Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 16 février 2023, n° 22/04036

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 14e ch., 16 févr. 2023, n° 22/04036
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 22/04036
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Versailles, 6 juin 2022, N° 22/00366
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 23 février 2023
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Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 82E

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 FEVRIER 2023

N° RG 22/04036 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VILD

AFFAIRE :

C.E. COMITE D’ENTREPRISE AKKA INGENIERIE PRODUIT

C/

S.A.S. AKKA INGENIERIE PRODUIT

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 07 Juin 2022 par le Président du TJ de VERSAILLES

N° RG : 22/00366

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 16.02.2023

à :

Me Philippe CHATEAUNEUF, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Virginie BADIER-CHARPENTIER, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Véronique CHILD, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

C.E. COMITE D’ENTREPRISE AKKA INGENIERIE PRODUIT

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 – N° du dossier 2022074

Ayant pour avocat plaidant Me Fiodor RILOV, au barreau de Paris

APPELANTE

****************

S.A.S. AKKA INGENIERIE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

N° SIRET : 308 884 998 (rcs Versailles)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Société AKKA TECHNOLOGIES

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

N° SIRET : 422 950 865 (rcs Paris)

[Adresse 6]

[Adresse 2]

Représentant : Me Virginie BADIER-CHARPENTIER, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 509

Ayant pour avocat plaidant Me Loïc TOURANCHET, au barreau de Paris

Société MODIS INTERNATIONAL AG

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 7]

[Localité 4]/ Suisse

Représentant : Me Véronique CHILD de la SELAS DELOITTE SOCIÉTÉ D’AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1704

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 Janvier 2023, Madame Marina IGELMAN, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Madame Marietta CHAUMET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI

EXPOSE DU LITIGE

La société Akka Ingénierie Produit est une filiale du groupe de droit belge Akka, spécialisée dans les activités de conception mécanique, dont le siège social est situé à [Localité 5].

Faute d’avoir pu organiser des élections au sein de l’UES Akka depuis 2014, la société Akka Ingénierie Produit dispose encore, à ce jour, d’un comité d’entreprise.

Le 28 juillet 2021, le groupe Akka Technologies a annoncé son rachat par le groupe Adecco, société suisse, puis sa fusion avec la société Modis International AG, filiale d’Adecco, dans le but de devenir numéro deux mondial sur le marché de la recherche et du développement en ingénierie.

Ce rachat par le groupe Adecco suivi de la fusion avec la société Modis International était prévu en deux étapes, sous réserve de l’obtention des autorisations nécessaires :

— une opération de concentration caractérisée par le rachat des parts de la famille Ricci et de la société Compagnie Nationale à Portefeuillle (CNP) représentant 59,9 % du capital d’Akka Technologies SE, société mère de droit belge,

— une offre publique d’acquisition (OPA) pour le rachat des actions restantes de la société Akka Technologies SE par la société Modis International.

Le 13 décembre 2021, la Commission européenne a autorisé l’opération de concentration entre le groupe Adecco et la société Akka Technologies, opération finalisée le 24 février 2022 avec l’acquisition d’une participation majoritaire de 59,91 % du capital d’Akka Technologies.

L’OPA obligatoire de droit belge a été déposée le 24 février 2022 par Adecco auprès de la FSMA (l’autorité de régulation des marchés financiers belge), pour le rachat des parts restantes de la société Akka Technologies SE et a été lancée le 17 mars 2022.

Les instances représentatives de la société Akka Ingénierie Produit ont été convoquées à une réunion extraordinaire du comité d’entreprise fixée au 25 février 2022, réunion d’information en vue de la consultation du comité d’entreprise sur l’OPA déposée par la société Adecco sur la société Akka Technologies SE le 24 février 2022.

Par acte d’huissier de justice délivré le 31 mars 2022, le comité d’entreprise Akka Ingénierie Produit a fait assigner en référé la société Akka Ingénierie Produit, la société Akka Technologies SE et la société Modis aux fins d’obtenir principalement de :

à titre principal,

— constater que la violation par les sociétés Akka Technologies, Akka Ingénierie Produit et Adecco de leur obligation d’information-consultation du comité d’entreprise d’Akka Ingénierie Produit dans le cadre de l’OPA d’Adecco sur les sociétés du groupe Akka, dont fait partie Akka Ingénierie Produit, est constitutif d’un trouble manifestement illicite ;

— ordonner en conséquence la suspension de l’offre publique d’acquisition par la société Modis International AG des actions d’Akka Technologies tant que le comité d’entreprise de la société Akka Ingénierie Produit n’aura pas été régulièrement informé et consulté sur la prise de contrôle de la société Akka Technologies par Adecoo notamment par OPA annoncée publiquement par voie de presse le 28 juillet 2021 par Adecco et Akka Technologies,

à titre secondaire,

— constater que la violation par la société Akka Ingénierie Produit de son obligation générale d’information-consultation de son comité d’entreprise quant au projet de rachat des sociétés du groupe Akka par Adecco est constitutif d’un trouble manifestement illicite ;

— ordonner en conséquence la suspension de l’OPA par la société Modis International AG des actions d’Akka Technologies tant que le comité d’entreprise de Akka Ingénierie Produit n’aura pas été régulièrement informé et consulté sur la prise de contrôle de la société Akka Technologies par Adecco notamment par OPA annoncée publiquement par voie de presse le 28 juillet 2021 par Adecco et la société Akka Technologie,

en tout état de cause :

— constater que la violation par la société Akka Ingénierie Produit de son obligation générale d’information de son comité d’entreprise quant au projet de concentration des sociétés du groupe Akka Technologies et des sociétés du groupe Adecco est constitutif d’un trouble manifestement illicite,

— ordonner en conséquence la suspension de l’OPA par la société Modis International AG des actions d’Akka Technologies tant que le comité d’entreprise de la société Akka Ingénierie Produit n’aura pas été régulièrement informé et consulté sur la prise de contrôle de la société Akka Technologies par Adecco notamment par OPA annoncée publiquement par voie de presse le 28 juillet 2021 par Adecco et la société Akka Technologie,

— condamner les sociétés AkkaTechnologies, Akka Ingénierie Produit et Modis International AG, à verser au comité d’entreprise de la société Ingénierie Produit la somme de 2 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Par ordonnance contradictoire rendue le 7 juin 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles a :

— rejeté les demandes de mise hors de cause des sociétés Akka Technologies SE et Modis International AG,

— constaté 1'absence de trouble manifestement illicite,

— dit n’y avoir lieu à référé,

— rejeté l’ensemble des demandes du comité d’entreprise de la société Akka Ingénierie Produit,

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

— condamné le comité d’entreprise d’Akka Ingénierie Produit aux entiers dépens,

— dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit que tout appel de la décision doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai de 15 jours suivant la réception de la notification.

Par déclaration reçue au greffe le 17 juin 2022, le CE Akka Ingénierie Produit a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l’exception de ce qu’elle a :

— rejeté les demandes de mise hors de cause des sociétés Technologies et Modis International AG,

— dit que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai de 15 jours suivant la réception de la notification.

Dans ses dernières conclusions déposées le 22 novembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, le comité d’entreprise de la société Akka Ingénierie Produit demande à la cour, au visa des articles 700 du code de procédure civile et L. 2312-8, L. 2312-17 et L. 2312-41 à L. 2312-44 du code du travail, de :

— le déclarer bien fondé en son appel, et y faisant droit ;

— infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

— constaté 1'absence de trouble manifestement illicite,

— dit n’y avoir lieu à référé,

— rejeté l’ensemble des demandes du comité d’entreprise de la société Akka Ingéniérie Produit,

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

— condamné 1e comité d’entreprise d’Akka Ingéniérie Produit aux entiers dépens,

— dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

et statuant à nouveau,

— le recevoir en ses demandes et les déclarer bien fondées ;

au principal :

— constater que la violation par les sociétés Akka Technologies, Akka Ingéniérie Produit et Modis de leur obligation d’information-consultation du comité d’entreprise d’Akka Ingénierie Produit dans le cadre de l’OPA de Modis International AG sur les sociétés du groupe Akka, dont fait partie Akka Ingénierie Produit, est constitutive d’un trouble manifestement illicite ;

— ordonner en conséquence la suspension de l’offre publique d’acquisition par la société Modis International AG des actions de la société Akka Technologies tant que le comité d’entreprise de la société Akka Ingénierie Produit n’aura pas été régulièrement informé et consulté sur la prise de contrôle de la société Akka Technologies et de ses filiales par la société Modis International AG, notamment par la communication au comité d’une présentation fidèle, précise et loyale des modalités économique, financière et sociale de la prise de contrôle et de ses conséquences sur l’organisation du travail que sein des sociétés Akka et en particulier au sein de la société Akka Ingénierie Produit ;

— subsidiairement, ordonner en conséquence la suspension des effets de la cession des actions, suite à l’offre publique d’acquisition par la société Modis International AG sur la société Akka Technologie, tant que le comité d’entreprise d’Akka Ingénierie Produit n’aura pas été régulièrement informé et consulté sur la prise de contrôle de la société Akka Technologies et de ses filiales par la société Modis International AG, notamment par la communication au comité d’une présentation fidèle, précise et loyale des modalités économique, financière et sociale de la prise de contrôle et de ses conséquences sur l’organisation du travail que sein des sociétés Akka et en particulier au sein de la société Akka Ingénierie Produit ;

— plus subsidiairement, ordonner en conséquence la suspension des effets sociaux de l’offre publique d’acquisition par la société Modis International AG sur la société Akka Technologie, tant que le comité d’entreprise d’Akka Ingénierie Produit n’aura pas été régulièrement informé et consulté sur la prise de contrôle de Akka Technologies et de ses filiales par Modis International AG, notamment par la communication au comité d’une présentation fidèle, précise et loyale des modalités économique, financière et sociale de la prise de contrôle et de ses conséquences sur l’organisation du travail que sein des sociétés Akka et en particulier au sein de la société Akka Ingénierie Produit ;

au secondaire :

— constater que la violation par la société Akka Ingénierie Produit de son obligation générale d’information-consultation de son comité d’entreprise quant au projet de rachat des sociétés du groupe Akka par la société Modis International AG et en particulier relative à la prise de contrôle d’Akka Ingénierie Produit est constitutive d’un trouble manifestement illicite ;

— ordonner en conséquence la suspension de l’offre publique d’acquisition par la société Modis International AG des actions d’Akka Technologies tant que le comité d’entreprise d’Akka Ingénierie Produit n’aura pas été régulièrement informé et consulté sur la prise de contrôle de Akka Technologies et de ses filiales par la société Modis International AG, notamment par la communication au comité d’une présentation fidèle, précise et loyale des modalités économique, financière et sociale de la prise de contrôle et de ses conséquences sur l’organisation du travail que sein des sociétés Akka et en particulier au sein de la société Akka Ingénierie Produit ;

— subsidiairement, ordonner en conséquence la suspension des effets de la cession des actions, suite à l’offre publique d’acquisition par la société Modis International AG sur la société Akka Technologie, tant que le comité d’entreprise d’Akka Ingénierie Produit n’aura pas été régulièrement informé et consulté sur la prise de contrôle de la société Akka Technologies et de ses filiales par la société Modis International AG, notamment par la communication au comité d’une présentation fidèle, précise et loyale des modalités économique, financière et sociale de la prise de contrôle et de ses conséquences sur l’organisation du travail que sein des sociétés Akka et en particulier au sein de la société Akka Ingénierie Produit ;

— plus subsidiairement, ordonner en conséquence la suspension des effets sociaux de l’offre publique d’acquisition par la société Modis International AG sur la société Akka Technologie, tant que le comité d’entreprise d’Akka Ingénierie Produit n’aura pas été régulièrement informé et consulté sur la prise de contrôle de Akka Technologies et de ses filiales par la société Modis International AG, notamment par la communication au comité d’une présentation fidèle, précise et loyale des modalités économique, financière et sociale de la prise de contrôle et de ses conséquences sur l’organisation du travail que sein des sociétés Akka et en particulier au sein de la société Akka Ingénierie Produit ;

en tout état de cause,

— constater que la violation par la société Akka Ingénierie Produit de son obligation d’information au titre de l’article L. 2312-41 du code du travail, mais également de son obligation générale d’information-consultation au titre de l’article L. 2312-8 du code du travail, de son comité d’entreprise quant au projet de concentration des sociétés du groupe Akka Technologie et des sociétés du groupe Modis/Adecco est constitutive d’un trouble manifestement illicite ;

— ordonner en conséquence la suspension de l’offre publique d’acquisition par la société Modis International AG des actions d’Akka Technologies tant que le comité d’entreprise d’Akka Ingénierie Produit n’aura pas été régulièrement informé et consulté sur la prise de contrôle de la société Akka Technologies et de ses filiales par la société Modis International AG, notamment par la communication au comité d’une présentation fidèle, précise et loyale des modalités économique, financière et sociale de la prise de contrôle et de ses conséquences sur l’organisation du travail que sein des sociétés Akka et en particulier au sein de la société Akka Ingénierie Produit ;

— subsidiairement, ordonner en conséquence la suspension des effets de la cession des actions, suite à l’offre publique d’acquisition par la société Modis International AG sur la société Akka Technologie, tant que le comité d’entreprise d’Akka Ingénierie Produit n’aura pas été régulièrement informé et consulté sur la prise de contrôle de la société Akka Technologies et de ses filiales par la société Modis International AG, notamment par la communication au comité d’une présentation fidèle, précise et loyale des modalités économique, financière et sociale de la prise de contrôle et de ses conséquences sur l’organisation du travail que sein des sociétés Akka et en particulier au sein de la société Akka Ingénierie Produit ;

— plus subsidiairement, ordonner en conséquence la suspension des effets sociaux de l’offre publique d’acquisition par la société Modis International AG sur la société Akka Technologie, tant que le comité d’entreprise d’Akka Ingénierie Produit n’aura pas été régulièrement informé et consulté sur la prise de contrôle de la société Akka Technologies et de ses filiales par la société Modis International AG, notamment par la communication au comité d’une présentation fidèle, précise et loyale des modalités économique, financière et sociale de la prise de contrôle et de ses conséquences sur l’organisation du travail que sein des sociétés Akka et en particulier au sein de la société Akka Ingénierie Produit ;

— condamner les sociétés Akka Technologies, Akka Ingénierie Produit et Modis International AG à verser au Comité d’entreprise de la société Akka Ingénierie Produit la somme de 2 000 euroschacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner les sociétés Akka Technologies, Akka Ingénierie Produit et Modis International AG aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d’appel au profit de Maître Philippe Chteauneuf, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 29 novembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les sociétés Akka Ingéniérie Produit et Akka Technologies SE demandent à la cour de :

— infirmer l’ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Versailles le 7 juin 2022 en ce qu’elle a rejeté les demandes de mises hors de cause de la société Akka Technologies et la société Modis ;

en conséquence :

— ordonner la mise hors de cause de la société Akka Technologies et déclarer irrecevables les demandes formulées à son encontre ;

— confirmer l’ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Versailles le 7 juin 2022 en ce qu’elle a :

— constaté l’absence de trouble manifestement illicite ;

— dit n’y avoir lieu à référé ;

— rejeté l’ensemble des demandes du CE ;

— débouté le CE de ses demandes plus amples ou contraires ;

— condamné le CE aux entiers dépens ;

en conséquence :

— débouter le CE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

en tout état de cause,

— condamner le CE à verser à la société Akka Ingéniérie Produit la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner le CE à verser à la société Akka Technologies la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 9 décembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Modis International AG demande à la cour, au visa des articles 117, 122, 700, 834 et 835 du code de procédure civile et L. 2312-41 à L. 2312-52 du code du travail, de :

— déclarer le CE mal fondé en son appel ;

— recevoir la société Modis en son appel incident ;

— infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande de mise hors de cause de la société Modis ;

— et la confirmer pour le surplus ;

statuant à nouveau,

à titre principal :

— prononcer l’irrecevabilité des demandes formulées à son encontre par le CE ;

en conséquence ;

— prononcer sa mise hors de cause ;

à titre subsidiaire sur le fond ;

— constater que les sociétés intimées n’avaient pas l’obligation de consulter le CE au moment de l’annonce de l’OPA, mais au moment du dépôt de l’offre ;

— constater que les règles spéciales du code du travail relatives à la consultation du CSE sur l’OPA ont bien été respectées ;

— constater que la procédure d’information-consultation conduite auprès du CE résultant des articles L. 2312-42 à L. 2312-52 du code du travail est actuellement achevée ;

en conséquence:

— dire et juger que la demande principale de suspension de l’offre publique d’acquisition par la société Modis International AG des actions d’Akka Technologies, la demande subsidiaire de suspension des effets de la cession des actions d’Akka Technologies et la demande très subsidiaire de suspension des effets sociaux de l’offre publique d’acquisition sont mal-fondées et qu’il n’y a pas de trouble manifestement illicite ;

— dire qu’il n’y a pas lieu à référé ;

à titre infiniment subsidiaire sur le fond,

— constater que la procédure d’OPA est une opération de droit belge qui est aujourd’hui achevée ;

en conséquence :

— dire que les demandes du CE excèdent les pouvoirs du juge des référés ;

en tout état de cause,

— débouter le CE de l’ensemble de ses demandes ;

— condamner le CE à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La cour rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constater’ ou de 'dire et juger’ qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques.

Sur les irrecevabilités soulevées par les sociétés Akka Technologies SE et Modis :

La société Akka Technlogies SE demande à la cour de déclarer les demandes formulées à son encontre irrecevables, faute pour le comité d’entreprise de la société Akka Ingénierie Produit de qualité à agir à son encontre.

Elle fait valoir qu’elle est la société mère du groupe Akka, société de droit belge faisant l’objet de l’OPA, et qu’elle n’est pas dotée de représentants du personnel ; qu’elle n’est pas intégrée au périmètre d’intervention du comité d’entreprise de la société Akka Ingénierie Produit qui est circonscrit au périmètre de la société Akka Ingénierie Produit dont les représentants du personnel n’ont pas qualité à agir à son encontre, n’entretenant aucun lien de droit avec elle.

Elle ajoute qu’étant la société cible de l’OPA, elle n’est matériellement pas en mesure de suspendre l’acquisition des actions par le groupe Adecco.

La société Modis soulève également l’irrecevabilité de l’action intentée par le comité d’entreprise de la société Akka Ingénierie Produit à son encontre faute de qualité à agir.

Elle entend rappeler que seul l’employeur est débiteur de l’obligation d’organiser les procédures d’information-consultation des représentants du personnel sur les projets qu’il envisage de mettre en 'uvre, dans le cadre des dispositions fixées par le code du travail.

Ainsi, elle soutient qu’en matière d’OPA, il découle de l’article L. 2312-42 du code du travail qu’au sein de l’entreprise cible, c’est « à l’employeur de l’entreprise sur laquelle porte l’offre » de réunir le CSE de cette entreprise pour l’en informer.

Le CSE appelant rétorque que la société Akka Technlogies SE ne peut sérieusement se prévaloir de sa qualité de tiers compte tenu du fait que c’est par son truchement que la société Modis prend le contrôle de la société Akka Ingénierie Produit.

S’agissant de la société Modis, il soutient que l’obligation d’information-consultation en cas d’OPA repose aussi sur la société auteure de l’offre, entendant souligner qu’une entreprise étrangère ayant des activités en France reste soumise à l’application des règles d’ordre public du droit social.

Il soutient qu’en vertu d’une jurisprudence constante (dite des « wagons-lits »), Modis, société de droit suisse, en tant que société auteure de l’OPA, est bien soumise à l’obligation d’information vis-à-vis du CE de la société Akka Ingénierie Produit, cible de l’OPA.

Sur ce,

L’article 31 du code de procédure civile dispose que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Or il découle tant de l’article L. 2312-42 du code du travail que lors du dépôt d’une offre publique d’acquisition, l’employeur de l’entreprise sur laquelle porte l’offre et l’employeur qui est l’auteur de cette offre réunissent immédiatement leur CSE respectif pour les en informer (souligné par la cour).

Aucun texte ne prévoit d’obligation d’information-consultation de l’employeur auteur de l’offre à l’égard du CSE de l’entreprise sur laquelle porte l’offre.

Toutefois, il découle des articles L. 2312-43 et suivants que l’entreprise auteure de l’offre est dans le cadre de cette procédure elle aussi tenue de certaines obligations vis-à-vis du CE de l’entreprise visée par l’offre, notamment en ce que celui-ci peut décider qu’il soit procédé à son audition et en ce que l’auteur de l’offre doit adresser à ce comité d’entreprise, dans les trois jours suivant sa publication, la note d’information mentionnée au III de l’article L. 621-8 du code monétaire et financier.

En application de ces dispositions, le CE est susceptible d’avoir un intérêt à agir s’agissant des informations que doit communiquer l’entreprise auteure de l’offre dans ce cadre.

L’ordonnance querellée sera confirmée en ce qu’elle a rejeté le moyen d’irrecevabilité soulevé par la société Modis.

En revanche, n’est pas prévue de procédure d’information-consultation du CSE des sociétés filles à l’initiative de la société mère qui fait directement l’objet de l’OPA.

De la même façon, l’obligation d’information-consultation invoquée par l’appelant sur le fondement des dispositions générales de l’article L. 2312-8 ne concerne que l’employeur des salariés représentés par le CSE de la société à laquelle ils appartiennent, à l’exclusion de tout autre, et alors qu’il n’est nullement reproché un défaut de consultation du CSE de groupe.

Enfin, s’agissant des obligations à l’égard du CSE dans le cadre d’une concentration, l’article L. 2312-41 envisage la réunion du CSE de la société qui fait partie d’une opération de concentration, à l’exclusion de toute autre.

Partant, il découle de ces règles que l’appelant est en l’espèce dépourvu d’intérêt à agir à l’encontre de la société Akka Technlogies SE, laquelle n’est débitrice d’aucune des obligations d’information-consultation alléguées d’irrégularités.

En conséquence, le comité d’entreprise de la société Akka Ingénierie Produit sera, par voie d’infirmation, déclaré irrecevable en son action à l’égard de la société Akka Technologies SE.

Sur le trouble manifestement illicite :

Le CE appelant fonde ses demandes sur trois différents manquements des sociétés intimées, entendant à chaque fois caractériser l’existence d’un trouble manifestement illicite justifiant les mesures consistant à voir ordonner la suspension de l’offre publique d’acquisition par Modis International des actions d’Akka Technologies tant qu’il n’aura pas été valablement informé et consulté sur la prise de contrôle d’Akka Technologies et de ses filiales par Modis International AG, la suspension des effets de la cession des actions de la société Akka Technlogies SE et la suspension des effets sociaux de l’OPA.

Il argue en premier lieu d’une violation par les sociétés Akka Technologies SE, Akka Ingénierie Produit et Modis International AG de leur obligation d’information-consultation dans le cadre de l’OPA de Modis International AG sur les sociétés du groupe Akka dont fait partie Akka Ingénierie Produit.

Invoquant les articles L. 2312-42, L. 2312-43 et L. 2312-44 du code du travail, il soutient qu’il existe une obligation d’information-consultation du comité d’entreprise en cas d’OPA, surtout pour l’employeur sur lequel porte l’offre et que lorsque l’OPA visa à prendre le contrôle d’un groupe, il doit être considéré qu’elle porte sur toutes les entreprises dont il s’agit de prendre le contrôle.

Il soutient également que la date réelle du dépôt de l’OPA est celle du 28 juillet 2021 lors de son annonce dans la presse et souligne que la société Modis ne communique aucun élément permettant de dater le dépôt de l’offre.

Il en conclut que la société Akka Ingénierie Produit aurait dû informer et consulter son CE sur l’OPA dès son déclenchement le 28 juillet 2021 et que la société Akka Technologies SE ne peut se prévaloir de sa qualité de tiers puisque c’est par son truchement que la société Modis prend le contrôle de la société Akka Ingénierie Produit.

Il conteste en outre le contenu de la documentation remise au CE lors de la consultation tardive du 25 février 2022, s’agissant en particulier des conséquences de l’opération sur l’organisation du travail, le rattachement des salariés, le nombre de postes ou encore les modifications du contrat de travail, soulignant que le document remis le 30 mars 2022 aux élus du CE présente la fermeture de plusieurs sites.

Il réfute également l’argument de la société Akka Ingénierie Produit selon lequel l’OPA serait clôturée depuis le 11 mai 2022, aucun document officiel n’étant produit à cet égard.

Le CE de la société Akka Ingénierie Produit argue à titre « secondaire » de la violation par la société Akka Ingénierie Produit de son obligation générale d’information-consultation issue de l’article L. 2312-8 du code du travail.

Il fait valoir qu’en cas de projet de rachat d’une société par une autre, l’entreprise sur laquelle porte le projet de rachat, ainsi que ses filiales, sont tenues d’informer leurs CSE respectifs dès lors que le projet de rachat est suffisamment abouti.

Il développe à cet égard sur le fait que le projet de contrôle lors de son annonce publique était suffisamment abouti pour être soumis aux institutions représentatives du personnel.

Le CE de la société Akka Ingénierie Produit conclut ensuite à la violation de la procédure d’information-consultation dans le cadre de l’opération de concentration en cours entre le groupe Adecco et le groupe Akka Technologies, visant à cet égard les dispositions de l’article L. 2312-41 du code du travail.

Il indique que le projet de concentration entre Adecco et Akka Technologies a été notifié à la Commission européenne le 16 novembre 2021 et que celle-ci a publié un communiqué le 23 novembre 2021, de sorte qu’à cette date au plus tard, les entreprises du groupe Akka, dont la société Akka Ingénierie Produit, devaient réunir leurs IRP afin de les informer sur l’opération de concentration et leur permettre d’avoir, le cas échéant, recours à un expert-comptable.

Il relève que les sociétés intimées reconnaissent dans leurs écritures que cette opération aura des conséquences prévisibles sur l’emploi.

Les sociétés Akka Ingénierie Produit et Akka Technologies SE sollicitent quant à elles la confirmation de l’ordonnance querellée qui a considéré qu’aucun trouble manifestement illicite n’était caractérisé.

Elles concluent à l’absence de violation de la procédure d’information-consultation du CE Akka Ingénierie Produit dans le cadre de l’opération OPA.

Elles soutiennent qu’aucune OPA n’a été mise en 'uvre avant le 24 février 2022, date de son dépôt auprès de la FSMA, date à partir de laquelle la société Akka Ingénierie Produit a diligenté la procédure d’information-consultation adéquate.

Elles contestent que l’annonce du rapprochement entre Akka et Modis le 28 juillet 2021 puisse déclencher la procédure d’information-consultation et font valoir que cette dernière a été correctement menée à compter du 25 février 2022.

Elles ajoutent que lorsque le projet de rapprochement a été suffisamment élaboré, le CE a été convoqué à une réunion extraordinaire qui s’est tenue le 6 mai 2022 et qu’il a reçu toutes les informations nécessaires sur les conséquences sociales et les projets de mouvements de sites.

Par ailleurs, elles font valoir que l’OPA a été clôturée le 11 mai 2022.

Elles contestent ensuite toute violation de la procédure d’information-consultation du CE dans le cadre de la marche générale de l’entreprise, prévue à l’article L. 2312-8 du code du travail.

Elles font valoir ici aussi que la consultation n’est obligatoire qu’à partir du moment où le projet est suffisamment abouti, ce qui n’a pu être le cas avant le 24 février 2022 (les règles concurrentielles interdisant aux groupes Akka et Adecco et à leurs entités d’interagir antérieurement).

Les sociétés Akka Ingénierie Produit et Akka Technologies SE contestent enfin toute violation de la procédure d’information-consultation dans le cadre de l’opération de concentration.

Elles soulignent à cet égard que :

— l’article L. 2312-41 du code du travail prévoit une simple information dans ce cadre et non une consultation ;

— le CE de groupe Akka a été informé du projet de concentration le 19 novembre 2021 ;

— le dernier alinéa de l’article permet de remplir l’obligation d’information en matière de concentration dans l’hypothèse où elle précède une OPA.

A titre subsidiaire et au fond, la société Modis demande la confirmation de l’ordonnance querellée.

La société Modis soutient d’abord que les demandes du CE sont infondées puisqu’il résulte clairement des textes qu’aucune consultation du comité d’entreprise de la société Akka Ingénierie Produit n’était requise au moment de l’annonce de l’OPA.

Elle soutient également que dans le cadre de la procédure d’information-consultation sur l’OPA initiée par la société Akka Ingénierie Produit à compter du 25 février 2022, les informations données ont été suffisantes, un expert ayant notamment été désigné par le CE, lequel a transmis son rapport le 24 mars 2022 au CE appelant, puis que le CE a de nouveau été réuni les 18 et 25 mars 2022.

Elle fait valoir que lors de cette quatrième réunion, les élus ont refusé de rendre un avis sur l’OPA, ce qui équivaut à un avis négatif.

La société Modis soutient ensuite que les demandes formulées par l’appelant sont devenues sans objet du fait de l’achèvement de la procédure d’information-consultation ainsi que de celui de l’OPA, la période de « squeeze out » permettant au groupe Adecco d’acquérir les titres restant s’étant achevée le 11 mai.

Pour les mêmes raisons, elle conclut également à l’inutilité des mesures sollicitées.

Sur ce,

Aux termes de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le juge du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite est caractérisé par « toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit » qu’il incombe à celui qui s’en prétend victime de démontrer.

Sur la procédure dans le cadre de l’OPA :

Le code du travail prévoit une procédure d’information-consultation du CSE spécifique en cas d’offre publique d’acquisition, laquelle est régie par les articles qui suivent.

Article L. 2312-42 :

Lors du dépôt d’une offre publique d’acquisition, l’employeur de l’entreprise sur laquelle porte l’offre et l’employeur qui est l’auteur de cette offre réunissent immédiatement leur comité social et économique respectif pour les en informer.

L’employeur auteur de l’offre réunit le comité social et économique dans les conditions prévues à l’article L. 2312-49.

Au cours de la réunion du comité social et économique de l’entreprise qui fait l’objet de l’offre, l’employeur indique si l’offre a été sollicitée ou non. Le comité social et économique décide s’il souhaite procéder à l’audition de l’auteur de l’offre et désigner un expert-comptable dans les conditions prévues aux articles L. 2315-92 et L. 2315-93. Il peut également se prononcer sur le caractère amical ou hostile de l’offre.

Article L. 2312-43 :

L’audition de l’auteur de l’offre mentionnée au dernier alinéa de l’article L. 2312-42 se tient dans un délai d’une semaine à compter du dépôt du projet d’offre publique d’acquisition.

Lors de son audition, l’auteur de l’offre peut se faire assister des personnes de son choix. Il présente au comité social et économique sa politique industrielle et financière, ses plans stratégiques pour la société concernée et les répercussions de la mise en 'uvre de l’offre sur l’ensemble des intérêts, l’emploi, les sites d’activité et la localisation des centres de décision de cette société.

Le comité social et économique peut se faire assister de l’expert-comptable désigné en application du dernier alinéa du même article L. 2312-42.

Article L. 2312-44 :

L’auteur de l’offre adresse au comité social et économique qui en fait l’objet, dans les trois jours suivant sa publication, la note d’information mentionnée au III de l’article L. 621-8 du code monétaire et financier.

Ainsi, il résulte clairement de ces textes que l’information-consultation du CE de l’entreprise qui fait l’objet de l’offre, soit en l’espèce du comité d’entreprise de la société Akka Ingénierie Produit, n’est requise qu’au moment « du dépôt de l’offre publique d’acquisition ».

Or s’il ressort en effet du communiqué de presse de la FSMA et d’articles de presse que l’annonce de l’OPA d’Adecco sur Akka a été faite publiquement le 28 juillet 2021, il ressort également sans ambiguïté des débats et en particulier de la pièce n° 7 de la société Akka Ingénierie Produit ainsi que des pièces 19 (intitulée « Avis rendu public par la FSMA en application de l’article 7 de l’arrêté royal du 27 avril 2007 relatif aux offres publiques d’acquisition ») et 20 (copie de l’écran de la page « liste des annonces d’offres publiques d’acquisition » de la FSMA) de la société Modis, que le dépôt de l’offre au sens des dispositions susvisées a quant à lui été fait le 24 février 2022.

Ainsi, en convoquant le CE à une réunion extraordinaire le lendemain, 25 février 2022, avec notamment comme point mis à l’ordre du jour à l’initiative de l’employeur « Conformément à l’article L. 2312-42 du code du travail (ancien article L. 2323-35 du code du travail) : première réunion d’information en vue de la consultation du CE relative à l’OPA déposée par la société Adecco sur la société Akka Technlogies SE, le 24 février 2022 », la société Akka Ingénierie Produit s’est à l’évidence conformée à ses obligations légales et il ne saurait résulter nul trouble manifestement illicite à ce titre.

Le comité d’entreprise de la société Akka Ingénierie Produit prétend encore que l’information qui lui a été transmise lors du déclenchement de cette procédure d’information-consultation relative à l’OPA est insuffisante, notamment en ce qui concerne les conséquences sur l’organisation des activités et les effets sur l’emploi.

Il fait en particulier grief au premier juge d’avoir considéré qu’au vu de la motion adoptée lors de la réunion du CE du 25 mars 2022 précisant « l’avis qui est attendu porte sur le projet d’OPA et que les étapes suivantes du projet de rapprochement feront l’objet de consultations ultérieures », il était démontré que les élus avaient parfaitement conscience du caractère évolutif du projet s’agissant notamment de ses conséquences sur l’emploi.

Or le caractère évolutif de l’impact de l’OPA sur l’emploi, qui découle effectivement d’un mécanisme de rachat divisé en plusieurs opérations étendues dans le temps, conditionné à diverses autorisations, n’est pourtant pas utilement contredit par le CE.

Par ailleurs, il est acquis que dès la réunion du 25 février 2022, le cabinet d’expertise Diagoris a été désigné afin d’assister le comité d’entreprise de la société Akka Ingénierie Produit dans le cadre de cette procédure d’information-consultation.

L’expert a rendu en mars 2022 son rapport et aucun défaut de communication d’informations n’a alors été soulevé, ni par l’expert, ni par le CE.

La procédure d’information-consultation s’est clôturée le 25 mars 2022 et quand bien même une telle saisine n’est pas obligatoire, il est éloquent que le CE n’ait pas usé de la faculté qui lui est offerte par l’article L. 2312-46 II de saisir le tribunal judiciaire selon la procédure accélérée au fond pour obtenir, avant sa clôture, communication des éléments prétendument manquants.

L’appelant n’apporte aucun élément permettant de démentir les dires des sociétés intimées, selon lesquels « au moment de l’annonce du mois de juillet 2021, les parties à l’opération n’avaient que très peu d’éléments », « le succès de l’opération envisagée était très aléatoire puisqu’il dépendait de nombreuses autorisations, et que d’autre part, jusqu’à la réalisation de l’acquisition de la participation majoritaire, les groupes Adecco et Akka restaient des groupes concurrents. Les informations très confidentielles qui ont pu être échangées l’ont été en nombre très limité eu égard à la réglementation régissant l’interdiction des ententes et les délits d’initiés. Pendant ces 7 mois de procédures auprès des autorités compétentes, le groupe Adecco qui ne s’est jamais caché de son souhait d’intégrer Modis et Akka une fois l’acquisition réalisée, n’a pu en raison de ces contraintes réglementaires très lourdes, travailler sur un projet d’intégration juridique ni même d’intégration des activités et métiers » (page 20 des conclusions de la société Modis).

L’appelant ne fait qu’affirmer, sans le démontrer, que l’employeur aurait pu lui communiquer en amont les informations adéquates, lesquelles ont été remises aux élus à l’occasion de la réunion extraordinaire du 6 mai 2022 ayant pour ordre du jour « Information en vue de la consultation, sur le projet de réorganisation opérationnelle de nos activités en vue du rapprochement des activités des société Modis et Akka en France : présentation du projet de rapprochement opérationnel cible, et conséquences sur l’organisation des activités et les conditions de travail », pour laquelle une documentation était remise, contenant notamment un point sur les « conséquences sociales du projet », dont il ne précise pas là non plus, à part déplorer qu’il ne fasse qu’une seule page, les lacunes.

En conséquence, le trouble manifestement illicite n’est pas davantage caractérisé s’agissant du contenu de l’information.

Sur la procédure dans le cadre de l’obligation générale d’information-consultation :

Selon l’article L. 2312-8 du Code du travail, « Le comité social et économique a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production ».

Pour assurer l’expression collective des salariés, le CSE (ou CE au cas présent) doit être consulté en amont de la décision de l’employeur, quand celle-ci est encore à l’état de projet et qu’elle peut être amendée, afin d’appréhender les conséquences de la décision pour les salariés, et de faire valoir d’éventuelles solutions alternatives.

Encore cela suppose-t-il que le projet en question soit suffisamment élaboré et abouti concernant les impacts du rapprochement sur les salariés, et notamment en matière d’emploi, de conditions de travail et impactant la marche générale de la société Akka Ingénierie Produit.

Il est acquis en l’espèce que le rapprochement entre la société Akka Technlogies SE et le groupe Adecco, dont la société Modis est une filiale à 100 %, s’est réalisé en deux temps :

— première étape : rachat des parts de la famille Ricci et Swilux, détenant ensemble environ 60 % du capital de la société Akka Technlogies SE, prévu au début du premier trimestre 2022,

— deuxième étape : une OPA en Belgique et en France pour les titres restants de la société Akka Technlogies SE par la société Modis, devant être lancée vers la fin du premier trimestre 2022.

Or comme le font valoir les sociétés intimées, en juillet 2021, il n’apparaît pas avec l’évidence requise, que l’annonce portait sur un projet abouti compte tenu du positionnement des deux sociétés sur le marché, imposant des procédures en matière de droit de la concurrence et de droit boursier, supposant l’obtention de nombreuses autorisations, dont celle de la Commission européenne.

En outre, comme ci-dessus déjà évoqué, les groupes Akka et Adecco demeuraient pendant toute cette période des groupes concurrents, les empêchant de discuter de la forme que pourrait prendre leur futur rapprochement s’il était autorisé, eu égard à la réglementation régissant l’interdiction des ententes et les délits d’initiés.

A défaut pour l’appelant de caractériser comment les impacts du rapprochement sur les salariés, et notamment en matière d’emploi, de conditions de travail et impactant la marche générale de la société Akka Ingénierie Produit auraient pu être suffisamment connus dès le mois de juillet 2021, au moment de l’annonce du projet de prise de contrôle, le trouble manifestement illicite n’apparaît là non plus pas caractérisé.

Sur la procédure dans le cadre de l’opération de concentration :

Aux termes de l’article L. 2312-41 du code du travail, « Lorsqu’une entreprise est partie à une opération de concentration, telle que définie à l’article L. 430-1 du code de commerce, l’employeur réunit le comité social et économique au plus tard dans un délai de trois jours à compter de la publication du communiqué relatif à la notification du projet de concentration, émanant soit de l’autorité administrative française en application de l’article L. 430-3 du même code, soit de la Commission européenne en application du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 sur les concentrations.

Au cours de cette réunion, le comité social et économique ou, le cas échéant, la commission économique peut proposer le recours à un expert-comptable dans les conditions prévues aux articles L. 2315-92 et L. 2315-93. Dans ce cas, le comité ou la commission économique tient une deuxième réunion afin d’entendre les résultats des travaux de l’expert.

Les dispositions du premier alinéa sont réputées satisfaites lorsque le comité social et économique se réunit suite au dépôt d’une offre publique d’acquisition en application des dispositions du sous-paragraphe 5. »

Ce texte, inséré dans le code du travail au sein de la sous-section 4 intitulée 'consultations et informations ponctuelles’ vise bien une procédure d’information-consultation.

Par ailleurs, le dernier alinéa ne peut être compris comme dispensant l’employeur de cette procédure lorsque l’OPA est postérieure à l’opération de concentration, comme tel est le cas en l’espèce.

Toutefois, alors que le communiqué relatif à la notification auprès de la Commission européenne du projet de concentration a été publié le 17 novembre 2021, il doit être constaté que l’assignation en justice du CE appelant, par acte délivré le 31 mars 2022, est tardive.

En outre, à supposer qu’une procédure d’information-consultation devrait être menée au sein des sociétés dépendant de la société mère qui fait l’objet de l’opération de concentration, ce qui n’est pas avéré en l’espèce, il est en outre seulement demandé au titre des mesures de nature à faire cesser le trouble manifestement illicite invoqué, la suspension de l’OPA, soit une mesure bien plus large, et donc disproportionnée s’agissant du non-respect de la procédure d’information-consultation dans le cadre de la concentration ayant précédé cette OPA.

Ainsi, un éventuel manquement de l’entreprise à son obligation d’information dans ce cadre ne saurait avoir pour conséquence la suspension de l’opération plus large d’OPA, de sorte qu’il sera également dit n’y avoir lieu à référé à ce titre.

En conséquence de tout ce qui précède, l’ordonnance querellée sera confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé au titre du trouble manifestement illicite.

Sur les demandes accessoires :

L’ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, le comité d’entreprise de la société Akka Ingénierie Produit ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles. Il devra en outre supporter les dépens d’appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser aux sociétés intimées la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. L’appelant sera en conséquence condamné à verser aux sociétés Akka Ingénierie Produit et Akka Technlogies SE, ensemble, une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à la société Modis celle de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme l’ordonnance du 7 juin 2022, telle que rectifiée par celle du 9 juin 2022, sauf en ce qu’elle a rejeté la demande de mise hors de cause de la société Akka Technlogies SE,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Déclare l’action du comité d’entreprise de la société Akka Ingénierie Produit irrecevable à l’encontre de la société Akka Technologies SE,

Condamne le comité d’entreprise de la société Akka Ingénierie Produit à verser aux sociétés Akka Ingénierie Produit et Akka Technlogies SE, ensemble, une somme de 2 000 euros et à la société Modis International AG la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que le comité d’entreprise de la société Akka Ingénierie Produit supportera les dépens d’appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 16 février 2023, n° 22/04036