaire l’ayant déterminée à accepter la succession de AV AG, acceptation qu’elle a

donnée en son seul nom.

Son action est donc parfaitement recevable.

Sur le fond

Sur les manquements de Maître K-AQ

Moyens des parties

Mme AG, qui, selon l’acte de notoriété établi le 6 mai 2008, était cohéritière, avec son oncle, BC AG, de la succession de sa grand-mère, AV AG, notamment composée en son actif des lots 356, 403 et 1 175 de la résidence AR AS située à Fontenay-le-Fleury, 1-11 rue AJ Zola et 2-[…] consistant en un appartement, une cave et un parking, a accepté la succession, qui a fait l’objet d’une déclaration de succession portant le cachet de la SCP AP, AC et K, mentionnant les dits lots pour une valeur globale de 149 000 euros et un actif net de 181 180,19 euros.

Elle fait valoir qu’elle s’est trouvée confrontée à la revendication légitime de la SCI AR AS, exercée en exécution de la clause de retour insérée dans le bail à construction consenti par les propriétaires du terrain au bénéfice de cette SCI qui a fait édifier l’immeuble, dont dépendent ses lots et qu’elle n’a compris qu’après avoir accepté la succession que le patrimoine de la défunte ne comprenait pas la pleine propriété de l’appartement mais un simple doit d’usage temporaire jusqu’au 31 janvier 2016, date à laquelle cet appartement devait revenir de plein droit au constructeur de l’immeuble.

Elle expose que son notaire auquel elle faisait entièrement confiance, ne l’a pas informée de l’existence du bail à construction qui grevait l’immeuble et de ses conséquences juridiques.

Elle ajoute que la faute de Maître K-AQ est accentuée par le fait qu’elle a rédigé une promesse de vente portant sur les lots litigieux le 7 P 2013 au profit de M. AT AU, pour le prix principal de 111 000 euros qui a mentionné l’existence du bail à construction et de la clause de retour. Elle en déduit que le notaire rédacteur n’a pas apprécié la portée des clauses insérées dans son propre projet d’acte qui, s’il avait été mené à son terme, aurait eu pour conséquence de céder un droit de propriété qui n’existait pas et l’a confortés dans la conviction d’une valeur certaine du bien.

Maître K-AQ et la SCP réfutent toutes fautes de leur part. Elles rappellent que le bien litigieux a fait l’objet d’une acquisition à la barre du tribunal le 23 mai 1984, soit il y a plus de 30 ans et que le jugement ne mentionne pas de droit de retour au profit de la SCI AR AS.

Elles font valoir que l’existence d’un bail à construction n’interdisait pas la cession des droits du preneur et qu’ils ont bien mentionné la clause de retour au profit de la SCI AR AS dans l’avant contrat du 7 P 2013.

Elles précisent avoir eu connaissance de la clause de retour lors de l’examen des actes antérieurs et plus spécialement de l’acte 'Coreso’ datant de 1972, précédant le jugement d’adjudication et qu’elles ont alors, grâce aux recherches effectuées, mis en garde les héritiers sur le fait que la vente ne pourrait porter que sur la cession des droits restant à courir, avant reprise par le preneur initial, la SCI AR AS. Elles font valoir que le droit de retour au preneur initial ne ressort ni du bail à construction, ni du règlement de copropriété, ni du cahier des charges, ni du jugement d’adjudication et prétendent que le tribunal a opéré une confusion entre le droit de retour au bailleur institué par le bail à construction et repris dans le règlement de copropriété et le droit de retour au profit du preneur résultant de l’acte de cession à la société Coreso, omis dans le cadre de la procédure d’adjudication.

Elles ajoutent que le processus amiable intervenu avec des copropriétaires de l’ensemble immobilier ne présente aucun lien avec le présent litige.

Appréciation de la cour

L’analyse des pièces produites révèlent en définitive l’existence d’un bail à construction conclu suivant acte notarié de Maître I le 31 août 1967, entre M.et Mme E et la SCI AR AS , en suite duquel une convention de répartition a été conclue entre les mêmes le 9 P 1971 de laquelle résultait que certaines constructions , qui étaient la propriété du preneur (la SCI) pendant la durée du bail, deviendraient de plein droit, à son expiration, la propriété du bailleur.

Le bailleur, à savoir, M. et Mme E, a, par la convention de répartition opté pour les biens et droits immobiliers énumérés audit acte, le surplus restant la propriété immobilière de la SCI AR AS.

Il n’est pas contesté que les lots 356, 403 et 1175 ont été acquis par jugement d’adjudication par AV AG, suite à la vente, portant notamment sur ces lots, intervenue le 30 juin 1972, entre la SCI AR AS et la SA Coopérative de résidences sociales, par abréviation Coreso, dans laquelle il est expressément mentionné, en page 4 de l’acte la constatant, l’existence du bail à construction susvisé, la convention de répartition et ses effets, l’ensemble de ces actes faisant l’objet de publications à la conservation des hypothèques.

S’il s’avère que la détermination des droits effectivement acquis par AV AG lors du jugement d’adjudication nécessitait une analyse approfondie des actes antérieurs, il apparaît que cette recherche a été possible puisqu’ effectuée lors de la rédaction du projet de promesse de vente à M. AT AU le 7 P 2013 . En effet, cet acte, rédigé par Me K mentionne, avec exactitude, que les lots objets de la promesse, devront revenir à la SCI AR AS à l’expiration du bail. L’acte mentionne que le bail à construction se terminera le 31 janvier 2016.

Maître K-AQ et la SCP n’expliquent pas en quoi cette recherche n’était pas possible lors du conseil qu’ils ont dû fournir à Mme AG lors de la déclaration de succession.

Elles se prévalent de l’absence de mention sur le jugement d’adjudication du 23 mai 1984, sans que cette pièce soit complète. Au surplus, le jugement mentionne l’existence du bail à construction au chapitre désignation des biens à vendre qui indique « le droit réel immobilier résultant au profit de la société emprunteuse d’un acte contenant bail à la construction reçu … ».

La déclaration de succession pour laquelle le notaire était mandaté, impliquait la demande de remise du titre de propriété, dont la complexité impliquait des recherches approfondies de sa part en tant que professionnel du droit spécialisé dans l’analyse des titres de propriété, afin de déterminer l’étendue exacte des droits successoraux des héritiers, lesquelles n’ont pas été faites à cette date mais ultérieurement, lors de la rédaction de la promesse de vente de 2013.

Il en résulte que comme les premiers juges l’ont relevé, le notaire n’a pas satisfait à son obligation de donner une information complète à Mme AG, manquement de nature à engager sa responsabilité.

Sur le préjudice et le lien de causalité avec la faute

Moyens des parties

Mme AG fait valoir qu’elle n’a accepté la succession de Mme H veuve AG que parce qu’elle était sûre d’hériter de la pleine propriété de l’appartement. Elle affirme que, pleinement informée de la situation, elle aurait renoncé à la succession. Elle indique que la restitution à la SCI

AR AS n’était pas contestable au vu des actes et qu’elle n’a pu s’y opposer ce qui explique sa renonciation aux demandes initialement dirigées contre cette dernière. Elle précise avoir accepté la succession malgré l’existence d’un passif de 45 271,41 euros parce que l’actif successoral avait été évalué par le notaire à 172 928,69 euros dont 150 000 euros pour le seul actif immobilier.

Elle ajoute qu’en dehors de l’appartement litigieux, l’actif successoral se limitait à une somme de 23 552,56 euros, de sorte que la succession était en réalité déficitaire de 13 091,22 euros.

Elle expose que le passif successoral résiduel, constitué d’un forfait dépendance, de charges de copropriété et d’une dette fiscale, s’élevait à 25 919,85 euros.

Elle précise que le notaire a fait une déclaration de succession rectificative mentionnant un actif de 24 358,69 euros et qu’il subsiste donc un déficit de 1 061,16 euros qu’elle n’entend pas assumer puisqu’elle n’aurait pas eu à en régler la quote-part si elle avait renoncé à la succession.

Elle sollicite donc, au titre de la réparation de son préjudice matériel, la condamnation des intimés à lui verser la moitié de cette somme, soit 530,58 euros, outre la somme de 2 274 euros correspondant aux frais d’avocat réglés dans le cadre de la procédure engagée par le syndic , soit au total une somme de 2 804,58 euros.

Elle expose en second lieu avoir subi un préjudice moral dont elle demande réparation à hauteur de 80 000 euros. Elle précise que ce préjudice consiste dans la désillusion née de la révélation tardive de l’inconsistance de l’actif successoral estimé par le notaire, la crainte de devoir participer au règlement d’un passif plus important que l’actif réel. Elle rappelle à cet égard que le département des Yvelines lui a fait part d’une créance relative à la prise en charge des frais d’hébergement de sa grand-mère, d’un montant de 40 246,45 euros et qu’elle a conservé cette menace au-dessus d’elle jusqu’au 15 mars 2017, date à laquelle le département a renoncé à recouvrer sa créance.

Elle conteste que son préjudice consiste en une perte de chance dès lors que la consistance et l’estimation de la succession ne constituait pas une éventualité mais une réalité qui n’était soumise à aucun aléa. Elle fait valoir que sa confiance a été trahie par le notaire mis en cause.

Maître K-AQ et la SCP concluent à l’absence de préjudice.

Elles exposent que si Mme AG n’avait acquis que des droits temporaires sur le bien immobilier, soit pendant huit ans, en raison de la clause de retour insérée dans l’acte de cession de 1972, le bien a été loué pour un loyer mensuel de 460 euros. Elles ajoutent que l’impossibilité de vendre le bien est sans rapport avec la faute reprochée et que le préjudice de Mme AG ne pourrait être constitué que par une éventuelle perte de chance de ne pas avoir pu renoncer à la succession. Elles rappellent que la perte de chance, pour être indemnisable, doit être réelle et certaine et quantifiable de manière sérieuse.

Elles font valoir que les droits réels détenus par Mme AG et M. BC AG leur ont procuré des revenus locatifs de 16 560 euros , qu’ils ont également perçu le 6 septembre 2011 chacun la somme de 5 506,32 euros au titre des bijoux ; que l’actif de succession était donc en réalité de 43 001,86 euros et les dettes de 27 410,85 euros, soit une différence en faveur des héritiers de 15 591,01 euros. Elles ajoutent que le Conseil général a renoncé à sa créance sur la succession de AV AG. Elles concluent qu’en acceptant la succession, Mme AG a connu une situation plus favorable.

Elles réfutent l’existence d’un préjudice moral, qui n’apparaît justifié par aucune pièce.

Elles contestent en tout état de cause le lien de causalité entre la faute et les préjudices invoqués, relevant que c’est le défaut de mention de la clause de retour dans le cahier des charges dressé par

Maître Coydon, avocat des créanciers poursuivants, dans le jugement d’adjudication du 23 mai 1984, qui est à l’origine des préjudices allégués.

Appréciation de la cour

Le manquement à une obligation de conseil, tel qu’en l’espèce, crée le cas échéant une perte de chance de prendre une décision éclairée, en toute connaissance de cause.

Il s’avère que si Mme AG avait été correctement informée de l’étendue réelle des droits de AV AG sur les lots consistant en un appartement, une cave et un parking dépendant de l’immeuble dénommé résidence AR AS située à Fontenay-le-Fleury, 1-11 rue AJ Zola et 2-[…] qui n’étaient que des droits temporaires d’usage et d’habitation dénués de valeur vénale, elle aurait pu de fait, prendre une autre décision que l’acceptation de la succession de sa grand-mère.

Cependant, il résulte du décompte fait par les intimés qu’en réalité, Mme AG ne conteste pas avoir, avec son cohéritier, perçu des loyers de 16 150 euros au titre des droits réels temporaires, perpétués jusqu’au 31 janvier 2016, qui s’ajoutent à l’actif net de succession rectifié de 22 858,69 euros.

Elle ne conteste pas au surplus que les bijoux inclus dans la succession, évalués à 7 430 euros, ont été vendus pour une somme supérieure, soit 11 013,17 euros, partagée avec son oncle.

Le décompte des intimés duquel il résulte un bénéfice net pour avoir accepté la succession, de 15 591,01 euros, certes partageable avec son cohéritier, n’est pas sérieusement contesté.

Mme AG ne saurait inclure dans son préjudice les honoraires versés à son avocat dans le cadre de l’instance qui a été engagée par le syndic pour recouvrer l’arrièré de charges de copropriété.

Il en résulte que Mme AG n’établit pas l’existence d’un préjudice matériel et doit être déboutée de sa demande à ce titre.

En revanche, l’erreur commise par le notaire dans la détermination de l’étendue des droits de la de cujus, qui a directement conduit à une très large surévaluation de la succession et ont déterminé Mme AG à l’accepter a généré pour elle le risque de se voir réclamer, en sus des arriérés de charges et des taxes foncières, les frais d’hébergement en maison de retraite de AV AG, pris en charge par le Conseil général, sur le fondement de l’article L 132-8 du code de l’action sociale et des familles à hauteur de 43 771,41 euros. Il s’avère que ce n’est que plusieurs années après l’acceptation de la succession litigieuse, soit le 13 mars 2017, que le Conseil général a finalement fait connaître qu’il renonçait à poursuivre sa créance sur la succession. Cette incertitude sur le sort de l’exigibilité de cette dette de la succession a incontestablement causé à Mme AG un préjudice moral qui sera réparé par l’allocation d’une somme de 3 000 euros.

Compte tenu du sens du présent arrêt, les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de Maître K-AQ et de la SCP AB AC, J K, BA-BB de D.

Maître K-AQ et la SCP AB AC, J K, BA-BB de D seront condamnées à payer à Mme AG la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Parties perdantes et comme telles tenues aux dépens, elles seront déboutées de leur demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt CONTRADICTOIRE et mis à disposition,

Statuant dans les limites de sa saisine,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions autres que celles relatives au désistement d’instance,

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement entrepris,

DIT que Maître K-AQ et de la SCP AB AC, J K, BA-BB de D ont commis une faute engageant leur responsabilité lors de la déclaration de succession de AV H veuve AG,

CONDAMNE Maître K-AQ et de la SCP AB AC, J K, BA-BB de D à payer à Mme AG la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral,

CONDAMNE Maître K-AQ et de la SCP AB AC, J K, BA-BB de D à payer à Mme AG la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

CONDAMNE Maître K-AQ et de la SCP AB AC, J K, BA-BB de D aux dépens de première instance ainsi qu’à ceux d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Madame BA LELIEVRE, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 2 février 2021, n° 19/05583