Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 8 septembre 2021, n° 18/05194

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 17e ch., 8 sept. 2021, n° 18/05194
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/05194
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Poissy, 18 novembre 2018, N° F17/00271
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 SEPTEMBRE 2021

N° RG 18/05194

N° Portalis DBV3-V-B7C-S3FX

AFFAIRE :

SAS LPN SECURITE SERVICES

C/

M. Z X

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 novembre 2018 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de POISSY

Section : AD

N° RG : F17/00271

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Véronique DAGONET

Me Jean-Michel OLAKA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SAS LPN SECURITE SERVICES

N° SIRET : 514 009 562

[…]

[…]

Représentant : Me Véronique DAGONET, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 003

APPELANTE

****************

Monsieur Z X

né le […]

de nationalité tchadienne

[…]

[…]

Représentant : Me Jean-Michel OLAKA, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0413

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Juin 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

Par jugement du 19 novembre 2018, le conseil de prud’hommes de Poissy (section activités diverses) a':

— dit que le licenciement de M. Z X est sans cause réelle et sérieuse,

— condamné la société LPN Sécurité Services à verser à M. X avec intérêts légaux à compter du 11 octobre 2017, date de réception de la convocation pour le bureau de conciliation par la partie défenderesse, les sommes suivantes':

. 4 747,62 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 474,62 euros au titre des congés payés y afférents,

— rappelé que l’exécution est de droit à titre provisoire sur les créances visées à l’article

R. 1454-14 alinéa 2 du code du travail,

— fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail à la somme de 2 333,76 euros,

— condamné la société LPN Sécurité Services à verser à M. X avec intérêts légaux à compter du prononcé du jugement les sommes de':

. 23 736,20 euros au titre des dommages et intérêts pour le préjudice subi,

. 2 000 euros au titre des dommages et intérêts pour non-respect de la durée du travail,

— condamné la société LPN Sécurité Services à verser à M. X la somme de

1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté M. X du surplus de ses demandes,

— débouté la société LPN Sécurité Services aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d’exécution éventuels.

Par déclaration adressée au greffe le 20 décembre 2018, la société LPN Sécurité Services a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 6 avril 2021.

Par dernières conclusions remises au greffe le 31 mars 2021, la société LPN Sécurité Services demande à la cour de':

— infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Poissy du 19 novembre 2018 en ce qu’il a':

. dit que le licenciement de Monsieur M. X est sans cause réelle et sérieuse,

. l’a condamnée à verser à M. X avec intérêts légaux à compter du 11 octobre 2017, date de réception de la convocation pour le bureau de conciliation par la partie défenderesse, les sommes suivantes':

. 4 747 ,62 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 474,62 euros au titre des congés payés y afférents,

. rappelé que l’exécution est de droit à titre provisoire sur les créances visées à l’article R. 1454- 14 alinéa 2 du code du travail,

. fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail à la somme de 2 333,76 euros,

. l’a condamnée à verser à M. X avec intérêts légaux à compter du prononcé du jugement les sommes de':

. 23 736,20 euros au titre des dommages et intérêts pour le préjudice subi,

. 2 000 euros au titre des dommages et intérêts pour non-respect de la durée du travail,

. l’a condamnée à verser à M. X la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. l’a déboutée de sa demande reconventionnelle,

. l’a condamnée aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d’exécution éventuels,

— de confirmer ledit jugement pour le surplus,

et statuant à nouveau,

— dire justifiée la rupture du contrat de travail de M. X,

en conséquence,

— débouter M. X de toutes ses demandes, fins et prétentions et de son appel incident, en faisant application en tant que de besoin de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile,

par ailleurs,

— condamner M. X à lui payer la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. X aux entiers dépens de première instance et d’appel, que Me Véronique Dagonet, avocat, pourra recouvrer directement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe le 4 février 2021, M. X demande à la cour de':

à titre principal,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Poissy en ce qu’il a':

. dit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

. dit que son récépissé qui expirait le 15 août 2017 a été prolongé par les services de la préfecture des Yvelines jusqu’au 17 septembre 2017 et l’autorisait à travailler,

. dit que le salarié a accompli, de 2016 à 2017, des heures supplémentaires qui n’ont jamais été payées ni portées sur les bulletins de salaire afférents,

— constater que son contrat de travail a été exécuté de mauvaise foi par l’employeur,

en conséquence,

— condamner la société LPN Sécurité Services à lui payer les sommes suivantes':

. 23 736,20 euros au titre des dommages-intérêts pour le préjudice subi,

. 10 000 euros au titre des dommages-intérêts pour non-respect de la durée du travail,

. 4 747,62 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 474,62 euros au titre d’indemnités compensatrices de congés payés sur préavis,

statuant à nouveau,

— condamner la société LPN Sécurité Services à lui payer les sommes suivantes':

. 14 241,72 euros au titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

. 2 345,32 euros au titre des heures supplémentaires non payées pour les années 2016 et 2017,

. 10 000 euros au titre des dommages-intérêts pour non-respect de la durée du travail,

. 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

le tout assorti des intérêts au taux légal,

— ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir et condamner l’employeur aux entiers dépens.

LA COUR,

La société LPN Sécurité Services a pour activité de services de sécurité privée des biens et des personnes.

M. X a été engagé par la société LPN Sécurité Services, en qualité d’agent de sécurité incendie SSIAP1, par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, à compter du 10 mars 2015.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

L’effectif de la société est de plus de 10 salariés.

M. X était titulaire d’une carte de séjour portant la mention «'Vie privée et familiale'» n°750358216, valable du 19 octobre 2015 au 18 octobre 2016.

Le 21 juillet 2016, M. X a demandé le renouvellement de son titre de séjour auprès de la préfecture des Yvelines.

Ce titre de séjour a été renouvelé deux fois quatre mois pour être prorogé jusqu’au 16 mai 2017 et a été communiqué à la société LPN Sécurité Services.

Le 16 mai 2017, M. X a récupéré son récépissé de demande de titre de séjour valable du 16 mai 2017 au 15 août 2017, dont il a remis copie à la société LPN Sécurité Services.

Le 10 août 2017, M. X a prévenu son responsable hiérarchique, M. Y, de son rendez-vous à la préfecture des Yvelines en vue de la délivrance de son titre de séjour.

Par lettre du 17 août 2017, la société LPN Sécurité Services a rappelé à M. X que son récépissé ne produisait plus d’effet et a suspendu son contrat de travail.

Par courriel du 18 août 2017, M. X a informé son employeur de la prolongation de son récépissé, aux termes duquel les services de la Préfecture l’ont informé de ce que les effets de son titre de séjour initial étaient prolongés jusqu’au 17 septembre 2017 et de ce que ce récépissé l’autorisait à travailler.

Par courriel du 18 août 2017, la société LPN Sécurité Services demandait à M. X de ne pas se présenter sur son lieu de travail tant qu’il n’aurait pas de titre de séjour valide.

M. X a été licencié par lettre du 8 septembre 2017 pour absence d’autorisation de travailler dans les termes suivants':

«'Monsieur,

Vous avez été embauché au sein de notre société selon contrat de travail écrit à durée indéterminée, en date du 15 mars 2015.

Cela étant, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour le motif suivant':

Votre carte de séjour est périmée depuis le 18 octobre 2016 et le récépissé de demande de carte de séjour portant la mention «'autorise son titulaire à travailler'» est lui-même caduc depuis 18 août dernier.

Contrairement à ce que vous semblez considérer, le tampon apposé au verso de ce document le 18 août 2017 par la Préfecture des Yvelines indiquant simplement «'séjour autorisé jusqu’au 17 septembre 2017'» n’a pas pour conséquence de vous autoriser à travailler, dès lors que cette autorisation n’est pas expressément précisée.

Ce point nous a été d’ailleurs confirmé par le CNPAS et la Préfecture.

Dans ces conditions, nous n’avons d’autre choix que de mettre un terme au contrat de travail qui nous lie, étant précisé que dans le cas spécifique de la perte d’autorisation de travailler, les règles relatives à la procédure de licenciement ne s’appliquent pas (Cass. Soc. 1 octobre 2014, N°13-17745).

Votre licenciement prend effet à la première présentation de la présente lettre.

En conséquence de cette cause objective de rupture de votre contrat de travail, nous vous adresserons prochainement les sommes qui vous sont dues en application des articles L. 8252-2 et L. 8252-4 du code du travail, ainsi que les documents sociaux.

Nous vous remercions par ailleurs de nous rapporter sans délai vos tenues et tous autres accessoires de travail appartenant à l’entreprise.'»

Le 9 octobre 2017, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Poissy pour contester le bien fondé de son licenciement et solliciter le paiement de diverses sommes de nature.

SUR CE,

Sur le temps de travail':

Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé':

M. X expose qu’il accomplissait «'206,5 heures supplémentaires » par mois depuis avril 2016'; que ces heures n’étaient pas payées par l’employeur puisqu’il les avait compensées par l’octroi

de primes ce qui est illicite.

En réplique, la société LPN Sécurité Services expose avoir communiqué des bulletins de paie rectifiés pour les années 2015, 2016 et 2017 ne faisant plus apparaître la mention «'prime'» mais le détail des heures effectuées et justifiant que le montant de la rémunération de ces heures effectuées est identique aux montants des primes allouées'; que M. X a été rempli de ses droits.

L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'«'en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.'»

La charge de la preuve ne pèse donc pas uniquement sur le salarié. Il appartient également à l’employeur de justifier des horaires de travail effectués par l’intéressé.

Il revient ainsi au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre l’instauration d’un débat contradictoire et à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Après appréciation des éléments de preuve produits, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance des heures supplémentaires et fixe en conséquence les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, la société LPN Sécurité Services produit les bulletins de paie rectifiés montrant qu’elle rétribue les heures supplémentaires réalisées par M. X non plus sous forme de prime ' ce qui n’est effectivement pas possible ' mais en prenant en compte le véritable quantum d’heures et en lui appliquant les majorations appropriées (25'% ou 50%) en fonction du nombre d’heures réalisées.

Il en ressort des différences entre les évaluations de M. X (qu’il réalise non pas à la semaine, mais mensuellement) et les heures pour lesquelles il a été rémunéré mensuellement.

Ces différences peuvent être synthétisées dans le tableau suivant':

Mois

Appréciation mensuelle de M. X

Bulletins de paie produits par la société LPN Sécurité Services

Différence

Avril 2016

206,50 heures

206,51 heures

-0,01 heures

Juin 2016

231,50 heures

227,62 heures

3,88 heures

Juillet 2016

231,03 heures

287,21 heures

—  5 6 , 1 8 heures

Août 2016

291,25 heures

265,51 heures

25,74 heures

S e p t e m b r e 2016

224,5 heures

211,99 heures

12,51 heures

Janvier 2017 217,62 heures

246,11 heures

—  2 8 , 4 9 heures

Février 2017 217,62 heures

198,24 heures

19,38 heures

Mars 2017

217,62 heures

183,37 heures

34,25 heures

Avril 2017

217,62 heures

193,17 heures

24,45 heures

Mai 2017

217,62 heures

166,82 heures

50,8 heures

Juin 2017

217,62 heures

186,17 heures

31,45 heures

Juillet 2017

217,62 heures

205,29 heures

12,33 heures

Écart Total

[…] , 1 1 heures

M. X produits sous ses pièces 10 et 14 à 18 ses plannings, établis par la société LPN Sécurité Services, montrant qu’il était programmé':

. pour 206,5 heures en avril 2016,

. pour 231,5 heures en juin 2016,

. pour 231,03 heures en juillet 2016,

. pour 291,25 heures en août 2016,

. pour 224,5 heures en septembre 2016,

. pour 217 heures en janvier 2017,

. pour 193,25 heures en février 2017,

. pour 195,37 heures en mars 2017,

. pour 173,16 heures en avril 2017,

. pour 167,62 heures en mai 2017,

. pour 219,5 heures en juillet 2017.

Le salarié, qui fonde ses demandes en invoquant les plannings qu’il verse lui-même au dossier apporte les éléments de précision requis sur le volume d’heures mensuel durant lesquelles il a travaillé, hormis pour le mois de juin pour lequel il ne présente pas de planning et pour lequel il n’apporte pas d’éléments précis.

Sur la base de ces plannings, la cour dispose d’éléments suffisants pour établir le tableau suivant montrant d’un côté les heures pour lesquelles M. X était planifié et de l’autre celles pour lesquelles il a été rémunéré':

Mois

Heures mensuelles réalisées par M. X selon ses plannings

Bulletins de paie produits par la société LPN Sécurité Services

Différence

Avril 2016

206,50 heures

206,51 heures

—  0 , 0 1 heures

Juin 2016

231,50 heures

227,62 heures

3,88 heures

Juillet 2016 231,03 heures

287,21 heures

—  5 6 , 1 8 heures

Août 2016

291,25 heures

265,51 heures

2 5 , 7 4 heures

Septembre 2016

224,5 heures

211,99 heures

1 2 , 5 1 heures

Janvier 2017 217 heures

246,11 heures

—  2 9 , 1 1 heures

Février 2017 193,25 heures

198,24 heures

—  4 , 9 9 heures

Mars 2017

195,37 heures

183,37 heures

12 heures

Avril 2017

173,16 heures

193,17 heures

—  2 0 , 0 1 heures

Mai 2017

167,62 heures

166,82 heures

0,8 heures

Juin 2017

Pas de planning

186,17 heures

néant

Juillet 2017 219,5 heures

205,29 heures

1 4 , 2 1 heures

Écart Total

—  4 1 , 1 6 heures

L’examen de ces éléments montre que la société a payé à M. X davantage qu’elle lui devait en le rétribuant sur la période considérée pour 41,16 heures qu’il n’apparaît pas avoir effectuées.

M. X a donc été rempli de ses droits du chef des heures supplémentaires.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ce chef de demande. De même le jugement sera-t-il confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de l’indemnité pour travail dissimulé.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non respect de la durée du travail':

M. X se fonde sur l’article L. 3131-1 du code du travail relatif au repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives et affirme que la société a, à de nombreuses reprises, manqué à son obligation de ce chef. Il ajoute avoir travaillé plus de 48 heures certaines semaines et selon des journées de plus de 12 heures.

En réplique, la société LPN Sécurité Services conclut à l’infirmation du jugement et se fonde sur l’article 7.01 de la convention collective et sur l’article 2 de l’accord du 18 mai 1993 qui autorise les services 24/72 c’est-à-dire des journées de 24 heures de travail suivies de 72 heures de pause.

L’article 7.01. «'Travail les dimanches et jours fériés'» de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 prévoit': «'En raison du caractère spécifique de la sécurité et de la continuité de ses obligations, les parties reconnaissent la nécessité d’assurer un service de jour comme de nuit, quels que soient les jours de la semaine.

En conséquence, le fait pour un salarié d’être employé indistinctement soit de jour, soit de nuit, soit alternativement de nuit ou de jour constitue une modalité normale de l’exercice de sa fonction.

En cas de passage d’un service de nuit à un service de jour ou inversement, une interruption d’activité de 10 heures sera respectée.

Les repos hebdomadaires des salariés à temps plein sont organisés de façon à laisser 2 dimanches de repos par mois en moyenne sur une période de 3 mois, les dimanches étant accolés soit à un samedi, soit à un lundi de repos.

Les salariés qui travaillent les jours fériés légaux sont indemnisés dans les conditions fixées à l’article 9.05 des présentes clauses générales.'»

Par ailleurs, l’article 7.06. «'Organisation du travail'» prévoit':

«'1. Définition du cycle.

La durée du travail dans les entreprises peut être organisée sous forme de cycles de travail d’une durée maximale de 8 semaines.

A titre indicatif, les cycles suivants peuvent être mis en place :

- 3 semaines à 36 heures, 1 semaine à 48 heures ;

- 1 semaine à 32 heures, 1 semaine à 40 heures, 0 semaine à 44 heures ;

- 3 semaines à 44 heures, 1 semaine à 36 heures.

La répartition de la durée du travail à l’intérieur du cycle est déterminée par le planning de service elle se répète à l’identique d’un cycle à l’autre.

Toutefois, les entreprises ou établissements qui auront réparti la durée du travail sur une période de 4 semaines, constituée de 3 semaines à 36 heures et de 1 semaine à 48 heures, pourront, au sein de chaque cycle, déplacer la semaine de 48 heures sous réserve d’en avoir informé les salariés dans le délai prescrit au 7.07.3 ci-dessous.

(…)'»

L’article 7.08. «'Durée quotidienne de travail'» prévoit que «'par dérogation aux dispositions de l’article L. 212-1, la durée quotidienne de travail effectif ne peut dépasser 12 heures pour les services englobant un temps de présence vigilante.'» et l’article 7.09. «'Durée maximale de travail'» prévoit pour sa part que «'La semaine de travail ne pourra excéder 4 fois 12 heures, soit 48 heures, et sur 12 semaines consécutives la durée hebdomadaire ne pourra dépasser 46 heures. Un jour de repos minimum sera ménagé après toute période de 48 heures de service.'»

Enfin, l’article 2 de l’accord du 18 mai 1993 relatif à la durée et à l’aménagement du temps de travail prévoit que «'par application de l’article L. 212-5, le temps du travail peut être aménagé sur une période maximale de 4 semaines ; à l’intérieur de cette période, la durée hebdomadaire du travail est susceptible de variation dans la limite maximale de 48 heures.

La répartition du temps de travail doit se répéter à l’identique d’une période à l’autre, cette répétition étant appréciée relativement à la durée hebdomadaire du travail et non relativement à la répartition des jours de travail à l’intérieur de la semaine.

Le temps de repos entre deux services ne peut être inférieur à 12 heures. Vingt-quatre heures de repos doivent être prévues après 48 heures de travail.

Vu les us et coutumes et la spécificité de la profession et suivant les exigences du service, les services IGH ou pompiers 24-72 sont désormais autorisés.

L’organisation des services de la période fait l’objet de plannings prévisionnels qui doivent être remis aux salariés au moins 1 semaine avant leur entrée en vigueur.'»

En l’espèce, il n’est nullement établi que M. X relève du régime «'des services IGH ou pompiers 24-72'». Compte tenu de l’ensemble de ces textes et de façon synthétique, il apparaît que M. X ne pouvait être amené à travailler plus de 48 heures par semaine, ni plus de 12 heures par jour. Il devait aussi bénéficier d’un temps de repos entre deux services qui ne pouvait être inférieur à 12 heures.

Or, en l’espèce, ainsi que l’a justement relevé le conseil de prud’hommes de Poissy, le temps de travail quotidien de M. X a dépassé 68 fois les 12 heures de travail sur les 153 jours travaillés entre le mois de juin 2016 et le mois d’avril 2017.

A cela il convient de relever certains dépassements des 48 heures hebdomadaires (par exemple semaines du 20 au 25 juin 2016, semaine du 4 au 8 juillet 2016, semaine du 11 au 15 juillet 2016, semaine du 25 au 30 juillet 2016, semaine du 1er au 6 août 2016 pour ne citer que ces exemples) et que les temps de repos quotidiens de 12 heures n’ont pas non plus toujours été respectés (comme par exemple dans la nuit du 5 au 6 août 2016 où M. X B son travail à 6 heures du matin après 21 heures de travail et le reprenait le jour même à 9 heures pour finir à 23h30). Les exemples de ce type sont multiples à la lecture des plannings du salarié.

Il en est résulté pour M. X un préjudice qui sera intégralement réparé par une indemnité de 4 000 euros, ce qui conduit de ce chef à infirmer le jugement.

Sur la rupture':

Sur le principe de la rupture':

La société LPN Sécurité Services expose qu’à la date du 8 septembre 2017, elle n’avait d’autre choix que de rompre le contrat de travail de M. X dans la mesure où il ne justifiait pas des documents officiels lui permettant de travailler en France.

En l’espèce, M. X a été licencié par lettre du 8 septembre 2017.

En l’état des pièces produites et des débats, M. X a bénéficié d’un titre de séjour valable jusqu’au 15 août 2017 (pièce 4 S).

Le 18 août 2017, M. X prétend avoir bénéficié de la part de la préfecture une prolongation d’un mois du récépissé avec autorisation de travail. Elle prenait, selon lui, la forme d’une mention figurant au dos de son récépissé, apposée par la préfecture de Versailles (pièce 5 S). Il apparaît que M. X a adressé la photographie du document en question à son supérieur hiérarchique, lequel, le 18 août 2017, lui indiquait attendre le document officiel et lui demandait de ne pas se présenter sur son poste de travail tant qu’il ne disposait pas dudit document.

A juste titre, la société fait valoir que le salarié ne justifiait alors d’aucun document conforme aux prescriptions de l’article R. 5221-3 du code du travail (dans sa version applicable au présent litige) la prolongation litigieuse n’étant pas visée par ce texte et ne figurant dans aucun des quinze documents dont il dresse la liste exhaustive. C’est donc à raison que la société LPN Sécurité Services a alors invité M. X à ne se présenter à son poste de travail que lorsqu’il aurait le document adéquat en sa possession. De fait, la mention «'séjour autorisé jusqu’au 17 septembre 2017'» apposée au dos d’un récépissé expiré ne fait pas partie des documents prévus par l’article susvisé et ne comportait au surplus aucune indication sur la faculté offerte à M. X de travailler.

La société LPN Sécurité Services n’avait donc alors aucun moyen de savoir qu’en réalité, la prolongation litigieuse était considérée comme valable par les services de la préfecture. Ce fait n’a été connu que le 18 septembre 2017, date à laquelle M. X a interrogé la préfecture sur ce point, laquelle lui a répondu': «'Bonsoir les documents que vous avez sont tout à fait légaux. Votre carte étant en cours de fabrication, nous ne pouvions pas éditer de nouveau récépissé, c’est la raison pour laquelle nous avons prolongé de 1 mois la validité de votre récépissé. Ce document vous maintenait en situation régulière et vous permettait de travailler'».

Il reste qu’à la date du licenciement de M. X ' 8 septembre 2017 ' la société devait encore se contenter d’une mention, figurant au dos du récépissé expiré du salarié, qui n’était pas conforme

aux prescriptions de l’article R. 5221-3 du code du travail. Pourtant, ce n’est pas faute, pour la société, d’avoir alerté M. X de la situation':

. par courriel le 18 août 2017';

. elle l’avait aussi alerté plus solennellement la veille ' 17 août 2017 ' par courrier recommandé (pièce 4 E)';

. elle l’avait encore alerté par courriel le 21 août 2017 dans les termes suivants': «'Cher Monsieur, nous avons contacté le CNAPS de la préfecture qui nous ont confirmés que votre récépissé n’est valable que s’il est accompagné d’un titre de séjour valable, ce qui n’est pas le cas. Le tampon que vous faites référence indique que vous êtes autorisé à séjourner en France, mais ce n’est pas écrit que vous êtes autorisé à travailler. Je suis étonné par votre arrogance, car nous appliquons juste la réglementation en vigueur'! Nous attendons que vous nous présentiez un titre de séjour valable.'» (pièce 5 E).

Le document que M. X a obtenu de la préfecture le 18 septembre 2017 aurait dû être sollicité par lui plus tôt.

L’article L. 8251-1 du code du travail interdisant à toute entreprise d’embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France, la société LPN Sécurité Services qui avait de bonnes raisons de croire que le titre de séjour de M. X ne lui permettait pas de travailler, était tenue de rompre son contrat de travail. Or l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail. Le licenciement de M. X par la société LPN Sécurité Services est donc justifié par une cause objective.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu’il a dit le licenciement de M. X dépourvu de cause réelle et sérieuse. Statuant à nouveau, il conviendra de dire le licenciement justifié par une cause objective et de débouter M. X de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture':

L’article L. 8252-2 du code du travail dispose que le salarié étranger a droit au titre de la période d’emploi illicite :

1° Au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée. A défaut de preuve contraire, les sommes dues au salarié correspondent à une relation de travail présumée d’une durée de trois mois. Le salarié peut apporter par tous moyens la preuve du travail effectué.

2° En cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l’application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable.

3° Le cas échéant, à la prise en charge par l’employeur de tous les frais d’envoi des rémunérations impayées vers le pays dans lequel il est parti volontairement ou a été reconduit.

Lorsque l’étranger employé sans titre l’a été dans le cadre d’un travail dissimulé, il bénéficie soit des dispositions de l’article L. 8223-1, soit des dispositions du présent chapitre si celles-ci lui sont plus favorables.

Le conseil de prud’hommes saisi peut ordonner par provision le versement de l’indemnité forfaitaire prévue au 2°.

Ces dispositions ne font pas obstacle au droit du salarié de demander en justice une indemnisation supplémentaire s’il est en mesure d’établir l’existence d’un préjudice non réparé au titre de ces dispositions.

M. X sollicite une indemnité compensatrice de préavis.

M. X avait une ancienneté de 2 ans et 6 mois lors de la rupture du contrat. Dès lors, il peut prétendre en vertu de l’article L. 1234-1 du code du travail, à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, sur la base d’une moyenne de salaire s’établissant sur un an à

2 180,67 euros de sorte qu’est due à M. X une indemnité de préavis de

4 361,34 euros. Cette somme est inférieure aux trois mois de salaire auxquels il peut prétendre en vertu de l’article L. 8252-2 du code du travail. Fut-ce en ajoutant l’indemnité de licenciement qui lui a été versée comme le montre le solde de tout compte (356,32 euros ' pièce 9 E), le total des sommes allouées à M. X reste inférieur aux trois mois prévus par l’article

L. 8252-2. Mais statuant dans les limites de la demande, il convient d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de condamner la société LPN Sécurité Services à payer à M. X la somme de 4 361,34 euros à titre d’indemnité de rupture.

Sur les dépens et les frais irrépétibles':

Succombant, la société LPN Sécurité Services sera condamnée aux dépens.

Il conviendra de condamner la société LPN Sécurité Services à payer à M. X une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour':

INFIRME partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société LPN Sécurité Services à payer à M. X la somme de 4'000'euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de la durée du travail, avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 2 000 euros et à compter du présent arrêt pour le surplus,

DIT le licenciement de M. X justifié par une cause objective,

DÉBOUTE M. X de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive,

CONDAMNE la société LPN Sécurité Services à payer à M. X la somme de

4 361,34 euros à titre d’indemnité de rupture, avec intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2017, date de réception de la convocation de la société LPN Sécurité Services devant le bureau de conciliation,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE la société LPN Sécurité Services à payer à M. X la somme de

3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et en cause d’appel,

CONDAMNE la société LPN Sécurité Services aux dépens.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente et par Madame Dorothée MARCINEK, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

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Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 8 septembre 2021, n° 18/05194