Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 7 décembre 2023, n° 22/00209

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch., 7 déc. 2023, n° 22/00209
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 22/00209
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 26 octobre 2021, N° 2020F00617
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 18 décembre 2023
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Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59A

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 DECEMBRE 2023

N° RG 22/00209 – N° Portalis DBV3-V-B7G-U6GE

AFFAIRE :

S.A.R.L. DOMIDOM FRANCHISE

C/

[E] [F]

S.E.L.A.R.L. AJ UP

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Octobre 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 2020F00617

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Mélina PEDROLETTI

Me Martine DUPUIS

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT DECEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.R.L. DOMIDOM FRANCHISE

RCS Nanterre n° 510 380 587

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 et Me Lionel LEFEBVRE de la SELARL HUBERT BENSOUSSAN & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [E] [F]

[Adresse 6]

[Localité 9]

S.A.R.L. EVEREST SILVER venant aux droits de la SARL AIDIS

RCS Nantes n° 850 423 922

[Adresse 12]

[Localité 5]

Représentés par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Céline DENIS de la SELARL DENIS & HERREMAN-GAUTRON, Plaidant, avocat au barreau de RENNES, vestiaire : 61

INTIMES

****************

S.E.L.A.R.L. AJ UP, prise en la personne de Me [N] [M], administrateur judiciaire de la société EVEREST SILVER désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Nantes en date du 15 juin 2022

[Adresse 3]

[Localité 4]

S.E.L.A.R.L. PHILIPPE DELAERE ET ASSOCIÉS en qualité de liquidateur judiciaire de la société EVEREST SILVER désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Nantes en date du 22 février 2023

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentées par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625et Me Céline DENIS de la SELARL DENIS & HERREMAN-GAUTRON, Plaidant, avocat au barreau de RENNES, vestiaire : 61

PARTIES INTERVENANTES

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 Octobre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSÉ DES FAITS

La société Domidom Franchise, ci-après dénommée la société Domidom, a développé un réseau de franchise relatif à un concept d’agences de services à la personne à domicile sous l’enseigne Domidom, dont les activités sont les suivantes :

— Le soutien aux personnes âgées,

— Le ménage-repassage,

— La garde d’enfant,

— Le jardinage-bricolage.

Le 13 février 2010, M. [E] [F], agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de représentant de la Sarlu Aideo en cours de constitution et dont il est l’unique associé, a signé avec la société Domidom un contrat de franchise d’une durée initiale de 7 ans en vue d’exploiter le concept Domidom dans la zone de [Localité 9].

Le 24 juillet 2013, M. [F], agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de représentant de la société Aideo, a signé avec la société Domidom un second contrat de franchise d’une durée initiale de 5 ans en vue d’exploiter le concept Domidom dans la zone d'[Localité 8]. La Sarlu Aidis, dont il est également l’unique associé, a été substituée à la société Aideo pour ce contrat.

En janvier 2014, le groupe Orpéa, spécialisé dans la prise en charge de la dépendance, a pris le contrôle du réseau Domidom.

Le 1er septembre 2014, M. [F], agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de représentant de la Sarlu SBM dont il est l’unique associé, a signé avec la société Domidom un contrat de franchise d’une durée initiale de 5 ans en vue d’exploiter le concept Domidom dans la zone de [Localité 14].

En 2015, le groupe Orpéa a pris le contrôle d’un autre réseau de franchise spécialisé dans les services d’aides à la personne à domicile, la société Adhap Services.

Le 2 décembre 2015, M. [F], agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de représentant de la Sarlu SJM dont il est l’unique associé, a signé avec la société Domidom un contrat de franchise d’une durée initiale de 7 ans en vue d’exploiter le concept Adhap Services dans la zone de [Localité 15].

Le 12 février 2017, le contrat relatif à la zone de [Localité 9] a été renouvelé tacitement pour une durée de 5 ans.

Le 18 juillet 2017, M. [F] a informé le franchiseur de sa volonté de ne pas renouveler le contrat pour la zone d'[Localité 8] à son terme le 23 juillet 2018.

Le 27 juillet 2017, le franchiseur a accusé réception de cette décision, qu’il a dit regretter au regard des discussions en cours entre les parties au sujet d’un projet de développement initié par le franchisé. Il a signalé à M. [F] que les autres contrats en vigueur pour les zones de [Localité 14] et [Localité 9] interdisaient toute activité concurrente aux enseignes Domidom et Adhap Services jusqu’au terme du contrat dont l’échéance arrivait en dernier, soit jusqu’au 2 décembre 2022 et ce, sur tout le territoire français.

Les parties ont entamé des discussions qui ont donné lieu à l’élaboration d’un protocole entre

la société Adhap et M. [F] le 14 avril 2018 par lequel ce dernier s’engageait à faire ses meilleurs efforts pour céder les trois centres Domidom qu’il exploitait, tandis que la société Adhap acceptait de notifier à M. [F] des projets de cession de franchises Adhap. Ce protocole comportait la renonciation par le franchisé à sa décision du 18 juillet 2017 de ne pas renouveler le contrat de franchise Domidom d'[Localité 8].

Ce protocole n’a toutefois pas été accepté par les sociétés Domidom et Adhap.

Par LRAR du 20 avril 2018 adressée à M. [F], la société Domidom a dit prendre acte de sa renonciation à la résiliation du contrat de franchise d'[Localité 8] notifiée le 18 juillet 2017 et en a conclu que ce contrat avait vocation à se renouveler le 23 juillet 2018 tacitement pour une durée de 5 ans. Elle a également pris acte de ce que M. [F] avait pour objectif de céder les 3 centres Domidom qu’il exploitait en les conservant dans le réseau Domidom. Enfin elle a pris acte du souhait de ce dernier d’acquérir des centres Adhap Services.

Le 20 août 2018, la société SBM ([Localité 14]) a notifié à la société Domidom la résiliation du contrat de franchise du 1er septembre 2014 à effet au 31 août 2019.

Les 3 et 5 octobre 2018, la société BFM Développement, également détenue par M. [F], a notifié à la société Domidom la cession de l’intégralité de ses parts dans les sociétés SBM ([Localité 14]) et Aideo ([Localité 9]) à des sociétés tierces, afin que le franchiseur se prononce sur la mise en 'uvre de son droit de préemption et l’agrément des tiers en qualité de cessionnaire des contrats de franchise Domidom .

Par LRAR des 5 novembre et 16 novembre 2018, la société Domidom a informé la société BFM Développement que la cession des parts de ces deux sociétés à des concurrents du réseau Domidom rendait impossible la poursuite des contrats de franchise pour les centres de [Localité 14] et [Localité 9], conduisant à la resiliation anticipée de ces contrats aux torts des sociétés SBM et Aideo. La société Domidom a réclamé par ailleurs le paiement des redevances jusqu’au terme théorique du contrat.

A compter du deuxième trimestre 2019, la société Aidis a cessé de communiquer ses données financières trimestrielles au franchiseur, empêchant ce dernier de calculer le montant des redevances d’exploitation et de publicité et de procéder à la facturation y afférente.

Par LRAR du 1er août 2019, la société Aidis a notifié à la société Domidom la cessation des relations commerciales concernant le site d'[Localité 8] à compter du 31 décembre 2019. Elle a rappelé qu’elle avait dénoncé le contrat de franchise le 18 juillet 2017 et soutenu qu’un nouveau contrat à durée indéterminée s’était formé à la suite du premier. Elle a contesté la clause de non-concurrence, affirmant qu’elle n’est pas proportionnée à l’objectif de préservation du savoir-faire du franchiseur, qu’elle est contraire au principe de la liberté du commerce et qu’elle constitue un abus de dépendance économique.

Le 7 août 2019, la société Domidom a répondu que, selon elle, le contrat de franchise d'[Localité 8] avait été renouvelé pour une durée de 5 ans à compter du 23 juillet 2018, soit jusqu’au 22 juillet 2023. Elle a informé M. [F] des conséquences pécuniaires résultant de la mise en oeuvre d’une résiliation anticipée avant cette date et a affirmé que les clauses de non-concurrence sont parfaitement valables et doivent être respectées

Par LRAR du 18 octobre 2019, la société Domidom a mis en demeure les sociétés Aidis de lui communiquer le montant de son chiffre d’affaires des 2ème et 3ème trimestres 2019 et a joint à ce courrier les factures de redevances des 2ème et 3ème trimestre 2019 qu’elle a établies sur la base du chiffre d’affaires précédent majoré de 30% selon les stipulations contractuelles, soit la somme totale de 14.120,06 € TTC. La société Aidis n’a procédé à aucun règlement.

M. [F] et ses sociétés ont alors saisi la chambre de médiation de la Fédération française de la franchise.

Le 21 novembre 2019, les sociétés Aidis et SBM ont cédé à la société Maid4u, également détenue par M. [F], leur fonds de commerce pour le prix de 10.700 € et 37.800 €. La société Aidis a ensuite fait l’objet d’une fusion-absorption le 1er décembre 2019 par la Sarl Everest Silver. La société Aidis a été radiée du RCS le 19 décembre 2019.

Par LRAR du 18 décembre 2019, la société Domidom a constaté la rupture du contrat de franchise aux torts et griefs exclusifs du franchisé à effet au 16 décembre 2019, expliquant avoir découvert, le 17 décembre 2019, une réponse automatique adressée depuis la boite mail de l’agence Domidom [Localité 8] annonçant que cette messagerie n’était plus en fonction depuis le 16 décembre 2019 et renvoyant les courriels sur les enseignes concurrentes Mona Lisa (autonomie à domicile), Prego (entretien ménager à domicile) et Mykids ! (garde d’enfants à domicile).

Le 26 décembre 2019, la société Domidom a formé opposition aux prix de vente des fonds de commerce des sociétés SBM et Aidis pour les sommes respectives de 18.454,79 € et 87.801,87 € comprenant les factures de redevances impayées et une indemnité de rupture anticipée.

Par procès-verbal du 11 février 2020, la chambre de médiation de la Fédération française de la franchise a constaté l’échec de la médiation entre les sociétés Domidom et Adhap d’une part, les sociétés Aideo, Everest Silver venant aux droits d’Aidis et de SBM, SJM et M. [F], d’autre part.

Les 14 et 18 février 2020, la société Adhap et la société Domidom ont notifié respectivement à la société SJM et à la société Aideo la résiliation immédiate de leur contrat de franchise pour les zones de [Localité 15] et [Localité 9] pour fautes graves, en raison de la violation des obligations de non-concurrence, de loyauté, de bonne foi, de confidentialité et financières. Elles les mettaient en demeure de cesser d’exploiter le concept Adhap et Domidom.

Par procès-verbaux des 18 février, 7 mai et 4 août 2020, la société Domidom a fait constater par huissier de justice la poursuite d’exploitation de l’enseigne Domidom par la société Everest Silver dans son agence située à [Localité 8].

C’est dans ces circonstances que, par actes d’huissiers des 10 et 14 avril 2020, la société Domidom a fait assigner la société Everest Silver et M. [F] devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Par jugement du 27 octobre 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :

— Condamné la société Everest Silver à payer la somme de 21.266,41€ à la société Domidom Franchise au titre des factures impayées, avec intérêts au taux de base bancaire majoré de 4 points à compter de la date d’échéance de chaque facture ;

— Débouté la société Domidom Franchise de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier ;

— Débouté la société Domidom Franchise de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice commercial ;

— Débouté la société Domidom Franchise de sa demande de condamnation à une astreinte pour suppression tardive du signe distinctif ;

— Débouté la société Domidom Franchise de sa demande de dommages-intérêts pour atteinte à l’image de la marque ;

— Débouté la société Domidom Franchise de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral lié à la déloyauté, à la violation des clauses de confidentialité et de non-concurrence ;

— Débouté la société Everest Silver de sa demande reconventionnelle ;

— Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamné la société Everest Silver aux dépens.

Par déclaration du 12 janvier 2022, la société Domidom Franchise a interjeté appel de ce jugement.

La société Everest Silver a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nantes du 15 juin 2022. La Selarl AJ UP, prise en la personne de Me [M], a été désignée en qualité d’administrateur judiciaire.

Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 22 février 2023 et la Selarl Philippe Delaere et Associés a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 9 octobre 2023, la société Domidom Franchise demande à la cour de :

— Recevoir l’appel de la société Domidom Franchise et le déclarer bien fondé ;

— Infirmer le jugement entrepris du tribunal de commerce de Nanterre du 27 octobre 2021 en ce qu’il a :

— Débouté la société Domidom de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier ;

— Débouté la société Domidom de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice commercial ;

— Débouté la société Domidom de sa demande de condamnation à une astreinte pour suppression tardive du signe distinctif ;

— Débouté la société Domidom de sa demande de dommages-intérêts pour atteinte à l’image de la marque ;

— Débouté la société Domidom de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral lié à la déloyauté, à la violation des clauses de confidentialité et de non-concurrence ;

— Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

— Constater la résiliation du contrat de franchise Domidom aux torts exclusifs de la société Everest Silver, venant aux droits de la société Aidis, et de M. [F] avec effet au 16 décembre 2019 ; Au besoin prononcer cette résiliation ;

— Condamner in solidum la société Everest Silver, venant aux droits de la société Aidis, et M. [F] à payer à la société Domidom Franchise la somme de 83.822,06 € à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice financier, du fait de la fin prématurée du contrat, causé au franchiseur, cette créance étant, en ce qui concerne la société Everest Silver fixée à son passif ;

— Condamner in solidum la société Everest Silver, venant aux droits de la société Aidis, et M. [F] à payer à la société Domidom Franchise la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice commercial lié à la disparition de l’enseigne localement, cette créance étant, en ce qui concerne la société Everest Silver fixée à son passif ;

— Constater l’usage sans droit, ni titre de la signalétique Domidom par la société Everest Silver, depuis le 25 décembre 2019, soit 8 jours après la date de la fin du contrat en date du 16 décembre, jusqu’au 4 août 2020 ;

— Condamner in solidum la société Everest Silver, venant aux droits de la société Aidis, et M. [F] à payer à la société Domidom Franchise la somme de 115.500 € au titre de la pénalité contractuelle d’un montant de 500 € par jour de retard stipulée à l’article 15.1 « suppression de tout signe distinctif » du contrat de franchise, cette créance étant, en ce qui concerne la société Everest Silver fixée à son passif ;

— Condamner in solidum la société Everest Silver, venant aux droits de la société Aidis, et M. [F] à payer à la société Domidom Franchise la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice lié à l’atteinte à l’image de marque Domidom, cette créance étant, en ce qui concerne la société Everest Silver fixée à son passif ;

— Condamner in solidum la société Everest Silver, venant aux droits de la société Aidis, et M. [F] à payer à la société Domidom Franchise la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral lié à leur haute déloyauté, la violation des clauses de confidentialité et de non-concurrence, cette créance étant, en ce qui concerne la société Everest Silver fixée à son passif ;

En toute hypothèse,

— Confirmer le jugement entrepris du tribunal de commerce de Nanterre du 27 octobre 2021 en ce qu’il a :

— Condamné la société Everest Silver à payer la somme de 21.266,41€ à la société Domidom Franchise au titre des factures impayées, avec intérêts au taux de base bancaire majoré de 4 points à compter de la date d’échéance de chaque facture ;

— Débouté la société Everest Silver de sa demande reconventionnelle ;

— Condamné la société Everest Silver aux dépens ;

— Débouter la société Everest Silver, venant aux droits de la société Aidis, la Selarl AJ UP, prise en la personne de Maître [M] [N], en qualité d’administrateur judiciaire de la société Everest Silver, la Selarl Delaere et associés, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Everest Silver et M. [F] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

— Fixer au passif de la société Everest Silver, venant aux droits de la société Aidis, la créance de 15.000 € déclarée au passif de la débitrice par la société Domidom Franchise, en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamner M. [F] à payer à la société Domidom Franchise la somme de 15.000 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamner la société Everest Silver, venant aux droits de la société Aidis, la Selarl AJ UP, prise en la personne de Maître [M] [N], en qualité d’administrateur judiciaire de la société Everest Silver, la Selarl Delaere et associés, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Everest Silver et M. [F] en tous les dépens de la première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile par Me Mélina Pedroletti.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 27 septembre 2023, la société Everest Silver, venant aux droits de la société Aidis, représentée par la Selarl Philippe Delaere et Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Everest Silver, la Selarl AJ UP, prise en la personne de Me [M], ès qualités d’administrateur judiciaire de la société Everest Silver, et M. [F] demandent à la cour de :

— Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 27 octobre 2021 en ce qu’il a :

— Débouté la société Domidom de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier ;

— Débouté la société Domidom de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice commercial ;

— Débouté la société Domidom de sa demande de condamnation à une astreinte pour suppression tardive du signe distinctif ;

— Débouté la société Domidom de sa demande de dommages-intérêts pour atteinte à l’image de la marque ;

— Débouté la société Domidom de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral lié à la déloyauté, à la violation des clauses de confidentialité et de non-concurrence ;

— Débouté la société Domidom de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 27 octobre 2021 en ce qu’il a :

— Condamné la société Everest Silver à payer la somme de 21.266,41 € à la société Domidom Franchise au titre des factures impayées, avec intérêts au taux de base bancaire majoré de 4 points à compter de la date d’échéance de chaque facture ;

— Débouté la société Everest Silver de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;

— Débouté la société Everest Silver et M. [F] de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamné la société Everest Silver aux dépens.

Statuant à nouveau,

À titre principal,

— Juger que la société Everest Silver est redevable de la seule somme de 14.467,51 € TTC au titre des factures de redevances pour les trimestres 2, 3 et 4 de l’année 2019 ;

— Condamner la société Domidom Franchise à verser à la société Everest Silver, venant aux droits de la société Aidis, entre les mains de la Selarl Philippe Delaere & Associés, ès qualités de liquidateurj udiciaire de la société Everest Silver et M. [F], la somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts ;

— Débouter la Société Domidom Franchise de ses autres demandes plus amples ou contraires;

À titre subsidiaire,

— Juger que la société Domidom Franchise a renoncé à l’application de la clause de non-concurrence et la débouter de l’intégralité de ses demandes indemnitaires ;

À titre très subsidiaire,

— Débouter la société Domidom Franchise de ses demandes de dommages et intérêts pour le préjudice lié à la perte de redevance, à la perte de l’enseigne et à la déloyauté, violation de l’obligation de confidentialité et de non-concurrence ;

— Juger que l’astreinte contractuelle pour apposition de l’enseigne Domidom ne peut s’appliquer que pendant 125 jours et que son assiette doit être ramenée à de plus justes proportions et la fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Everest Silver, venant aux droits de la société Aidis ;

À titre très infiniment subsidiaire,

— Réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires formées par la société Domidom Franchise, lesquelles seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société Everest Silver, venant aux droits de la société Aidis ;

En tout état de cause,

— Condamner la société Domidom Franchise à verser à la société Everest Silver, venant aux droits de la société Aidis, entre les mains de la Selard Philippe Delaere & Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Everest Silver et à M. [F] la somme de 6.000 € chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamner la même aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 octobre 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la résiliation du contrat de franchise

La société Domidom demande à la cour de constater la résiliation du contrat de franchise Domidom aux torts exclusifs de la société Everest Silver, venant aux droits de la société Aidis, et de M. [E] [F] avec effet au 16 décembre 2019 et au besoin, de prononcer cette résiliation.

Pour fonder ces demandes, la société Domidom invoque les stipulations de l’article 14 du contrat du 24 juillet 2013 et les dispositions de l’article 1226 du code civil.

L’article 14 du contrat, relatif à la « résiliation anticipée du contrat » prévoit que :

«  Le présent contrat pourra être résilié par anticipation, par l’une ou l’autre des parties, en cas d’inexécution de l’une des obligations y figurant et/ou de l’une des obligations inhérentes à l’activité exercée.

La résiliation anticipée interviendra un mois après une mise en demeure signifiée par lettre recommandée avec accusé de réception à la partie défaillante, indiquant l’intention de faire application de la présente clause résolutoire expresse, restée sans effet.

Le franchiseur pourra mettre fin au contrat avec effet immédiat si le franchisé divulgue le savoir-faire ou commet une violation du contrat compromettant gravement l’image ou l’homogénéité du réseau ou si son attitude portait gravement atteinte à l’image de marque de Domidom.

Le présent contrat pourra également être résilié sans préavis par le franchiseur si le franchisé venait à perdre le bénéfice de son agrément qualité ".

Par ailleurs, l’article 1226 du code civil dispose que : " Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution ".

Le franchiseur invoque au soutien de sa demande relative à la résiliation plusieurs manquements qu’il convient d’examiner.

Sur la violation de la durée du contrat de franchise

La société Domidom fait valoir qu’à la suite de la notification du non-renouvellement du contrat le 18 juillet 2017, le franchisé lui a adressé un projet de protocole du 10 avril 2018 qui stipule que la notification du non-renouvellement est nulle et non avenue. Elle explique avoir pris acte de cette renonciation par courrier en réponse du 20 avril 2018, dont les termes n’ont pas été contestés par le franchisé qui a poursuivi l’exécution du contrat au-delà du 24 juillet 2018. Le franchiseur considère en conséquence que le franchisé a manifesté une volonté claire et non équivoque de poursuivre leurs relations, de sorte que le contrat s’est renouvelé pour 5 ans à compter du 24 juillet 2018. La société Domidom conteste toute pression exercée sur M. [F], précisant s’être limitée à rappeler, à bon droit, au franchisé, dans son courrier du 27 juillet 2017, qu’il lui appartenait de tenir compte, pour prendre sa décision de non-renouvellement de son contrat se rapportant à l’agence d'[Localité 8], de l’existence des clauses de non-concurrence applicables pendant la durée des autres contrats de franchise en cours conclus avec elle pour les agences de [Localité 14] et [Localité 9] et avec la société Adhap pour l’agence de [Localité 15]. Subsidiairement, la société Domidom estime que le préavis de 5 mois laissé par le franchisé est insuffisant au regard des relations commerciales établies depuis 6 années et du temps nécessaire pour identifier un nouveau franchisé à implanter sur la zone d'[Localité 8] ; que le préavis aurait dû être de 10 mois.

Les intimés répondent que le protocole d’accord n’a pas été signé et que la relation commerciale ne s’est poursuivie qu’en raison de la pression exercée par le franchiseur.

*****

L’article 12 alinéa 2 du contrat de franchise conclu par les parties le 24 juillet 2013 stipule que :

« A l’issue de la première période de 5 ans, les présentes se renouvelleront par tacite reconduction pour une période de 5 ans et ainsi de suite, à charge pour celle des parties qui désirerait y mettre fin de notifier sa dénonciation à l’autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception 12 mois avant la fin de la période considérée ».

Il est constant que le franchisé, la société Aidis, a notifié au franchiseur sa décision de ne pas renouveler le contrat par courrier recommandé du 18 juillet 2017, soit dans les forme et délai contractuels.

En réponse à ce courrier, la société Domidom, le 27 juillet 2017, a alerté le franchisé en ces termes :

«  (') La fin du contrat engendre un certain nombre d’obligations à respecter impérativement :

— Nous vous rappelons que vous avez deux contrats de franchise Domidom pour le secteur de [Localité 9] et de [Localité 14] en cours soit jusqu’au 13 février 2022 et 1er février 2020. Vous avez également un contrat de franchise Adhap Services pour le secteur de [Localité 15] jusqu’au 2 décembre 2022.

Ces contrats prévoient une interdiction d’exercice d’une activité concurrente autrement que sur l’enseigne Domidom ou Adhap Services pendant toute leur durée.

Dès lors vous ne pouvez pas vous livrer à une quelconque activité concurrente jusqu’au terme du contrat dont l’échéance arrivera en dernier ".

Le projet de protocole d’accord établi le 10 avril 2018 prévoit que : " Les parties reconnaissent en conséquence et conviennent que la résiliation du contrat de franchise pour le centre Domidom [Localité 8] transmise par le franchisé au franchiseur en date du 18/07/2017 est nulle et non avenue, le contrat de franchise pour le centre Domidom concerné étant réputé [avoir] continué à produire ses effets nonobstant la notification de résiliation susvisée, ledit contrat de franchise pour le centre Domidom concerné demeurant en vigueur selon ses termes sans indemnité de part ni d’autre ".

Cependant, comme le relève le franchisé, le protocole d’accord est demeuré au stade de projet puisqu’il n’a jamais été signé par les parties. En effet, par courrier recommandé du 20 avril 2018, le franchiseur a écrit au franchisé : « Nous vous remercions pour l’envoi de votre projet qui ne nous convient pas ».

Par ailleurs, si le franchiseur, par ce même courrier, a pris acte de la renonciation du franchisé au non-renouvellement du contrat, aucune conséquence juridique ne peut être déduite de l’absence de contestation de ce courrier au regard du contexte. En effet, comme rappelé supra, à la suite de la notification de la décision du franchisé de ne pas renouveler le contrat de franchise, le franchiseur lui a rappelé qu’il était lié, par l’effet des autres contrats de franchise, à une obligation de non-concurrence lui interdisant toute activité concurrente sur l’ensemble du territoire français jusqu’au 1er décembre 2022, soit pendant plus de 4 ans. Au surplus, la cour constate que le projet de protocole d’accord visait la société Adhap et comportait certes une renonciation du franchisé aux effets attachés à son courrier du 18 juillet 2017, mais en contrepartie d’engagements du franchiseur destinés à permettre au franchisé de bénéficier, dans des conditions favorables, de cessions de contrat de franchise Adhap portant sur des agences réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 900.000 €. Or, le franchiseur, par courrier du 20 avril 2018 a refusé tout engagement. La société Domidom ne peut dès lors tirer argument des termes du projet de protocole s’agissant de la renonciation du franchisé au non-renouvellement du contrat, alors qu’elle était clairement conditionnée par les engagements du franchiseur, auxquels ce dernier a refusé de souscrire.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que le contrat de franchise ne s’était pas renouvelé le 24 juillet 2018, mais qu’à cette date, par l’effet de la poursuite des relations commerciales entre les parties, un nouveau contrat de franchise s’était formé pour une durée indéterminée, permettant au franchisé d’y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter un préavis d’une durée raisonnable.

La société Domidom considère que le préavis de 5 mois fixé par le franchiseur dans son courrier de résiliation du 1er août 2019 est insuffisant au regard de la durée de la relation commerciale et de la difficulté à organiser le remplacement du franchisé. Cependant, comme le souligne pertinemment le franchisé, le préavis contractuel de 12 mois prévu à l’article 12 alinéa 2 du contrat de franchise conclu par les parties le 24 juillet 2013 a été respecté par le franchisé qui a notifié son courrier de non-renouvellement le 18 juillet 2017. La durée de ce préavis tient compte des 5 années de relations contractuelles. En conséquence, la société Domidom ne saurait à nouveau se prévaloir de cette période contractuelle pour apprécier la durée du préavis de résiliation du nouveau contrat s’étant formé le 24 juillet 2018. L’exécution de ce contrat s’étant limitée à 1 an, le préavis de 5 mois apparaît tout à fait raisonnable comme l’ont à juste titre considéré les premiers juges.

En conséquence, aucun manquement du franchisé à la durée du contrat de franchise n’est caractérisé.

Sur l’abandon de l’enseigne Domidom

La société Domidom expose avoir découvert le 17 décembre 2019 que le franchisé avait abandonné l’usage de l’enseigne au bénéfice de ses trois enseignes concurrentes en violation des stipulations de l’article 8.6, caractérisant une faute grave justifiant la résiliation immédiate du contrat de franchise aux torts de ce dernier en application de l’article 14 du même contrat.

Les intimés répondent que le contrat de franchise ne s’est pas renouvelé et que le nouveau contrat du 24 juillet 2018 ne s’est pas formé aux mêmes clauses et conditions. Ils contestent que cette simple information concernant le changement d’enseigne, 15 jours avant l’échéance du préavis, caractérise une faute de gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat aux torts du franchisé, au regard du contexte de pression subi par ce dernier.

*****

Aux termes de l’article 8.6 du contrat du 24 juillet 2013, le franchisé s’engage « à n’utiliser comme enseigne que la marque concédée et elle seule. L’utilisation de l’enseigne, selon les normes définies par le franchiseur, est une obligation qui s’impose au franchisé qui ne pourra y déroger, même momentanément, sous quelque prétexte que ce soit ».

Si les intimés rappellent à raison que le 24 juillet 2018, s’est formé un nouveau contrat de franchise, l’appelante souligne pertinemment qu’en application des articles 1214 et 1215 du code civil, le contrat s’est poursuivi pour une durée indéterminée aux mêmes conditions que le contrat initial.

En effet, l’article 1215 du même code énonce que : « Lorsqu’à l’expiration du terme d’un contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d’en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction. Celle-ci produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat ».

Or, l’article 1214 alinéa 2 du code civil dispose : « Le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée ».

Il ressort de la pièce n°27 produite par le franchiseur qu’en réponse à un courriel qu’il a envoyé à l’adresse structurelle de l’agence d'[Localité 8], il a reçu le 17 décembre 2019 le mail suivant :

«  Bonjour,

Nous vous informons que la présente boite de messagerie n’est plus en fonction à compter du

lundi 16 décembre 2019. Aucun courriel ne sera par conséquent traité.

Vous êtes client, salarié, prospect, candidat ou partenaire’ Vous pouvez dorénavant vous adressez à :

Mykids! La garde d’enfant à domicile

— Par le biais de votre espace client ou salarié

— à: [Courriel 11]

Prego: entretien ménager à domicile

— Par le biais de votre espace client ou salarié

— à: [Courriel 10]

Monalisa: préservation de l’autonomie à domicile

— Par le biais de votre espace client ou salarié

— à: [Courriel 13]

Nous vous remercions par avance et nous vous souhaitons une excellente journée. "

Ces trois marques, Mykids !, Prego et Monalisa, sont détenues par M. [F] et les activités auxquelles elles se rapportent sont effectivement concurrentes de celles exploitées par franchiseur.

Cependant, le fait non discuté pour le franchisé d’avoir informé ses interlocuteurs du changement d’enseigne deux semaines avant l’expiration du contrat en cours ne suffit pas à caractériser un abandon de l’enseigne. Pour des motifs qui sont plus amplement développés infra dans le cadre de l’examen du manquement à l’obligation de non-concurrence, il n’est pas démontré que les activités concurrentes étaient effectivement exploitées à cette période par le franchisé, l’appelante n’établissant notamment pas l’existence d’un transfert de l’agrément détenu par la société Aidis au titre de l’exploitation de l’agence Domidom d'[Localité 8] au bénéfice d’une personne physique ou morale exploitant l’une au moins des trois marques précitées. Il n’est, en outre, pas contesté que l’enseigne Domidom était toujours présente sur le local commercial.

En conséquence, le manquement invoqué n’apparaît pas caractérisé.

Sur la violation de l’obligation de non-concurrence

L’appelante expose qu’au printemps 2019, M. [F] a créé les sociétés Everest Silver, Maid4u et 4Families, ainsi que les marques Monalisa Domicile Au C’ur De l’Humain, Prégo et Mykids ! en vue d’exploiter des activités concurrentes à celles du réseau Domidom, alors que le contrat de franchise était en cours. Elle estime que cette situation caractérise une violation de l’article 8.15 du contrat, qui justifie la résiliation anticipée du contrat. La société Domidom conteste l’illicéité de la clause de non-concurrence, rappelant qu’elle ne répond pas aux mêmes conditions que la clause de non-concurrence post-contractuelle. Elle précise néanmoins que l’obligation de non-concurrence est limitée à la durée du contrat, que son étendue géographique à toute la France n’est pas disproportionnée et qu’elle est adaptée au savoir-faire identifié, notamment à l’article 5 du contrat de franchise, secret et substantiel à protéger. La société Domidom soutient que la clause de non-concurrence est compatible avec le principe de la liberté du commerce et de l’industrie et qu’elle est exempte de tout déséquilibre significatif. Elle soutient que la clause de non-concurrence est nécessaire pour protéger les intérêts du franchiseur, notamment son savoir-faire, la pérennité de son réseau, le maintien de l’identité du réseau et sa réputation, comme le rappelle le règlement européen n°330-210 du 20 avril 2010. Elle souligne que la clause est la contrepartie du savoir-faire et du droit d’implantation exclusif dont bénéficie le franchisé. La société Domidom considère que M. [F] n’a nullement été empêché d’exploiter des activités concurrentes de Domidom, ce choix impliquant cependant qu’il cesse de faire partie du réseau Domidom. Elle indique qu’il appartenait à M. [F] d’assumer ses engagements contractuels. L’appelante conteste également tout abus de dépendance économique, dès lors que le franchisé ne démontre pas en quoi il se serait trouvé placé dans une situation de dépendance économique. Elle relève que M. [F] avait parfaitement conscience qu’en signant des contrats de franchise Domidom avec des dates de fin distinctes, l’obligation de non-concurrence contractuelle pourrait le contraindre à quitter prématurément le réseau Domidom s’il entendait privilégier l’exploitation d’une activité concurrente sous d’autres enseignes. Le franchiseur considère que la constitution des sociétés précitées et le dépôt des marques susvisées caractérisent l’exploitation effective d’activités concurrentes.

Les intimés répondent qu’en se prévalant de l’ensemble des contrats pour en prolonger artificiellement la durée, le franchiseur porte atteinte à la liberté d’entreprendre. Ils estiment que la clause de non-concurrence est disproportionnée au regard de son étendue géographique, de son application dans le temps et des intérêts légitimes du franchiseur. Ils considèrent qu’il n’est pas justifié d’un savoir-faire substantiel justifiant l’obligation de non-concurrence. Les intimés ajoutent que la clause crée un déséquilibre significatif en application des dispositions de l’article L.442-1 du code de commerce, ainsi qu’un abus de dépendance économique prohibé par l’article L.420-2 alinéa 2 du même code. Ils font valoir qu’en tout état de cause que la société Domidom ne rapporte pas la preuve d’une violation de l’obligation de non-concurrence. Ils soutiennent que la seule immatriculation d’une société au Registre du Commerce et des Sociétés et le seul dépôt d’une marque ne permettent en aucun cas d’établir l’existence d’une activité concurrente pendant la durée d’exécution du contrat de franchise. Ils rappellent que les conditions contractuelles de la résiliation du contrat prévues à l’article 14 n’ont pas été respectées, puisque le franchiseur n’a adressé aucun courrier de mise en demeure préalable au franchisé. Ils considèrent que la société Domidom a renoncé au bénéfice de la clause de non-concurrence en permettant à M. [F] et à sa société SJM de conclure un contrat de franchise avec la société Adhap.

*****

L’article 8.15 du contrat de franchise relatif à la « non-concurrence d’activité » stipule que « Le franchisé s’interdit de s’associer, d’adhérer ou de s’affilier directement ou indirectement à toutes entreprises ou chaînes concurrentes ou d’avoir des intérêts dans une entreprise concurrente ».

Comme le soutiennent les intimées, l’exploitation par le franchisé d’une activité concurrente à celle du franchiseur avant l’expiration du contrat liant les parties n’est pas démontrée.

En effet, s’il n’est pas discuté qu’au cours du printemps 2019, M. [F] a créé les sociétés Everest Silver, Maid4u, 4Families et qu’il a déposé entre les mois de juin et novembre 2019, les marques Monalisa, Prego et Mykids! auprès de l’INPI, il n’en demeure pas moins que la société Domidom n’établit pas que ces sociétés et marques ont permis au franchisé d’exploiter une activité commerciale effective avant le 31 décembre 2019. La communication du courriel précité du 17 décembre 2019, tout comme la capture d’écran des comptes Facebook des marques Monalisa, Prego et Mykids! évoquant une « ouverture en 2019 » sont insuffisantes à rapporter cette preuve. La cour constate que ces pièces n’ont qu’un objet informatif et que la société Domidom s’abstient notamment de produire, au soutien du manquement invoqué, des contrats qui auraient été conclus par les sociétés Everest Silver, Maid4u, 4Families avant le 31 décembre 2019, ou encore les bilans de ces sociétés pour l’année 2019 démontrant l’existence d’un chiffre d’affaires révélateur d’une activité commerciale.

Les intimés rappellent pertinemment qu’en application des articles L 312-1 et L 313-1 à L 313-9 du code de l’action sociale et des familles, l’exercice d’une activité de service d’aide et d’accompagnement à domicile nécessite un agrément, lequel peut être cédé sous réserve de l’accord de l’autorité compétente. Or, la société Domidom reconnaît en page 37 de ses conclusions que c’est par un arrêté du 31 décembre 2019 que la société Everest Silver s’est vue transférer l’agrément dont bénéficiait la société Aidis. Le fait que cet arrêté fixe rétroactivement les effets du transfert au 1er décembre 2019 est indifférent, dès lors que la décision a été prise le 31 décembre 2019, soit à la date d’expiration du contrat liant les parties. Si la société Domidom se prévaut de l’absorption par la société Everest Silver de la société Aidis au cours du mois d’octobre 2019, il n’en demeure pas moins que la décision autorisant le transfert de l’agrément de la société Aidis à la société Everest Silver n’est intervenue que le 31 décembre 2019.

En conséquence, le manquement n’apparaît pas caractérisé.

Sur le manquement aux obligations de confidentialité, de loyauté et de bonne foi

La société Domidom se prévaut de manquements du franchisé aux obligations de confidentialité, de loyauté et de bonne foi issues des articles 8.16 et 8.19 du contrat de franchise, estimant que le franchisé a mis en place pendant plusieurs mois, une stratégie en différentes étapes visant à entretenir l’illusion de discussions amiables, alors que pendant ce temps, il créait des sociétés et marques en vue d’exploiter des activités concurrentes, ce faisant en pillant le savoir-faire du franchiseur qu’il a utilisé dans le cadre de ses nouvelles activités.

Les intimés contestent tout manquement. Ils font valoir que la preuve de l’existence et de la divulgation d’un savoir-faire n’est pas rapportée et que le tribunal a justement considéré que le simple dépôt de marques auprès de l’INPI ne constituait nullement une preuve de déloyauté et qu’il n’était pas établi que ces marques aient été exploitées de manière effective.

****

L’article 8.16 du contrat relatif à la « Confidentialité » stipule que « Le franchisé s’engage, tant pour lui-même que pour ses employés, à ne pas divulguer à des tiers les informations dont il aura pu bénéficier. Cette obligation de confidentialité se maintiendra après la fin du contrat ».

Par ailleurs, selon l’article 8.19 consacré au « Comportement loyal et de bonne foi » : « Le franchisé s’engage à toujours se comporter vis-à-vis du franchiseur et des autres membres du réseau comme un commerçant et un partenaire loyal et de bonne foi (…) ».

La stratégie malicieuse invoquée par le franchiseur n’apparaît pas caractérisée. En effet, il ressort des pièces produites que M. [F] n’a jamais dissimulé son projet de quitter le réseau Domidom en faveur du réseau Adhap appartenant toutefois au même groupe. Alors qu’il a légitiment essayé d’obtenir le soutien des franchiseurs dans la réalisation de son projet, ces derniers ont refusé tout engagement, en se contentant de rappeler l’obligation de non-concurrence à laquelle le franchisé était tenu jusqu’au 1er décembre 2022 au titre des autres contrats en cours et en essayant de tirer profit d’un projet de protocole d’accord qu’ils ont rejeté pour faire échec au non-renouvellement du contrat du 24 juillet 2013.

Il n’est en outre pas établi que la société Aidis a saisi la chambre de médiation de la Fédération française de la franchise sans véritable intention de parvenir à une solution amiable, aucune pièce probante ne permettant de corroborer cette affirmation.

Dans ce contexte et à défaut de tout élément de preuve, il n’est pas démontré que M. [F] a entretenu une « illusion de discussions amiables ».

Au surplus, le pillage du savoir-faire n’est pas davantage justifié, alors qu’il convient de rappeler que le franchiseur ne rapporte pas la preuve de l’exploitation d’une activité commerciale par l’intermédiaire des sociétés Everest Silver, Maid4u, 4Families et des marques Monalisa, Prego et Mykids! avant le 31 décembre 2019, date d’expiration du contrat liant les parties.

Le manquement contractuel n’apparaît ainsi pas caractérisé.

Sur la violation des conditions de cession du contrat de franchise

La société Domidom reproche au franchisé le non-respect des stipulations de l’article 13 du contrat prévoyant qu’il ne peut céder ou transférer le contrat de franchise sans l’agrément préalable du franchiseur, alors que le 25 octobre 2019, la société Everest Silver a absorbé la société Aidis et que le 21 novembre 2019, cette dernière a cédé son fonds de commerce à la société Maid4u.

Les intimés répondent que le contrat du 24 juillet 2013 dont se prévaut la société Domidom a pris fin le 24 juillet 2018, de sorte qu’elle n’est pas fondée à invoquer un manquement qu’aurait commis la société Aidis en 2019 aux obligations issues de cette convention. Ils ajoutent que l’opération de fusion absorption des sociétés Everest Silver et Aidis entraine un simple transfert du contrat, tandis qu’il convient de distinguer la cession du fonds de commerce de la cession du contrat de franchise.

*****

Comme le rappelle le franchiseur, aux termes de l’article 13 « Conditions de la cession éventuelle du contrat », le franchisé s’est engagé à ne pas céder ou transférer à titre onéreux ou gratuit le contrat de franchise Domidom à quelque personne physique ou morale que ce soit sans l’agrément préalable du franchiseur (article 13.2). L’article 13.1 prévoit un droit de préemption au bénéfice du franchiseur en cas de projet de cession d’actifs.

Pour les motifs précités, en application des dispositions des articles 1214 et 1215 du code civil, malgré l’arrivée du terme du contrat de franchise du 24 juillet 2013, la poursuite des relations contractuelles des parties a entraîné la tacite reconduction du contrat, laquelle produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat, donnant naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée.

La société Domidom est donc bien fondée à se prévaloir des stipulations de l’article 13 du contrat.

Il ressort de l’extrait du Bodacc du 25 octobre 2019 que les sociétés Everest Silver et Aidis ont fusionné, la première ayant absorbé la seconde. Toutefois, une opération de fusion absorption n’entraine pas de cession du contrat de franchise, mais un simple transfert d’actifs, parmi lesquels le contrat de franchise. Un tel transfert de contrat n’est pas visé par l’article 13 précité.

Par ailleurs, l’extrait du Bodacc des 16 et 17 décembre 2019 établit que la société Maid4u a acquis le fonds de commerce de la société Aidis le 11 décembre 2019 moyennant le prix de 10.700 €. Toutefois, il n’est pas démontré par la société Domidom que le contrat de franchise a été cédé avec le fonds de commerce à cette occasion.

Il apparaît en conséquence que le manquement contractuel dont se prévaut la société Domidom n’est pas démontré.

Sur la violation des obligations de communiquer les données financières et de payer la redevance d’exploitation et de publicité

La société Domidom se prévaut d’un manquement du franchisé aux obligations prévues aux articles 8.13 et 10.2 du contrat de lui communiquer ses données financières relatives à son activité, afin de permettre le calcul de la redevance d’exploitation proportionnelle et de régler cette redevance. Le franchiseur précise que le franchisé a cessé de payer les redevances à compter du deuxième trimestre 2019, malgré son courrier de mise en demeure du 18 octobre 2019. Il considère que ces manquements justifient la résiliation du contrat aux torts du franchisé. Il conteste disposer de l’accès aux données financières de ses franchisés par l’intermédiaire du logiciel métier.

Les intimés relèvent que ce manquement n’a pas été invoqué aux termes du courrier de résiliation du franchiseur du 18 décembre 2019. Ils considèrent donc que la société Domidom ne peut s’en prévaloir. Ils ajoutent que l’article 14 du contrat impose une mise en demeure préalable indiquant le souhait du franchiseur de faire application de la clause résolutoire et que ces stipulations ne permettent, en tout état de cause, pas de prononcer la résiliation du contrat pour ce motif. Les intimés affirment que le franchiseur avait accès à l’ensemble des données financières du franchisé par l’intermédiaire du logiciel métier. Ils ajoutent que le franchiseur disposait des données comptables de son franchisé.

*****

Aux termes de l’article 10.2 du contrat, le franchisé est tenu au paiement d’une redevance trimestrielle égale à 5 % du chiffre d’affaires total hors taxe, calculé à partir de la copie du bordereau de la déclaration de TVA que le franchisé s’engage à communiquer au franchiseur. Le contrat précise qu’à défaut de communication du chiffre d’affaires, la redevance est calculée sur la base du chiffre d’affaires du mois précédent, majoré de 30 %.

Par ailleurs, l’article 11.2 du contrat prévoit que le franchisé participe au budget de publicité nationale en versant au franchiseur 0,5 % HT de son chiffre d’affaires mensuel, le franchiseur devant justifier auprès du franchisé de l’utilisation des fonds au moins une fois par an.

La cour constate que les intimés ne contestent pas l’absence de communication par le franchisé de ses données financières et le défaut de paiement des redevances à compter du deuxième trimestre 2019.

La société Domidom communique en pièce n°23 le courrier qu’elle a adressé au franchisé le 18 octobre 2019, par lequel, après avoir rappelé l’absence de transmission de son chiffre d’affaires trimestriel, elle le met en demeure de lui communiquer cet élément pour les 2ème et 3ème trimestres 2019 et de payer les factures émises pour ces périodes, sur la base du chiffre d’affaires précédent, majoré de 30 %.

Le franchisé n’établit pas avoir déféré à cette mise en demeure.

Si les manquements en cause ne sont pas évoqués par le courrier du 18 décembre 2019, cette circonstance n’est pas de nature à priver la société Domidom du droit de réclamer le règlement des redevances impayées.

Par ailleurs, il ne ressort pas des termes du courriel produit en pièce n°20 par les intimés que la société Domidom avait accès aux données financières du franchisé, dès lors d’une part, que ce courriel concerne l’agence de [Localité 14] et d’autre part, qu’il évoque la gestion par le franchiseur des accès à la « base » sans autre précision quant aux informations contenues dans cette base. Il n’est pas davantage établi que la société Domidom disposait des données comptables de son franchisé. Au surplus et en tout état de cause, aux termes du contrat, le franchisé s’était engagé à communiquer son chiffre d’affaires au franchiseur.

Dans ces conditions, les manquements contractuels sont établis.

Ils ne sont toutefois pas susceptibles d’avoir mis fin au contrat avec effet immédiat, dès lors qu’ils ne caractérisent aucune divulgation du savoir-faire, ni violation du contrat compromettant gravement l’image ou l’homogénéité du réseau, ni atteinte grave à l’image de marque de Domidom.

En outre, la cour constate que le courrier de mise en demeure précité du 18 octobre 2019 ne mentionne pas qu’à défaut pour le franchisé de satisfaire à son obligation, le franchiseur sera en droit de résilier ou résoudre le contrat, condition pourtant préalable à la résiliation automatique prévue par l’article 14 du contrat et à la résolution aux risques et périls du créancier visée par l’article 1226 du code civil. En conséquence, les manquements précités ne sont pas susceptibles de justifier la résiliation, ni la résolution du contrat.

Ils justifient en revanche que la société Everest Silver et M. [F] soient condamnés au règlement des redevances impayées.

La société Domidom conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné le franchisé au paiement de la somme de 21.266,41 € TTC, au titre des redevances des 1er, 2ème et 3ème trimestres 2019, avec les intérêts au taux contractuel, soit le taux de base majoré de 4 points depuis la date d’échéance respective des factures.

Pour s’y opposer, les intimés contestent le bien-fondé de la facture émise par la société Fidelia le 1er octobre 2019, d’un montant de 86,32 € TTC, considérant que cette facturation de « rétrocession » n’est pas justifiée. Ils font par ailleurs valoir que la majoration de 30 % n’a pas lieu d’être appliquée, dès lors que le franchiseur avait accès à l’ensemble des données financières et comptables du franchisé. Ils précisent communiquer les chiffres d’affaires réalisés au cours des trimestres concernés par la demande en paiement.

Si la société Domidom soutient avoir conclu avec la société Fidelia un contrat de partenariat aux termes duquel des commissions d’apporteur (sic) sont facturées par cette dernière, ce contrat n’est pas versé aux débats et le courriel communiqué par la société Domidom en pièce n°72 évoquant le partenariat allégué est insuffisant à établir la preuve de l’existence de ce contrat. En outre, le franchiseur n’établit pas que le montant des commissions, au demeurant non justifié, pouvait, en application du contract, être refacturé au franchisé. En conséquence, la demande en paiement de la société Domidom à ce titre ne peut prospérer.

S’agissant de la majoration de 30 %, pour les motifs précités, elle doit être retenue.

Enfin, la communication par le franchisé, dans le cadre de l’instance, de ses données comptables, est indifférente, dès lors qu’il s’en est abstenu en cours d’exécution du contrat, de sorte que le montant de la redevance doit, en application des stipulations précitées, être calculé dans les conditions contractuelles, soit « sur la base du chiffre d’affaires du mois précédent, majoré de 30 % ».

En conséquence, la créance de la société Domidom au titre des redevances impayées doit être fixée à la somme de 21.180,09 € TTC, avec intérêts au taux contractuel prévu à l’article 10.2 du contrat, soit le taux de base majoré de 4 points à compter de la date d’échéance des factures, qui est fixée au 15 novembre 2019 pour les factures des 2ème et 3ème trimestres 2019 et au 15 janvier 2020 pour la facture du 4ème trimestre 2019.

Si les intimés s’opposent à la condamnation de M. [F], en expliquant que le contrat de franchise est dépourvu de clause de solidarité, la cour constate que le contrat a été signé par M. [F] « agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de représentant de la société en cours de formation », à savoir la société Aidis.

En conséquence, M. [F] et la société Everest Silver seront tenus in solidum du paiement de la somme précitée. M. [F] sera condamné à son paiement et elle sera fixée au passif de la société Everest Silver.

*****

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les demandes de la société Domidom tendant à voir constater la résiliation anticipée au contrat de franchise aux torts du franchisé en application des stipulations de l’article 14 du contrat ou à prononcer la résolution du contrat de franchise en application des dispositions de l’article 1226 du code civil ne peuvent prospérer.

La demande indemnitaire formulée par l’appelante au titre du préjudice financier consécutif à la résiliation ne peut par conséquent aboutir. Le franchisé ayant régulièrement mis fin au contrat, la société Domidom ne saurait réclamer l’indemnisation d’un préjudice commercial lié à la disparition de l’enseigne. Enfin, pour les motifs précités, la déloyauté du franchisé et la violation des clauses de confidentialité ne sont pas établies, de sorte que l’appelante doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement déféré est en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la société Domidom de toutes ces demandes indemnitaires.

Sur l’usage des signes distinctifs Domidom sans droit ni titre

Le franchiseur reproche au franchisé d’avoir contrevenu aux stipulations de l’article 15.1 du contrat qui :

— interdit au franchisé de poursuivre l’utilisation après la fin du contrat des éléments caractéristiques de l’enseigne Domidom sous peine d’une astreinte forfaitaire et définitive de 500 € par jour de retard.

— fait obligation au franchisé de modifier sous 8 jours à compter de la fin du contrat l’aspect extérieur de son agence afin d’éviter toute confusion dans l’esprit de la clientèle.

La société Domidom explique que le franchisé a poursuivi l’usage de l’enseigne pendant plus de 8 mois et se prévaut de procès-verbaux de constats d’huissier des 18 février, 7 mai et 4 août 2020. Elle réclame une indemnité de 115.500 € pour la période courant du 25 décembre 2019 au 4 août 2020 (223 jours x 500 €) (sic).

Les intimés répondent que les premiers juges ont à bon droit débouté l’appelante de sa demande considérant que le contrat prévoit l’application d’une astreinte et non d’une pénalité, alors même qu’une astreinte est une mesure tendant à assurer l’exécution d’une décision de justice, et qu’aucune condamnation principale n’est intervenue. Ils estiment subsidiairement que l’astreinte s’analyse en une clause pénale qui doit être modérée par le juge, dès lors qu’elle est manifestement excessive. Ils rappellent que du 17 mars au 23 juin 2020, le confinement a été ordonné en France en raison de la crise sanitaire, caractérisant un cas de force majeure faisant obstacle à l’application de la pénalité.

*****

La cour constate que les intimés ne contestent pas la violation des obligations invoquées par la société Domidom, qui ressort d’ailleurs des procès-verbaux de constats des 18 février, 27 mai et 4 août 2020, communiqués en pièce n°42 par le franchiseur.

En application de l’article 12 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge « doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ».

L’article 1231-5 du code civil énonce que : " Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure ".

En l’espèce, l’article 15.1 du contrat stipule que " le franchisé s’interdit d’utiliser les marques, graphismes, les enseignes, les sigles, les modèles, les méthodes et les éléments caractéristiques de Domidom sous peine d’une astreinte forfaitaire et définitive de 500 € par jour de retard ".

Cette clause a pour objet d’évaluer forfaitairement et d’avance l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution de l’obligation contractée. Elle doit par conséquent être requalifiée en clause pénale.

En application des dispositions de l’article 1231-5 précité, le juge a la possibilité de modérer la pénalité si elle s’avère manifestement excessive. Or, compte tenu de la période de confinement, de la rupture des relations commerciales entre les parties, du retrait de l’enseigne depuis désormais plus de 3 ans, l’octroi de l’indemnité réclamée en application de la clause pénale apparaît disproportionné au regard du préjudice effectivement subi.

En conséquence, il sera alloué à la société Domidom une somme de 20.000 €.

Sur l’atteinte à l’image de marque Domidom

La société Domidom soutient avoir reçu des plaintes de clients relatives à l’agence d'[Localité 8] à l’issue du contrat de franchise, concernant de nombreux dysfonctionnements. Elle ajoute que le franchisé a laissé les plaintes des clients sans réponse, amenant certains d’entre eux à mettre fin à leur relation contractuelle avec l’agence. Le franchiseur estime que ce comportement caractérise un manquement du franchisé à l’article 8.6 du contrat qui lui impose « d’offrir à sa clientèle un service rapide, courtois et efficace, à faire preuve d’une grande compétence dans toutes ses relations d’affaires avec le public, à faire preuve d’honnêteté, d’intégrité et d’une haute moralité ».

Les intimés concluent à la confirmation du jugement qui a débouté la société Domidom de sa demande qui n’est justifiée ni dans son principe, ni dans son quantum.

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Aux termes de l’article 8.6 du contrat relatif aux « obligations générales », le franchisé s’est engagé à « offrir à sa clientèle un service rapide, courtois et efficace, à faire preuve d’une grande compétence dans toutes ses relations d’affaires avec le public, à faire preuve d’honnêteté, d’intégrité et d’une haute moralité ».

Pour justifier du manquement invoqué, la société Domidom communique un courriel d’une cliente du 12 novembre 2019 qui exprime son mécontentement de l’agence d'[Localité 8] en raison de l’impossibilité pour elle d’obtenir la restitution de sa clé, de l’inexécution d’une prestation et de l’absence de réponse de l’agence, dont elle a trouvé porte close à plusieurs reprises.

Cependant, aucun élément de preuve ne permet d’établir que la plainte de la cliente était fondée.

La société Domidom produit par ailleurs, un second courriel d’une autre cliente du 6 janvier 2020 faisant également état d’ « erreurs à partir du mois de juillet » et de la résiliation consécutive de son contrat. Cependant, à nouveau, rien ne démontre que les manquements sont avérés, la réponse apportée à ce message ayant été adressée par l’agence de [Localité 9], étrangère à ce contrat, du fait de la cessation du contrat de franchise de la société Aidis à compter du 31 décembre 2019.

Enfin, la société Domidom sollicite l’indemnisation de l’atteinte portée à son image de marque, sans justifier du moindre élément probant permettant de caractériser ce préjudice. Le jugement doit par conséquent être confirmé en ce qu’il a débouté la société Domidom de sa demande.

Sur la demande reconventionnelle de paiement de dommages et intérêts

Les intimés réclament une somme de 150.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, financier et de l’atteinte à l’image commerciale du franchisé.

Cependant, la cour constate que les intimés ne communiquent aucun élément probant permettant de démontrer l’existence des préjudices allégués, de sorte que par confirmation du jugement, ils seront déboutés de leur demande indemnitaire.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la solution du litige, le jugement sera confirmé des chefs des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, au regard des circonstances de la cause, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré, sauf en celles de ses dispositions relatives aux factures de redevances impayées et à la demande indemnitaire liée à l’utilisation sans droit de l’enseigne ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que M. [E] [F] et la société Everest Silver, représentée par son liquidateur judiciaire, la Selarl Delaere et associés, sont tenus in solidum de payer à la société Domidom les sommes suivantes :

—  21.180,09 € TTC, avec intérêts au taux de base majoré de 4 points à compter du 15 novembre 2019 pour les factures des 2ème et 3ème trimestres 2019 et du 15 janvier 2020 pour la facture du 4ème trimestre 2019, au titre des redevances impayées ;

—  20.000 € de dommages et intérêts au titre de l’utilisation indue de l’enseigne ;

Condamne M. [E] [F] à payer à la société Domidom les sommes précitées ;

Fixe ces mêmes sommes au bénéfice de la société Domidom au passif de la liquidation judiciaire de la société Everest Silver ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 7 décembre 2023, n° 22/00209