Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 7 janvier 2021, n° 20/02254

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 14e ch., 7 janv. 2021, n° 20/02254
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/02254
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Nanterre, 24 mars 2020, N° 20/00036
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30C

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 JANVIER 2021

N° RG 20/02254 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T3MG

AFFAIRE :

S.A. IN’LI

C/

S.A.R.L. X Y

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 25 Mars 2020 par le Président du TJ de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 20/00036

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Bertrand LISSARRAGUE

Me Franck LAFON

TJ NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A. IN’LI agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

N° SIRET : 602 052 359

[…]

[…]

Représentée par Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2063750

Assistée de Me Emmanuel PAILLARD, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A.R.L. X Y prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET: 431 857 317

[…]

[…]

Représentant : Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20200171

Assistée de Me Mathieu ROGER-CAREL de L’AARPI PARKER AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Novembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie LE BRAS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nicolette GUILLAUME, Président,

Madame Marie LE BRAS, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sophie CHERCHEVE,

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par contrat de bail en date du 6 avril 2012, la SA In’Li, anciennement dénommée la société Onium de Gestion Immobilière d’Ile-de-France, a donné à bail commercial à la SARL X Y un immeuble à usage de bureaux d’une surface de 1 793 m² et comprenant dix emplacements de stationnement, dans un ensemble immobilier situé 18 bis, rue de Villiers à Levallois-Perret (92300), et ce pour une durée de neuf années prenant effet à compter du 1er juin 2012 et moyennant un loyer annuel de 617 183,84 euros TTC payable d’avance par trimestre ainsi qu’une provision sur charges de 66 341 euros HT par an.

Par avenant en date du 17 octobre 2012, les parties ont étendu le bail à une place supplémentaire de stationnement, moyennant un loyer annuel complémentaire de 1 400 euros HT.

Par courrier du 7 février 2019 puis mise en demeure du 21 mars 2019, la société In’Li a adressé à la société X Y un décompte de régularisation des charges et impôts dus pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 à hauteur d’un montant global de 337 001,37 euros.

Le preneur a refusé de payer cette somme, invoquant le caractère indu de la précédente régularisation reçue le 1er décembre 2017 pour les charges des années 2012 à 2014, l’absence de justificatifs et la défaillance de la bailleresse dans l’exécution de certains services ainsi que le dysfonctionnement de certains équipements correspondant aux charges facturées.

Les discussions entre parties n’ayant pas abouti à la résolution amiable de leur différend, la société In’Li a fait assigner en référé par acte du 23 octobre 2019, la SARL X Y aux fins d’obtenir sa condamnation au paiement d’une provision de 337 001,37 euros assortie des intérêts à compter du 21 mars 2019 à valoir sur les charges, impôts et taxes impayés pour les années 2015 à 2017, d’une provision de 25 327,36 euros assortie des intérêts à compter du 6 septembre 2019 à valoir sur les charges, impayés et taxes impayés pour l’année 2018 et d’une provision de 37 502,40 euros assortie des intérêts à compter du 2 janvier 2020 à valoir sur les charges du 4e trimestre 2019.

Le 28 octobre 2019, la société In’Li a vendu l’immeuble à la société La Main Jaune mais a conservé aux termes de l’acte de vente le droit d’agir pour recouvrir lesdites créances.

En parallèle à la procédure de référé, la SARL X Y a fait assigner au fond par acte du 16 décembre 2019, la société In’Li aux fins d’obtenir sa condamnation à lui rembourser la somme de 903 761 euros correspondant aux charges qu’elle estime avoir indûment versées au titre des années 2012 à 2019. L’affaire est actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Nanterre.

Dans le cadre de la procédure initiée par la société In’Li, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre, par ordonnance contradictoire rendue le 25 mars 2020, a :

— renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige,

— par provision, tous moyens des parties étant réservés,

— rejeté l’exception d’irrecevabilité tirée de l’existence d’une action au fond,

— rejeté la demande de provision,

— condamné la société In’Li à payer à la société X Y la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société In’Li aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 22 mai 2020, la société In’Li a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé, rejeté la demande de provision, l’a condamnée à payer à la société X Y la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 26 août 2020 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société In’Li demande à la cour, au visa de l’article 835 du code de procédure civile, de :

— déclarer recevable et bien fondé l’appel qu’elle a formé ;

— infirmer l’ordonnance rendue le 25 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre statuant en référé en ce qu’elle :

— a dit n’y avoir lieu à référé,

— a rejeté la demande de provision,

— l’a condamnée à payer à la société X Y la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— l’a condamnée aux dépens ;

en conséquence,

— la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions ;

— dire que l’obligation de paiement de la société X Y n’est pas sérieusement contestable ;

— condamner la société X Y à lui payer à titre de provision :

— la somme de 337 001,37 euros assortie des intérêts au taux légal majoré de 3 points à compter du 21 mars 2019, date à laquelle elle l’a mise en demeure de lui régler le montant correspondant à la régularisation des charges et remboursement des impôts et taxes pour les années 2015 à 2017, jusqu’à la date de paiement effectif ;

— la somme de 25 237,36 euros assortie des intérêts au taux légal majoré de 3 points à compter du 6 septembre 2019, date à laquelle elle l’a mise en demeure de lui régler le montant correspondant à la régularisation des charges et remboursement des impôts et taxes pour l’année 2018, jusqu’à la date de paiement effectif ;

— la somme de 37 502,40 euros assortie des intérêts au taux légal majoré de 3 points à compter du 2 janvier 2020, date à laquelle elle l’a mise en demeure de lui régler le solde de sa dette locative s’élevant à 399 741,13 euros, incluant le montant correspondant à la quote-part de provisions sur charges du quatrième trimestre de loyer de l’année 2019 ;

— débouter la société X Y de l’ensemble de ses demandes ;

— condamner la société X Y à lui payer la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens lesquels pourront être directement recouvrés par la SELARL Lexavoué Paris-Versailles en application de l’article 699 du

code procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 29 juillet 2020 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société X Y demande à la cour, au visa des articles 789 et 835 du code de procédure civile, 1134 et suivants et 2244 du code civil, de :

— infirmer l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Nanterre rendue le 25 mars 2020 en ce qu’elle a rejeté l’irrecevabilité tirée de l’existence d’une procédure au fond et en conséquence, se déclarer incompétent au profit du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre désignée dans la procédure pendante sous le N°RG : 19/06800 ;

en tout état de cause,

— confirmer l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Nanterre rendue le 25 mars 2020 dans toutes ses autres dispositions et notamment en ce qu’elle a rejeté la demande de provision de la société In’Li en raison des contestations sérieuses affectant l’obligation de paiement alléguée ;

— condamner en cause d’appel la société In’Li à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la société In’Li aux entiers dépens d’instance dont distraction au profit de Maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 octobre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- sur la recevabilité de l’action en référé de la société In’Li :

La SARL X Y soulève l’irrecevabilité de l’action de l’appelante, soutenant que le juge des référés, lors de son audience du 8 janvier 2020, n’avait pas le pouvoir de statuer sur les demandes de cette dernière dès lors que la désignation du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre dans le cadre de l’affaire au fond est intervenue le 24 décembre 2019, soit antérieurement à sa saisine.

En réponse, la société In’Li s’oppose au moyen d’irrecevabilité en faisant valoir que son assignation en référé délivrée le 23 octobre 2019 à l’intimée est bien antérieure à la désignation du juge de la mise en état.

Sur ce,

Selon le nouvel article 789 du code de procédure civile applicable aux affaires en cours au 1er janvier 2020, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, dès lors que la demande est présentée postérieurement à sa désignation.

En l’espèce, l’assignation en référé a été délivrée par la société In’Li à la SARL X Y le 23 octobre 2019, soit bien antérieurement à la désignation du juge de la mise en état dans le cadre de l’instance au fond qui n’est intervenue que le 24 janvier 2020 (pièces 41 et 42 de l’intimée), de sorte que c’est à raison que le juge des référés a déclaré les demandes de la société In’Li recevables. L’ordonnance sera confirmée de ce chef.

- sur les demandes de provision de la société In’Li :

L’appelante s’estime bien fondée en sa demande de provisions au titre des charges demeurées impayées, faisant valoir que les contestations que lui oppose la SARL X Y ne peuvent être retenues comme sérieuses.

Elle rappelle en premier lieu avoir procédé à l’appel des provisions sur charge et de celles régularisées en application des articles 5 et 6 du bail commercial et avoir adressé les justificatifs y afférent à la SARL X Y par courriers des 14 juin 2019 et 2 août 2019.

La société In’Li écarte en outre la contestation de la SARL X Y tirée de la supposée existence à son bénéfice d’une créance de restitution au titre des charges régularisées qu’elle dit avoir indûment réglées pour les années 2012 à 2014,en rappelant que la partie adverse a procédé spontanément à leur règlement sans émettre aucune critique et ne peut désormais conformément à l’article 2249 du code civil invoquer leur prétendu caractère prescrit pour en solliciter le remboursement.

Elle dénie également toute sous-évaluation fautive du montant de la provision sur charges fixé au contrat, précisant que l’importance des sommes réclamées s’explique par le montant des impôts et taxes devant lui être remboursés par le preneur. Elle fait observer que les régularisations intervenues ont eu pour effet d’augmenter les charges attribuées à la SARL X Y à hauteur seulement de 28% en moyenne, et non de 150% ou 200% comme prétendu par celle-ci.

Selon la société In’Li, l’absence de régularisation des charges à un rythme annuel ne peut en outre exonérer la SARL X Y de les régler, ce retard n’étant sanctionné par aucune disposition légale.

Enfin, l’appelante dénonce l’absence de caractère sérieux de la contestation de l’intimée tirée de l’existence de prétendus troubles de jouissance, rappelant que sauf à démontrer qu’ils ont empêché le preneur d’exercer son activité commerciale ou d’utiliser les locaux conformément à leur destination contractuelle, de tels troubles ne dispensent pas ce dernier du paiement des charges locatives.

Elle ajoute sur ce point qu’elle a toujours mis en oeuvre les mesures nécessaires pour remédier aux dysfonctionnements allégués, rappelant qu’elle a notamment :

— fait remplacer les systèmes de climatisation dès 2014, les ascenseurs en 2012, les moteur et armoires de commande des ascenseurs en 2016,

— indemnisé la SARL X Y pour les pannes des ascenseurs suivant un protocole transactionnel du 8 septembre 2016,

— fait réparer la porte tournante d’accès à l’immeuble, fait vérifier les fenêtres ainsi que les ascenseurs en 2019.

En réponse, la SARL X Y oppose à la demande de provision de la société In’Li plusieurs contestations qu’elle estime sérieuses.

Elle fait ainsi valoir que la première régularisation de charges en janvier 2018 est intervenue trop tardivement pour la période de 2012 à 2013 couverte par la prescription quinquennale et en violation du bail s’agissant de 2014. L’éventuelle compensation entre leurs deux créances s’opposerait ainsi à l’octroi d’une provision.

La SARL X Y prétend également que les sommes réclamées et payées au titre des charges 2012 à 2019 sont en tout état de cause indues en raison de la déloyauté de la bailleresse lors

de la conclusion du bail qui aurait à l’évidence sous-évalué de près de 150%, voir 200% en 2018, le montant de la provision sur charges afin de l’inciter à consentir au contrat.

Contrairement à la société In’Li, l’intimée soutient en outre que l’absence d’appel annuel en vue de la régularisation des charges est sanctionnée selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation par la déchéance du droit du bailleur à percevoir les sommes correspondantes.

La SARL X Y affirme enfin que les charges dont il est réclamé le paiement ne sont corroborées par aucun justificatif. Si elle admet avoir reçu par l’intermédiaire de son conseil 'un fatras’ de documents au début de l’été 2019, elle considère qu’il lui est impossible à partir de ces pièces de vérifier la réalité des charges pour la plupart très anciennes.

Elle insiste également sur le fait que de nombreux incidents sont survenus au cours de toutes ces années, lui causant un trouble de jouissance important, même après la conclusion du protocole transactionnel.

L’intimée évalue ainsi sa créance de restitution à 903 761 euros qui ne saurait en tout état de cause être inférieure à 400 675 euros dans l’hypothèse où la provision sur charges serait maintenue par le juge du fond au montant annuel de 66 341 euros HT prévu au contrat.

Sur ce,

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile applicable à compter du 1er janvier 2020, le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, peut, dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

Il impose au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Il sera retenu qu’une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

À l’inverse, sera écartée une contestation qui serait à l’évidence superficielle ou artificielle et la cour est tenue d’appliquer les termes clairs du contrat qui lui est soumis, si aucune interprétation n’en est nécessaire. Le montant de la provision allouée n’a alors d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Aux termes de l’article 1353 du code civil, c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Il est constant qu’aux termes de l’articles 5 du bail commercial relatif aux loyer et charges, les parties ont défini les provisions sur charges comme suit : Elles 'sont fixées à 66 341 euros HT par an et feront l’objet d’une régularisation annuelle (ces provisions incluent notamment la maintenance du chauffage/climatisation, de la porte automatique, des ascenseurs, les frais d’entretien des espaces verts, le nettoyage des parties communes entre les bâtiments A et B, le combustible de chauffage, la prestation d’un gardien jusqu’à 21 heures basé au rez-de-chaussée du bâtiment B avec télésurveillance…).'

L’article 6 du bail relatif aux impôts et taxes stipule par ailleurs que 'le locataire paiera les impôts et taxes de toute nature dont les locataires sont habituellement tenus, et satisfera à toutes les charges de ville, de police, de voirie, de manière que le bailleur ne soit jamais inquiété, ni recherché à ce sujet. Il supportera à compter du jour de la mise à disposition des locaux, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, la taxe d’écoulement à l’égout, la taxe de balayage, toute nouvelles contributions, taxes municipales ou autre et augmentation d’impôts pouvant être créées de quelque nature et sous quelque dénomination que ce soit et remboursera au bailleur les sommes qui pourraient être avancées par lui à ce titre. Il remboursera au bailleur la taxe foncière et la taxe sur les bureaux afférentes aux lieux loués.'

Pour justifier de sa créance au titre de la régularisation des charges pour les années 2015 à 2018 et de la provision sur charge pour le 4e trimestre 2019, la société In’Li produit le bail et les différents décomptes détaillés et justificatifs adressés à la SARL X Y.

Il sera en premier lieu relevé que celle-ci ne discute nullement le montant réclamé au titre des impôts et taxes, étant précisé la provision annuelle de 66 341 euros HT ne les concerne pas.

Or, le montant cumulé des sommes dues au titre des impôts et taxes pour la période 2015 à 2017 est de 278 767 euros sur la créance réclamée de 337 001,37 euros, soit 82% du total.

La régularisation des charges locatives, objet des critiques, ne porte ainsi que sur le reliquat, à savoir 58 234 euros, ce qui, réparti sur les 3 années concernées, correspond aux sommes indiquées par la société In’Li dans son tableau en page 10 de ses conclusions (23 974 euros en 2015, 13 500 euros en 2016, 20 758 euros en 2017).

Elle constitue une part oscillant entre 17 à 27% en fonction des années du montant annuel global des charges locatives définitivement arrêté, alors que la provision annuelle de 66 341, 04 euros correspond quant à elle à une part de 73 à 83 %.

Aussi, le moyen de contestation avancé par la SARL X Y tiré de la sous-estimation déloyale et fautive de la provision sur charges ne peut être retenu comme sérieux, les calculs et comparatifs que l’intimée présente en page 12 de ses conclusions étant faussés par l’intégration injustifiée des impôts et taxes dans le montant des charges locatives.

La question ne se pose en outre pas en 2018 et 2019 compte tenu de l’augmentation de la provision annuelle.

Par ailleurs, l’article 2249 du code civil dispose que 'le paiement effectué pour éteindre une dette ne peut être répété au seul motif que le délai de prescription était expiré', de sorte que ne peut constituer une contestation sérieuse, l’existence d’une supposée créance de restitution de la SARL X Y au titre de charges des années 2012 à 2014 qui seraient couvertes par la prescription quinquennale dès lors que celle-ci admet les avoir volontairement réglées dès 2018.

Est également inopérant le moyen tiré de l’absence de régularisation annuelle des charges locatives. En effet, si un tel retard est susceptible d’engager la responsabilité contractuelle du bailleur dans l’hypothèse où il aurait causé un préjudice au preneur, il n’exonère en revanche pas celui-ci de son obligation de les payer sauf si le bailleur n’a pas justifié de leur réalité au preneur.

Or, la SARL X Y admet avoir reçu suite à sa demande des justificatifs au cours de l’été 2019 suivant courriers des 14 juin 2019 et 2 août 2019 que l’appelante produit aux débats avec leurs annexes. Y figurent notamment les clés de répartition des charges communes entre bâtiments ainsi que les références et dates de toutes factures, impôts et taxes (pièces 7 et 10).

L’intimée procède d’ailleurs par affirmation sans aucune argumentation pour soutenir que ces pièces seraient invérifiables. Le caractère sérieux de ce moyen de contestation ne peut être dès lors retenu.

Enfin, s’il est acquis aux débats que des dysfonctionnements de certains équipements et divers

désordres sont survenus au cours de la période 2015 à 2019, la SARL X Y produisant aux débats ses correspondances avec la bailleresse à ce sujet, elle ne prétend cependant pas aux termes de ses conclusions qu’elle n’aurait pas été en mesure d’exercer son activité professionnelle au sein des locaux, ni d’ailleurs que ceux-ci ne seraient pas conformes à leur destination contractuelle.

Dès lors, les manquements de la société In’Li à ses obligations contractuelles, à les supposés établis, n’apparaissent pas suffisamment graves pour constituer une contestation sérieuse de l’obligation de la SARL X Y à payer les charges locatives prévues à l’article 5 du bail.

Il sera au surplus relevé que le bailleur a accepté d’indemniser la SARL X Y pour le dysfonctionnement de l’ascenseur dans le cadre du protocole transactionnel signé le 8 septembre 2016 et justifie de la réalisation d’un certain nombre de travaux de réparation.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société In’Li rapporte la preuve non sérieusement contestable de sa créance au titre des charges locatives des années 2015, 2016, 2017, 2018 et du dernier trimestre 2019.

Il convient en conséquence d’infirmer l’ordonnance entreprise et de faire droit aux demandes de provision de la société In’Li pour un montant global de 399 741,13 euros qui sera détaillé dans le dispositif du présent arrêt, et ce avec intérêts de retard au taux légal majoré de points tel que prévu à l’article 10 du bail commercial.

- sur les demandes accessoires :

La société In’Li étant accueillie en son recours, l’ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la SARL X Y ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.

Il est en outre inéquitable de laisser à la société In’Li la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. La SARL X Y sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME l’ordonnance entreprise en date du 25 mars 2020 sauf en ses dispositions rejetant l’exception d’irrecevabilité soulevée par la SARL X Y tirée de l’existence d’une instance au fond ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la SARL X Y à payer à la société In’Li une provision de 399 741,13 euros qui se décompose comme suit :

—  337 001,37 euros au titre des charges locatives régularisées et du remboursement des impôts et taxes pour les années 2015 à 2017, avec intérêts au taux légal majoré de 3 points à compter du 21 mars 2019, date la mise en demeure ;

—  25 237,36 euros au titre des charges locatives régularisées et du remboursement des impôts et taxes pour l’année 2018, avec intérêts au taux légal majoré de 3 points à compter du 6 septembre 2019,

date à la mise en demeure ;

—  37 502,40 euros au titre de la quote-part de provisions sur charges du quatrième trimestre de loyer de l’année 2019 avec intérêts au taux légal majoré de 3 points à compter du 2 janvier 2020, date la mise en demeure ;

CONDAMNE la SARL X Y à payer à la société In’Li une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que la SARL X Y supportera les dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Nicolette GUILLAUME, Président et par Madame CHERCHEVE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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